PREMIÈRE PARTIE : LES CONSÉQUENCES
DU PRINCIPE GÉNÉRAL DE RESPONSABILITÉ PÉNALE
DES PERSONNES MORALES PRÉVUES PAR LE LÉGISLATEUR
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En droit pénal, la répression ne s'exerce que
contre des personnes pénalement responsables71, et ce dans
les conditions prévues par la loi, en vertu du principe de la
légalité criminelle. Cette exigence préalable est d'autant
plus complète lorsqu'elle est contenue dans le code pénal,
« coeur du droit pénal étatique et noyau dur d'une
politique criminelle plus large »72, de surcroit « source
du droit [pénal] la plus accessible »73. Dans ce
sens, la volonté du législateur de systématiser
l'institution d'une nouvelle responsabilité pénale des
groupements moraux en l'intégrant dans le Code pénal sous la
forme d'un énoncé général, a au moins donné
plus de visibilité et de contours à ce qui n'était jusque
que là un principe de spécialité74.
13. À cet effet, il a de fort belle manière su
tirer certaines conséquences d'une telle manoeuvre en décrivant
dans le principe général des éléments fondamentaux.
Ces éléments fondamentaux ont eu pour impact direct d'agir sur la
répression des groupements moraux, non seulement en revigorant
l'obligation pesant sur la personne morale de subir la répression
(chapitre 1), mais aussi en limitant la possibilité d'échapper
à cette répression (Chapitre 2).
71 Article 74 du code pénal camerounais
« aucune peine ne peut être prononcé qu'à
l'encontre d'une personne pénalement responsable ».
72 CARTUYVELS (Y.), « Eléments pour une
approche généalogique du code pénal »,
déviance et société, 1994 vol. 18, N°4, pp.
373-396.
73 NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit. pp. 221 à 244.
74 Le principe de spécialité est un
principe en vertu duquel, les personnes morales ne pouvaient être
pénalement responsables qu'en vertu des infractions
énoncées dans des dispositions spéciales.
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CHAPITRE I : UNE OBLIGATION DE SUBIR LA
RÉPRESSION REVIGORÉE.
14. D'un point de vue général, la
répression est l'action de réprimer75, de punir.
Mieux, c'est l'acte de sanctionner les infractions. Pris dans ce sens, la
répression se confond avec l'un des principaux moyens
généralement mobilisés pour lui assurer son
effectivité : la sanction. Analysée du point de vue de son
objectif, la répression c'est tout à la fois punir, purger,
protéger, prévenir76. « L'action [de
réprimer] est exercée sur autrui »77 qui est
considéré comme le sujet passif de la répression.
Affirmer que la personne morale a une obligation de subir la
répression78 revient d'abord à constater qu'elle peut
par des moyens de coercitions, être contrainte, à exécuter
la sanction prononcée contre elle. Ensuite, il apparait que
l'infraction, qui est une action ou omission violant une norme de conduite
strictement définie par un texte d'incrimination entraînant la
responsabilité pénale de son auteur79, cause
également un tort à la société. C'est ce tort qui
doit être réparé par le groupement, qui fonde l'obligation
de subir la répression, et le cas échéant de subir une
sanction qui aura une fonction rétributive,
préventive80, punitive, ou d'expiation. La répression
suppose donc d'abord qu'une infraction commise ou du moins tentée puisse
être imputée à une personne. Elle suppose ensuite du point
de vue dynamique de mettre en cause l'agent afin de déterminer s'il est
apte à être soumis à un « jugement de reproche
»81.
15. Il apparait donc que positivement, la présence de
certains facteurs donne toute sa vigueur à l'obligation de subir la
répression. Mais négativement, leur absence peut entrainer sa
dilution. C'est ainsi que dans la répression de la délinquance
des groupements moraux, l'absence souvent constatée des conditions de
mise en oeuvre de la responsabilité des êtres
75 Définition proposée par le Centre
National de Ressources Textuelles et Lexicales.
