CONCLUSION CHAPITRE III
158. Le législateur camerounais dans la construction
d'un nouveau responsable largement s'est déployé à
définir les conditions substantielles nécessaires pour
l'entrée des personnes morales dans l'arène de la
répression. Ce faisant il a complétement ignoré les
conséquences formelles qu'une telle démarche entraine.
Ainsi, admettre la responsabilité pénale des
personnes morales sous forme d'énoncé général
nécessitait de prévoir des modalités poursuites
spécifiques à des êtres désincarnés qui de
surcroit peuvent se métamorphoser. Il n'en n'est rien, de telle sorte
que seule une adaptation des règles prévues pour la personne
physique est envisageable à l'heure actuelle. Dans certains cas
l'adaptation est possible, dans d'autres elle est à exclure. Mais au
fond, la majorité des règles adaptées n'ont qu'une
efficience relative, dans la mesure où les dispositions coercitives qui
les accompagne ne sauraient être appliquées à la personne
morale.
159. La forte assimilation de la personne morale à la
personne physique permet dans un certain sens de parvenir à une sorte
d'égalité de tous devant la justice. Mais elle apparait
limitée, car elle prend moins en compte l'équité. Tandis
que dans certaines situations, le sort réservé à la
personne physique semblerait meilleur, dans d'autres situations, la personne
morale paraitrait favorisée. Le droit pénal camerounais, tel
qu'il est conçu semble mal armé face à la
délinquance des groupements et nécessite de se pencher les
différentes failles d'ordre substantielles qui se répercute sur
le plan formel ou celles qui sont formelles de nature. Comment donc y parvenir
?
99
CHAPITRE IV : LA NÉCESSAIRE PRISE EN COMPTE
DES
CONSÉQUENCES IGNORÉES PAR LE
LÉGISLATEUR
160. La question de la responsabilité
pénale des personnes morales n'est pas propre au droit camerounais. Elle
s'est posée avec autant d'emphase si n'est même plus qu'en droit
interne dans la quasi-totalité des droits étrangers. Mais si la
question de la responsabilité pénale des personnes morales semble
universelle370, les difficultés liées à la
prise en compte des conséquences qu'elle induit semblent tout aussi
l'être. En fonction des réponses apportées par les
systèmes pénaux étrangers, il est possible d'envisager des
pistes d'amélioration sur le plan interne. Même si certaines
solutions semblent venir de l'intérieur à l'observation du
travail jurisprudentiel et doctrinal qui est fait371.
Si au regard des précédents
développements, l'urgence d'une prise en compte de toutes les
implications du principe général de responsabilité
pénale des personnes morales se précise, celle-ci doit
nécessairement se faire par une vision à la fois cohérente
et globale de la politique criminelle. Même si aucune proposition
dégagée par la doctrine et même par les droits
étrangers ne semble avoir permis de saisir de façon indiscutables
toutes les conséquences de l'admission de la personne morale dans le
champ répressif, il parait clair que certains principes doivent
être écartés même s'ils méritent d'être
rappelés, là ou d'autres pourront être retenus.
Au demeurant, seule l'intervention du législateur
supplée par la jurisprudence et les institutions de poursuite pourra
armer le droit pénal face à la délinquance des
groupements. Il apparait alors en vertu du principe de la
légalité criminelle que l'intervention du premier conditionne
celle des autres. De ce fait, en se basant sur les acquis des
conséquences prévues par le législateur, et ce qu'il y a
à acquérir dans les conséquences ignorées, il
apparait que la répression de la délinquance peut être
boostée. Nous attendons plus du législateur qui doit adopter une
certaine posture (Section 1) et le cas échéant nous
espérons des organes de la procédure pénale une certaine
attitude (Section 2).
370 Sur l'universalité du problème de la
responsabilité pénale des personnes morales lire BOULANGER (A.),
Restructurations sociétaires et responsabilité pénale.
Nouvelle édition [en ligne]. op.cit. p. 419. Plusieurs
études de droit comparé ont également été
menée dans ce sens, V. à cet effet GEEROMS (S.), « La
responsabilité pénale de la personne morale : une étude
comparative » in RIDC 1996, p. 533 et s. LEGEAIS (R.), « Les
réponses du droit anglais et du droit allemand aux problèmes de
la responsabilité pénale des personnes morales », in
Rev. sociétés 1993, p. 371.
371 V. Jugement ADD/COR du 12 octobre 2010 rendu par le TPI
d'Ebolowa.
