CHAPITRE I: CONSIDERATIONS
GENERALES SUR LA SECURITE
COLLECTIVE
Pour mieux cerner les contours de la sécurité
collective, nous partirons de l'art 2 paragraphe 4 de la charte des Nations
Unies, qui appelle à son tour l'art 51 et plus spécialement le
chap. VII. En effet, l'art 2 §4 énonce : « les membres de
l'organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir
à la force ou à l'emploi de la force, soit contre
l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de
tout État, soit de toute autre manière incompatible
avec les buts des Nations Unies ».
En d'autres mots, cet article prohibe le recours à la
force comme mode de règlement des différends entre États
membres
Néanmoins, il y a deux énoncés sur
l'emploi indirect de la force qui sont remarquables, en particulier, par leur
ampleur. Le premier est le suivant : chaque État a le devoir de
s'abstenir, d'organiser ou d'encourager l'organisation des forces
irrégulières ou des bandes armées, notamment des bandes de
mercenaires, en vue d'incursion sur le territoire d'un autre État. Le
second : chaque État a le devoir de s'abstenir d'organiser et
d'encourager des actes de guerre civile ou des actes de terrorisme sur le
territoire d'un autre État, d'y aider ou d'y participer, ou de
tolérer sur son territoire des activités organisées en vue
de perpétrer de tels actes lorsque les actes mentionnés dans le
présent paragraphe impliquent une menace ou l'emploi de la force .17
C'est dans ce souci, qu'en définitive, les États
membres ont décidé de conférer au conseil de
sécurité -organe restreint de l'organisation - la
responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécurité internationales tout en reconnaissant qu'en s'acquittant
des devoirs que lui impose cette responsabilité, le conseil de
sécurité agit à leur nom ( art 24 §1 ). Ce qui
signifie que le recours à la force par un membre de la
société est considéré comme un acte de guerre
contre tous les autres membres 18.
Cependant, même si la charte a expressément
conféré au CS la responsabilité principale du maintien de
la paix et de la sécurité - c'est à l'exclusion de tout
droit de recourir à la force
17 Bedjaoui M., Droit international : Bilan et
Perspective, T2, Paris, éd. A. Pédone,1991. P.785
18 Bertrand M.., L'ONU, Paris, éd. La
découverte,1995. P. 17
12
dont les États pourraient se prévaloir en droit
international coutumier pour préserver la paix et la
sécurité 19.
Par ailleurs, pour renforcer les termes du principe
prévu par l'art 2 §4, l'art 51 de la charte reconnaît, de
façon expresse, un droit naturel de légitime défense,
individuelle et collective, dans le cas où un membre des Nations Unies
est l'objet d'une agression armée20. La mise en oeuvre de
l'art 51 fera l'objet d'un accent particulier.
L'analyse de la sécurité collective
nécessite donc deux étapes, l'étendue du pouvoir du CS et
son rôle qui explicitent l'organisation et le fonctionnement du pouvoir
qui lui est conféré.
SECTION I : L'ETENDUE DU POUVOIR DU CONSEIL DE
SECURITE.
Contrairement à tous les autres éléments
du réseau public et privé des relations internationales, l'ONU
n'a pas été instituée pour répondre à des
besoins précis et concrets. Elle est seulement chargée de
répondre à un rêve, celui de la paix. La paix n'est pas
uniquement le seul objectif de l'ONU. Les signataires proclament leur foi dans
les droits fondamentaux de l'Homme, le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes et dans le progrès social. Cette paix à
laquelle ils aspirent tous ne peut se faire que dans le cadre d'un ordre
mondial bien déterminé. Or pour arriver à ce dernier, les
États membres ont ainsi confié au CS la mission du maintien de la
paix, tout en reconnaissant qu'en s'acquittant de son devoir, il agit à
leur nom. D'où, il a un pouvoir général sur le maintien de
la paix.
Par ailleurs, le coeur de la charte se situe au chapitre VII
(action en cas de menace contre la paix, de ruptures de la paix et d'acte
d'agression), flanqué des chapitre VI (sur le règlement pacifique
des différends) et VIII (sur les accords régionaux). Comme le
pacte de la SDN, la charte répose essentiellement sur une alliance
militaire qui doit assurer la « sécurité collective ».
Le CS (11 membres à l'origine, puis 15 en vertu d'un amendement de 1965)
compte 5 membres permanents désignés à l'article 23 de la
charte et dix membres non permanents élus par l'A.G., pour un mandat de
deux ans. Il peut « constater l'existence d'une menace contre la paix
», prendre une action militaire (article 42 de la charte). Des forces
armées doivent être mises à sa disposition par les
États membres (articles 43 de la charte ), en vertu d'accords
spéciaux à négocier « aussitôt que possible
» (ils n'ont jamais été établis). L'emploi de ces
forces est planifié par un comité d'état-major qui assiste
le conseil (il n'a jamais rempli cette fonction). Le secrétaire
général peut (art 99 de la charte) « attirer l'attention
19 Bedjaoui M., Op. Cit. , T. ,P.779
20 Idem, P. 586.
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du conseil sur toute affaire qui, à son avis, pourrait
mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité
internationales.21 Mais tant que le CS ne se serait saisi d'un
différend, aucun organe ne peut s'en servir simultanément sauf
s'il le lui demande conformément à l'art 12 de la charte.
Pour mieux cerner l'étendue du pouvoir du CS, nous
analyserons successivement la démarche à suivre pour maintenir la
paix (paragraphe 1), le mode de votation (paragraphe 2) et enfin, la
procédure exigée (paragraphe 3).
Paragraphe1. Procédure légale ou
organisationnelle
En cas d'agression ou d'un différend grave, le CS, sans
plus cherche à concilier, doit arrêter ou prévenir les
hostilités. A cet effet,
a) il constate l'agression ou la menace d'agression;
b) il peut faire des recommandations;
c) il peut prendre des décisions, allant
jusqu'à la mise en oeuvre d'une action militaire au moyen des forces
armées mises à sa disposition par les États
membres.22
A. Le constat d'une menace à la paix ou d'une
rupture de la paix
l'article 39 de la charte énonce : « Le CS
constate l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou
d'un acte d'agression et fait des recommandations décide quelles mesures
seront prises conformément aux articles 41 et 42 pour maintenir ou
rétablir la paix et la sécurité internationales.
»
Aux termes de cet article, la première démarche
que le conseil doit faire ,c'est la constatation d'une menace à la paix
ou d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression. C'est à l'issue de
cette démarche que sera déterminé tout le
développement ultérieur de sa mission. Néanmoins, pour
qualifier un différend ou une situation de rupture de la paix ou de
menace à la paix, le conseil de sécurité peut
procéder à l'enquête préalable prévue
à l'article 34 de la charte. Cependant, la qualification de la
matérialité des faits n'est pas une tache facile pour des raisons
de fond. Une partie au conflit peut demander au CS d'examiner tout d'abord la
question de savoir s'il existe ou non un différend avant toute
qualification possible. A ce niveau, il se joue la complexité des
relations internationales et l'usage de veto. D'une part, si l'État qui
a demandé l'établissement de l'existence du différend
n'est pas membre du CS, ou s'il l'est, mais
21 Bertrand M. , Op. cit. , PP 6 et 26
22 Charpentier J. , Institutions
internationales, Paris, éd. Dalloz, 14 éd. , 1999. P.94.
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qu'il ne jouit pas du droit de veto, il mise sur la
clientèle des grandes puissances. D'autre part, les avantages
tirés de la clientèle font échec ou paralysent la
démarche du CS dans le constat du différend. à cause de
l'usage du veto
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