B: Les recommandations du CS
Agissant dans le cadre du chapitre VII de la charte de l'ONU
à son article 40, les CS commence en principe par « inviter les
parties intéressées à se conformer aux mesures provisoires
qu'il juge nécessaires ou souhaitables ». C'est par exemple,
en cas d'opération de maintien de la paix destinées à
empêcher les parties à un conflit d'ouvrir les hostilités
militaires ou en vue de garantir la paix dans une région en proie
à des tensions. En pareil cas, le CS ne tranche pas le différend
qui est à l'origine du conflit armé, il s'efforce d'arrêter
les hostilités afin de donner aux parties la possibilité
matérielle et la volonté de régler leur différend
par des moyens pacifiques.23 Tout en privilégiant le
règlement pacifique des différends du chapitre VI de la charte,
plus particulièrement de l'article 33, le CS décide quelles
mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée doivent être
prises pour donner effet à ses décisions.
Dans le cas d'espèce, le CS ne peut qu'adopter des
recommandations dépourvues d'effet obligatoire, c'est-à-dire non
susceptibles d'être sanctionnées dans l'hypothèse,
très fréquente ou elles ne seraient pas appliquées par les
parties à un différend. Si, en revanche, ces mesures provisoires
n'ont pas été exécutées, « le CS tient
dument compte de cette défaillance »( art 40 de la charte). En
pareille circonstance, le différend aura acquis un caractère
suffisamment grave pour constituer une menace pour la paix. Ce qui poussera,
alors le CS à prendre des décisions obligatoires à la
lumière des articles 41 et 42 de la charte.
C. Les décisions obligatoires.
A titre exceptionnel et dans le souci de remplir ses
fonctions, le CS est le seul organe de l'ONU qui se voit reconnaître un
pouvoir de prise des décisions obligatoires applicables aux États
membres, dans le cadre du maintien de la paix ( chapitre VI de la charte).Il
procède de ce pouvoir, que pour donner effet à ses
décisions en vertu de l'art 41 de la charte, le CS « peut
inviter les membres des Nations Unies à appliquer ses mesures
». Les États doivent donc les prendre en considération
et examiner de bonne foi la possibilité de s'y
conformer.24
23 Bedjaoui M. , Op. Cit., T. ,P.764
24 Idem, T. 1, P.592
15
Les mesures que peut adopter le CS « peuvent
comprendre l'interruption complète ou partielle des relations
économiques, ferroviaires, maritimes, aériennes,
postales,
télégraphiques, radioélectriques et
même - la rupture des relations diplomatiques » ( art 41 de
la charte). Si ces mesures s'avèrent inadaptées,
il peut « entreprendre, au moyen des forces aériennes, navales
ou terrestres, toute autre action qu'il juge nécessaire ... au
rétablissement de la paix et de la sécurité
internationales » ( art 42 de la charte). En agissant ainsi, il ne
lui sera pas opposé l'exception tirée du principe de la
non-ingérence dans les affaires intérieures de l'État.
Le CS ne limite pas son action aux situations dans lesquelles
la paix est menacée par un conflit entre États ( telle la crise
du Golfe ); il l'étend aux conflits internes (Angola, Géorgie,
Mozambique), à la protection des minorités menacées dans
leur identité ( Kurdes en Irak, Bosnie, Kosovo ), au
rétablissement de l'ordre dans une situation d'anarchie ( Somalie, ou,
dans une certaine mesure, Cambodge ), voire au rétablissement de la
démocratie ( Haïti )25.
Il convient de remarquer aussi que le droit qu'a le CS
d'adopter des mesures impliquant même l'emploi de la force ne lui
confère pas le pouvoir de régler au fond le différend.
Toutefois, à défaut de règlement définitif, la
situation aura pour le moins été stabilisée, et sur cette
base, le CS pourra encourager les États concernés à
accepter un règlement26.
En cas d'inefficacité des sanctions économiques,
communicationnelles et/ou diplomatiques, le CS recourt aux opérations
militaires.Comment doit-il procéder pour aboutir ? Quatre étapes
sont essentielles pour nous éclairer.
Premièrement, il faut établir un comité
d'état-major ( art 47 de la charte). Celui-ci aura pour tache de
« conseiller et d'assister le CS pour tout ce qui concerne les moyens
d'ordre militaires nécessaires ... », d'emploi et de
commandement des forces mises à sa disposition par les États
membres. Ce comité d'état-major est, en outre, «
responsable de la direction stratégique de toutes forces armées
mises à sa disposition par le conseil » exerça sur lui
une autorité. Par ailleurs, le comité d'état-major ne sera
composé que « des chefs d'état-major des membres
permanents du CS ou de leur représentants ». Ceci, pour
permettre que les décisions sur lesquelles les grandes puissances se
sont mises d'accord soient facilement appliquées au monde entier. Il y a
cependant une exception à ce principe : un membre non permanent peut
s'associer au comité d'état-major, « lorsque la
participation de ce membre à ses travaux lui est nécessaire pour
la bonne exécution de sa tache »( art 47point 2 de la charte
).
