2- La poursuite de la personne morale absorbante ou
détenant des actifs d'une société délinquante en
tant que complice
192. Le complice « est celui qui
provoque, de quelque manière que ce soit, la commission de l'infraction
ou donne des instructions pour la commettre ; celui qui aide ou facilite la
préparation ou la consommation de l'infraction »
448. La personne morale peut avoir
445 BOULANGER (A.), ibid. Gallois (A.), « La
responsabilité pénale de la société absorbante en
cas de fusion-absorption », Dr. sociétés 2010,
ét. 7, spéc. n° 20.
446 V. le règlement communautaire CEMAC n°01/031 du 4
avril 2003 portant prévention et répression du blanchiment des
capitaux et du financement du terrorisme en Afrique centrale.
447 V. KOLB (P.) LETURMY (L.), Cours de droit pénal
général, Issy-les-Moulineaux, Lextenso, 5e éd. 2020.
p. 225 « Par principe, la personne morale en cours de formation ne
répond pas pénalement des engagements passés en son nom.
Toutefois, au moment de la « reprise » de ces engagements, elle
pourrait très bien être poursuivie par exemple pour recel (la
reprise portant sur des biens volés) ou un peu plus largement pour des
infractions se réalisant pleinement après la reprise (remise de
la chose, résultat d'une escroquerie) voire pour des infractions
continues (puisqu'elles se renouvellent d'instant en instant). ».
448 Art. 97 CP camerounais.
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facilité la consommation de l'infraction par la
personne morale absorbée si celle-ci par ses organes ou
représentant a aidé le passage à l'acte par une promesse
de fusion, par la fourniture de moyen ou de structure sociétaire pour
l'aider à dissimuler une démarche
délictueuse.449
Pour être appliqué le magistrat doit se rassurer
que l'aide apportée soit bien antérieure à la commission
ou concomitante de l'infraction, ce qui distingue le recel de la
complicité. La jurisprudence a également un rôle à
jouer dans cette dynamique.
B- Les solutions pouvant être
dégagées par le juge
193. L'apport de la jurisprudence dans la
systématisation de la responsabilité pénale des personnes
morales n'est plus à démontrer, Elle y a même souvent
joué un rôle moteur.450 Dans les systèmes
étrangers, il se développe une théorie jurisprudentielle
de fraude à la loi pénale dans le cas des opérations de
restauration. Cette théorie mérite qu'on y accorde une importance
particulière (1) même si elle est difficilement applicable (2).
1- Le développement prétorien de la
théorie de la fraude à la loi pénale
194. La fraude à la loi est déjà
appliquée dans d'autres branches du droit451, et très
souvent sanctionnée soit par la nullité soit
d'inopposabilité. En droit international privée elle s'entend de
la manipulation d'un facteur de rattachement pour évincer une loi qui
avait normalement vocation à s'appliquer452.
Transposée en droit pénal, et dans le contexte de notre analyse,
la fraude à la loi pénale peut se matérialiser lorsque la
personne morale adopte un comportement qui a vocation à mettre en
échec les poursuites qui pourraient être engagées contre
elle453.
Le mécanisme renvoi donc à l'instrumentalisation
d'une opération de restructuration pour dans le but d'éluder les
poursuites. En France, le ministère public avait requis la
nullité de l'opération de restructuration dans une affaire dans
laquelle une société avait été dissoute sans
liquidation au profit d'une autre à peine cinq jours après son
renvoi devant le juge pénal. Le tribunal de commerce de Versailles avait
donné suite favorable par un jugement daté du 18
449 BOULANGER (A.), op.cit. pp. 497 et s.
450 En dans le système anglais, ce sont les juges qui
ont posé les jalons de l'abandon de ce qui était à
l'époque le principe de l'irresponsabilité pénale des
personnes morales d'abord pour les infractions d'omission puis ensuite pour
ceux de commission. Ensuite seulement le législateur est intervenu.
451 Il s'agit surtout du droit civil, du droit fiscal, et du
droit international privé.
452 KENFACK (P-E.), cours polycopié de de droit
international privé, dispensé en Master I, année
académique 2017-2018.
453 Pour plus de précision sur la possible fraude
à la loi pénale voir BOULANGER (A.), Restructurations
sociétaires et responsabilité pénale. op.cit. pp.
497 et s.
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mars 2015. Mais la Cour d'Appel infirma le
jugement454. Cette théorie semble néanmoins difficile
à admettre en droit pénal.
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