La protection juridique de la faune et de la flore en Côte d'Ivoirepar Serge Landry GBÉLÉ Université Méthodiste de Côte d'Ivoire - Master 2 recherche 2018 |
CHAPITRE I :LES FAIBLESSES DANS LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION De nombreux textes assurent la protection juridique de la faune et de la flore en Côte d'Ivoire. De même, plusieurs institutions sont mises en place pour assurer la mise en oeuvre de ces textes juridiques. Malgré l'existence de ces textes juridiques de protection et ces institutions de mise en oeuvre, on constate qu'ils présentent indubitablement des lacunes et des insuffisances en un mot des faiblesses. Ces faiblesses peuvent être analysées sous deux angles, nous avons les faiblesses décelables au niveau du droit interne ivoirien, d'une part (Section I) et, les faiblesses décelables au niveau international, d'autre part (Section II). SECTION I : LES FAIBLESSES DECELABLES AU NIVEAUDU DROIT INTERNE IVOIRIEN Au niveau national, la protection juridique des espèces végétales et animales présente des faiblesses et insuffisances. Pour mieux comprendre ces différentes faiblesses et insuffisances décelables au niveau du droit interne ivoirien, nous verrons d'abord, les faiblesses et insuffisances d'ordre textuel (Paragraphe I), ensuite les faiblesses institutionnelles (Paragraphe II), et enfin les autres faiblesses (Paragraphe III). Paragraphe I : Les faiblesses et insuffisances d'ordre textuelLa protection de la nature notamment celle de la flore et de la faune sauvage, a très tôt été l'une des préoccupations environnementales de la Côte d'Ivoire dans les années 1960 par l'adoption de la loi n°65-255 du 04 août 1965 relative à la protection de la faune et à l'exercice de la chasse et la loi n°65- 425 du 20 décembre 1965 portant Code forestier qui a été abrogée et remplacée par la loi n°2014-427 du 14 juillet 2014 portant nouveau Code forestier de Côte d'Ivoire. En matière de protection de la faune et de la flore, la Côte d'Ivoire ne dispose pas encore d'une loi-cadre qui assure transversalement la protection des espèces animales et végétales. Cela constitue un véritable dilemme parce qu'avec l'abondance des lois qui assurent la protection de la faune et de la flore, la population est confuse, parfois elle a tendance à omettre certaines lois. La gestion des ressources naturelles et plus spécifiquement celle de la flore et de la faune sauvage est un véritable problème dont peu de pays au monde peuvent se targuer 57 d'avoir su gérer de manière rationnelle et optimum. La Côte d'Ivoire connait elle aussi des difficultés dans ce domaine72. Nous analyserons, d'une part, la protection insuffisante de la faune (A) et, d'autre part, les lacunes des règles de police dans les aires protégées (B). A-La protection insuffisante de la fauneLa loi relative à la protection de la chasse date de 1965. Elle n'a été modifiée qu' une seule fois en 1994 et ne prend pas en compte les Conventions internationales ratifiées depuis lors par la Côte d'Ivoire. Elle doit être harmonisée avec la loi du 11 février 2002 sur les parcs et réserves, ce qui ne facilite pas son appréhension par les personnes concernées73. Par ailleurs, la chasse est censée être fermée depuis 1974 en Côte d'Ivoire (arrêté n°003/SEPN/CAB du 20 février 1974). Depuis cette date, aucun acte réglementaire n'a été pris pour qu'elle soit de nouveau ouverte. Au demeurant, personne ne sait réellement si la chasse est autorisée ou non, parce que la chasse est belle et bien exercée en même tant que le braconnage qui persiste74. La définition légale de la faune prévue à l'article 1er de la loi n°65-255 du 04 août 1965 : « La faune est constituée par tous les animaux sauvages vivant en liberté dans leur milieu naturel, classés parmi les mammifères (à l'exception des rats, des souris et des chauves-souris) »75.Cette loi est source de confusion car elle n'intègre pas les autres espèces, classes et familles de faunes, en se limitant uniquement aux mammifères. Concernant l'exercice de la chasse, la loi n° 65-255 du 4 août 1965, relative à la protection de la faune et à l'exercice de la chasse, pose le principe de la détention obligatoire d'un permis de chasse. À cette règle, la loi prévoit trois exceptions pour lesquelles un permis de chasse n'est pas requis : - la chasse traditionnelle ; - les concessions de chasse dans les Zones d'Aménagement Faunique ; - la légitime défense76. 72 ADON (Gnangui), Introduction au droit de l'environnement en Afrique : le Cas de la Côte d'Ivoire, Paris, L'Harmattan, 2009, p. 97. 73 Ministère des Eaux et Forêts, Cadre institutionnel, législatif et réglementaire de la bonne gouvernance pour la gestion durable dans les secteurs de la forêt, de la faune et des ressources en eau, 2015, p.42. Disponible sur www.ministeredeseauxetforets.gouv.ci. Consulté le 13 août 2017. 