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Les conséquences du principe général de responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.


par Ivan De NGUIMBOUS TJAT LIMBANG
Université de Yaoundé II-SOA - Master en droit privé 2020
  

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2- L'étendue de l'exclusion de l'Etat et ses démembrements

84. L'alinéa (b) de l'article 74-1 du Code pénal, exclu à la fois l'Etat camerounais mais aussi de facto les Etats étrangers. Cela se justifie par le principe de l'égalité entre les Etats, peu importe leurs formes simple (Etats unitaire) ou composé (Etat fédéral ; confédération d'Etats, les Etats régionaux). Les Etats fédérés, seraient également exclus du champ de la nouvelle responsabilité.

Il ne reste plus alors qu'à élucider le sort des communautés ou des Unions, l'intégration régionale et sous régionale constituant désormais « un effet de mode, matérialisé par la prolifération des organisations dites d'intégration notamment en Afrique francophone »222. On peut citer à titre d'exemple en Afrique centrale : la Communauté Économique des États de l'Afrique Centrale (CEEAC)223, la Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC)224 ; En Afrique de l'ouest : Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO)225, l'Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA)226.

221 PICARD (M.) « La responsabilité pénale des personnes morales de droit public : fondements et champ d'application, in Revue des sociétés, 1993 énonce : « Sur le plan plus spécifiquement pénal, pourquoi cette souveraineté générale de l'État justifie-t-elle encore son irresponsabilité pour celles de ces activités qui ne sont justement pas souveraines (...) » p. 276.

222 ONDOUA (A-F.), Cours de droit communautaire institutionnel, dispensé en 3e année licence droit public, version numérique, année académique 2019-2020, p 1.

223 Traité de Libreville du 18 octobre 1983, révisé dans la même capitale le 18 Décembre 2019.

224 Traité de N'Djamena du 16 mars 1994, révisé principalement à Yaoundé le 25 juin 2008 puis à Libreville le 30 janvier 2009.

225 Traité de Lagos du 28 mai 1975, révisé à Cotonou le 23 juillet 1993.

226 Traité de Dakar du 10 janvier 1994, révisé le 29 janvier 2003.

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Définit comme « une association d'États au sein de laquelle ceux-ci mettent en commun certaines de leurs compétences, acceptent qu'un nombre important de décisions soit pris à la majorité qualifiée, que ces décisions s'insèrent dans les ordres juridiques nationaux sans formalité particulière, et qu'elles l'emportent sur les normes nationales contraires »227, la communauté ou l'union jouit de la personnalité juridique228 interne et internationale. Aux termes de l'article 9 du traité UEMOA il ressort que « L'Union a la personnalité juridique... » La personnalité juridique est également reconnue par le traité CEDAO aux articles 88, & 1 du traité « L'Union a la personnalité juridique internationale... » c'est également le cas du Traité CEMAC révisé en son article 3.

La question qui se pose est alors celle de savoir si les communautés ou unions bénéficient des immunités ? stricto sensu, la majeure partie de la doctrine s'accorde sur le fait que l'union n'est pas un Etat229, et pour l'heure le flou règne sur la nature juridique de la communauté ou de l'union, l'on s'accommode à penser qu'elle est une entité sui generis230. Mais il s'agit là au fond d'un autre ordre juridique, la communauté ne doit être pénalement responsable que si les dispositions du traité le permettent, de lege lata, le Traité CEMAC révisé ne fait allusion qu'à la possibilité de mettre en oeuvre la responsabilité civile contractuelle de l'union.

L'alinéa (b) inclut également les démembrements de l'Etat. Pour déterminer exactement quels sont les démembrements de l'Etat, il convient de s'attarder sur la forme de l'Etat. La République du Cameroun étant un Etat unitaire décentralisé231, pour déterminer quels sont les démembrements non susceptibles d'être pénalement responsables il convient d'inclure les personnes morales reconnues par la loi à qui l'Etat a transféré une portion de sa compétence et qui s'administrent librement. D'autres ramifications de l'Etat unitaire peuvent également être cités comme les autorités déconcentrées. En réalité, ceux-ci n'ayant aucune existence propre et donc pas de personnalité morale sont donc de facto exclus du champ de la responsabilité.

