Les conséquences du principe général de responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.par Ivan De NGUIMBOUS TJAT LIMBANG Université de Yaoundé II-SOA - Master en droit privé 2020 |
2- L'apport des systèmes ayant réglé la question des restructurations sociétaires
404 Ibid. 405 ibid. 406 Le Foreing Corrupt Practice Act (FCPA) est une loi fédérale américaine de 1977 pour lutter contre la corruption d'agents publics à l'étranger. 407 Ibid. 408 TOLLET (N.), FINANCE (G.), « Évaluer et se protéger des risques de corruption en cas d'acquisition d'une entreprise industrielle », RLDA 2015, n° 103, p. 57, spéc. p. 58. 110 audits avant d'acquérir des actifs d'une société cible409. Il semble pour le moins difficilement applicable en droit camerounais, parce qu'en faisant peser le risque pénal sur des personnes morales n'ayant aucun lien avec l'infraction, elle pose non seulement la question d'une responsabilité pénale du fait d'autrui, en même temps qu'elle limite les opérations de reprise d'entreprise. Certains auteurs ont fait remarquer que la responsabilité du successeur ne devrait être engagée uniquement s'il a continué l'activité dans la société cessionnaire410. 180. En droit espagnol, la question du sort de la responsabilité pénale des personnes morales en cas de dissolution de celles-ci est réglée par le principe du transfert de responsabilité, lorsque qu'il peut être établi que la dissolution n'est qu'apparente411 de telle sorte qu'en droit ibérique « la transformation, fusion, absorption ou scission n'éteint pas la responsabilité pénale, sinon qu'elle se transmet à la nouvelle entité »412 si celle-ci (la société absorbante) « poursuit son activité économique, avec une activité substantielle de clients, de fournisseurs et d'employés »413. Selon cette vision, la société absorbée transférera sa responsabilité pénale à la société absorbante ou aux nouvelles sociétés ainsi créées si le caractère fictif de l'opération de restructuration peut être prouvée414. Il semble que la solution adoptée par le législateur ibérique pour régler la question de l'instrumentalisation des opérations de restructuration sociétaires mettant en échec la responsabilité pénale peut être adaptée au paysage camerounais. Mais le législateur, la doctrine et ou la jurisprudence devront faire un travail de fond pour établir les conditions qui permettrons de savoir s'il y a ou non continuité de la personnalité morale dans la nouvelle structure415. Le législateur camerounais, peut donc se servir des bases posées par son homologue espagnol pour dégager une solution exploitable par les institutions judiciaires, de telle sorte que la 409 BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et responsabilité pénale. Nouvelle édition [en ligne]. Op.cit. 410 BRAUMILLER (A), « How to buy a violation : successor liability under the FCPA », BRAUMILLER LAW GROUP, disponible à l'adresse suivante (en anglais) : www.lexology.com/library/detail.aspx?g=2fded3b4-0d95-4910883b-288e8dba1e1f. 411 BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et responsabilité pénale. Nouvelle édition [en ligne]. Op.cit. 412 Article 131 du code pénal traduit par M. ORTUBAY in « La responsabilité pénale des personnes morales en droit espagnol » Travaux de l'institut de sciences criminelles et de la justice de Bordeaux - La responsabilité pénale des personnes morales, étude comparée, n° 4 dir. scientifique SAINT PAU (J.C.), éd. Cujas, 2014, p. 175 et s. BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et responsabilité pénale, op.cit. p. 418 413 Article 131.2 du code pénal traduit par M. ORTUBAY in « La responsabilité pénale des personnes morales en droit espagnol » ibid. 414 BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et responsabilité pénale, op.cit., p. 418 et s. 415 Ibid. p. 418 et s. 111 transmissibilité soit l'exception et « le principe doit rester l'intransmissibilité de la responsabilité pour éviter toute atteinte à la présomption d'innocence »416.
