2- L'incompatibilité entre la nature de la personne
morale et les causes subjectives d'irresponsabilité
145. Les causes subjectives contrairement aux causes
objectives ne sont pas liées à l'infraction mais à la
personne, à ses aptitudes. Elles sont encore appelées causes de
non imputabilité. L'existence d'une cause de non imputabilité va
faire obstacle à ce que « l'ordre juridique adresse un jugement
de reproche à l'encontre de l'agent qui a accompli un acte illicite
»339 pour des raisons telles que le défaut
d'intelligence340 ou de volonté341. La coloration
illégale de l'action ou de l'omission demeure mais ne sera pas
blâmée.
L'une des questions qui se pose est celle de savoir si un
être immatériel peut soulever au cours de l'instance une cause de
non imputabilité destinée aux personnes physiques ? La
réponse semble à priori négative. D'abord, si l'on se
fonde sur le mécanisme d'imputation morale de l'infraction à la
personne morale, celle-ci doit être commise pour son compte, ce qui fait
plus ressortir l'idée de profit, d'intérêt. Alors que
l'imputation morale chez les personnes physiques repose sur l'intelligence et
la volonté342. Pourtant, une partie de la doctrine milite
pour l'admission des causes de non imputabilité à la faveur de la
personne morale. L'argument se fonde sur l'égalité de tous devant
la justice.
146. Certains auteurs ont fait observer qu'une infraction
commise suite à une décision du conseil d'administration d'une
personne morale prise sous la base d'information erronée fourni par une
autorité administrative pourrait constituer une erreur de
droit343. D'autres ont soulevé l'hypothèse dans
laquelle une société mère impose une décision
à une filiale, laquelle décision aboutira à la
consommation d'une infraction qui profitera à toutes les
sociétés du groupe. Mais, parce que la filiale a une existence
propre seule sa responsabilité pénale sera retenue, la
société mère a ainsi l'occasion de faire supporter
à la seule filiale la conséquence pénale344.
Pour contrer cette situation, qui est « une aubaine pour la
société mère ainsi épargnée d'avoir à
supporter, à l'échelle du groupe les conséquences
patrimoniales ou
339 REINALDET DOS SANTOS (T-J), La responsabilité
pénale à l'épreuve des personnes morales : étude
comparée franco-brésilienne, op.cit. p. 421.
340340 Dans ces causes on regroupe la disparition de la
capacité de compréhension soit par le fait de la démence
(78(1)) CP camerounais, soit par l'intoxication involontaire (art 79) CP
camerounais. Mais aussi la minorité (art. 80) C.P camerounais.
341 Dans ces causes on regroupe la contrainte (art 77) CP
camerounais.
342 REINALDET DOS SANTOS (T-J), La responsabilité
pénale à l'épreuve des personnes morales, op.cit.
p. 423
343 ibid. p. 423.
344 BOULANGER (A.), Restructurations
sociétaires et responsabilité pénale, op.cit. pp 497
et s.
91
organisationnelles d'une amende ou d'une sanction
spécialement prévue »345, la doctrine
propose que la contrainte346 soit reconnue comme cause de non
imputabilité à la faveur de la société filiale. Et
parce que les causes de non imputabilité ne se communiquent pas, rien
n'empêche de poursuivre les personnes physiques auteurs des actes
incriminés, la société mère quant à elle
peut être poursuivie en tant qu'auteur moral.
Il reste donc que par rapport aux personnes physiques, les
personnes morales ne peuvent pas invoquer des causes subjectives
d'irresponsabilité, et ne peuvent pas se prévaloir de l'admission
d'une cause de non imputabilité à l'égard de l'organe ou
du représentant, parce que contrairement aux faits justificatifs qui se
communiquent, ceux-ci agissent in personam, donc uniquement à
l'égard de la personne au bénéfice de laquelle elle est
reconnue.
Il apparait donc que les moyens de défense
conventionnels de la personne morale sont limités, le droit pénal
ne lui accorde pas suffisamment de marge de manoeuvre en la matière et
elle semble défavorisée. Son caractère immatériel
semble être donc la paralyser dans un sens, mais présente des
avantages dans un autre.
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