1- Une condition permettant de rattacher l'infraction
à l'existence même de la
personne morale
27. Les êtres collectifs sont
généralement créés dans un but précis et
pour des activités précises. Les sociétés
commerciales par exemples sont créées pour faire du profit qui
sera partagé entre ses différents associés ou
actionnaires, les partis politiques pour conquérir le pouvoir. En
exigeant comme condition de la responsabilité pénale des
personnes morales la commission d'une infraction pour leur compte, le
législateur laisse ainsi comprendre que l'infraction pour être
imputable à la personne morale doit être liée à
l'existence même de celle-ci.
28. À cet effet, compte tenu des différents
objectifs poursuivis par l'existence des groupements, l'infraction commise pour
le compte de la personne morale peut d'abord être
considérée comme celle qui apporte une plus-value qui peut
être pécuniaire ou non pécuniaire. Celle qui donne une
meilleure visibilité de l'entreprise ; ou toute infraction ayant une
conséquence positive pour le groupement117. De ce point de
vue, il parait pertinent d'analyser les notions d'intérêt social
ou intérêt du groupement, et celui de profit. L'infraction peut
également être commise pour le compte de la personne morale
lorsqu'elle rentre dans le domaine son domaine d'activité, de telle
sorte qu'elle découle de la réalisation de son objet social. De
cet autre point de vue, la notion d'objet social peut nous aider à
examiner les contours de « l'infraction commise pour le compte de la
personne morale ».
29. L'idée d'intérêt social ou
l'intérêt du groupement justifie aisément la
deuxième condition, surtout lorsqu'on sait que les groupements sont des
acteurs économiques importants. Une infraction commise par un organe ou
un représentant parait donc être la première étape
pour accabler la personne morale en tant qu'auteur matériel, si cette
infraction est en plus commise dans l'intérêt ou au profit de la
personne morale, elle ajoute un côté intellectuel118
rassemblant ainsi tous les ingrédients d'une responsabilité
pénale. À cette effet, l'infraction commise pour le compte de la
personne morale est celle qui sert l'intérêt sociale. Mais
qu'est-ce que l'intérêt social ? Deux approches principales sont
utilisées pour la définir, la première
117 Rien n'empêche qu'une infraction
n'entrainant pas de conséquences positives pour les groupements puisse
être commise pour le compte de la personne morale.
118 REINALDET DOS SANTOS (T-J.), La responsabilité
pénale à l'épreuve des personnes morales : étude
comparée Franco-brésilienne op.cit. p.146.
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est celle qui considère l'intérêt sociale
comme « le seul intérêt convergent des associés
» l'autre « celui de l'institution sociétaire
»119.
30. L'approche considérant l'intérêt
social comme intérêt commun des associés a pour fondement
les articles 1832 et 1833 du code civil. En effet, il ressort d'après
l'article 1832 du Code civil que « La société est un
contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque
chose en commun, en vue de partager le bénéfice qui pourra en
résulter » ; l'article 1833 in médium dispose que
« toute société (...) doit être contractée
pour l'intérêt commun des parties (...) » Cette approche
fait prévaloir le caractère contractuel du groupement. Il parait
clair pour les tenants de cette approche que la société ne peut
avoir d'autres buts que celui de satisfaire l'intérêt des
personnes qui l'ont créé ou de ceux qui participent à son
capital social ou à sa direction et à son fonctionnement et qui
« ont seule vocation à partager entre eux le
bénéfice »120 .
31. Pour la seconde approche, l'intérêt de
social ne saurait être limité à l'intérêt des
associés qu'elle transcende nécessairement. Dans ce sens
l'intérêt social est l'intérêt supérieur du
groupement de telle sorte « qu'il tendrait à assurer la
prospérité et la continuité de l'entreprise
»121 cette approche est soutenue en partie par le
législateur OHADA lorsqu'il censure les abus de
majorité122 et de minorité ou même
d'égalité123 qui se définissent par le fait
qu'un groupe d'actionnaires paralysent ou favorisent la prise de
décision dans leur seul intérêt, et au mépris de
l'intérêt de la société.
En absence de définition précise par le
législateur, les autorités de poursuite peuvent opter pour une
conception protéiforme à contenu variable de la notion
d'intérêt social. Dans ce sens,
119 CADET (I.), « L'intérêt social, concept
à risque pour une nouvelle forme de gouvernance », Laboratoire
Groupe INSEEC-ECE LYON n° 13- juillet-décembre 2012 p. 17.
