1- La contestation en cas de convergence
d'intérêts entre la personne morale et la personne physique organe
ou représentant
139. Les intérêts de la personne
morale peuvent converger avec ceux des personnes physiques organes ou
représentants lorsque seule la responsabilité du groupement est
engagée. Ce cas existe soit parce que le procureur aura fait le choix de
poursuivre uniquement l'être collectif, soit lorsque que l'organe ou le
représentant n'a pas pu être identifié. Ainsi, la personne
morale contestera chaque élément présenté par
l'accusation ayant pour but d'établir que l'infraction a bel et bien
été commise par un organe ou le représentant de la
personne morale.
La personne morale pourra aussi, par le biais de son
défenseur, contester la qualité d'organe ou de
représentant de la personne physique auteur des actes incriminés
lorsque cette personne n'est qu'un employé, ou un préposé
ne bénéficiant d'aucune délégation de pouvoir. La
contestation ne portera pas sur les mêmes éléments si les
intérêts sont divergents.
2- La contestation en cas de divergence
d'intérêts entre la personne morale et la personne physique organe
ou représentant
140. Il y a divergence d'intérêts lorsque la
personne physique est mise en cause cumulativement avec la personne morale pour
les mêmes faits. Pour se dédouaner, la personne morale contestera
les éléments tendant à démontrer que l'organe ou le
représentant a agi es qualité pour son compte. Il s'agira alors
de rejeter toute la faute sur la personne physique car elle aura agi dans son
propre intérêt au mépris des intérêts du
groupement. Dans ce cas la personne morale sera la victime.
141. Comme moyen de défense, elle peut aussi
évoquer des dissonances dans la procédure sur le fondement de
l'article 3 alinéa 1 du code procédure pénal327
; mais aussi invoquer les différentes nullités, et les autres
causes d'extinction de l'action publique énoncés à
l'article 59 du code de procédure pénale camerounais. Pour ce qui
est des causes
327 Article 3 CPP « (1) La violation d'une
règle de procédure pénale est sanctionnée par la
nullité absolue lorsqu'elle :
a) Préjudicie aux droits de la défense
définis par les dispositions légales en vigueur ;
b) Porte atteinte à un principe d'ordre
public.
(2) La nullité prévue au paragraphe 1 du
présent article ne peut être couverte. »
Elle peut être invoquée à toute phase
de la procédure par les parties, et doit l'être d'office par la
juridiction de jugement ».
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d'irresponsabilité et circonstances atténuantes,
elles semblent moins adaptées à la personne morale.
B- Les causes exclusives de responsabilité
comme moyen de défense fermé aux personnes morales
142. Les causes d'irresponsabilité pénale, sont
des facteurs qui excluent la responsabilité pénale. Le
législateur les regroupe dans les causes qui suppriment ou
atténuent la responsabilité pénale.328 Certains
de ces facteurs neutralisent le préalable légal de l'infraction
en retirant à celui-ci son caractère délictueux, il s'agit
des faits justificatifs (1). D'autres jouent sur la volonté, il s'agit
des causes de non imputabilité (2). Il semble impossible pour la
personne morale de faire jouer une cause d'irresponsabilité pour se
dédouaner.
1- L'incompatibilité entre la nature de la
personne morale et les causes objectives d'irresponsabilité
143. Les causes objectives d'irresponsabilité sont
celles qui ne sont pas liées aux personnes, mais à l'infraction.
En effet, il existe des causes qui viennent retirer le caractère injuste
de l'action ou de l'omission incriminé, en supprimant le
préalable légal. Il peut s'agir de causes postérieures
à l'infraction comme l'abrogation de la loi. Mais le plus souvent le
préalable légal va disparaitre du fait d'éléments
contemporains à l'infraction c'est notamment le cas des faits
justificatifs329.
