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Les conséquences du principe général de responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais.


par Ivan De NGUIMBOUS TJAT LIMBANG
Université de Yaoundé II-SOA - Master en droit privé 2020
  

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1- Les raisons discutées de l'exclusion de l'Etat et de ses démembrements

83. Plusieurs raisons peuvent être invoquées au soutien de l'irresponsabilité pénale de l'Etat et de ses démembres.

En premier lieu, la menace pénale ne devrait pas peser sur l'Etat et ses ramifications tout simplement parce que cela pourrait provoquer une confusion entre le sujet passif et le sujet actif de la réponse pénale206. En effet, ne pas donner d'immunité à l'Etat aboutirait à des situations

204 Article 98 de l'AUDSCGIE. « Toute société jouit de la personnalité juridique à compter de son immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier, à moins que le présent acte uniforme n'en dispose autrement ».

205 Art. 5, alinéa 2, 3 de la loi n° 90-53 du 19 décembre 1990, portant sur la liberté d'association au Cameroun.

206 « L'État, en ayant le monopole de la puissance publique, détient aussi le monopole de la répression » HERMANN (J.), op.cit., p. 196. REINALDET DOS SANTOS (T. J.) « la responsabilité pénale à l'épreuve des personnes morales : étude comparée Franco-brésilienne » op.cit. p.146.

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particulières dans lesquelles il serait amené à se punir lui-même207, car garant de l'exécution des décisions de justice et donc des décisions du juge pénal. Mais à la réalité cet argument sur la possible confusion chez l'Etat des qualités de sujet actif et passif de la sanction pénale comme une justification de l'irresponsabilité pénale de ce dernier ne résiste pas à toutes les critiques. En effet, il est possible de remarquer que l'Etat peut s'infliger lui-même une sanction208.

D'autres auteurs pensent également que toute peine appliquée à l'Etat perdrait sa fonction rétributive. En prenant l'exemple de la peine d'amende, elle n'aboutirait à aucun appauvrissement de l'Etat dans la mesure où les fonds utilisés pour payer l'amende sortent pour ensuite faire leur retour dans les mêmes caisses209. Mais cette vision n'est pas tout à fait exacte dans la mesure où l'Etat est constitué de différentes entités qui se distinguent les unes des autres210. Dans le cas précisément du paiement d'une amende, la caisse de sortie ne sera pas forcément la caisse d'entrée. Il pourrait avoir un appauvrissement de l'Etat ou du moins d'une entité de l'Etat et ainsi la fonction rétributive de la peine pourrait retrouver tout son sens211.

Bien, plus toute autre sanction pénale pourrait mettre à mal l'exercice des activités régaliennes de l'Etat et pourrait entrainer la disparition du contrat social. Ainsi, au mieux les sanctions comme les fermetures temporaires pourrait nuire à la continuité du service public212. Au pire les sanctions comme la dissolution pourrait entrainer la fin de l'Etat. Il parait donc logique au regard de cela d'accorder une immunité pénale à l'Etat. Pour autant rien n'empêche d'instituer une responsabilité pénale au moins en dehors des activités régaliennes de l'Etat, et l'érection de sanctions spécifiques213. Et pour ce qui est de la paralysie que pourrait engendrer certaines sanctions, elle dénote plus de « l'inaptitude de la société politique à être l'objet de

207 V. COUVRAT (P.), « La responsabilité pénale des personnes morales - un principe nouveau », op.cit. p. 1.

208 V. GEEROMS (S.), op.cit. p. 558.

209 « Une peine d'amende n'aurait eu aucune portée rétributive, pour correspondre à une sortie du Trésor public, immédiatement destinée... au Trésor public » MAYAUD (Y.), Droit pénal général, op.cit. p. 365. Déjà en 1899, MESTRE avait souligné cette question, MESTRE (A.), thèse op.cit. p. 261. REINALDET DOS SANTOS (T. J.) « la responsabilité pénale à l'épreuve des personnes morales : étude comparée Franco-brésilienne » op.cit. p 436

210 MARÉCHAL (J.-Y.), « Responsabilité pénale des personnes morales », op.cit. p. 5.

211 « Une peine d'amende n'aurait eu aucune portée rétributive, pour correspondre à une sortie du Trésor public, immédiatement destinée... au Trésor public » MAYAUD (Y.), Droit pénal général, op.cit. p. 365. Déjà en 1899, MESTRE avait souligné cette question, voir A. MESTRE, Thèse op.cit. p. 261. REINALDET DOS SANTOS (T.J.) La responsabilité pénale à l'épreuve des personnes morales : étude comparée Franco-brésilienne, op.cit. p 436.