100
Section 1 : La posture attendue du
législateur
161. La prise en compte des conséquences du principe
général de responsabilité pénale des personnes
morales suit de façon globale le même cheminement dans la plupart
des systèmes pénaux. En effet, c'est à coup de
réajustement que les différentes législations s'adaptent
peu à peu aux implications d'une responsabilité pénale des
personnes dépourvues d'existence matérielle. Ces
réajustements portent principalement sur deux pans : le système
d'imputation et la procédure applicable aux personnes morales. La
question de la sanction semble avoir été entièrement
réglée.
162. Certains ont fait le choix de l'anticipation en
procédant en même temps à des modifications substantielles
et procédurales372. D'autres ont réagi aux
nécessités qui s'imposaient.373 Bien plus les juges
camerounais ont déjà envisagé la représentation de
la personne morale devant la justice pénale et la doctrine a
apporté des solutions concernant les modalités d'imputation.
Ainsi, quels éléments pourraient être tirés des
droits étrangers pour une meilleure prise en compte des implications de
la responsabilité pénale des personnes morales374 ? Il
semble que les pistes pouvant améliorer la prise en compte des
conséquences du principe général de responsabilité
pénale des personnes morales en droit camerounais ont trait tout d'abord
à l'élaboration de règles particulières de
procédure applicables aux personnes morales (§-1)
mais également à la recherche des solutions d'un système
d'imputation (§- 2).
372 C'est le cas du législateur français qui en
prenant compte de l'instauration de la responsabilité pénale des
personnes morales dans le code pénal et aux adaptations
nécessités par celle-ci a créé dans le livre IV du
code de procédure pénale un titre XVIII consacré aux
règles particulières de procédure applicables aux
personnes morales comprenant les articles 706-41 à 706-46. Par la suite,
les dispositions des articles 550 et suivants sur les citations et les
significations ont fait l'objet d'adaptation pour être appliquées
aux personnes morales. Robert (J -H.), « La représentation devant
les juridictions pénales des personnes morales ou le syndrome de Pyrrhon
», in Apprendre à douter. Questions de droit, questions sur le
droit. Etudes offertes à Claude LOMBOIS, PULIM, 2004, pp.
539548.
373 C'est le cas du législateur anglais qui est
intervenu pour reconnaitre la responsabilité pénale des personnes
morales dans « l'interpretation Act » 1889 par le biais d'une
disposition générale, pour ensuite introduire plus tard quelques
« statutes » relatifs à la procédure à suivre,
ainsi que de nouvelles infractions (the criminal Justice Act 1991. s.25 ; The
financial services Act 1986 ; the companies Act 1985-89). Lire à cet
effet NTONO TSIMI (G.), « Le devenir de la responsabilité
pénale des personnes morales en droit camerounais. Des dispositions
spéciales vers un énoncé général ? »,
op.cit. pp. 221 et s.
374 D'autres auteurs se sont déjà
intéressés sur l'apport du droit étranger sur le
perfectionnement du régime juridique de la responsabilité
pénale des personnes morales sur leur droit interne. Voir dans ce sens
BOULANGER, (A). Restructurations sociétaires et responsabilité
pénale, op.cit. p. 420.
101
§- 1 La prise en compte à traves
l'élaboration de règles particulières de
procédures applicables à la personne morale
163. Le législateur camerounais devrait adopter une
posture claire sur les règles de procédure en matière de
poursuite des personnes morales et ne plus laisser le champ à une
adaptation parfois infructueuse des règles édictées pour
les personnes physiques. C'est ainsi que dans une affaire relative au
contentieux des accidents de la circulation, le juge après avoir
condamné la personne morale solidairement responsable aux
dépends, a décerné un mandat d'arrêt contre la
personne morale375 et en totale violation de l'article 569 du code
de procédure pénale376.
Pour prendre en compte l'une des conséquences du
principe général de responsabilité pénale des
personnes morales, qui est l'expansion de la possibilité de poursuivre
la personne morale, pour éviter que ces violations ne se reproduisent,
le législateur doit prendre de mesures procédurales claires et
précises. Ainsi, il pourrait s'inspirer des différents
modèles instaurés par les droits étrangers, qui
malgré leurs divergences visent soit la représentation de la
personne morale (A) et aussi l'exercice de l'action publique contre la personne
morale (B).
A- L'élaboration des règles
particulières concernant la représentation de la
|