B- La possibilité de revisiter le système d'imputation en place
416 Ibid. 417 Ibid. 418 NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais. Des lois spéciales vers un énoncé général ? » op.cit. p. 221- 244. 419 C'est le cas notamment du système français avec l'article 121-2 du CPP français, du système espagnole Article 31 bis 1. Alinéa 1er du Code pénal espagnol, traduit par Clinter, Ministerio de Justica - Secretaría General Técnica, 112 d'abord au sens strict, de l'utilisation du substratum humain qui commettra l'infraction pour la personne morale, de telle sorte que la responsabilité pénale de la personne morale serait établie dès lors que le juge acquiert la conviction que l'acte incriminé n'a pu être commis que par un organe ou un représentant. 184. Ensuite, le caractère indirect du système d'imputation dépendra, lato sensu de l'interprétation que la jurisprudence donne à ces conditions. Si elle impose d'abord la condamnation ou même l'identification du dirigeant ou du représentant en tant qu'auteur ou complice des actes incriminés comme préalable à la reconnaissance de culpabilité de la personne morale, il s'agira d'un système d'imputation indirect. La Cour de cassation française l'a d'ailleurs déjà consacré en ces termes « [Il] est nécessaire de caractériser les éléments constitutifs de l'infraction non à l'encontre de la personne morale, mais à l'encontre de l'un de ses organes ou représentants »420. Pourtant cette solution semble limitée, aussi bien la doctrine française que d'autres législations européennes proposent que les éléments constitutifs de l'infraction soient caractérisés chez la personne morale421. Même s'il est nécessaire que la personne morale se sert d'un être physique pour commettre l'infraction, celle-ci « possède une consistance propre, distincte de celle de ses membres, de nature à lui permettre de prendre des décisions autonomes et de poursuivre les objectifs qu'elle se fixe »422. Les mécanismes d'imputation de l'infraction à la personne morale proches de ceux choisis par le législateur camerounais, lui offre peu de marge de manoeuvre dans l'hypothèse d'un réaménagement. Mais du point de vue pratique, elle peut servir aux juges, qui pour interpréter l'énoncé de l'alinéa (a) de l'article 74-1, ne devront pas exiger l'identification de la personne physique, et rechercher la volonté cachée de la personne morale. Cela semble être une 2013. « Les personnes morales sont pénalement responsables des délits commis en leur nom ou pour leur compte, et à leur profit, par leurs représentants légaux et administrateurs de fait ou de droit » 420 Crim., 15 févr. 2011, n° 10-85.324, RTD com. 2011. 653, obs. B. Bouloc; Dr. pénal 2011. comm. n° 62, M. Veron, dans une affaire de blessures involontaires impliquant la SNCF. Le pourvoi rejeté par la Cour invoquait explicitement la théorie de la responsabilité par ricochet. Cette décision est intéressante parce qu'elle fait l'écho à une autre affaire d'homicide involontaire impliquant la SNCF : Crim., 18 janv. 2000, n° 99-80.318, Bull. crim. n° 28 ; cette Revue 2000. 816, obs. Bouloc (B.) ; RTD com. 2000. 737, obs. B. Bouloc ; D. 2000. 636, note J.-Saint-Pau (C.) : « La responsabilité pénale des personnes morales est-elle une responsabilité par ricochet ? ». À « partir d'une argumentation rigoureusement identique la position de la Chambre criminelle est diamétralement opposée ; peut-être faut-il relever que dans la première affaire, c'est un voyageur qui fut la victime, tandis que dans la seconde il s'agissait d'un salarié ? » Voir TRICOT (J.) « Le droit pénal à l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple français » op.cit. 421 C'est la solution donnée en droit espagnol et en droit belge. Lire à cet ibid. 422 JACOBS (A.), « La responsabilité pénale des personnes morales en droit belge », La responsabilité pénale des personnes morales ibid. p. 20 et s. 113 tâche ardue, raison pour laquelle l'on recherchera des solutions dans les législations ayant adoptés des mécanismes d'imputation différents du droit interne. |
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