D. La crainte du veto et son impact sur les
résolutions
Il ne faut pourtant pas être dupe, l'échec peut
découler de l'impossibilité d'adopter le texte (1) ou de celle de
lui donner effet (2).
1. Impossibilité d'adopter le texte
Selon l'art 27 § 3 de la charte, une résolution,
pour qu'elle soit adoptée, doit rencontrer l'assentiment de tous les
membres permanents du CS et être couverte par un vote affirmatif de neuf
membres du CS.
Cependant, compte tenu des divergences d'intérêts
entre membres permanents, le CS peut être paralysé par le veto
d'un membre permanent qui aura estimé que la paix et la
sécurité internationales ne sont pas menacées ou rompues.
La pratique en vigueur au sein du CS est que
113 CIJ, le livre blanc, Op.cit, P.11
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les consultations entre membres permanents sont
considérés comme ayant un caractère privé et de ce
fait ne sont susceptible d'être publiées
officiellement.115
Dans ce cas, il pourra constamment menacer d'utiliser son veto
pour dissuader l'apparition d'un projet de résolution et amener le CS
à se contenter d'une simple déclaration politique du
Président dudit conseil. C'est le cas par exemple du veto mis par les
USA en Mai 1995 à un projet de résolution blâmant
l'État d'Israël pour ses actions dans la partie orientale de
Jérusalem.
Par ailleurs, la menace d'utilisation du Veto n'est pas
toujours totalement négative : il peut suffire à changer
substantiellement le contenu de certaines résolutions ou éviter
un affrontement entre membres permanents, en laissant de coté ( et ce
peut être momentanément ) le système de la charte, sans
nécessairement compromettre l'avenir.
C'est le cas du raid Sud-africain en Angola en Août 1981
: 5000 soldats sud-africains détruisent les camps de la SWAPO, mouvement
de résistance Namibien. Le 31 Août 1981, Washington oppose son
veto à une résolution du CS condamnant ce raid. De même,
les USA opposent leur veto à une résolution visant à
établir la souveraineté effective de Panama sur le Canal en Mars
1973.116 Dans ce contexte, certaines résolutions ont
été adoptées paragraphe par paragraphe, ce qui a conduit
au rejet de quelques paragraphes du fait de l'usage du veto. C'est le cas par
exemple dans les résolutions du conseil condamnant l'implantation des
colonies juives en terres palestiniennes, le veto américain a
empêché l'adoption posé par certains paragraphes.
Ce panorama dénote l'existence d'une
société internationale composée d'Etats dont les
intérêts sont tellement divergents que l'un d'entre eux
n'hésite pas à utiliser l'arme du veto , qui le fait
apparaître avec le role détestable de celui qui mène
à l'échec l'organisation, face à une large majorité
d'Etats apparemment disposés, quant à eux, à la plus
grande efficacité117. Cela a pour effet alors
d'empêcher le CS de constater objectivement l'existence d'une menace
contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression au sens de
l'art 39. Et de ce fait, l'illicéité des actes posés par
les Etats agresseurs les incite à donner une apparente
licéité en invoquant la légitime défense.
D'une part, l'existence du droit de veto a
considérablement élargi le droit de légitime
défense individuelle et collective conféré par l'art 51 de
la charte. La légitime défense étant un droit temporaire,
elle ne s'exerce qu'aussi longtemps le CS « n'ait pris les mesures
nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité
internationales ». Cependant, faute d'un veto, le CS se
115 FAYE A. in le CERRI, Op.cit,P. 9
116 Zorgbibe Ch., Op. cit, P.374
117 Martin P.M., Op. cit, P.35
55
trouve dans l'incapacité d'intervenir. Ce qui
crée parfois des situations dans lesquelles les Etats agissent
licitement en se fondant sur l'art 51 de la charte et la légitime
défense dans ce cas remplit la fonction de « soupape de
sécurité ».
D'autre part, en vertu de l'art 53 de la charte, « aucune
action coercitive ne sera entreprise en vertu d'accords régionaux ou par
des organismes régionaux sans l'autorisation du CS ». Ceci veut
dire que l'autorisation doit être expresse et non tacite. Ce qui signifie
que le CS prend des « mesures nécessaires » au niveau de la
région en proie de tension. Faute de ces mesures, la légitime
défense en tant que droit temporaire s'exerce.
Cependant, conscient que l'ONU ne peut se passer d'eux, les
USA contribuant à eux seuls à hauteur de 25 % au budget
général de fonctionnement de l'ONU et qu'en matière de
maintien de la paix et de la sécurité internationales, l'ONU ne
peut agir efficacement sans la contribution américaine118, la
pratique américaine de ces dernières années tend à
s'en passer du CS quant il faut agir. C'est pourquoi avec la fin de la guerre
froide l'architecture politique du monde est passée du bipolarisme
générateur de blocage à l'hégémonie de la
seule superpuissance américaine qui s'autorise seule avec ses
alliées, à lancer des opérations militaires massives (
contre l'Irak en Décembre 1998, contre la Yougoslavie-Kossovo- en Mars
1999 ) sans l'aval du conseil, pour échapper au veto de la
Russie.119
2. Impossibilité de donner effet au
texte.
Il peut arriver qu'un texte soit adopté par tous les
membres du CS alors qu'ils n'ont pas envie - du moins certains - de lui donner
effet, mais l'approuve pour ne pas se démarquer de la majorité
habituelle. Cette résolution, dès son origine, n'a pas de chance
de réussite, de succès. C'est une résolution avec valeur
juridique mais toute possibilité d'action ultérieure est
écartée.
En analysant les résolutions 387, 393 et 527 de 1976 et
1982, celles-ci ont qualifiées d'agression les interventions
armées de l'Afrique du Sud en Angola, en Zambie et au Lesotho, ainsi
qu'une action de mercenaires au Bénin ( résolution 405 du 14
Avril 1977 ). Après ces résolutions aucune action ne fut
menée. Elles sont restées lettre morte parce qu'il y avait
d'importants intérêts économiques occidentaux à
protéger. Le mécanisme du chapitre VII ne fut même pas
déclenché.
118 Faye A. in le CERRI,Op. cit, P.17
119 Charpentier J.,Op.cit, P. 58
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