B. La mise en oeuvre du droit de veto.
Chaque membre permanent du CS peut user du droit de veto
chaque fois qu'il juge qu'un différend n'est pas suffisamment grave pour
qu'intervienne les Nations Unies. La seule voix d'un membre permanent peut
paralyser l'action des quatre autres. S'il arrive que tous les membres
permanents sont unanimes sur la gravité d'une rupture de la paix, dans
ce cas, le CS doit agir.
L'exercice du droit de veto s'étend sur un champ plus
étendu, qui englobe tout le pouvoir du CS.
Il est en principe prévu ( art 4 de la Charte) que
peuvent devenir membres des Nations Unies, tous États pacifiques qui
acceptent les obligations de la charte, peuvent les remplir et sont
disposés à le faire. Ces conditions ne sont pas suffisantes, il
faut encore une recommandation du CS à l'assemblée
générale pour être admis ( art 5 de la Charte). Par
recommandation du CS, il faut entendre l'accord unanime des cinq membres
permanents. A défaut de cet accord, la demande d'admission ne sera pas
recommandée à l'assemblée générale, avec
comme conséquence le non examen de la demande.
Déjà, dès l'ouverture de la
première session de l'assemblée générale des
Nations Unies, la question des admissions des nouveaux membres se posa en
premier lieu. L'URSS met son veto à l'entrée de l'Irlande, du
Portugal, et de la Transjordanie; la France obtint la mise à
l'écart de la candidature du Siam jusqu'au règlement du
contentieux de cet État avec le Laos et le Cambodge33. Dans
l'entre temps, le Suède, l'Afghanistan et l'Islande sont admis.
L'Israël fut admis comme le 59ème membre, le 11Mai 1949, par 37
voix contre 18 et 9 abstentions.
Les membres non permanents du CS sont élus par
l'assemblée ( art 18 générale §2 de la charte) pour
une période de deux ans. Mais par interprétation extensive du
maintien de la paix et de la sécurité internationales, il n'est
pas exclus de remarquer que l'élection issue de l'A:G: soit soumise, au
même titre que l'admission, à une recommandation du CS. Tel fut le
cas
33 Zorgbibe Ch., Op. Cit., P. 15
20
lorsque le Soudan a tenté de se faire élire au
CS en 2000. Il s'est vu opposé le veto américain au motif qu'il
est un État terroriste.
Le CS peut, en outre, recommander à l'A.G. de prononcer
la sanction d'exclusion d'un membre si ce dernier a enfreint de manière
persistante les obligations de la charte, c'est-à-dire lorsqu'il a fait
l'objet d'une action coercitive ( art 6 de la Charte). Freinée par le
veto, la sanction est difficile à mettre en oeuvre( Échec, en
Octobre 1974, d'une tentative d'exclusion de l'Afrique du Sud ).Un membre peut
aussi être suspendu de l'exercice de tous ses droits, suivant la
même procédure, s'il commet une agression34.
La paix étant une pour l'ensemble de la
communauté internationale, la charte s'efforce d'intégrer les
États non membres de l'ONU dans le système de la
sécurité collective à la seule condition de respecter les
principes de la charte ( art ). Ceci implique qu'un État non membre qui
est agresseur, peut être l'objet d'une action coercitive de la part de
l'ONU ( art 2§6 de la Charte) (cas de la Corée du Nord ) à
moins qu'entretemps un des membres permanents ne fasse usage de son veto. Ce
veto aura pour effet d'empêcher les Nations Unies d'agir parce que le
différend n'est pas aussi grave qu'elles l'entendent.
Afin d'éviter que des motifs d'ordre procédural
ne soient invoqués pour empêcher une intervention du CS, les
auteurs de la charte ont voulu que sa saisine soit aisée. Celui-ci peut
en effet être saisi par les États en litige ,par un seul d'entre
eux, par un État non membre de l'ONU ou par un organe de cette
organisation35. De cette façon, le conflit sera porté
devant le garant du maintien de la paix, lequel pourra évaluer la
faisabilité ou l'ampleur. Ce qui n'aboutirait à rien si l'un des
permanents jugeait l'intervention inopportune.