120ROUSSEAU (S.) TCHOTOURIAN (I.) «
L'intérêt social » en droit des sociétés :
Regards transatlantiques cours polycopié. P.9.
121 PAILLUSSEAU (J.), « Les fondements du droit moderne
des sociétés », in J.C.P., éd. E., 1993,
n°14193, p.165, ROUSSEAU (S.) TCHOTOURIAN (I.), cours polycopié ;
ibid. p.9.
122 Article 130 de l'acte uniforme OHADA relatif au droit des
sociétés commerciales et groupements d'intérêts
économique « il y a abus de majorité lorsque les
associés majoritaires ont voté une décision dans leur seul
intérêt, contrairement aux intérêts des
associés minoritaires sans que cette décision ne puisse
être justifiée par l'intérêt de la
société ».
123 Article 13 « il y a abus de minorité ou
d'égalité lorsque, en exerçant leur vote, les
associés minoritaires ou égalitaires s'opposent à ce que
les décisions soient prises, alors qu'elles sont
nécessitées par l'intérêt de la
société et qu'ils ne peuvent justifier d'un intérêt
légitime ».
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ils pourraient retenir la notion d'intérêt social
soit dans le sens de l'intérêt commun des associés ou plus
largement l'intérêt de l'institution
sociétaire124.
32. l'infraction peut également être
considérée comme commise pour le compte de la personne morale
lorsque celle-ci entre dans le champ d'activité quotidien du groupement
mieux, dans le cadre de la réalisation de son objet social. Autrement
dit, l'être moral est créé pour un objectif
déterminé. Et pour accomplir cet objectif, il doit mener des
activités, décrites dans l'objet social et
délimitées par lui en vertu du principe de
spécialité de l'existence des personnes groupements moraux. Selon
cette vision, toutes les infractions commises dans le cadre de cet objet social
doivent être mises au passif de la personne morale.
33. Sauf qu'une partie de la doctrine a vite constaté
que la loi exige la licéité de l'objet social du groupement. Ce
qui exclut l'existence de groupement avec un objet social qui est contraire
à la loi, et donc aucune activité délictueuse ne pouvait
être menée dans le groupement en vertu du principe de
spécialité dicté par son objet social125. De ce
fait, « dès qu'une infraction serait commise par un organe ou
un représentant, on devrait enlever l'écran de la
personnalité morale afin d'engager la responsabilité des
personnes physiques car le groupement devrait demeurer pénalement
irresponsable »126.
À première vue, cette analyse peut paraitre
pertinente, sauf à préciser que l'être collectif n'a pas
besoin d'avoir pour objectif la réalisation d'un acte illicite pour
qu'une infraction soit commise pour son compte127 d'une part.
D'autre part, l'observation du phénomène criminel permet de
comprendre que certains groupements ne sont créés que pour
commettre des infractions128 de telle sorte que dans la
réalisation de son objet social le groupement peut effectuer des
activités réprimées par la loi pénale et qui de
surcroit lui profite. Dès lorsqu'il y a du profit, le groupement doit en
assumer les conséquences comme le pensait déjà
SALEILLES « je ne vois pas pourquoi, du point de vue
de l'équité, celui qui devait profiter du délit n'en
subirait pas la sanction ; et ici celui qui devait profiter au délit, ce
n'est pas l'agent qui l'a commis, c'était la collectivité pour
laquelle il le commettait (...) avant tout, la peine doit
124 ROUSSEAU (S) TCHOTOURIAN (I) « L'intérêt
social » en droit des sociétés : Regards transatlantiques
» ibid. p.9.
125 RONTCHEVSKY (N.), « La notion d'entité
personnifiée », in LPA, 11 décembre 1996, n°149,
p.9.
126 REINALDET DOS SANTOS (T-J.), Thèse, op.cit.
p.149.
127 Ibid. p.159 et 160.
128 Sociétés écrans par
exemples.
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atteindre le patrimoine qui devait profiter du
délit, c'est-à-dire celui de la personne juridique appelée
à en bénéficier »129.
Si la seconde condition de la responsabilité
pénale des personnes morales permet de la rattacher la commission d'une
infraction, comment met-elle en exergue la volonté groupement ?
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