25 Charpentier J., Op. Cit., P. 97
26 Bedjaoui M., Op. Cit., T. ,P.593
16
Deuxièmement, pour donner force et crédit aux
« plans pour l'emploi de la force armée » ( art 46 de
la charte) tels qu'établis par le CS avec l'aide du comité, les
membres des Nations Unies « s'engagent à mettre à la
disposition du CS, sur son invitation ou conformément à un accord
spécial ou à des accords spéciaux, les forces
armées ... nécessaires » ( art 43 de la charte).
Les accords conclus à cet effet sont limitatifs et la
nature de ces forces doivent non seulement fixer les effectifs et la nature de
ces forces mais aussi leur emplacement général et les soutiens
qui s'y associent. Par surcroît, une fois négociés sur
l'initiative du CS, ces accords doivent être ratifiés par les
États signataires selon les règles constitutionnelles de chaque
État partie aux accords. En voulant ratifier ces accords, c'est pour
leur donner une force supérieures à celles des lois internes.
Mais aussi, c'est pour éviter que les dirigeants politiques n'endossent
la responsabilité politique d'avoir agit en dehors de la volonté
étatique.
Troisièmement, en attendant l'entrée en vigueur
des accords spéciaux mentionnées à l'art 43 de la Charte,
qui, après l'avis du CS, lui permettront de commencer à assurer
les responsabilités lui incombant en application de l'art 42, les
parties à la déclaration des Quatre Nations signées
à Moscou le 30 Octobre 1943 et la France se concerteront entre elles et,
s'il y a lieu, avec d'autres membres de l'organisation, conformément aux
dispositions du § 5 de cette déclaration, en vue d'entreprendre en
commun, au nom des Nations Unies, toute action qui pourrait être
nécessaire pour maintenir la paix et la sécurité
internationales ( art 106 de la charte). Une fois les accords conclus et
ratifiés et que par la suite le CS décide de recourir à la
force, les contingents des forces armées de ses membres sont mis sous la
du CS avec l'aide du comité d'état-major. Cependant, il est utile
de s'arrêter sur ce direction passage : « ... fournir des forces
armées en exécution des obligations contractées en vertu
de l'art 43, convier le dit membre, si celui-ci le désire ...
»
Par « obligation contractée », il faut
entendre qu'il existe un lien juridique entre le membre et le CS. En tant que
tel, ce lien est contraignant et ne bénéficie nullement d'excuses
si ce n'est que dans le cas prévu par les accords. D'où dire par
la suite « convier le dit membre, si celui-ci le désire
» nous parait admettre quelque chose et son contraire à la
fois. Il est, certes, vrai que seuls les États sont souverains et les
organisations internationales ne peuvent les supplanter. Ce n'est pas pour
autant que la volonté, même injustifiée, d'un État
doit paralyser l'action alors fondée sur les accords spéciaux. Le
conseil devait choisir une autre façon de contraindre les membres
à respecter les engagements pris.
Quatrièmement, enfin, après avoir fixé
l'importance et le degré de préparation de ces contingents et
établit des plans prévoyant leur action combinée ( art 45
de la charte), les
17
décisions du CS « sont exécutées
par les membres des Nations Unies directement et grâce à leur
action dans les organismes internationaux appropriés dont ils font
partie » ( art 48 §2 de la charte).
Ceci étant, quel peut être le statut juridique de
ces forces des Nations Unies ? Les forces des Nations Unies sont
authentiquement internationales et entièrement intégrées
à l'ONU.Le programme de mise en place est établi par le
secrétaire général, sous le contrôle de l'organe qui
en a autorisé la création - l'assemblée
générale ou le CS - son commandement en chef est
désigné par les Nations Unies27. Dès lors, le
statut juridique de ces forces découle de la capacité juridique
nécessaire dont jouit l'organisation sur le territoire de chacun de ses
membres.
A tous les points de vue, les forces de maintien de la paix,
communément connues sous l'appellation "casques bleus", ne sont pas
à confondre avec les Forces des Nations Unies. La notion de maintien de
la paix par interposition de casques bleus n'est pas dans la charte des Nations
Unies. Elle a été inventée par Dag Hammarskjöld et le
Canadien Lester Pearson, pour mettre fin à la guerre de Suez en
1965.28
Ces forces, constituées par voie de recommandation, le
plus souvent du CS mais parfois de l'assemblée générale,
sont très différentes de celles qui étaient prévues
par le chapitre VII de la charte29. Pour leur déploiement sur
terrain, ces forces dépendent de l'accord conclu avec l'État
territorial ( l'État sur le territoire duquel elles vont exercer leur
mission ). Elles n'interviennent pas contre l'agresseur, mais se limitent au
rôle d'interposition entre les forces adverses; leur constitution est
volontaire c'est-à-dire formées des contingents librement fournis
par les États « neutres » dans le conflit. Ainsi, nous pouvons
citer la MONUC,la MINUSIL, la MINUAR,....Bref, les forces d'urgences ou
d'observations sont des organes subsidiaires de l'assemblée
générale ou du CS ( art 29 de la charte).
|