CONCLUSION CHAPITRE II
111. La généralisation de la
responsabilité pénale des personnes morales laisse planer un
double spectre de pénalisation et de dépénalisation. La
volonté de responsabiliser la personne morale ne devrait pas s'envisager
via la déresponsabilisation des dirigeant -de droit de fait, ou
délégué. Pourtant, le choix opéré par le
législateur de 2016 qui met au coeur de la responsabilité
pénale des personnes morales, les personnes physiques organes ou
représentant semble laisser croire que le législateur a fait le
choix de responsabiliser la personne morale pour déresponsabiliser la
personne physique en assimilant le décideur à la personne
morale.280 Ainsi au-delà de limiter la possibilité
pour les groupements dotés de la personnalité juridique ayant
commis des infractions d'échapper à la répression, il
accorde une sorte d'immunité à l'organe et au représentant
qui ne sont plus auteurs matériels parce qu'assimilé l'être
collectif.
Face à ce constat le législateur a cru bon de
résoudre le problème avec la pichenette du cumul de
responsabilité entre les personnes physiques auteurs des actes
incriminés et les personnes morales, mais là encore cela ne
parait marcher qu'à moitié soit parce que pour certaines
infractions, il est difficile d'identifier la personne physique qui se cache
derrière l'écran, soit parce que même quand elle est
identifiée sa faute se trouve diluée dans le fonctionnement de la
personne morale. Ainsi Certains auteurs pensent même que la construction
du principe de la responsabilité pénale des personnes morales
« semble avoir manqué l'occasion de responsabiliser la structure
afin précisément de (mieux) responsabiliser ceux qui y
détiennent le pouvoir de décision »281 cela
n'empêche, l'abandon du principe de spécialité et
l'admission du cumul de responsabilité limitent l'impunité et
partant la possibilité d'échapper à la répression,
indépendamment de la dépénalisation qu'ils pourraient
induire.
280 TRICOT (J.), « Le droit pénal à
l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple
français », ibid. p. 19 et s.
281 Ibid.
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CONCLUSION PREMIÈRE PARTIE
112. À l'analyse des dispositions légales ayant
trait directement ou indirectement à la responsabilité
pénale des personnes morales, il ressort que le législateur
camerounais a su prévoir certaines conséquences d'une entreprise
qui s'avérait périlleuse : celle de la consécration d'un
énoncé général de responsabilité
pénale des personne morales.
Ainsi, l'un des motifs principaux de l'institution d'un
principe général étant une meilleure prise en compte de la
délinquance des groupements dotés de la personnalité
juridique, la première conséquence que cela induit et que le
législateur a identifié est le renforcement de la pression
pénale qui apparaissait légère sous l'empire du principe
de spécialité, à travers la détermination claire et
précise des conditions d'imputation de l'infraction à la personne
morale, mais aussi l'adoption de sanctions spécifiques. La pression
pénale ainsi renforcée a eu pour effet d'apporter plus de vigueur
à l'obligation de subir la répression pesant sur les personnes
morales. Cette conséquence peut être analysée comme
étant positive en ce qu'elle permet en partie de contenir la
délinquance des personnes morales, mais aussi comme étant
négative parce que faire peser sur la personne morale une obligation
aussi vigoureuse peut s'avérer contreproductif pour l'économie ou
pour les personnes physiques pour qui elle se déploie.
113. La seconde conséquence d'un principe
général qui veut saisir dans sa globalité la
criminalité collective et mieux la sanctionner est celle qui a trait
à la limitation au maximum la possibilité d'échapper aux
mailles du filet qu'il pose. Ainsi, les personnes morales étant
désormais responsables pour toutes les atteintes aux valeurs sociales
protégées et les personnes physiques responsables cumulativement
avec les personnes morales, la possibilité de déjouer la
répression est ainsi limitée. Cette deuxième
conséquence peut également être analysée
positivement, mais aussi négativement. Positivement elle permet à
chaque protagoniste d'assumer sa part de responsabilité dans
l'entreprise, négativement, elle s'adapte mal avec le système
d'imputation utilisé pour revigorer la répression.
Au demeurant, s'il faut reconnaitre l'effort du
législateur, il est tout aussi nécessaire de relever les
manquements de sa démarche. Ainsi, Au-delà des questions sur le
choix du modèle d'imputation, les modalités d'application des
sanctions et l'exclusion de certaines personnes morales qui sont
traitées différemment par la plupart des législations
contemporaines ayant admis de façon générale la
responsabilité pénale des personnes morales. Il apparait que le
législateur camerounais a limité là son entreprise
à la construction d'un nouveau responsable
pénal282, une démarche purement
substantielle qui ne lui a pas permis de tirer certaines conséquences
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282 Ibid.
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