1- Le choix d'un abandon total du principe de
spécialité
91. Affirmer que le législateur a fait le choix de
l'abandon total du principe de spécialité, signifie que
désormais, la personne morale ne sera plus responsable pénalement
uniquement pour une certaine catégorie d'infraction définies par
les lois pénales éparses. Mais ce n'est pas pour autant dire la
personne morale peut commettre toutes les infractions.
Une fois la précision faite, l'abandon du principe de
spécialité n'a pas emprunté le chemin d'une simple
extension du domaine des atteintes imputables à la personne morale, ni
même par une vaste énumération de ces atteintes. Une telle
démarche n'aurait marqué qu'un abandon partiel, qui ne constitue
qu'une première étape vers l'inéluctable qui est le rejet
total du principe de spécialité. Le code pénal camerounais
de 2016 a opté pour une formulation générique retenant la
responsabilité pénale des personnes pour « des
infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants
»257 sans identifier lesdites infractions. L'on penserait
à tort que c'est un oubli du législateur de 2016, mais il s'agit
là d'un choix bien tranché qui donne un sens nouveau à la
responsabilité pénale des personnes morales. L'article 74-1 du
code pénal exprime ainsi le choix d'un abandon total du principe de
spécialité de la responsabilité des personnes en droit
camerounais.
Pourtant une difficulté majeure se présente, en
effet, malgré l'innovation majeure qu'il sous-tend, l'abandon du
principe de spécialité pose un problème, comment
réprimer les personnes morales pour des infractions qui n'étaient
imputables que jusque-là à des personnes physiques ? le
législateur a apporté une réponse simple mais
pertinente.
2- Le choix de la simplicité dans la
résolution des difficultés nées de l'abandon du principe
de spécialité
92. Deux difficultés majeures se sont
présentées, la première est celle de savoir, si pour les
infractions nouvellement applicables à la personne morales, il fallait
leur imposer la même peine d'amende (même montant) que celle
infligé aux personnes physiques. La seconde plus complexe, posait le
problème de savoir quelle sanction appliquer à la personne morale
lorsque seule une peine d'emprisonnement était prévue ?
257 Voir L'article 74-1 du code pénal de 2016.
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Parmi les solutions envisageables, il y avait celle d'une
révision législative qui consistait à procéder au
cas par cas pour fixer les sanctions à chacune de ces infractions, en
plus d'être trop laborieuse cette solution n'apportait pas grand-chose en
termes d'efficience. Il ne restait donc plus qu'à déterminer de
façon générale le montant de l'amende applicable à
la personne morale, et la sanction applicable à la personne morale
lorsque seule une peine de prison était prévue. À cet
effet, il fallait nécessairement un référent, et le
législateur en a trouvé un en la personne physique. Ainsi, le
calcul de l'amende se fera à partir du montant fixé pour la
personne physique, partant du principe que le montant de l'amende applicable
à la personne morale doit nécessairement être plus
élevée 258et ou en fonction aura un montant stable
lorsque seule une peine d'emprisonnement est fixée.
93. Le législateur a su adapter cette sanction au
principe de proportionnalité des peines. Ainsi, en fonction de la
gravité de l'infraction le juge pourra moduler l'amende entre le maximum
et le minimum.
Au fond, les précisions apportées par le
principe général de responsabilité pénale des
personnes morales ont permis une extension du champ de la répression des
personnes morales tant sur le personnel que sur le plan matériel, ce qui
a pour effet de limiter la possibilité pour la personne morale
d'échapper à la répression. Mais cet élargissement
n'est qu'une étape, car dans la responsabilité des groupements,
d'autres acteurs que sont les organes et les représentant sont à
prendre compte. En ce qui leur concerne, même eux peuvent difficilement
se servir du principe général pour échapper à la
répression, celui-ci ayant admis un cumul de responsabilité.
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