CONCLUSION GENERALE
Tout au long du cheminement de ce travail intitulé
« Analyse critique des résolutions du CS des Nations Unies »,
il a été question de présenter, dans son premier chapitre,
des considérations générales sur la sécurité
collective. Au-delà de celles-ci s'est ajouté l'analyse des
résolutions du CS des Nations Unies tant sur le plan organisationnel que
sur le plan des causes qui contribuent à l'inefficacité de ces
résolutions. Ces causes présentent chacune ses
particularités, ce qui fait que les effets engendrés par les
résolutions varient en fonction de la politique générale
ou mieux des intérêts, non pas de l'organisation des Nations Unies
mais de ceux de chaque État membre surtout et prioritairement des P5.
De cela, il s'est avéré que les
intérêts égoïstes des Etats membres ont prévalu
sur les buts assignés à l'organisation qui ne sont rien d'autres
que le maintien de la paix et de la sécurité internationales, le
traitement égalitaire entre tous les Etats membres en développant
entre eux des relations amicales, faire des Nations Unies un centre où
s'harmonisent les efforts des nations vers des fins communes, un centre ou se
résolvent les problèmes internationaux d'ordre économique,
social, intellectuel ou humanitaire tout en réalisant la
coopération internationale. Ces intérêts
égoïstes des Etats ont entraîné comme
conséquence l'inefficacité des résolutions du CS, faute
d'adhésion d'autres Etats membres à ces résolutions.
Avant toute adoption d'une résolution , les P5 doivent
impérativement se consulter officieusement. Ce n'est qu'au cours de ces
consultations des P5 que la plupart des décisions du conseil sont
formellement arrêtées avant même la discussion avec les
autres membres non permanent. C'est ce qui fait que les résolutions du
CS n'ont jamais été transparentes, les méthodes
adoptées pour arriver à une résolution ne sont pas connues
par des autres Etats compte tenu de la grande opacité. Les
résolutions ne limitent jamais, avec exactitude, la
responsabilité en cas de leur non-exécution. Si elles sont
adoptées, c'est tout simplement parce que les intérêts des
P5 sont plus ou moins sauvegardés. D'où la perte de la
crédibilité du conseil et de ses résolutions.
Il arrive, par ailleurs, que, malgré ces consultations
officieuses, certains membres permanents se désolidarisent des autres et
agissent contrairement à la résolution au vote duquel ils ont
participé. Il arrive, et plus souvent, que certains Etats n'aient plus
besoin des résolutions du CS pour se rendre justice : c'est la loi de la
jungle qui résoud le différend.
Il se pose aussi un autre problème, celui du
contournement du CS par certaines puissances ( USA ) et par certaines
coalitions ( exemple de l'intervention de l'OTAN au Kosovo ).
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L'efficacité qui suppose crédibilité des
Etats membres aux résolutions du CS se voit donc remise en cause par
cette tendance de contournement.
Face à de telles hypocrisies qui entraînent
l'impuissance du CS de maintenir la paix et la sécurité
internationales, les membres permanents cherchent à camoufler
l'échec encaissé en se repliant derrière les
déclarations à la presse du Président du CS. En fait, ces
déclarations sont le symbole d'une impossibilité politique entre
les P5 d'adopter une résolution. Cependant, par elles, les membres du
conseil veulent faire croire à la communauté internationale
qu'ils ne sont pas demeurés totalement inertes. Coûte que
coûte, ils essaient de se convaincre qu'ils n'ont pas connu
d'échec même si celui-ci est évident. C'est ainsi que,
quand ce sont les diamants de la Sierra Léone, le pétrole du
Koweït ou de l'Angola, les richesses minières de la RDC, le
positionnement stratégique et économique en Éthiopie qui
dictent les comportements des Etats face aux résolutions du CS; celui-ci
est dans l'impossibilité d'adopter des résolutions et s'elles
sont adoptées, elles sont tellement imprécises, vagues et
monotones que leur non-exécution n'est pas sanctionnable. C'est ainsi
que devant la faillite du maintien de la paix, l'ONU change son fusil
d'épaule et réveille le mythe de la justice internationale.
A cela s'ajoute la « bipolarité du CS ».
Celle-ci est beaucoup plus accentuée sur le plan décisionnel que
sur le plan formel. D'un coté, le CS est composé des membres
permanents ( art 23 de la charte des Nations Unies ) qui sont les grands
vainqueurs de la deuxième Guerre Mondiale et fondateurs de
l'organisation. De l'autre coté, le CS se compose de dix autres membres
de l'organisation à titre de membres non permanents du CS élus
pour une période de deux ans.
Les premiers disposent chacun d'un droit de veto capable de
paralyser toute action de l'organisation quelle que salvatrice qu'elle puisse
être aux attentes des autres membres de l'organisation. C'est ce droit de
veto qui confère un poids politique considérable des P5 face aux
résolutions du CS et aux autres Etats membres de l'organisation. Avec ce
droit, chacun des P5 peut accepter ou refuser la révision ou
l'amendement de la charte des Nations Unies, etc.