74 Voir arrêté n°003/SEPN/CAB du 20 février 1974 portant fermeture de l'exercice de la chasse sur toute l'étendue du territoire national. 75 Voir l'article 1er de la loi n°65-255 du 04 août 1965 relative à la protection de la faune et à l'exercice de la chasse. 76 Ministère des Eaux et Forêts, Gestion durable de la faune et des ressources cynégétiques en Côte d'Ivoire, 2015, p.28. Disponible sur www.ministeredeseauxetforets.gouv.ci. Consulté le 22 avril 2017. 58 De plus le législateur soumet l'exercice de la chasse à l'obtention d'un permis qu'il ne définit pas malheureusement77. Aux termes de l'article 11 de la loi n°65-255 précitée, est qualifiée de chasse traditionnelle, la petite chasse pour animaux non protégés pratiquée suivant la tradition. C'est-à-dire avec des armes traditionnelles de fabrication locale à l'exclusion de toute arme à feu. La chasse traditionnelle est donc une chasse de subsistance qui ne peut alors nécessiter l'usage d'arme à feu à destruction massive par rapport à une arme traditionnelle suffisante pour se procurer un gibier pour satisfaire les besoins personnels et collectifs. La précision du type d'arme autorisé par le législateur qui a voulu éviter ainsi la destruction massive et trop rapide des animaux sauvages, n'a pas souvent été respecté d'autant plus que l'on a constaté une baisse drastique des populations animales sur le territoire national78. Les coutumes africaines sur lesquelles reposaient initialement le droit de chasser ont été reconnues par les premières législations cynégétiques. On estimait en effet qu'il n'était ni juste, ni possible de soumettre à la réglementation moderne de la chasse des populations vivant en marge du développement technique et pour lesquelles cette activité constituait une source d'alimentation indispensable. On s'est rendu compte par la suite que le maintien de la chasse traditionnelle dans une Afrique ouverte aux innovations n'allait pas sans poser des problèmes. Primo, les tribus les plus lointaines sont parvenues à se doter d'armes à feu et de matériaux modernes tels que l'acier ou les nylons pour confectionner des pièges qui n'ont plus rien de traditionnel. Secundo, il s'est créé, grâce au progrès des transports et voies de communication, des trafics de viandes de chasse alimentant les marchés des centres urbains. En d'autres termes sous le couvert de la chasse coutumière est né un double braconnage portant sur les méthodes de capture et sur la destination des produits de la chasse79. En outre, aux termes de l'article 12 de la loi précitée est considéré comme « chasseur traditionnel » quiconque, dans les limites de la sous-préfecture de son lieu de résidence, chasse pour son alimentation et de celle de sa famille dans les conditions prévues à l'article11. Par dérogation à l'article 8, le chasseur traditionnel est autorisé à chasser sans permis en respectant toutefois les périodes de fermeture de la chasse.80 Par conséquent, cet article pose 77 ADON (Gnangui), Introduction au droit de l'environnement en Afrique : le Cas de la Côte d'Ivoire, Paris, L'Harmattan, 2009, p.101. 78 Idem, p.99. 79 FAO, La législation sur la faune et les aires protégées en Afrique, Etude législative n°25, Rome, 1981, p.20. Disponible sur www.fao.org. Consulté le 7 septembre 2017. 80 Voir l'article 12 de la loi n°65-255 du 04 août 1965 relative à la protection de la faune et à l'exercice de la chasse. 59 un problème sérieux dans la mesure où certains individus mal intentionnés se mettent dans la peau de chasseur traditionnel pour commettre le braconnage. Par ailleurs, en ce qui concerne le titre IV de la loi relatif à la répression et à la constatation des délits, il y a certaines faiblesses qui rendent inefficaces cette loi. Ces faiblesses concernent d'une part le délai de prescription des délits de chasse et d'autre part les pénalités. L'article 31 stipule que « les délits de chasse se prescrivent par un an à partir du jour où ces délits ont été constatés », relativement le délai de prescription des délits de chasse est très court car l'individu peut commettre une infraction et se cacher pendant tout ce temps en attendant la prescription de son délit. De plus, les peines prévues aux articles 33,34 et 35 de la loi relative à la faune sont relativement faibles et non dissuasives81. Enfin, la législation sur la protection de la faune et l'exercice de la chasse n'est pas adaptée aux réalités sociétales actuelles, parce qu'elle présente d'énormes faiblesses. Par ailleurs, ces faiblesses juridiques ne se limitent pas seulement à la loi relative à la faune, mais elles concernent aussi les règles de police dans les aires protégées. |
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