WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les conséquences du principe général de responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.


par Ivan De NGUIMBOUS TJAT LIMBANG
Université de Yaoundé II-SOA - Master en droit privé 2020
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2- L'apport des systèmes ayant réglé la question des restructurations sociétaires

178. Lorsqu'on interroge le sort de la responsabilité pénale des personnes morales en cas de restructuration sociétaire sous le prisme du droit comparé, l'on est toute suite saisie par la créativité dont fait preuve certains législateurs. Deux visions assez proches cristallisent l'attention. Il s'agit du système de transmission partielle de responsabilité pénal applicable aux États-Unis et du système de transmission totale de responsabilité pénale applicable en Espagne.

179. Aux Etats-Unis, la société qui acquiert une partie des actifs d'une autre pourra voir sa responsabilité pénale engagée pour des violations au Foreign Corrupt Practices Act406 commises antérieurement à la cession par le cédant. Le mécanisme vise à mettre en jeu « la responsabilité du successeur (ou successor liability)407 au titre de laquelle le cessionnaire hérite des manquements de la société cible qu'il acquiert »408. Le dispositif est intéressant dans la mesure où il constitut un moyen dissuasif qui implique pour les repreneurs de procéder à des

404 Ibid.

405 ibid.

406 Le Foreing Corrupt Practice Act (FCPA) est une loi fédérale américaine de 1977 pour lutter contre la corruption d'agents publics à l'étranger.

407 Ibid.

408 TOLLET (N.), FINANCE (G.), « Évaluer et se protéger des risques de corruption en cas d'acquisition d'une entreprise industrielle », RLDA 2015, n° 103, p. 57, spéc. p. 58.

110

audits avant d'acquérir des actifs d'une société cible409. Il semble pour le moins difficilement applicable en droit camerounais, parce qu'en faisant peser le risque pénal sur des personnes morales n'ayant aucun lien avec l'infraction, elle pose non seulement la question d'une responsabilité pénale du fait d'autrui, en même temps qu'elle limite les opérations de reprise d'entreprise. Certains auteurs ont fait remarquer que la responsabilité du successeur ne devrait être engagée uniquement s'il a continué l'activité dans la société cessionnaire410.

180. En droit espagnol, la question du sort de la responsabilité pénale des personnes morales en cas de dissolution de celles-ci est réglée par le principe du transfert de responsabilité, lorsque qu'il peut être établi que la dissolution n'est qu'apparente411 de telle sorte qu'en droit ibérique « la transformation, fusion, absorption ou scission n'éteint pas la responsabilité pénale, sinon qu'elle se transmet à la nouvelle entité »412 si celle-ci (la société absorbante) « poursuit son activité économique, avec une activité substantielle de clients, de fournisseurs et d'employés »413. Selon cette vision, la société absorbée transférera sa responsabilité pénale à la société absorbante ou aux nouvelles sociétés ainsi créées si le caractère fictif de l'opération de restructuration peut être prouvée414.

Il semble que la solution adoptée par le législateur ibérique pour régler la question de l'instrumentalisation des opérations de restructuration sociétaires mettant en échec la responsabilité pénale peut être adaptée au paysage camerounais. Mais le législateur, la doctrine et ou la jurisprudence devront faire un travail de fond pour établir les conditions qui permettrons de savoir s'il y a ou non continuité de la personnalité morale dans la nouvelle structure415. Le législateur camerounais, peut donc se servir des bases posées par son homologue espagnol pour dégager une solution exploitable par les institutions judiciaires, de telle sorte que la

409 BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et responsabilité pénale. Nouvelle édition [en ligne]. Op.cit.

410 BRAUMILLER (A), « How to buy a violation : successor liability under the FCPA », BRAUMILLER LAW GROUP, disponible à l'adresse suivante (en anglais) :

www.lexology.com/library/detail.aspx?g=2fded3b4-0d95-4910883b-288e8dba1e1f.

411 BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et responsabilité pénale. Nouvelle édition [en ligne]. Op.cit.

412 Article 131 du code pénal traduit par M. ORTUBAY in « La responsabilité pénale des personnes morales en droit espagnol » Travaux de l'institut de sciences criminelles et de la justice de Bordeaux - La responsabilité pénale des personnes morales, étude comparée, n° 4 dir. scientifique SAINT PAU (J.C.), éd. Cujas, 2014, p. 175 et s. BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et responsabilité pénale, op.cit. p. 418

413 Article 131.2 du code pénal traduit par M. ORTUBAY in « La responsabilité pénale des personnes morales en droit espagnol » ibid.

414 BOULANGER (A.), Restructurations sociétaires et responsabilité pénale, op.cit., p. 418 et s.

415 Ibid. p. 418 et s.

111

transmissibilité soit l'exception et « le principe doit rester l'intransmissibilité de la responsabilité pour éviter toute atteinte à la présomption d'innocence »416.

181. Il apparait alors que pour prendre en compte de façon plus large les conséquences d'une admission de la responsabilité pénale des personnes morales, il est nécessaire de souvent faire prévaloir l'activité du groupement plutôt que son existence légale417. Cette première démarcation qui doit être faite par le législateur doit nécessairement s'accompagner d'une analyse plus poussée sur les mécanismes d'imputation proprement dits.