Ceci implique que chaque membre permanent du CS peut user du
droit de veto à tout moment, même au simple projet de
résolution du CS pour qu'il soit modifié ou n'aboutisse pas.
Ainsi, chaque fois que l'un estime qu'un différend n'est pas
suffisamment grave pour qu'intervienne les Nations Unies, il menace par son
opposition c'est-à-dire son veto en dépit des attentes de la
communauté internationale. Ce qui fait que l'ONU ne peut rien
entreprendre contre l'un quelconque des P5 car doté d'un droit de veto
même s'il est engagé dans un conflit qui constitue une rupture de
la paix. Voilà pourquoi d'autres Etats comme l'Allemagne et le Japon
militent pour qu'ils soient chacun membre permanent. Le Japon et l'Allemagne
militent
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aussi en cette qualité en fonction du poids de leur
contribution au budget des Nations Unies : 24 % près139.
Cette contribution est de loin supérieure aux contributions francaise,
britannique,...
Les seconds, par contre, ne disposent pas d'un droit de veto
et sont élus par l'A.G. sur recommandation des premiers
c'est-à-dire les membres permanents les véritables composant du
gouvernement mondial de fait dans la logique onusienne suivant une
répartition géographique équitable notamment. Dans la
prise des décisions au sein du CS, ces derniers n'interviennent qu'au
second plan. Autrement dit, ce sont les P5 qui, prioritairement, doivent
consentir à une résolution ( art 27 § 1 de la charte des
Nations Unies ) après quoi, pour que celle-ci soit adoptée, les
membres non permanents interviennent avec tout au maximum le concours de quatre
ou cinq membres à la décision prise par un vote affirmatif ( art
27 § 3 de la charte des Nations Unies ). A vrai dire, ce cinquième
membre non permanent qui intervient lors du vote affirmatif sera très
important le jour où le conseil pourra faire abstenir un membre
permanent à la prise d'une décision à laquelle il est
acteur.
On comprend mieux que ce sont les P5 qui décident dans
l'organisation, mais pour ne pas faire croire une telle réalité
à la communauté internationale, l'art 23 de la charte essaie d'y
associer d'autres Etats membres qui ne peuvent vraiment pas mordre. Ainsi
l'efficacité du CS dans ses résolutions pose problème mais
aussi son « caractère bipolaire ».
A quelques exceptions près, en principe, tout comme les
hommes, les Etats se sentent liés par une décision à
laquelle ils ont participés. Ils sont aussi retissant aux
décisions ou résolutions auxquelles ils n'ont pas
été, à tout le moins, représentés. Et cette
réalité n'échappe pas au CS des Nations unies.
Ainsi l'élargissement du CS parait aujourd'hui comme
une nécessité. Le problème qui se posera sera celui de
l'élargissement des membres permanents du CS. Compte tenu de tant
d'échecs enregistrés par les résolutions du CS qui ne sont
jamais suivis d'effets; l'objectif principal de l'élargissement et donc
de reforme du CS doit être le renforcement de l'efficacité du
CS.
Certes, l'élargissement du CS demeure une
nécessité étant donné que plus le conseil sera
représentatif, plus l'adhésion des Etats sera importante
vis-à-vis de ses résolutions et par conséquent le conseil
y gagnera en crédibilité140. S'il faut envisager
l'élargissement du conseil seulement sous son aspect négatif de
l'usage fréquent du veto; l'élargissement en soi est mauvais.
S'il faut l'envisager, par contre, dans le sens de conscientisation et de
participation pour légitimer les résolutions du CS,
l'élargissement est souhaitable et une nécessité à
la fois.
139 Faye A. in le CERRI,Op.Cit., P. 18
140 Faye A. in Le CERRI, Op. Cit., P. 20
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Par cette pratique, les Etats seront beaucoup plus
disposés à accepter et exécuter des résolutions du
conseil lorsque ces derniers seront prises par le CS au sein duquel toutes les
régions du monde se reconnaissent. Aussi, il ne suffit pas que le
conseil soit représentatif pour que ses résolutions soient
efficaces, il faut ensuite la volonté politique des Etats membres pour
amener l'organisation à ses buts. Il faut aussi la prise en conscience
de tous les peuples des Nations Unies de leur responsabilité commune en
matière de sécurité collective, surtout en
privilégiant la solidarité entre les Etats membres.
Il n'est pas, néanmoins, facile d'aboutir à un
juste équilibre entre une représentation géographique
équitable et la garantie d'une efficacité des résolutions
du CS; trouver un compromis dynamique qui respecterait les impératifs de
l'efficacité et de la représentativité n'est pas
aisé. Mais il reste une nécessité que le CS soit
élargi à des nouveaux membres pour l'efficacité de ses
résolutions surtout si la volonté politique des Etats peut y
jouer un role de premier plan.
ll est implicitement établi dans la charte que seules
les P5 jouissent du droit de veto. Ce droit pourrait, d'une manière
générale, signifier que l'accord obtenu par les grandes
puissances ne connaîtrait pas d'obstacle à son application par la
communauté internationale.
Cette logique n'est pas, cependant, totalement vrai parce que
les Etats demeurent souverains malgré leur adhésion surtout que
la responsabilité de non-exécution d'une résolution du CS
n'est pas sanctionnable.
Il est, au contraire, prouvé que le veto joue un role
considérable avant toute prise de décision. Mais cela
n'empêche pas que certaines puissances notamment les USA contournent le
CS, il en est de même de l'OTAN pour échapper au veto, surtout
Russe. La question est de savoir si cette situation va se renouveler le plus
souvent. Et s'elle se renouvellera chaque fois, à quoi servira le Veto ?
Il tombera en désuétude et l'organisation sera conduite
inéluctablement à une incapacité totale d'intervenir dans
les confits et donc à sa disparition. Ceci ne veut pas, pour autant,
dire que c'est le veto qui fait qu'intervienne l'organisation dans les
conflits; loin de là, c'est seulement parce que les P5 n'interviendront
plus dans un conflit au nom des Nations Unies, ce qui ferait de cette
organisation un bon à rien.
Au surplus, étant donné que tous les Etats
adhèrent à l'organisation en vertu du principe de
l'égalité souveraine des Etats membres, le CS ne devait plus
faire figure d'un système bipolaire dans la prise des décisions.
Cela favorise le clientélisme, l'inégalité parfaite entre
les membres , l'injustice,... Mais aussi la méfiance des autres Etats
membres face aux décisions prises par le conseil.
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Il ne serait pas aussi raisonnable que tous les Etats soient
membres du CS car cela alourdirait la rapidité dans la prise des
décisions et l'efficacité des interventions très urgentes.
D'où un nombre réduit d'Etats membres et représentatifs
peut constituer un organe restreint, le CS, pour traiter dans la transparence
et l'égalité souveraine des Etats, des questions relatives aux
buts des Nations Unies. Ces Etats auront l'obligations de tenir informer les
autres Etats non membres du déroulement de leurs consultations par des
documents récapitulatifs, bien sur, qui rendent compte des débats
de leurs séances.
« Le bipolarisme du CS » frustre les membres non
permanents qui dépendent des P5 parce qu'ils n'ont pas à proposer
à ces derniers qui ont tout décidé dans leur consultation
officieuse. Ainsi, pour la meilleure participation des Etats membres à
la transparence et à la crédibilité des résolutions
du CS, il serait préférable de traiter tous les Etats membres de
façon égalitaire de sorte qu'il ait alternance dans l'exercice
des fonctions et pouvoirs de la sécurité collective et
idéalement aboutir à l'abandon du veto surtout que les Etats
adhèrent en vertu du principe de l'égalité souveraine.
Certes, la tache n'est pas aisée, mais l'abandon du
veto ne peut pas être brusque et total; il faudrait qu'il soit progressif
par la réduction progressive de son champ d'application et bien
pensé. Mais aussi, il serait mieux que tous les membres du conseil
soient soumis à un mandat unique et non renouvelable
immédiatement. Si les Nations Unies sont la voie du monde, le CS ne doit
plus être une clique occidentale.141
Il se posera alors le problème de révision de la
charte des Nations Unies. A son art 108, elle veut que pour l'entrée en
vigueur de sa révision ou de a son amendement, tous les cinq membres
permanents aient ratifiés la mesure arrêtée. Ainsi au cas
où il y aurait une révision ou un amendement de la charte des
Nations Unies en vue d'élargir le CS à des nouveaux membres ou
supprimer le veto ou le « bipolarisme du CS », il faut
inéluctablement une ratification de tous les membres permanents actuels
pour l'application des mesures adoptées. Cette condition a
été posée en 1963 par la résolution 199/XIII du 17
Décembre 1963.
En définitive, il n'est pas nécessaire de
créer quelques choses d'entièrement nouveau sans tenir compte de
ce qui existe. Le grand mérite de l'ONU est justement d'exister et de
fournir une base de départ pour la reconstruction de la paix. Il serait
tout à fait déraisonnable de répartir à
zéro. Ce qui est nécessaire ce sont des aménagements, des
constructions complémentaires, des destructions des parties
inadaptées pour les remplacer par des nouvelles, plus modernes et plus
fonctionnelles142. La première de destruction, pour nous,
serait de
141 FAYE A. in le CERRI, Op. cit, P. 2
142 Paris, Centre d'information des Nations Unies,
Communiqué de Presse n°7/87.
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transformer la structure actuelle du CS en un organe,
restreint bien sur, monodécisionnel et représentatif pour
l'adhésion d'un bon nombre d'Etats aux résolutions du CS sans
hypocrisie comme cela est de coutume sur le plan international.
Mais est-ce que ces membres permanents du conseil sont-ils
prêts ou disposés à accepter d'avoir le même poids
politique ( droit de veto et autres prérogatives ) que d'autres Etats
« ennemis » ou certains pays ayant acquis un niveau de
développement considérable ces dernières décennies
?
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