En vue de maintenir la paix, le CS peut utiliser des
organismes régionaux pour l'application des mesures coercitives prises
sous son autorité ( art 53 de la Charte). Avec ce transfert de
responsabilité, naît de fois, une dichotomie concurrentielle entre
l'ONU et les organismes régionaux. Il n'est pas rare de constater qu'au
lieu d'agir en vertu du mandat onusien, les organismes régionaux ou les
États agissent en vertu de l'art 51 de la charte. C'est une situation
grave nécessitant que le CS réagisse. Tel est le cas de la guerre
du Golfe. Ses opérations militaires, elles ne correspondent pas
exactement au schéma du chapitre VII de la charte ( pas d'accord
spécial en vue de la constitution de ces forces, pas de comité
d'état-major pour les diriger ). Autorisées par la
résolution 678, elles relèvent plutôt de la légitime
défense ( art 51 de la Charte).36
34 Charpentier J., Op. Cit., P.55
35 Bedjaoui M., Op. Cit., T1, P.588
36 Charpentier J., Op. Cit., P.97
21
En pareil cas, la légitime défense persistera
aussi longtemps que le CS n'aura pas pris des mesures nécessaires pour
le rétablissement de la paix. Et la preuve ce que les États-Unis
ont bombardés l'Irak après la publication du rapport Butler avant
même que ce dernier soit avalisé. En revanche, comme aucune action
coercitive de caractère régionale ne peut être entreprise
sans l'autorisation du CS ( art 53 de la charte), les membres permanents du CS
n'hésitent pas à user du droit de veto pour s'arroger,
au-delà de leurs intérêts propres, ceux des États
qui, constituent plus ou moins leur clientèle37. D'où
une action régionale proposée au CS peut être
anéantie par un veto pendant que l'action en légitime
défense n'aura pas trouvé des « mesures nécessaires
» pour maintenir la paix.
Nommé par l'A.G. sur recommandation du CS ( art 97 de
la charte), le secrétaire général « constitue l'un
des piliers de l'ONU. Pour être élu, il a besoin d'un vote
concordant du conseil de sécurité. Ainsi, le veto d'un des
membres permanents peut faire échec à son
élection38. C'est le cas du veto américain à la
candidature de l'égyptien Boutros Boutros Ghali. Mais aussi,
après le décès du Secrétaire général
Dag Hammarskjöld, les dirigeants soviétiques avaient
réclamés la substitution du secrétaire
général par un secrétariat tripartite - une «
troïka » - composé d'un « occidental », d'un «
socialiste »,d'un « neutre », c'étais clairement
reconnaître que le secrétariat était le nouveau centre du
pouvoir de l'organisation, et vouloir transposer, d'une certaine
manière, en son sein, le « veto » du CS ... 39
Tout comme les amendements à la charte, sa
révision requiert l'unanimité des membres permanents ( art 108,
109 de la Charte). Aucun amendement ne peut être apporté à
la charte, qu'elle que soit la ratification des deux tiers des membres à
l'A.G., si les ratifications respectives des membres permanents ne l'acceptent.
Il en est de même de la révision de la Charte. Le pouvoir qu'ont
les neuf quelconque des membres du CS, ne se limite qu'à la
détermination du lieu et de la date qui seront fixés par l'A.G.
à la majorité des deux tiers ( art 109 §1de la Charte).