B- La possibilité de revisiter le système d'imputation en place

182. Si le système d'imputation actuel de l'infraction à la personne moral basé sur la personne physique a une certaine efficience, il n'en demeure pas moins qu'elle présente des faiblesses certaines qui ont déjà été relevés. Le choix du législateur de faire de la personne physique l'instrument de la responsabilité pénale des personnes morales418 rejaillit sur la punissabilité des infractions commises par les personnes physiques, et même celle des personnes morales. L'impossibilité de rattacher l'infraction à un organe ou même de présumer la commission l'infraction par un organe ou représentant, empêche la condamnation de cette dernière.

Face à ces problèmes, le législateur camerounais peut adopter une posture s'inspirant à la fois des systèmes d'imputations proches du sien (1), que ceux qui lui sont dissemblant (2).

1- L'exploration des solutions découlant des législations appliquant des mécanismes d'imputation proche du droit interne

183. Le point commun entre tous les systèmes qui appliquent ou qui ont appliqué le modèle d'imputation indirecte est qu'ils consacrent comme condition de la mise en oeuvre de la responsabilité des groupements la commission d'une infraction par un organe ou représentant pour le compte de la personne morale419. Le caractère indirect du modèle d'imputation dépend

416 Ibid.

417 Ibid.

418 NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais. Des lois spéciales vers un énoncé général ? » op.cit. p. 221- 244.

419 C'est le cas notamment du système français avec l'article 121-2 du CPP français, du système espagnole Article 31 bis 1. Alinéa 1er du Code pénal espagnol, traduit par Clinter, Ministerio de Justica - Secretaría General Técnica,

112

d'abord au sens strict, de l'utilisation du substratum humain qui commettra l'infraction pour la personne morale, de telle sorte que la responsabilité pénale de la personne morale serait établie dès lors que le juge acquiert la conviction que l'acte incriminé n'a pu être commis que par un organe ou un représentant.

184. Ensuite, le caractère indirect du système d'imputation dépendra, lato sensu de l'interprétation que la jurisprudence donne à ces conditions. Si elle impose d'abord la condamnation ou même l'identification du dirigeant ou du représentant en tant qu'auteur ou complice des actes incriminés comme préalable à la reconnaissance de culpabilité de la personne morale, il s'agira d'un système d'imputation indirect. La Cour de cassation française l'a d'ailleurs déjà consacré en ces termes « [Il] est nécessaire de caractériser les éléments constitutifs de l'infraction non à l'encontre de la personne morale, mais à l'encontre de l'un de ses organes ou représentants »420. Pourtant cette solution semble limitée, aussi bien la doctrine française que d'autres législations européennes proposent que les éléments constitutifs de l'infraction soient caractérisés chez la personne morale421. Même s'il est nécessaire que la personne morale se sert d'un être physique pour commettre l'infraction, celle-ci « possède une consistance propre, distincte de celle de ses membres, de nature à lui permettre de prendre des décisions autonomes et de poursuivre les objectifs qu'elle se fixe »422.

Les mécanismes d'imputation de l'infraction à la personne morale proches de ceux choisis par le législateur camerounais, lui offre peu de marge de manoeuvre dans l'hypothèse d'un réaménagement. Mais du point de vue pratique, elle peut servir aux juges, qui pour interpréter l'énoncé de l'alinéa (a) de l'article 74-1, ne devront pas exiger l'identification de la personne physique, et rechercher la volonté cachée de la personne morale. Cela semble être une

2013. « Les personnes morales sont pénalement responsables des délits commis en leur nom ou pour leur compte, et à leur profit, par leurs représentants légaux et administrateurs de fait ou de droit »

420 Crim., 15 févr. 2011, n° 10-85.324, RTD com. 2011. 653, obs. B. Bouloc; Dr. pénal 2011. comm. n° 62, M. Veron, dans une affaire de blessures involontaires impliquant la SNCF. Le pourvoi rejeté par la Cour invoquait explicitement la théorie de la responsabilité par ricochet. Cette décision est intéressante parce qu'elle fait l'écho à une autre affaire d'homicide involontaire impliquant la SNCF : Crim., 18 janv. 2000, n° 99-80.318, Bull. crim. n° 28 ; cette Revue 2000. 816, obs. Bouloc (B.) ; RTD com. 2000. 737, obs. B. Bouloc ; D. 2000. 636, note J.-Saint-Pau (C.) : « La responsabilité pénale des personnes morales est-elle une responsabilité par ricochet ? ». À « partir d'une argumentation rigoureusement identique la position de la Chambre criminelle est diamétralement opposée ; peut-être faut-il relever que dans la première affaire, c'est un voyageur qui fut la victime, tandis que dans la seconde il s'agissait d'un salarié ? » Voir TRICOT (J.) « Le droit pénal à l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple français » op.cit.

421 C'est la solution donnée en droit espagnol et en droit belge. Lire à cet ibid.

422 JACOBS (A.), « La responsabilité pénale des personnes morales en droit belge », La responsabilité pénale des personnes morales ibid. p. 20 et s.

113

tâche ardue, raison pour laquelle l'on recherchera des solutions dans les législations ayant adoptés des mécanismes d'imputation différents du droit interne.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand