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Les conséquences du principe général de responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.


par Ivan De NGUIMBOUS TJAT LIMBANG
Université de Yaoundé II-SOA - Master en droit privé 2020
  

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1- Une condition permettant de rattacher l'infraction à l'existence même de la

personne morale

27. Les êtres collectifs sont généralement créés dans un but précis et pour des activités précises. Les sociétés commerciales par exemples sont créées pour faire du profit qui sera partagé entre ses différents associés ou actionnaires, les partis politiques pour conquérir le pouvoir. En exigeant comme condition de la responsabilité pénale des personnes morales la commission d'une infraction pour leur compte, le législateur laisse ainsi comprendre que l'infraction pour être imputable à la personne morale doit être liée à l'existence même de celle-ci.

28. À cet effet, compte tenu des différents objectifs poursuivis par l'existence des groupements, l'infraction commise pour le compte de la personne morale peut d'abord être considérée comme celle qui apporte une plus-value qui peut être pécuniaire ou non pécuniaire. Celle qui donne une meilleure visibilité de l'entreprise ; ou toute infraction ayant une conséquence positive pour le groupement117. De ce point de vue, il parait pertinent d'analyser les notions d'intérêt social ou intérêt du groupement, et celui de profit. L'infraction peut également être commise pour le compte de la personne morale lorsqu'elle rentre dans le domaine son domaine d'activité, de telle sorte qu'elle découle de la réalisation de son objet social. De cet autre point de vue, la notion d'objet social peut nous aider à examiner les contours de « l'infraction commise pour le compte de la personne morale ».

29. L'idée d'intérêt social ou l'intérêt du groupement justifie aisément la deuxième condition, surtout lorsqu'on sait que les groupements sont des acteurs économiques importants. Une infraction commise par un organe ou un représentant parait donc être la première étape pour accabler la personne morale en tant qu'auteur matériel, si cette infraction est en plus commise dans l'intérêt ou au profit de la personne morale, elle ajoute un côté intellectuel118 rassemblant ainsi tous les ingrédients d'une responsabilité pénale. À cette effet, l'infraction commise pour le compte de la personne morale est celle qui sert l'intérêt sociale. Mais qu'est-ce que l'intérêt social ? Deux approches principales sont utilisées pour la définir, la première

117 Rien n'empêche qu'une infraction n'entrainant pas de conséquences positives pour les groupements puisse être commise pour le compte de la personne morale.

118 REINALDET DOS SANTOS (T-J.), La responsabilité pénale à l'épreuve des personnes morales : étude comparée Franco-brésilienne op.cit. p.146.

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est celle qui considère l'intérêt sociale comme « le seul intérêt convergent des associés » l'autre « celui de l'institution sociétaire »119.

30. L'approche considérant l'intérêt social comme intérêt commun des associés a pour fondement les articles 1832 et 1833 du code civil. En effet, il ressort d'après l'article 1832 du Code civil que « La société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun, en vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter » ; l'article 1833 in médium dispose que « toute société (...) doit être contractée pour l'intérêt commun des parties (...) » Cette approche fait prévaloir le caractère contractuel du groupement. Il parait clair pour les tenants de cette approche que la société ne peut avoir d'autres buts que celui de satisfaire l'intérêt des personnes qui l'ont créé ou de ceux qui participent à son capital social ou à sa direction et à son fonctionnement et qui « ont seule vocation à partager entre eux le bénéfice »120 .

31. Pour la seconde approche, l'intérêt de social ne saurait être limité à l'intérêt des associés qu'elle transcende nécessairement. Dans ce sens l'intérêt social est l'intérêt supérieur du groupement de telle sorte « qu'il tendrait à assurer la prospérité et la continuité de l'entreprise »121 cette approche est soutenue en partie par le législateur OHADA lorsqu'il censure les abus de majorité122 et de minorité ou même d'égalité123 qui se définissent par le fait qu'un groupe d'actionnaires paralysent ou favorisent la prise de décision dans leur seul intérêt, et au mépris de l'intérêt de la société.