Ainsi, le fait justificatif est une circonstance
matérielle qui vient faire obstacle à la qualification de
l'infraction330. Il s'agit soit d'une
obéissance331 soit une permission ou une
tolérance332. À côté de ces faits
justificatifs généraux il existe des faits justificatifs
spéciaux333. Généraux ou spéciaux, les
faits justificatifs jouent pour tous les auteurs, co-auteurs, complices
328 Chapitre II du titre III du code pénal camerounais.
329 MINKOA SHE (A.), Cours polycopié de droit pénal
général, dispensé en L2, année académique
2015-2016.
330 REINALDET DOS SANTOS (T-J), La responsabilité
pénale à l'épreuve des personnes morales : étude
comparée franco-brésilienne, op.cit. p. 293.
331 Dans cette catégorie on distingue
l'obéissance à la loi (article 76) de la loi n°2016/007 du
12 juillet 2016 portant code pénal, le commandement de l'autorité
légitime (article 83).
332 Dans cette catégorie l'on range la légitime
défense (Article 81(1)), l'état de nécessité
(article 86) et le consentement de la victime.
333 Les faits justificatifs spéciaux sont liés
à des domaines précis, en matière de sport par exemple
dans un combat de boxe, le boxeur ayant respecté les règles du
combat, ne pourra pas être poursuivi pour coup et blessure, en
matière de diffamation, l'exceptio véritatis constitue un fait
justificatif.
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et même receleurs, à toutes les phases de la
procédure. Il n'est pas nécessaire pour qu'il soit reconnu
d'aller jusqu'au stade du jugement. Si le procureur de la république
constate que les conditions d'effectivité d'un fait justificatif sont
réalisées, il n'engage pas les poursuites et classe sans suite.
Si c'est le juge d'instruction qui constate que ces conditions sont remplies,
il rend une ordonnance de non-lieu. Enfin, si c'est la juridiction de jugement,
elle rend une décision de relaxe ou d'acquittement334.
144. La question est donc de savoir si un
fait justificatif peut être caractérisé directement
à l'égard d'une personne morale. Le législateur n'a pas
apporté de précision sur la question, et la doctrine semble
partagée. En effet, on imagine mal une personne morale commettre une
infraction par légitime défense, toutefois des auteurs ont
tenté de démontrer que la personne morale peut commettre une
infraction par nécessité. L'exemple est celui-ci d'une personne
morale qui fraude le fisc pour payer le salaire de ses employés en
période de crise économique335. Cette solution est
déjà applicable en droit brésilien qui admet la
justification de l'infraction de défaut de paiement des impôts
dans le but d'assurer les salaires des employés de l'entreprise dans un
contexte de crise financière 336.
Il semble difficile d'admettre une telle solution, de telle
sorte que les faits justificatifs ne peuvent pas être utilisés au
cours d'un procès par la personne morale pour obtenir un acquittement.
Par contre elle pourra pour bénéficier d'un acquittement faire
valoir un fait justificatif chez son organe ou représentant poursuivi
pour les mêmes faits. Le fait justificatif neutralise à la fois la
responsabilité de l'organe mais aussi de tous ceux qui sont poursuivis.
On dit que le fait justificatif opère in rem337. La
jurisprudence est toujours hésitante à ce sujet. Sous le prisme
du droit comparé, une seule décision dans le sens de la
communication d'un fait justificatif à la personne morale338.
Quid des causes subjectives ?
334 MINKOA SHE (A.), Cours polycopié de droit pénal
général, dispensé en L2, année académique
2015-2016.
335 REINALDET DOS SANTOS (T-J), la responsabilité
pénale à l'épreuve des personnes morales : étude
comparée franco-brésilienne, op.cit. p. 296.
336 Ibid.
337 « Les faits justificatifs font perdre le
caractère délictueux au fait générateur. Les
éléments de l'infraction ne sont pas constitués, l'acte
est conforme au droit (...) en principe, ils doivent être transmis
à la personne morale. Comme ces faits justifient l'infraction, celle-ci
n'est pas constituée et ne peut pas être imputée à
la personne morale » AFCHAIN (M.-A.), La responsabilité de la
société op.cit. p. 110.
338 CA Paris, 28 mai 2009, Jurisdata n° 2009-004993 ; JCP G
2009, n° 36, 186, obs. MARÉCHAL (J.-Y.).
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