2- Une condition permettant d'exclure la personne morale de
la commission de certaines infractions en son sein
24. Plusieurs infractions peuvent être commises par des
personnes rattachées à la personne morale. Mais toutes ne peuvent
pas lui être imputée. Dans ce sens il y a des infractions qui
n'engagerons pas la responsabilité pénale de l'être
collectif. En attribuant aux seuls organes et représentants de la
personne morale la possibilité de servir d'instrument de la
responsabilité pénale de la personne morale, le
législateur camerounais empêche ainsi à l'être
collectif de voir sa responsabilité mise en jeux par des personnes qui
ne caractérisent nullement son existence matérielle.
25. Partant de ce constat, la responsabilité
pénale de la personne morale est exclue lorsque l'infraction est commise
par toute personne n'ayant pas de pouvoir de direction ou d'orientation des
activités du groupement, comme ceux qui ne sont payés que pour
exécuter les ordres. Ainsi, les personnes ayant la qualité
d'employé, sont assimilées aux « mains » qui
s'occupent
110 PLANQUE (J.), op.cit., p. 261.
L'intérêt d'une telle exigence est « d'exclure
précisément le cas dans lequel la personne morale fait
plutôt figure de victime que de coupable », en raison d'une
contrainte sur elle. V., DELMAS-MARTY (M.), « Les conditions de fond de
mise en jeu de la responsabilité pénale », in Revue des
Sociétés, 1993, p. 306. GEEROMS (S.), op.cit., p
551. DESPORTES (F.) et LE GUNEHEC (F.), Droit pénal
général, op.cit. n° 606 et RASSAT (M.-L.), Droit
pénal général, Paris : Ellipses, 2006, n°422.
SAINT-PAU (J.-C), « La responsabilité des personnes morales :
réalité et fiction », op.cit. p. 98. REINALDET DOS
SANTOS (T-J.), Thèse, ibid. p75.
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uniquement de l'exécution des tâches «
purement matérielles »111 ne peuvent pas en
principe engager sa responsabilité pénale.112 Bien
plus, un simple membre d'une association ; un militant de partis politique,
d'une coopérative, un volontaire d'une ONG ne faisant pas parti du
bureau ou même une personne n'ayant aucun lien avec le groupement ne
saurait engager la responsabilité pénale de l'être
collectif.
Il faudrait également exclure certains actionnaires ou
associés qui bien qu'ayant participés au capital social n'ont ni
droit de vote, ni mandat statutaire, légal ou judiciaire d'incarner la
personne morale. Ceci se justifie par le fait que la participation au capital
social d'une société n'est pas forcément la mesure du
pouvoir que l'on y exerce113.
La lecture de l'alinéa (a) de l'article 74-1 du code
pénal de 2016 permet également d'en déduire une seconde
condition qui peut s'analyser comme une condition morale.
B- La condition morale de la responsabilité
pénale des personnes morales : une condition primordiale
26. L'alinéa (a) de l'article 74-1
exige qu'en dehors du fait que l'infraction soit commise par une personne qui
incarne l'être moral, il faut également qu'elle soit «
commise pour [son] compte ». Cette condition comme l'ont
déjà fait remarquer certains auteurs, était
déjà présente dans plusieurs lois pénales
spéciales114 telles que la loi sur la cybercriminalité
notamment en son article 64 alinéa 1115 ; la loi
n°2005/015 du 29 décembre 2005 relative à la lutte contre le
trafic et la traite des enfants en son article 7 116. Cette
condition nous parait primordiale au moins pour deux raisons. D'abord parce
qu'elle permet de rattacher l'infraction à l'existence même de la
personne morale (1) ensuite parce qu'elle permet d'établir la
volonté illicite de la personne morale (2).
111 ROBERT (J.-H.), Droit pénal
général, op.cit. p. 380. REINALDET DOS SANTOS
(T-J.) La responsabilité pénale à l'épreuve des
personnes morales : étude comparée Franco-brésilienne
ibid. p75.
112 Ibid., p.62.
113 KENMOGNE SIMO (A.) « La désolidarisation entre
participation au capital social et source du pouvoir en droit OHADA »,
op.cit., p.3.
114 NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit., p. 221 - 244.
115 « Les personnes morales sont pénalement
responsables des infractions commises pour leur compte, par leurs organes
dirigeants ».
116 « ... les personnes morales peuvent être
déclarées pénalement responsables (...) lorsque les
infractions auront été commises par (leurs) dirigeants, agissant
dans l'exercice de leurs fonctions ».
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