C. Le replie vers les déclarations du
Président du CS.
Si conformément à l'art 24 de la charte des
Nations Unies, les Etats membres de l'organisation donnent mandat au CS de
maintenir la paix et la sécurité internationales et admettent que
le conseil agit à leur nom, ces derniers devraient être
informés le plus clairement possible des travaux dudit conseil. En
effet, cette délégation de responsabilité doit avoir pour
corollaire une information complète par rapport au processus
décisionnel devant conduire à la réalisation de la mission
confiée.
La paix et la sécurité internationales doivent
être une affaire de tous les Etats et non celle d'une élite et
surtout lorsque les problèmes à résoudre concernent la
plupart de ces Etats. La sécurité collective n'est donc pas
l'apanage d'un seul groupe. Cependant, les situations de crise demandent
parfois des réponses et des mesures rapides. C'est plus facile d'avoir
l'avis d'un groupe restreint et de mener des négociations en cas de
désaccord afin de répondre à un besoin urgent. Et s'il
faut attendre les réunions officielles du CS pour trouver un accord
entre les membres permanents surtout, il risque d'y avoir de nombreux blocages
si l'on en croit l'attitude des membres permanents lors des votes. Mais cela ne
légitime pas le manque ou le refus de transparence car il y va de la
crédibilité du CS face à la communauté
internationale109.
Il arrive, en effet, que malgré ces consultations
officieuses ou les réunions officielles du CS, la crise ne trouve pas de
solution et que Les membres du CS ne parviennent pas à s'attendre sur un
ou plusieurs points du contenu d'une résolution à adopter. Dans
ce cas, ils se replient sur une pratique courante du CS pour atténuer
l'impression d'échec qui résulte de l'absence de texte : c'est
celle des déclarations du Président du CS. En l'absence de
possibilité politique d'adopter une résolution, on approuve une
déclaration politique, dont les termes sont assez généraux
et qui n'ont pas de valeur juridique particulière, mais qui
suggère qu'on n'est pas demeuré totalement inerte... On essaie
coûte que coûte de se convaincre qu'on a pas connu d'échec
même si celui-ci est évident110. Pour le professeur
MULAMBA MBUYI Benjamin, on la considère à juste titre comme un
code d'éthique entre les Etats. Sa valeur juridique est souvent
controversée, car elle n'est assortie d'aucun mécanisme de
garantie111.
C'est ainsi que conscient la rupture de paix et de la
sécurité internationales en Éthiopie et en
Érythrée, en Sierra Léone, au Burundi, et en RDC
112notamment, le CS se contente
109 Faye A. in le CERRI; Op.cit, P.
10
110 Martin P.M., Op. cit, P. 36
111 MULAMBA MBUYI B., Introduction à
l'étude des sources modernes du droit international public,
Québéc , éd. Bruylant,Presses de
l'université Laval,1998.P.59
112 Annexe ( déclarations à la presse du
Président du CS ).
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d'intervenir dans le conflit par des déclarations
à la presse de son Président, dénouées de toute
force juridique.
Comment comprendre que des casques bleus de la MINUSIL soient
détenus continuellement par le RUF et que pour le libérer, le
conseil trouve mieux de s'appesantir sur une déclaration à la
presse exigeant une libération inconditionnelle et immédiate et
qu'il compte sur les bons offices du Président libérien. A vrai
dire, que peut valoir cette déclaration qui n'a qu'une valeur morale ?
Or, pour qu'il obtienne la libération des casques bleus, le
Président libérien doit impérativement exiger du CS des
concessions, même si pour cacher l'échec, elles seront
accordées dans les coulisses. Enfin de compte, au lieu que le cycle de
violence s'arrête, pour voiler l'échec, le conseil se contente
d'une déclaration de son Président à la presse.
Un peu plus loin de la Sierra Léone, l'Éthiopie
et l'Érythrée sont en conflit armé pour des limites
frontalières. Les résolutions se succèdent sans grande
conséquence sur le terrain au point que même la résolution
1298 portant embargo sur les armes n'a rien changé. Et dans
l'impuissance d'apporter une solution, le conseil "déplore la poursuite
des combats récents " et comme si de rien n'était, il appelle
"les parties à cesser immédiatement les hostilités et
à concentrer leurs efforts diplomatiques sur la résolution de
leur conflit" et ce, dans une déclaration à la presse de son
Président. Une question très pertinente mérite
d'être posée à ce sujet. Si les résolutions du CS
prises en vertu du chapitre VII, donc obligatoires, ne sont dans la plupart des
cas, pas exécutées ou mieux n'atteignent leur but, qu'en
sera-t-il alors des déclarations n'ayant qu'une simple valeur morale ?
Moralement peut-être pourront-elles avoir une influence sur une ou toutes
les parties si seulement, elles sont consciencieuses. Et s'elles le sont pas,
le conseil va-t-il fonder son intervention sur le boycotte de la
déclaration alors qu'elle est incapable de se fonder sur des
résolutions prises en vertu du chapitre VII ? Le mieux serait de
reconnaître l'échec et ensuite arrêter des mesures
conséquentes car dit-on « pour mieux sauter, il faut reculer ".
Ce qui est plus pire, c'est que, lorsque la violence est
à son point le plus culminant, comme la guerre, le 05 Juin 2000, entre
forces rwandaises et ougandaises à Kisangani en territoire congolais, le
conseil prend son courage, dans une déclaration à la presse, pour
déplorer les pertes humaines et les dégâts causés
à la population congolaise par les forces de l'Ouganda et du Rwanda. Et
pour distraire la communauté internationale, il n'hésite pas
à accueillir favorablement le cessez-le-feu à Kisangani ( RDC )
conclu par l'Ouganda et le Rwanda auxquels il demande de se retirer de
Kisangani ( seulement ) et de respecter la démilitarisation de la
ville.
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Dans ce cas et dans bien d'autres, le conseil s'est toujours
prononcé, à travers des déclarations sans pertinence, sur
la réaffirmation de la souveraineté et de
l'intégrité territoriale de la RDC, la cessation des
hostilités et le retrait de toutes les forces étrangères
du territoire congolais113. Enfin de compte, le comportement et les
actes en soient des agresseurs sont incompatibles avec le but des Nations
Unies, notamment des art 1er et 2 de la charte. Et ce n'est pas par des
déclarations sans pertinences que la situation va se décanter.
Même la résolutions 1304 ( 2000) qui a semblé faire croire
qu'elle a résolu le différend n'a profondément rien
modifiée. Elle est plutôt un ensemble renfermant plusieurs
intérêts incompatibles notamment économiques et
stratégiques des grandes puissances.
En définitive, les déclarations à la
presse du Président du CS ne servent à rien si pas donner un
point de vue de certains membres. Pour croire à l'efficacité, il
faut envisager un monde où c'est la loi de la jungle qui résoud
tout différend. Lorsque l'Irak décide de rompre totalement la
coopération avec l'unscom, il suffit qu'un ultimatum des USA à
l'Irak ou qu'une dépêche dans le Golfe de nouvelles troupes pour
que les inspecteurs de l'unscom reprennent leurs travaux114. Et cet
ultimatum américain, qui ne demande même pas l'avis du CS, a une
force plus contraignante, qu'une résolution du CS. Si la jungle peut
résoudre un différend qu'une résolution du CS ne peut pas,
qu'en sera-t-il d'une déclaration à la presse ? Il faut repenser
les mécanismes de résolution des différends.
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