227 ONDOUA (A-F.), ibid. p. 21

228 Cour de justice de l'UEMOA (Avis n° 002/2000 du 22 mars 1999, Demande d'avis complémentaire du Président de la Commission de l'UEMOA relative à l'interprétation de l'article 84 du traité de l'UEMOA) « ...l'Union constitue en droit une organisation de durée illimitée, dotée d'institutions propres, de la personnalité et de la capacité juridique et surtout de pouvoirs issus d'une limitation de compétences et d'un transfert d'attributions des EM qui lui ont délibérément concédé une partie de leurs droits souverains pour créer un ordre juridique autonome qui lui est applicable ainsi qu'à leurs ressortissants ». V. ONDOUA (A-F.), ibid. p 19.

229 Ibid. p 20 « si l'organisation d'intégration dispose de plus en plus de certains attributs de l'État, elle ne saurait pour l'instant être analysée comme une entité étatique ». les articles 07 UEMOA ; 58 CEMAC et 91 CEDEAO donnent raison à cette doctrine.

230 Ibid.

231 Article 1er alinéa 2 de la loi n°96/ 06 du 18 janvier 1996 Portant révision de la Constitution du 02 juin 1972, modifiée et complétée par la loi n°2008/001 du 14 avril 2008.

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85. Le législateur camerounais a aussi opté pour une exclusion totale de l'Etat et ses démembrements. Il n'a pas envisagé le cas particulier des collectivités territoriales décentralisés232 que sont les régions et les communes233 et leurs démembrements, contrairement au législateur français qui opte pour une distinction en excluant du champ de la répression les collectivités territoriales décentralisées, lorsqu'une infraction a été commise au sein d'une activité non délégable, mais en admettant leur responsabilité pour les infractions qui ont été commises dans le cadre d'une activité susceptible de faire l'objet d'une délégation de pouvoir234. C'est dire qu'en droit français, les collectivités territoriales décentralisées ne bénéficient que d'une immunité limitée aux activités de puissance publique. L'immunité ici porte donc sur les activités de police générale235, les activités effectuées pour le compte de l'Etat236 telles que la tenue des registres d'état civil, mais aussi toute activités régaliennes237. Ce choix du législateur camerounais de ne pas mentionner les collectivités territoriales décentralisées peut-il être interprété comme étant favorable à l'admission d'une telle responsabilité ? Rien n'est moins sûr.

La nouvelle responsabilité pénale des personnes morales est étendue quant aux personnes sur lesquelles elle devra s'appliquer. Mais cette extension s'est voulue prudente et s'est posée comme seule frontière la personnalité morale, et comme seule exception l'Etat et ses

232 Article 55 alinéa 2 de la loi n°96/ 06 du 18 janvier 1996 Portant révision de la Constitution du 02 juin 1972, modifiée et complétée par la loi n°2008/001 du 14 avril 2008. Les collectivités territoriales décentralisées sont des personnes morales de droit public. Elles jouissent de l'autonomie administrative et financière pour la gestion des intérêts régionaux et locaux. Elles s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions fixées par la loi.

233 L'alinéa 1er du même article. « Les collectivités territoriales décentralisées de la République sont les régions et les communes. Tout autre type de collectivité territoriale décentralisée est créé par la loi ».

234 Article 121-2 du code pénal français qui dispose « les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public ».

235 Voir dans ce sens, Cour de cass., Ch. crim., 6 avril 2004, pourvoi n° 03-82394. « Rares sont, d'un strict point de vue, les fonctions qu'une collectivité territoriale ne peut en aucun cas déléguer : ses missions de police à l'intérieur desquelles celles de sécurité, l'état civil, les attributions dans le domaine électoral, édiction de réglementations, notamment d'urbanisme, la délivrance d'autorisations, comme le permis de construire » BONICHOT (J.-C.), op.cit., p. 34. V. CA Amiens, 9 mai 2000, Gaz. Pal. 2000., 2, 1413, note S. Petit.

236« Les activités de service public insusceptibles d'être déléguées sont celles dans lesquelles l'autorité territoriales intervient en tant qu'autorité déconcentrée et agit à ce titre au nom et pour le compte de l'État » LÉVY (A.), « L'état de la jurisprudence sur la responsabilité pénale des personnes publiques dix ans après l'entrée en vigueur du Code pénal de 1994 », in Droit Administratif, 2004, étude 12.

237 V. Cour de cass., Ch. crim., 12 décembre 2000, pourvoi n° 98-83969 ; et Cour de cass., Ch. crim., 11 décembre 2001, pourvoi n° 00-87707. V. RENOUT (H.), Droit pénalgénéral, Bruxelles : Larcier, 2013, p. 184.

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démembrements. Le législateur a opté à contrario à une extension rationae materiae plus poussés.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote