1- Un abandon justifié par les limites du principe
de spécialité
88. Le principe de spécialité a très
vite posé des problèmes. Il est une source
d'inégalité entre les personnes pénalement responsables,
mais il posait aussi des problèmes particuliers aux autorités
judiciaires et aux personnes morales elle-même.
238 La personne morale ne saurait se rendre coupable
d'adultère par exemple.
239 JEANDIDIER (W.), « La longue gestation de la
responsabilité pénale des personnes morales », in
Cahiers de droit de l'entreprise, n° 1, Janvier-Février, 2006 p.
26.
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En effet, en limitant la responsabilité pénale
des personnes morales pour des infractions bien précises, le
régime de responsabilité pénale des personnes morales
paraissait bien plus souple que celui des personnes physiques240.
Bien plus, les personnes morales pourraient en vertu du principe de
spécialité échapper à la répression, tout
simplement parce que les actes illicites qu'elles ont posées ne leur
étaient pas imputables. Cela donnait donc une sorte d'immunité
aux personnes morales pour les infractions qui n'étaient pas
expressément prévues à leur endroit.
D'un autre côté, le principe de
spécialité, couplé à un des principes fondamentaux
du droit pénal qui est le principe de la légalité entraine
nécessairement une inflation législative. Une telle situation
s'avère compliqué autant pour les autorités de la justice
pénale qui sont obligé de scruter les nouvelles réformes
législatives241, d'autant plus que les lois éparses
sont des outils privilégiés par le législateur quand il
s'agit de développée de nouvelles institutions. Face à
l'expansion des dispositions spéciales « dynamiques
»242, les magistrats devraient donc être à
l'affut de nouveaux textes pour déterminer non seulement quelles sont
les nouvelles infractions imputables à la personne morale mais aussi,
suivant quel mécanisme d'imputation. La même difficulté se
pose pour les personnes morales à la différence que contrairement
aux autorités judiciaires, elles ne sont pas forcément des
spécialistes en droit243.
De ce qui précède, force est de constater que le
principe de spécialité dans la responsabilité
pénale des personnes morales était appelé à
disparaitre dans la mesure où il pose autant si ce n'est plus de
problèmes qu'il en résout. C'est pourquoi le législateur
camerounais l'a progressivement délaissé.
240 « Enfin, l'énoncé limitatif des
infractions imputables aux personnes morales apparaît contraire au
principe d'égalité devant la loi pénale dans la mesure
où les personnes morales sont parfois mieux traitées que les
personnes physiques à partir de critères dont nous avons
montré l'arbitraire » CARTIER (M.-E.), « La
responsabilité pénale des personnes morales : évolution ou
révolution », op.cit. p. 33.
241 Ibid.
242 NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.
Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit. pp. 221 et s.
243 CARTIER (M.-E.), « De la suppression du principe de
spécialité de la responsabilité pénale des
personnes morales. Libres propos », in Les droits et le Droit :
mélanges dédies à Bernard Bouloc, Paris : Dalloz,
2007, p. 98. p. 105. « Les services juridiques de nos entreprises se
disent incapables de définir et de mesurer, au jour le jour, le risque
pénal encouru par leurs groupements. Que dire des petites et moyennes
entreprises qui n'ont pas de service juridique ou n'ont pas les moyens d'avoir
un service juridique suffisant ».
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