CHAPITRE II : APPROCHE JURIDIQUE DES RESOLUTIONS DU CS
DES NATIONS UNIES
Ce chapitre constitue la pierre angulaire de nos recherches.
En effet, les relations internationales demeurent tellement variées et
complexes, surtout comprises dans le sens de prises des décisions au
sein du CS, qu'analyser chaque cas individuellement n'est pas tache
aisée.
Néanmoins, nous relèverons certains
éléments constitutifs qui rendent inefficaces les
résolutions du CS. La fin de la guerre froide a marqué une
étape décisive dans le fonctionnement du CS qui s'est vue
libéré de la confrontation Est-Ouest, autrement dit, cette
situation s'est largement traduite par le nombre réduit de l'utilisation
du droit de veto par les membres permanents lors de l'adoption des
résolutions. Mais cette confrontation Est-Ouest a laissé la place
à une opposition Nord-Sud.75 Et cette opposition est
liée aux reproches que le CS n'est pas transparent et
représentatif. Il favorise beaucoup plus la marginalisation de certains
États membres au profit des vainqueurs de la deuxième Guerre
mondiale.
Si l'on compare le comportement même des autres
États ne faisant pas partie du Sud et qui ne sont pas des membres
permanents du CS, en ce qui concerne la nature et la portée des
résolutions du CS, l'on constate que ces pays souhaitent que l'objectif
à viser par le CS soit le règlement des conflits. Pour renforcer
l'organe, il faut associer si pas informer et tenir compte des points de vue
émis par les autres membres de l'organisation parce qu'en
définitive, en vertu de l'art 25 de la charte, ils seront tenus de se
conformer à la décision arrêtée par le CS.
Compte tenu de ces quelques reproches visant le plus souvent
la reforme du CS, les États membres ont également tendances
à souhaiter une communication et une consultation accrues entre l'A.G.
et le CS, afin que les actions décidées par ce dernier
bénéficient du soutien des membres de l'organisation. Il importe
de ne pas oublier que les États bien que membres des Nations Unies, ne
peuvent recevoir d'imposition de cette dernière qui n'a pas de
véritable pouvoir de contrainte sur les membres; d'où
l'efficacité des résolutions du CS dépend de la bonne
volonté de chaque Etat alors que ce dernier ( le CS ) est dominé
et géré par les grandes puissances.
Eu égard au fonctionnement et à l'organisation
actuels du CS, qu'est-ce qui peut justifier l'inefficacité des
résolutions du CS ? Pour répondre à cette question, nous
examinerons
75 FAYE A. in le CERRI, Op. cit, P.
3
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d'abord le cadre d'exercice des résolutions du CS (
Section I ) avant de rechercher sur les causes d'inefficacité des
résolutions du CS ( Section II ).
SECTION I : CADRE D'EXERCICE DES RESOLUTIONS DU CS.
L'échec de la SDN, selon les pères fondateurs de
l'ONU, à consiste, dans le fait que la sécurité collective
n'avait pas fonctionné correctement étant donné que les
articles du Pacte n'établissent pas d'obligation explicite pour chaque
Etat membre de participer à la répression d'un acte d'agression
et que la société n'avait pas des dents ( no teeth ),
c'est-à-dire pas d'armée lui permettant d'intervenir directement,
et donc d'exercer des pressions crédibles76. C'est ainsi que
pour pallier à cette faiblesse, les vainqueurs de la 2ème Guerre
Mondiale envisagèrent la création d'un véritable pouvoir
international dont les bases sont projetées par la rencontre du 30
Octobre 1943 à Moscou des ministres des affaires
étrangères des USA, de la Grande Bretagne et de l'URSS.
Cette rencontre de Moscou aboutit à la publication
d'une déclaration conjointe des Trois -USA, Grande Bretagne et URSS.
Acceptée par la Chine, la déclaration annonce l'engagement de
Trois de prolonger leur action commune après la guerre pour le
rétablissement et le maintien de la paix. Il ressort, en outre, de cette
rencontre la nécessité d'établir aussitôt que
possible une nouvelle organisation internationale. Le projet prend forme en
automne 1944, à Dumbarton-Oaks, près de Washington, lors des
négociations que les deux puissances qnglo-saxonnnes nouent
successivement avec l'URSS et la chine77. La France n'est pas
invitée et n'accédera à ces rencontres qu'après la
fin de la guerre.
