1- Le critère basé sur le caractère
de l'infraction
106. Objectivement, le procureur de la république peut
faire le choix ou ne pas faire le choix du cumul en fonction de la nature de la
nature d'infraction. Dans ce sens, il est généralement admis sous
le prisme du droit comparé que le cumul de responsabilité entre
personne physique et personne morale s'impose si l'infraction est
intentionnelle, mais est exclu si l'infraction revêt un caractère
non intentionnel, de telle sorte que seule la responsabilité
pénale de la personne morale devrait être mise en jeu. C'est le
cas par exemple du modèle belge qui n'admet le cumul que pour les
infractions intentionnelles276 mais aussi du modèle
français277.
Toutes les infractions caractérisées par une
imprudence sont imputées uniquement à la personne morale. Ce qui
revient à déresponsabiliser la personne physique pour les
infractions
275 L. n° 2004-204 du 9 mars 2004
généralisant la responsabilité pénale des personnes
morales, CRIM 2006. 03 E8/13-02-2006 (NOR : JUSDO630016C.
276 V. STRETEANU (F.), « La responsabilité
pénale des personnes morales en droit roumain », in Revue de
droit pénal et de science pénitentiaire, n° 2,2007 p.
340.
277 V. La loi du 10 Juillet 2000 et la Circulaire CRIM 200603
E8 du 13 février 2006, Ministère de la Justice. ROBERT(J.-H.),
« Le coup d'accordéon ou le volume de la responsabilité
pénale des personnes morales », in Les droits et le Droit :
mélanges dédiés à Bernard Bouloc, Paris :
Dalloz, 2007, p. 986.
68
non intentionnelles mais, aussi à courir le risque d'un
cumul injustifié. Un autre critère pourrait guider l'exercice de
l'opportunité des poursuites.
2- Le critère basé sur l'identification des
personnes physiques auteurs des actes
incriminés
107. Suivant ce critère les cas dans lesquels la
personne morale sera seule poursuivie se limitent à ceux où
l'identification de la personne physique ayant commis l'infraction est
impossible, en premier lieu lorsque l'enquête n'a pas pu les identifier,
ou lorsqu'à l'exercice du pouvoir politique le vote se fait sous
bulletin secret278.
Le cumul sera moins envisageable lorsque l'organe est
constitué d'un groupe de personne -comme le conseil d'administration-
surtout lorsque l'infraction résulte d'une décision collective
prise à la majorité ou à l'unanimité. Poursuivre
toutes les personnes physiques ayant participé au vote, ou uniquement
ceux qui ont voté favorablement ou même défavorablement
cumulativement avec la personne morale aboutira à une chasse aux
sorcières qui s'avèrera contreproductif surtout du point de vue
financier, le coût du procès pénal pesant sur l'Etat. La
question est alors résolue par un autre principe, celui de
l'opportunité des poursuites. Le procureur de la république aura
donc libre choix quant au cumul.
D'autres questions se posent notamment celle de savoir si les
deux responsabilités sont liées de telles sortes qu'elles
aboutiraient aux mêmes sanctions, ou à la même
décision au fond ? ces questions seront réglées par le
juge.
B- La réalisation du cumul par le biais de
l'impérium reconnu au juge pénal
108. Il est nécessaire pour le juge de pouvoir faire
la différence entre le sort réservé à la personne
morale et celui des personnes physiques poursuivies pour les actes
incriminés. De telle sorte que le cumul de responsabilité ne
devrait pas être assimilé à une identité de sanction
(1) ou même à une identité des décisions au fond,
les deux responsabilités étant autonomes (2).
278 REINALDET DOS SANTOS (T-J), La responsabilité
pénale à l'épreuve des personnes morales : étude
comparée franco-brésilienne, op.cit. p. 118.
69
1- Le choix de sanctions différentes pour des
sujets différents
109. Le juge doit nécessairement dans le choix de la
sanction, et ce malgré la liberté qui lui est reconnu en ce
domaine différencier les peines et mesures de sûreté
applicables à la personne physique et à la personne morale
reconnue coupable. Ceci d'abord à cause du principe de
l'individualisation de la peine, qui recommande au juge d'adapter la peine
ainsi que ses modalités d'exécutions à la
personnalité de l'auteur de l'infraction et aux circonstances de
celle-ci. Ensuite à cause de l'inadéquation entre les peines
applicables aux personnes physiques et la nature de la personne morale.
Ainsi, des circonstances atténuantes
bénéficiant aux personnes physiques ne s'étendrons pas
nécessairement aux personnes morales ou même les circonstances
aggravantes, enfin, le juge devra se référer à la
pénologie particulière de chaque type de justiciable pour
attribuer une peine.
2- Autonomie des responsabilités
110. Logiquement, l'admission d'un cumul de
responsabilité ne doit pas laisser envisager l'hypothèse dans
laquelle l'acquittement de la personne morale entrainerait l'acquittement de la
personne physique et vice versa279. En effet, l'hypothèse du
cumul nécessite de détacher la personne physique en tant
qu'individu, du personnage d'organe ou de représentant dont il assume le
rôle, et donc dans ce sens, d'arriver à des mécanismes
d'imputation différents, des culpabilités différentes et
donc à des sanctions différentes. Ainsi donc la personne morale
sera responsable pénalement et le cas échéant reconnue
coupable, parce qu'elle a personnellement commise une infraction à
travers des personnes lui servant de support physique pour matérialiser
sa volonté de faire du profit ou de mener à bien sa politique. Il
lui sera donc appliqué des sanctions spécifiques. La personne
physique quant à elle sera pénalement
279 « Par ailleurs, il faut dire que ces deux
responsabilités sont indépendantes - de sorte que la relaxe
prononcée en faveur de l'une n'a pas d'autorité à
l'égard de l'autre. Dans le sens contraire, la condamnation
prononcée contre la personne physique n'a pas d'autorité par
rapport à la personne morale et vice versa ». REINALDET DOS
SANTOS (T. J.), Thèse, op.cit. p 288. MARÉCHAL (J.-Y.),
« Responsabilité pénale des personnes morales »,
op.cit. p. 27. On rencontre cette indépendance entre la
responsabilité de la société et celle des dirigeants
sociaux aussi en droit civil, voir par exemple Cour de cass., 2e Ch.
civ., 17 juillet 1967, Gaz. Pal. 1967, p. 235. Par ailleurs, le paragraphe
premier de l'article 41 du projet de nouveau Code pénal brésilien
(Projet de Loi au Sénat n° 236/2012) souligne cette indépendance
en énonçant que « la responsabilité des personnes
morales n'est pas dépendante de la responsabilité des personnes
physiques ». DOS SANTOS (T. J.), Thèse, op.cit.
p.288.
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responsable parce qu'elle a agi librement et consciemment et
sera le cas échéant coupable parce qu'elle a commise une faute.
On retrouve donc ici chez elle les notions classiques de discernement et de
libre arbitre.
Dans ce sens l'on pourra aboutir à des cas où la
culpabilité de personne physique ayant commis les actes
incriminés est prouvée parce qu'elle a agi volontairement au
mépris des dispositions légales, mais celle de la personne morale
sera exclue parce qu'elle a pu démontrer que sa volonté illicite
ne peut être établit, l'infraction n'ayant pas été
réalisé pour son compte par le personnage lui servant de
substratum humain.
Tout comme dans une autre hypothèse, la
responsabilité de la personne morale pourra être engagée et
sa culpabilité démontrée mais celle de la personne
physique ne sera même pas envisagée parce qu'il n'avait pas la
capacité de discernement, ou alors parce que sa volonté
était abolie.
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