En absence de définition précise par le législateur, les autorités de poursuite peuvent opter pour une conception protéiforme à contenu variable de la notion d'intérêt social. Dans ce sens,

119 CADET (I.), « L'intérêt social, concept à risque pour une nouvelle forme de gouvernance », Laboratoire Groupe INSEEC-ECE LYON n° 13- juillet-décembre 2012 p. 17.

120ROUSSEAU (S.) TCHOTOURIAN (I.) « L'intérêt social » en droit des sociétés : Regards transatlantiques cours polycopié. P.9.

121 PAILLUSSEAU (J.), « Les fondements du droit moderne des sociétés », in J.C.P., éd. E., 1993, n°14193, p.165, ROUSSEAU (S.) TCHOTOURIAN (I.), cours polycopié ; ibid. p.9.

122 Article 130 de l'acte uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et groupements d'intérêts économique « il y a abus de majorité lorsque les associés majoritaires ont voté une décision dans leur seul intérêt, contrairement aux intérêts des associés minoritaires sans que cette décision ne puisse être justifiée par l'intérêt de la société ».

123 Article 13 « il y a abus de minorité ou d'égalité lorsque, en exerçant leur vote, les associés minoritaires ou égalitaires s'opposent à ce que les décisions soient prises, alors qu'elles sont nécessitées par l'intérêt de la société et qu'ils ne peuvent justifier d'un intérêt légitime ».

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ils pourraient retenir la notion d'intérêt social soit dans le sens de l'intérêt commun des associés ou plus largement l'intérêt de l'institution sociétaire124.

32. l'infraction peut également être considérée comme commise pour le compte de la personne morale lorsque celle-ci entre dans le champ d'activité quotidien du groupement mieux, dans le cadre de la réalisation de son objet social. Autrement dit, l'être moral est créé pour un objectif déterminé. Et pour accomplir cet objectif, il doit mener des activités, décrites dans l'objet social et délimitées par lui en vertu du principe de spécialité de l'existence des personnes groupements moraux. Selon cette vision, toutes les infractions commises dans le cadre de cet objet social doivent être mises au passif de la personne morale.

33. Sauf qu'une partie de la doctrine a vite constaté que la loi exige la licéité de l'objet social du groupement. Ce qui exclut l'existence de groupement avec un objet social qui est contraire à la loi, et donc aucune activité délictueuse ne pouvait être menée dans le groupement en vertu du principe de spécialité dicté par son objet social125. De ce fait, « dès qu'une infraction serait commise par un organe ou un représentant, on devrait enlever l'écran de la personnalité morale afin d'engager la responsabilité des personnes physiques car le groupement devrait demeurer pénalement irresponsable »126.

À première vue, cette analyse peut paraitre pertinente, sauf à préciser que l'être collectif n'a pas besoin d'avoir pour objectif la réalisation d'un acte illicite pour qu'une infraction soit commise pour son compte127 d'une part. D'autre part, l'observation du phénomène criminel permet de comprendre que certains groupements ne sont créés que pour commettre des infractions128 de telle sorte que dans la réalisation de son objet social le groupement peut effectuer des activités réprimées par la loi pénale et qui de surcroit lui profite. Dès lorsqu'il y a du profit, le groupement doit en assumer les conséquences comme le pensait déjà SALEILLES « je ne vois pas pourquoi, du point de vue de l'équité, celui qui devait profiter du délit n'en subirait pas la sanction ; et ici celui qui devait profiter au délit, ce n'est pas l'agent qui l'a commis, c'était la collectivité pour laquelle il le commettait (...) avant tout, la peine doit

124 ROUSSEAU (S) TCHOTOURIAN (I) « L'intérêt social » en droit des sociétés : Regards transatlantiques » ibid. p.9.

125 RONTCHEVSKY (N.), « La notion d'entité personnifiée », in LPA, 11 décembre 1996, n°149, p.9.

126 REINALDET DOS SANTOS (T-J.), Thèse, op.cit. p.149.

127 Ibid. p.159 et 160.

128 Sociétés écrans par exemples.

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atteindre le patrimoine qui devait profiter du délit, c'est-à-dire celui de la personne juridique appelée à en bénéficier »129.

Si la seconde condition de la responsabilité pénale des personnes morales permet de la rattacher la commission d'une infraction, comment met-elle en exergue la volonté groupement ?

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus