E. Critiques émises sur l'extension des
compétences du CS.
Beaucoup de critiques se sont élevées pour
dénoncer l'extension des prérogatives du CS, il faut dire que la
question est ancienne. Certains pays comme la Colombie ont
dénoncé l'accroissement illégal des compétences du
CS en des termes durs. Selon ce pays, pour en arriver là, le conseil a
adopté une interprétation lâche, libérale et
extensible à souhait que rien dans la charte ne saurait justifier, de la
notion de menace de la paix et de la sécurité internationales.
Cette extension des attributions du conseil aurait empiété sur le
domaine d'intervention d'autres organes du système des Nations Unies par
exemple le HCRNU124. Comme on peut s'en rendre compte, le CS
élargit ses compétences toujours au nom du maintien de la paix et
de la sécurité internationales. Pourtant, devant les richesses du
sol et du sous-sol, les dispositions de la Charte notamment la notion de
maintien de la paix et de la sécurité internationales, ne
représentent rien aux yeux des certaines puissances.
Comment comprendre que deux Etats viennent se battre à
deux reprises sur le territoire d'un autre État sans que le CS de l'ONU
ne condamne énergiquement ce comportement et les contraigne à se
retirer puisqu'il s'agit bel et bien d'une rupture de la paix internationale,
tandis qu'au Koweït les interventions s'exécutent avec
rapidité. Comme si l'extension de ses compétences se limitait
à produire des textes vagues, imprécis et ambigus, le CS dans sa
résolution 1304 (2000 ), se contente de se déclarer
indigné par la reprise des combats entre les forces ougandaises et les
forces rwandaises à Kisangani en RDC le 5 Juin 2000, ainsi que par le
manquement de l'Ouganda et du Rwanda à l'engagement de mettre fin aux
hostilités et de se retirer de Kisangani125. A analyser de
près la résolution, le souci cardinal du CS n'est même pas
d'offrir aux congolais juste la paix puisque les agresseurs, selon la
volonté du conseil, resteront en maître régnant en RDC,
dans les territoires autre que Kisangani et ils ne seront pas
inquiétés pour avoir violé la souveraineté et
l'intégrité territoriale de la RDC en dépit de quelques
paragraphes vagues et imprécis de la résolution. Agissant en
vertu du chapitre VII, le conseil, dans ses paragraphes 2 et 3 de la
résolution 1304 ( 2000) avait seulement l'intention de
123 Papini R. et all., La rupture des relations diplomatiques
et ses conséquences, Paris ,éd.A.Pédone,1972. P.38
124 FAYE A. in le CERRI,Op.cit,P.8
125 Résolution 1304 ( 2000 ) du CS des Nations Unies.
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se convaincre coûte que coûte qu'il n'a pas connu
d'échec même si celui-ci est évident puisque à sa
fin, la résolution traite bizarrement sur le même pied
d'égalité, aux paragraphes 4 et suivant, les forces
invités et celles non invités ( agresseurs ).
Et pour camoufler son inefficacité, au paragraphe 13 de
la résolution, le CS se limite à exprimer l'avis que les
réparations- sans contrainte - pour les pertes en vies humaines et les
dommages matériels infligés à la population civile de
Kisangani soient fournies par les gouvernements ougandais et rwandais. Or,
cette nouvelle n'a suscité aucun commentaire significatif de la presse
internationale comme si les vies des victimes congolais étaient sans
importance dans la logique de l'analyse d'une communauté internationale
déterminée à imposer ses vues et ses choix au peuple
congolais même au prix d'une boucherie humaine 126. Au surplus, il
importe de faire remarquer que la population de Kisangani ne constitue pas
l'ensemble de la population congolaise. Voilà pourquoi le CS ne doit pas
seulement condamner les exactions commises sur la population de Kisangani par
les troupes étrangères mais aussi sur la population d'autres
entités administratives de la RDC.
Il est évident, par ailleurs, que la guerre en RDC
comporte beaucoup de mobiles économiques à croire au rapport sur
le pillage systématique des richesses de la RDC du
/2000. Tout d'abord, l'illustration pertinent en a
été faite par le porte-parole du département d'Etat
américain, Mr Rubin lorsqu'il a dénoncé le pillage des
richesses de la RDC par le Rwanda et l'Ouganda, principalement le bois, l'or et
le Diamant127. Ce qui est contraire à l'art 1er alinéa
2 de la convention de Genève IV128.
Cependant, comme le démontre le rapport sur le pillage
de la RDC , ces derniers - Rwanda, Burundi et Ouganda - ne jouent que le
role de sous-traitant dans l'exécution de ce complot international
visant à briser la volonté d'autonomie de la RDC et la main mise
sur ses richesses129. Le pays est trop riche pour susciter envies et
convoitises barbares.130 Et c'est ce qui explicite
l'inadaptabilité ou mieux l'inefficacité des résolutions
du CS sur la RDC. Le Rwanda et l'Ouganda sont des ouvriers disposés
à payer de leur sang pour leur survie et réserver la bonne part
aux grandes puissances. Le capitalisme aujourd'hui a atteint un niveau tel que
pour que survive les pauvres, ils doivent payer de leur sang.
126 CIJ, Livre blanc,Op.cit, P.37
127 Idem,P.65
128 Art 1er alinea 2 de la convention Génève IV :
«Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer
librement de leurs richesses et de leur ressources naturelles... en aucun cas
un peuple ne pourra etre privé de ses propres moyens de substance
»
129 CIJ, Livre blanc,Op.cit, P.67
130 TEVOEDJE A:, Rapport préparatoire du dialogue
inter-congolais : Rapport Général, Gaberone, Aout 2001. P.
7
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Toujours au nom du maintien de la paix et de la
sécurité internationales, le CS est intervenu dans le conflit
angolais, bien qu'interne, parce qu'il a estimé la paix internationale
menacée surtout lors de l'intensification des combats qui ont suivie le
retrait des forces de l'Unita des FAA après l'échec de J. Savimbi
aux élections présidentielles et législatives de 1992.
C'est pendant ce temps que fut adoptée la résolution 864 ( 1993 )
du CS imposa un embargo sur les armes à l'Unita. Or, imposer l'embargo
sur les armes ne résoud, en soi, rien si les données du
différend n'ont pas entretemps changé surtout que la contrebande
de diamants alimente ce commerce fructueux.
Pour la petite histoire, les origines du conflit remontent
à la décolonisation de l'Angola. Depuis 1975, date de son
indépendance, l'Angola a subi les poids idéologiques de la guerre
froide, accentué par la convoitise d'importantes richesses naturelles (
diamants, pétrole, ... ) dont il regorge. Pendant cette période,
le pays est un terrain d'affrontement idéologique entre les USA et
l'Afrique du Sud, d'un coté et l'URSS et le Cuba, de
l'autre131. De sorte que cet élément extérieur
fut primordial et déterminant pour la résolution du conflit, il a
entretenu une situation conflictuelle au point qu'actuellement, la scène
politique « officieuse » du pays n'est pas modifiée. Seul
l'environnement extérieur a changé depuis le retournement de la
situation au début des années 1990 avec la chute du
communisme.
La résolution 864 ( 1993 ) a imposé un embargo
sur les armes à l'Unita, la résolution 976 ( 1995 ) y a adjoint
le gouvernement angolais ( paragraphe 12 ). Mais ces résolutions n'ont
jamais été exécutées parce que l'Unita,
malgré l'embargo de 1993, continue de recevoir des armements en
provenance des pays voisins comme la République Sud-africaine, la
Namibie et l'ex-Zaïre132. Du cote du gouvernement, non plus,
l'embargo sur les armes n'est pas aussi total qu'il devrait l'être,
puisque la Russie, le Brésil et le Portugal continuent à lui
fournir des armements...133
Comme on peut s'en rendre compte, de deux cotés, ce
sont les mêmes acteurs qui hier soutenaient les parties opposées
qui continuent encore cette fois-ci, n'ont pas sur un terrain d'affrontement
idéologique mais sur celui économique et de positionnement
stratégique, à alimenter le cycle de la violence, à rendre
inefficace les résolutions du CS.
Selon le rapport de Human Right Watch, la firme sud-africaine
de Beers s'est vue accusée d'avoir achetée des diamants à
l'Unita. Human Right Watch dénonce dans son dernier rapport sur
l'Angola, la permanence des vols entre le Zaïre et les zones
contrôlées par
131 Anonyme, Le réglement de conflit angolais et son
inscription dans l'espace géopolitique de l'Afrique
132 Idem,P.23 Australe, Op.cit, P. 1
133 Idem, P.22
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l'Unita.134 En outre, jusqu'en Mai 1993, date de la
reconnaissance du gouvernement de Luanda, les USA ont soutenu l'Unita contre le
régime pro-marxiste du MPLA135. Ce n'est que 4 mois seulement
après cette reconnaissance par les USA qu'est intervenue la
résolution 864 ( 1993 ) du CS portant embargo sur les armes contre
l'UNITA. Cela prouve à suffisance à quel point les membres
permanents sont à même de remettre la paix dans une région
en proie de tension chaque fois que leurs intérêts sont garantis;
même si, enfin de compte, la paix ne s'est pas rétablie en Angola.
C'est ainsi que J. Savimbi, ayant perdu au cours des années son soutien
le plus précieux, celui des USA, il peut craindre de devoir jouer encore
longtemps les trouble-fêtes ou de remettre en cause par les armes la
pacification politique136. Mais comme le gouvernement a
continué à s'approvisionner en armes en dépit de la
résolution 976 ( 1995 ); l'Unita continue aussi d'acheter des armes
illégalement, contournant l'embargo qui lui est imposé au
paragraphe 19 de la résolution 864 ( 1993 ) du CS. Et c'est ce qui
justifie les récents affrontements entre l'UNITA et les FAA.
Cependant, les violations de l'embargo, si souvent
constatées, n'ont pas fait l'objet de véritables sanctions. Il
n'y a eu a posteriori que des demi-mesures pouvant augurer soit d'un
manque de volonté, soit d'un intérêt économique
certain ( pour le pétrole, en tout cas ). Car qui dit gouvernement
légal, contrôlant l'ensemble du territoire, dit aussi menace pour
le contrôle des installations pétrolières137.
Ainsi, donc, l'intérêt que les pays de la région (SADC )
manifestent pour l'Angola ne suffit pas à résoudre le conflit
dont les tenants et les aboutissants sont très glissants.
D'où, la reforme du CS des Nations Unies s'avère
actuellement très importante car, il y va de la confiance même
dont peut jouir cette institution universelle à vocation politique...
Les membres doivent éviter les divergences et les querelles entre Etats,
parce que dangereuses pour leur union et ceci au prix de la pensée de
Raymond ARON qui estime que tant que l'humanité n'aura pas accompli son
unification dans un État universel, il subsiste une différence
essentielle entre politique intérieure et politique extérieure
.138
134 Idem, P. 23
135 Idem,P.80
136 Idem, P.33
137 Idem, P.25
138 Aron R., Cité par M. Merle, Sociologie des
relations internationales, 4ème Ed., Paris, P.U.F, 1948, P. 49
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