212 « D'autres sanctions porteraient atteinte à la continuité du service public et iraient au-delà de ce que le juge administratif lui-même n'aurait jamais imaginé pouvoir faire » BONICHOT (J.-C.), op.cit., p. 36.

213 « Une éventuelle extension de la responsabilité pénale des personnes morales à l'État aurait supposé une réflexion sur les peines applicables à ce dernier » MARÉCHAL (J.-Y.), « Responsabilité pénale des personnes morales », ibid. p. 6.

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certaines sanctions, mais non pas son incapacité à devenir pénalement responsable. Par conséquent, une fois déterminées les peines compatibles avec les particularités de l'État, rien n'empêcherait sa responsabilité pénale » 214.

En second lieu, il parait logique d'exclure l'Etat du champ de la nouvelle responsabilité, l'une des conditions de ladite responsabilité nécessitant que l'infraction soit commise pour le compte de la personne morale, ce qui pousse à interroger les notions d'intérêts social. Or l'Etat visant nécessairement la satisfaction de l'intérêt général, cela passe à fortiori par le « respect scrupuleux des normes qui délimitent sa spécialité fonctionnelle »215. Il y a donc une incompatibilité entre « le but illégal d'une infraction et la finalité générale de l'Etat »216. Pourtant, là encore force est de constater que l'Etat peut trouver un intérêt dans l'accomplissement d'une infraction directement ou indirectement217.

La dernière raison développée repose sur la séparation des pouvoirs, en vertu duquel il est interdit aux détenteurs du pouvoir judiciaire de contrôler grâce au juge pénal l'action des autres pouvoirs218. Mais cet argument semble relatif dans la mesure où un tel contrôle est déjà admis dans d'autres branches du droit219. Bien plus, en vertu de l'état de droit représenté par le principe de juridicité, l'Etat doit se soumettre aux lois qu'il a lui-même édicté y compris les normes pénales220. La séparation des pouvoirs n'empêchant pas la soumission de l'Etat aux lois civiles,

214 REINALDET DOS SANTOS (T. J.), op.cit. p. 440. Lire aussi « L'impossibilité matérielle d'appliquer une peine ne saurait entrainer l'irresponsabilité pénale » de l'État. Voir, MESTRE (A.), Thèse op.cit. p. 201.

215 L'État, « lié par l'obligation d'agir dans le respect scrupuleux des normes qui délimitent sa spécialité fonctionnelle, se trouverait de ce fait dans l'incapacité juridique d'avoir une volonté délictuelle sous prétexte que ces normes législatives ou réglementaires ne peuvent jamais lui donner compétence pour commettre des infractions » FERRIER (B.), op.cit., p.402. REINALDET DOS SANTOS (T. J.), Thèse, ibid. p 436.

216 Ibid. p 436.

217 Ibid. p. 439.

218 « Jl fut d'abord considéré que la séparation des pouvoirs n'eût pu que souffrir d'une telle responsabilité, l'autorité judiciaire n'ayant pas à connaîtredes actions ou omissions de l'État dans l'exercice de ses autres fonctions, législative et exécutive » MAYAUD (Y.), Droit pénal général, op.cit. p.407.

219 « Certaines activités de l'État sont déjà soumises à un contrôle et peuvent donner lieu à des condamnations prononcées à l'encontre de la Société politique par les tribunaux de l'ordre judiciaire » REINALDET DOS SANTOS (T. J.), ibid. p. 438.

220 « C'est d'ailleurs le propre de l'État de droit que de s'autolimiter et, à ce titre, de s'autosanctionner » PICARD (E.), op.cit., p. 276. « L'administration participe à l'élaboration des bases légales de la répression, mais n'en demeure pas moins susceptible de tomber sous le coup de la loi pénale dans la mesure où cette participation ne se fait pas selon les formes et conditions prescrites par la Constitution, les principes généraux du droit, la loi, ou toute autre source de droit applicable ». FERRIER (B.), « Une grave lacune de notre démocratie : l'irresponsabilité pénale des personnes administratives », in Mélanges offerts à Pierre Montané de la Roque, Toulouse : Presses de l'institut d'études politiques, 1986 p. 401.

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et administratives, elle ne devrait pas non plus empêcher la soumission de l'Etat aux normes de droit pénal.

Au regard de ce qui précède force est de constater que le choix du législateur de 2016 est justifié par des raisons qui se défendent aisément mais qui ne font pas toujours l'unanimité au sein de la doctrine. Il nous semble nécessaire de maintenir l'immunité pénale de l'Etat mais, la limiter aux activités régaliennes et établir un régime de responsabilité pénale à son égard221. Pourtant nonobstant tous ces contres arguments à l'irresponsabilité pénale de l'Etat et ses démembrements, le législateur camerounais l'a érigé et a même défini son étendue.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault