La protection juridique de la faune et de la flore en Côte d'Ivoirepar Serge Landry GBÉLÉ Université Méthodiste de Côte d'Ivoire - Master 2 recherche 2018 |
Paragraphe II : Les faiblesses institutionnellesLes faiblesses institutionnelles sont de plusieurs ordres. Mais dans le cadre de notre travail de recherche, nous mettrons l'accent sur celles qui ont une importance capitale à savoir : l'absence de motivation du personnel et le manque de coordination entre les institutions de mise en oeuvre (A), sans oublier les problèmes financiers et matériels auxquels elles sont confrontées (B). A- Absence de motivation du personnel, instabilité, et manque de coordination entre les institutions de protection Le système de motivation mis en place à travers la régie est jugé peu satisfaisant par les agents des eaux et forêts. Les primes distribuées sont relativement faibles. De même, l'absence de profil de carrière ne permet pas une saine émulation entre les agents. 83 ADON (Gnangui), Introduction au droit de l'environnement en Afrique : le Cas de la Côte d'Ivoire, Paris, L'Harmattan, 2009, p.165. 84 Voir l'article 3 de la loi n°2014-427 du 14 juillet 2014 portant nouveau Code forestier ivoirien. 61 Une des faiblesses majeures constatée concerne les instabilités et dysfonctionnements institutionnels. En effet, le cadre institutionnel paraît insuffisant. Il engendre souvent des conflits de compétence préjudiciables entre les différentes structures qui interviennent dans les trois secteurs (ministères, collectivités territoriales, organismes, etc.). Ces dernières ne semblent pas toujours coopérer et s'informer mutuellement des actions prises ou en cours. À cet égard, les fréquents changements des responsables à ce portefeuille ministériel accentuent l'instabilité institutionnelle dès lors que chaque nouveau ministre entrant en fonction prend des arrêtés de nomination dans le cadre de l'organisation de son ministère, fragilisant ainsi la stabilité institutionnelle85. La sauvegarde de la diversité biologique en Côte d'Ivoire repose sur l'implication de nombreuses institutions et sur la mise en oeuvre de plusieurs projets et programmes de conservation. Certaines ont cette mission comme vocation propre (DPN, OIPR, SODEFOR, FONDATION...). D'autres y contribuent indirectement ou substantiellement (institutions de recherche, institutions chargées des études d'impact, juridictions, organismes de planification, etc.). Cependant, la capacité de ces structures à s'acquitter de leur mandat reste une difficulté récurrente depuis au moins une décennie. Si le manque de moyens matériels est souvent cité pour expliquer certains dysfonctionnements des structures en charge de l'environnement, des forêts et de la faune, le manque de ressources humaines et le besoin en formation sont probablement les failles les plus importantes. De plus, ces institutions et organisations agissent très rarement en synergie alors qu'elles prétendent travailler pour la même cause, c'est-à-dire la conservation durable de la biodiversité86. Toutefois, les ONG nationales ne sont pas exclues de ces faiblesses institutionnelles qui pèsent sur les institutions publiques. Malgré la reconnaissance du rôle et de l'importance de la place des ONG en matière de protection de l'environnement, le plus souvent elles ne disposent pas de personnes assez qualifiées dans le domaine87. Outre les faiblesses précitées, il existe aussi celles qui sont relatives au manque de financement et de moyens matériels. 85 Ministère des Eaux et Forêts, Cadre institutionnel, législatif et réglementaire de la bonne gouvernance pour la gestion durable dans les secteurs de la forêt, de la faune et des ressources en eau , 2015, p.35. Disponible sur www.ministeredeseauxetforets.gouv.ci. Consulté le 13 août 2017. 86 Ministère des Eaux et Forêts, Gestion durable de la faune et des ressources cynégétiques en Côte d'Ivoire, 2015, p.44. Disponible sur www.ministeredeseauxetforets.gouv.ci. Consulté le 22 avril 2017. 87 ADON (Gnangui ), Introduction au droit de l'environnement en Afrique : le Cas de la Côte d'Ivoire, Paris, L'Harmattan, 2009, p.72. 62 B-Manque de financement et de moyens matérielsLe faible niveau de financement des activités des différents secteurs est dû en partie à l'absence de mécanisme de financement pérenne par secteur. Les ressources financières pourtant engrangées par le Fonds de Développement de la Nature ne permettent pas de satisfaire tous les besoins. En outre, force est de constater que les politiques forestières, fauniques et de gestion des ressources en eau ne paraissent pas suffisamment affirmées. La faiblesse des moyens matériels disponibles rend difficile la mise en oeuvre des différentes politiques fauniques et floristiques. A titre d'illustration, les moyens matériels du Ministère des Eaux et Forêts sont largement insuffisants par rapport aux missions assignées aux différents services, notamment s'agissant des moyens roulants, pour lesquels le Ministère des Eaux et Forêts se trouve en sous-équipement. En outre, les directions régionales des eaux et forêts ne disposent que d'un seul véhicule ou rien du tout pour accomplir leurs missions. De même, les activités de gestion et protection de la faune sont pénalisées par le faible niveau d'équipements des structures en moyens matériels et techniques88. La SODEFOR, le principal acteur public en charge de la gestion et du reboisement des forêts classées, possède des ressources financières limitées89. Par ailleurs, les ONG nationales qui oeuvrent pour la protection de l'environnement en l'occurrence celle de la faune et de la flore sont confrontées à de profondes difficultés. Il s'agit des problèmes de moyens aussi bien financiers que matériels contrairement aux ONG des pays développés qui sont beaucoup plus nanties. En effet, les ONG en Côte d'Ivoire ne perçoivent pas ou presque pas de subventions de l'Etat bien qu'aux termes de l'article 63 du Code de l'environnement, il est souligné que l'Etat « (...) peut donner son agrément aux associations de défense de l'environnement, leur allouer des subventions ». La cotisation des membres paraît trop maigre pour mener des activités efficaces. Parfois même, ces ONG n'ont pas de local ou leur siège non équipé est souvent chez l'initiateur de l'association. Les conditions de travail dans ce cas sont extrêmement difficiles. Il est alors difficile pour ces 88 Ministère des Eaux et Forêts, Cadre institutionnel, législatif et réglementaire de la bonne gouvernance pour la gestion durable dans les secteurs de la forêt, de la faune et des ressources en eau, 2015, pp.35-36. Disponible sur www.ministeredeseauxetforets.gouv.ci. Consulté le 13 août 2017. 89 Ministère des Eaux et Forêts, La cartographie des flux financiers alignés à la REDD+ en Côte d'Ivoire en 2015. 63 ONG de mener des actions efficaces en faveur de la protection l'environnement. La volonté ne peut hélas suffire, dans ces conditions90. En dehors de ces faiblesses d'ordre juridique et institutionnel, il y a aussi des faiblesses qui ne sont ni d'ordre juridique, ni d'ordre institutionnel qui entravent la protection de la faune et de la flore. |
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