Comme on peut le constater, l'organisation ne devant pas son
existence au CS, il en autorise l'élection du secrétaire
général, des membres non permanent, des nouveaux membres de
l'organisation, leur exclusion ou suspension ainsi que, les actions coercitives
de caractère régional ( art 53 de la Charte) par recommandation;
il ne nomme pas les diffèrent organes, mais il peut les récuser
par un veto. Les décisions qui en découlent engagent
l'organisation. Les amendements et la révision de la charte peuvent
être décidés à la conférence
générale des
37 Merle M., Sociologie des relations
internationales, Paris, éd. Dalloz, 1988. P.363
38 Jouve E., Op. Cit., P.92
39 Zorgbibe Ch., Op. Cit., P.121
22
membres des Nations Unies ou aux Nations Unies, mais ils
doivent attendre les ratifications respectives et concordantes des membres
permanents du CS pour leur entrée en vigueur. Bref, il influence tout,
grâce au mandat lui confié par la communauté internationale
réunie au sein des Nations Unies : le maintien de la paix et de la
sécurité internationales.
Ce faisant, du fait du partage du monde en deux camps, le
droit de veto imparti aux grandes puissances au lieu de remplir sa fonction de
sauvegarde des intérêts vitaux de l'État qui l'exerce, est
devenu un moyen de paralyser toute action destinée à assurer le
maintien de la paix.40 C'est pour cela qu'un mécanisme
nouveau de maintien de la paix fut imaginé. C'est la résolution
377 ( V ), « Union pour le maintien de la paix » ou la
résolution dite « la résolution Acheson » du nom de son
auteur. Cette résolution est le résultat obtenu à l'issue
du comportement soviétique dans la guerre de Corée. Dans cette
affaire, l'URSS était absente au moment du vote, car elle soutenait que
la présence de la Chine nationaliste au CS était illégale.
Toutefois, le CS est passé outre en déclarant que l'absence ne
peut être assimilée au veto, car d'après l'art 28 de la
Charte « chaque membre doit avoir en tout temps un représentant au
siége de l'organisation. Aussi, toute absence est-elle un manquement
à l'obligation de la charte et doit être imputée à
l'État absent41. Pour décrisper la crise, il devint
impérieux de transférer à l'A.G. la connaissance des
questions relatives au maintien de la paix ( art 12 §1 ), ce qui fut fait.
L'A.G. adopte la résolution présentée par le
secrétaire d'État - américain - Dean Acheson dite «
Union pour le maintien de la paix », en cas de « blocage » par
l'effet du veto de l'un de ses membres permanents, le CS peut désormais,
à la majorité simple de sept voix, se dessaisir au profit de
l'assemblée. Ainsi le directoire des Grands est-il
court-circuité, et le mécanisme de la sécurité
collective transféré à l'Assemblée qui s'affirme,
dans les années 50, comme l'organe le plus dynamique de
l'organisation42. L'A.G. peut ainsi intervenir là où
le CS est empêché de le faire à cause du veto des membres
permanents. Néanmoins, cette résolution ne permet à l'A.G.
de se substituer au CS qu'en matière de règlement des
différends ( chapitre VI de la Charte). En matière de maintien de
la paix, elle ne modifie pas ses pouvoirs, qui sont limités à
celui de faire des recommandations.
En effet, le CS possède aux fins de la
réalisation des buts de l'ONU, un pouvoir discrétionnaire quant
à la détermination de l'agresseur, quant au recours à des
moyens pacifiques pour la solution de conflit et quant à l'application
des mesures conservatoires ou des sanctions, militaires ou non, d'ordre
général ou régional.
40 Bedjaoui M., Op. Cit., T .,P.788
41 Calogeropoulos-statis,Le recours à la
force dans la société internationale, Paris, LGDJ,Coll. LEP,
1986. P. 96
42 Zorgbibe Ch., Op. Cit., P. 29
23
L'application de toute mesure présuppose une
décision du CS prise à la majorité requise, y compris le
vote des 5 « Grands ». Or, le vote négatif ... d'un des «
Grands » paralyse le système entier de la charte, de même que
la non obtention de la majorité... La seule volonté des «
Grands » ne peut faire loi, car l'assentiment des États secondaires
est indispensable pour la formation de la majorité.43
Toutefois, les grandes puissances misent toujours sur leur clientèle
l'obtenir réalisation. Même à l'A.G. chaque membre est
représenté par une voix.
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