2- L'exploration des solutions découlant des
législations appliquant des mécanismes d'imputation
différents du droit interne
185. Il s'agit des législations
appliquant des mécanismes d'imputation directe de l'infraction à
la personne morale. Elles ne font pour la plupart même pas intervenir le
terme « organe » ou « représentant »
dans l'énoncé des conditions de mise en oeuvre de la
responsabilité pénale des personnes morales423, pour
certaines. Et pour d'autres fondent la responsabilité pénale des
groupements sur l'idée de faute diffuse424.
L'un des exemples les plus marquant est tiré du Code
pénal belge qui ne fait pas d'entrée de jeu allusion à
l'implication d'un organe ou d'un représentant. Son article 5 dispose
que « Toute personne morale est pénalement responsable des
infractions qui sont intrinsèquement liées à la
réalisation de son objet, ou à la défense de ses
intérêts ou de celles dont les faits concrets démontrent
qu'elles ont été commises pour son compte »425.
Le législateur belge a pourtant fait montre de prudence dans la
mesure où cette responsabilité directe n'est applicable
qu'à titre « subsidiaire »426. Elle ne
s'applique pas dans les cas où la personne physique auteur des actes
incriminés est identifiable. Dans ce cas l'imputation ne se fera pas de
façon directe, mais par identification427. En fonction du
degré de la faute commise par la personne physique, il y aura ou non
cumul de responsabilité428.
423 D'autres auteurs n'envisagent le caractère indirect
que sous cet angle, ainsi pour eux, lorsque la responsabilité
pénale du dirigeant n'est pas une condition de celle de la personne
morale, on est en présence d'une condition d'imputabilité
directe. Il nous semble néanmoins que l'imputation directe de
l'infraction à la personne morale est celle dans laquelle on n'envisage
même pas la notion d'organe ou de représentant.
424 SAINT-PAU (J-C), La responsabilité des personnes
morales : réalité et fiction, op.cit. p. 96.
425 Même si pour certains auteurs belges, l'article 5
fait implicitement allusion aux organes et aux représentant car selon
eux, seul ces derniers peuvent légitimement engager la
responsabilité pénale du groupement. Voir dans ce sens MASSET
(A), « Consécration du principe de la responsabilité
pénale des personnes morales en droit belge : le principe, les peines et
les particularités procédurales », La responsabilité
pénale de la personne morale - enjeux et avenir, L'Harmattan, 2015,
Comité international des pénalistes francophones.
1615. A. Jacobs, « La loi belge à l'aune de la
jurisprudence », La responsabilité pénale de la personne
morale - enjeux et avenir, op.cit., p. 113 et s.
426 BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et
responsabilité pénale, op.cit. p. 419- 415.
427 Voir TRICOT (J.) « Le droit pénal à
l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple
français » op.cit. 19 et s.
428 Art. 5 al. 2 du CP belge « Lorsque la
responsabilité de la personne morale est engagée exclusivement en
raison de l'intervention d'une personne physique identifiée, seule la
personne qui a commis la faute la plus grave est
114
186. Dans certaines législations
anglo-saxonnes, un mode d'imputation directe de l'infraction pour «
faute diffuse », c'est-à-dire une faute de la
structure429 est envisagé. Cette vision s'est
développée en droit Australien430, puis en droit
anglais431. Aussi qualifiée de « corporate culture
»432, elle se fonde sur « la politique de
l'entreprise en tant que volonté de la structure
»433. Elle ne concerne que la responsabilité
pénale des personnes morales434. Ce texte dispose que la
personne morale sera pénalement responsable lorsque la façon dont
ses activités sont organisées cause la mort d'une personne ou
découlent de la violation « grossière » d'une
obligation de sécurité ayant entrainé la
mort435.
Dans les deux cas suscités les législateurs
émettent des réserves à chaque fois, tout simplement parce
que les activités de l'entreprise sont nécessairement
organisées par les personnes physiques dirigeantes436. Au
fond, aucune des solutions envisagées par les différents
systèmes étrangers ne saurait être
considérées comme la panacée. Le législateur
camerounais, pour optimiser les mécanismes d'imputation de l'infraction
à la personne morale, pourra adopter un mécanisme hybride
admettant la faute diffuse lorsque l'identification de l'organe ou du
représentant est impossible à établir. Pour l'heure, et en
attendant une réaction du législateur, les organes de la
procédure pénale devront adopter une certaine attitude pour
palier eux même à certaines carences.
condamnée. Si la personne physique
identifiée a commis la faute sciemment et volontairement, elle peut
être condamnée en même temps que la personne morale
responsable ».
429 BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et
responsabilité pénale, ibid. p. 419 et s.
429 Ibid.
430 Article 12§3 du Code pénal australien aux
termes duquel l'infraction pourra être imputée à la
personne morale lorsque « il est prouvé que ... c) une culture
d'entreprise existant au sein de la personne morale a commandé,
encouragé, toléré ou conduit à la violation de la
réglementation... ; ou d) s'il est prouvé que la personne morale
a échoué dans la création ou le maintien d'une culture
d'entreprise qui exigeait la mise en conformité avec la
réglementation ».
431 BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et
responsabilité pénale, op.cit. pp. 497 et s.
432 Elle permet « L'imputation directe de
l'infraction à la personne morale en cas d'homicide involontaire ».
Propos emprunté à BOULANGER (A.) ibid., p. 419 et s. V.
également la Corporate Manslaughter and corporate homicide Act.
433 DESNOIX (E.), « Plaidoyer (français) pour la
consécration de l'infraction de corporate killing en Angleterre »,
Rev. pénit. 2007, n° 1, p. 131, spéc. p. 135.
434 « Et non celle des personnes physiques qui restent
responsables suivant les fondements de l'infraction de la common Law »
BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et responsabilité
pénale, Op.cit. p. 419 et s.
435 Article 1§1 du projet de loi sur la Corporate
Manslaughter and corporate homicide Act, traduit par J. Pradel, op.cit.,
spéc. p. 193, n° 127.
436 Article 1§1 du projet de loi sur la Corporate
Manslaughter and corporate homicide Act, traduit par J. Pradel, op. cit.,
spéc. p. 193, n° 127.
115
|