76 Définition proposée sur le site
Fr.jurispedia.org/index.php/droit_p%C3%A9nal.
77 Ibid.
78 « La responsabilité pénale des
personnes morales n'est rien d'autre que l'obligation juridique qui pèse
sur une personne morale de répondre de ses actes délictueux en
subissant une sanction pénale dans les conditions et formes prescrites
par la loi ». NTONO TSIM (G.), La responsabilité pénale
des personnes morales en droit camerounais : esquisse d'une théorie
générale, op.cit. p. 7.
79 Lexique des termes juridique, ibid.
p.468.
80 V. DESPORTES (F.) et LE GUNEHEC (F.), Droit
pénal général, Droit pénal
général, Paris : Économica, 2009. p.391 et s ; PRADEL
(J.), Droit pénal général, Paris, 15e éd.,
Cujas, 2004, p.367 et s.
81 REINALDET DOS SANTOS (T. J.), La
responsabilité pénale à l'épreuve des personnes
morales : étude comparée Franco-brésilienne op.cit.
p.45.
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collectifs ne participaient pas au rayonnement de l'obligation
qui était faite aux groupements contrevenants auxdites lois de subir la
répression. Il s'agit par exemple de la loi n°99/015 du 22
décembre 1999 portant organisation des marchés financiers et la
loi n°94/01 du 10 janvier 1994 portant régime des forêts, de
la faune et de la pêche qui se contentaient simplement d'indiquer que les
personnes morales sont pénalement responsables sans autres
précisions82. Cette absence de conditions de mise en oeuvre
de la responsabilité pénale des groupements et même parfois
de sanctions spécifiques faisait apparaitre l'incapacité du
législateur à concilier non seulement la nature matérielle
de l'infraction, mais aussi les exigences psychologiques de l'imputation avec
le caractère désincarné desdits
groupements83.
L'obligation de subir la conséquence pénale qui
pesait sur les personnes morales contrevenantes auxdites loi semblait donc
diluée en absence de règle concrètes encadrant la mise en
oeuvre de leur responsabilité. Le législateur en consacrant le
principe général de responsabilité pénale des
personnes morales a réussi à donner plus de vigueur à
l'obligation de subir la répression. Cette vigueur découle de la
précision des conditions de la responsabilité pénale des
personnes morales (Section1) ; et parce que la finalité de toute
répression est de punir les personnes reconnus pénalement
responsables, l'amélioration du régime de la sanction
pénale applicables aux personnes morales est venue renforcer cette
obligation (Section 2).
Section 1 : Une vigueur découlant de la
précision des conditions de la responsabilité pénale
des personnes morales
16. L'article 74-1 du Code pénal
camerounais intitulé « Les personnes morales pénalement
responsables » a choisi d'harmoniser tous les éléments
relatifs à la responsabilité pénale des personnes morales,
et ce en commençant d'abord par les conditions d'une telle
responsabilité. À cet effet, le législateur avait le choix
entre plusieurs théories développées par la doctrine comme
la théorie de l'identification, la théorie des organisations, la
théorie de la responsabilité par ricochet84.
Au-delà de ces théories, l'analyse du contenu de l'alinéa
(a) de l'article 74-1 du Code pénal camerounais de 2016 décrivant
le mécanisme d'imputation de
82 NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit. p. 221 - 244.
83REINALDET DOS SANTOS (T. J.), La
responsabilité pénale à l'épreuve des personnes
morales : étude comparée Franco-brésilienne op.cit.
p.45.
84 NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
générale ? », ibid.
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l'infraction à la personne morale laisse transparaitre
une certaine cohérence (§1) et celle de
l'application des conditions de responsabilité pénale des
personnes morales lui donne une certaine effectivité
(§2).
§1 : La cohérence dans le contenu des
conditions de responsabilité pénale des personnes
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