1- Un choix justifié
80. Le choix de la personnalité juridique comme un
préalable à la responsabilité pénale des
groupements permet d'éviter certaines difficultés liées
à l'entrée d'un nouvel agent aux caractéristiques propres
dans le champ pénal, mais aussi de se prévaloir de
l'égalité de toutes personnes morales devant la loi pénale
201. Le préalable de la personnalité morale met
également sur un même pied d'égalité les personnes
physiques et les personnes morales, dans la mesure où on n'envisage pas
de mettre en oeuvre la responsabilité pénale d'un individu avant
sa naissance ou après sa mort. Il parait donc logique que l'existence
légale des entités collectives encadre cette innovation majeure.
Ainsi, volontairement ou non, le législateur respecte le principe
constitutionnellement consacré d'égalité de tous devant la
justice, ce qui n'est pas anodin, dans une époque dont la dynamique
s'inscrit dans la constitutionalisation des droits202.
L'entrée des groupements dans un Code pénal
pensé au départ uniquement pour les personnes physiques s'est
donc faite avec prudence de telle sorte que le champ d'application classique de
la responsabilité ne soit pas complètement chamboulé. En
effet, l'acquisition de la personnalité morale par le groupement, lui
faisant bénéficier des droits, et l'assujétissant à
des obligations, dont celle de respecter les règles et par ricochet
celles du droit pénal, justifie aisément que celle-ci soit la
première exigence de toute responsabilité pénale. Le droit
pénal ne s'est pas enrichit d'un nouveau concept sur les
préalables de la responsabilité, mais a plutôt fait le
choix d'adapter un concept déjà bien ancré. Il apparait
que le législateur a fait le choix de la facilité.
2- Un choix questionnable
81. À la réalité, si l'objectif qui se
cache derrière le déclin de l'adage « societas
delinquere non potest » consistait pour la plupart des
législations contemporaines de prendre en compte criminalité
collective de groupe ou en groupe203. Il parait clair que le
préalable d'une existence légale du groupe vient réduire
amplement sa réalisation. Ainsi, lorsqu'on sait que l'acquisition de la
personnalité juridique par le groupement dépend parfois de
simples formalités comme l'immatriculation au registre du commerce et du
crédit mobilier pour les sociétés
201 TRICOT (J.), « Le droit pénal à
l'épreuve de la responsabilité des personnes morales : l'exemple
français », Revue de science criminelle et de droit
pénal comparé 2012/1 n° 1, pp. 19 - 46.
202 NTONO TSIMI (G.) « Le devenir de la
responsabilité pénale des personnes morales en droit pénal
camerounais. Des dispositions spéciales vers un énoncé
général ? » op.cit. pp. 221 et s.
203 V. dans ce numéro : H. Dumont, Criminalité
collective et impunité des principaux responsables : est-ce la faute du
droit pénal ?
50
commerciales204 ; la déclaration à la
préfecture du lieu de leur siège ou l'autorisation pour les
associations205. Les groupements qui n'ont pas accomplis ces
formalités ne sont pas admissibles à la nouvelle
responsabilité. Le choix du législateur de la subordonner la
nouvelle institution à l'existence légale du groupement parait
plutôt être une fuite en avant, dans la mesure où au lieu
d'apporter des réponses aux questions que pourrait soulever la
responsabilité pénale de tous les êtres collectifs, il a
préféré simplement les éviter.
Au fond, le champ rationae personae de la
responsabilité pénale des personnes morales garde une assiette
considérable même si l'on exclue les entités non
dotées d'une existence légale. En principe, toute personne morale
peut voir sa responsabilité pénale engagée, en exception,
il faudra exclure du champ de cette responsabilité l'Etat et ses
démembrements, qui constituent les seules exceptions.
B- L'Etat et ses démembrements : seules
exceptions échappant à la répression
82. Au nom du principe de l'égalité de tous
devant la justice, toutes les personnes morales de droit privé comme de
droit public sont comptables devant les juridictions pénales. Mais, d'un
point de vue pratique, il ne semble pas commode de placer l'Etat au même
niveau que toutes les personnes morales. Ainsi, l'exclusion exceptionnelle de
ce dernier du champ de la nouvelle responsabilité trouve sa
justification dans plusieurs raisons (1) et a une étendue bien
précise (2).
|