Cependant, comme trouvé dans le protocole des travaux
de la conférence de Yalta du 11 Février 1945, une liste
impressionnante des questions ont été traitées lors de la
rencontre du 30 Octobre 1943 à Moscou,78 et d'autres sont
restées en suspens, telles la représentation de l'URSS, les
modalités de vote au sein du CS qui elles seront réglées
à Yalta, au cours des entretiens du Président Roosevelt,
très malade déjà, avec Churchill et Staline79.
Après cette rencontre de Yalta, les Trois Grands peuvent alors convoquer
la conférence qui, à partir du 25 Avril 1945, à San
Francisco, préparera la charte de l'organisation80 qui verra
le jour au 26 Juin 1945, soit deux mois après. La signification
réelle de ces rencontres est qu'aujourd'hui comme
76 Bertrand M., Op.cit, P. 22
77 Zorgbibe ch., Relations internationales,
Paris, PUF, 1975. P. 219
78 Nguyen Q.D. et allii, Droit international
Public, 6ème éd., Paris, LGDJ, 1999. P. 67
79 Zorgbibe Ch., Op.cit, 1975. P. 219
80 Idem, P. 219
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hier les « grandes puissances » s'octroient dans la
conduite des affaires mondiales un role décisif81.
C'est ainsi que la nouvelle organisation sera menée par
un groupe d'États puissants, par un directoire efficace. Il ne
s'agissait plus de sombrer dans le juridisme, mais d'entreprendre une action
réaliste. L'heure n'est plus à la constitution d'une sorte de
tribunal des nations mais à la mise en place d'une gendarmerie
internationale; selon l'excellente formule de Réné-Jean Dupuy,
l'objectif n'est plus « la paix par le droit » mais « la paix
par la police des Grands »... le CS institutionnalise
l'hégémonie des Grands82.
Ainsi créée, l'organisation est ouverte à
tous les États indépendants et jouit, sur le territoire de chacun
de ses membres de la capacité juridique qui lui est nécessaire
pour atteindre ses buts comme énoncé à l'art 104 de la
Charte et cette capacité juridique s'exerce même sur le territoire
des États qui ne sont pas membres s'ils n'agissent pas
conformément aux principes du maintien de la paix et de la
sécurité internationales ( art 6 de la charte ).
Cependant, en adhérant à l'ONU, les États
conservent leurs souverainetés, bien qu'ils sont tenus par le principe
"pacta sunt servanda" tel qu'énoncé à l'art 26 de la
convention de Vienne sur le droit des traités. Ce principe veut que tout
traité en vigueur lie les parties et soit exécuté par elle
de bonne foi. Dans le cadre des Nations Unies, le CS institutionnalisant
l'hégémonie des Cinq Grands vote des résolutions qui
acquièrent leur force obligatoire et exécutoire par l'adoption et
leur opposabilité aux États membres par la publication. Ainsi, en
acceptant d'adhèrent à la Charte des Nations Unies, les
États membres sont tenus par les obligations qu'ils édictent. En
vertu de la Charte, les États membres sont dans l'obligation d'accepter
et d'appliquer les décisions du conseil.83
Mais en partant, par contre, de l'objectif visé par les
pères fondateurs des Nations Unies c'est-à-dire celui de fonder
un véritable pouvoir international de fait au devant duquel mieux vaut
être fort que faible et tenant compte de la souveraineté des
États dans l'ordre juridique international, que peut-il être le
sort des résolutions du CS ? Ce qui nous pousse à tenir compte de
la souveraineté des États et les résolutions du CS (§
1 ) et le sort de ces résolutions ( §2 ).
81 Nguyen Q. D. et allii, Op. cit,
6ème éd., P. 67
82 Zorgbibe ch., Op. cit,1975. P. 221
83 Département de l
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§ 1. LA SOUVERAINETE DES ETATS ET LES RESOLUTIONS DU
CS.
Il est reproché au CS, surtout aux P5, le manque de
transparence en ce sens que les consultations officieuses ne rendent pas compte
des séances des 5 Grands. Il aurait été
préférable qu'en s'acquittant de son devoir (
responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécurité internationales ), l'organisation des consultations
fréquentes du CS se fasse avec les organisations régionales et
les groupes régionaux. Ces consultations leur confieraient une plus
grande efficacité. De cette façon, les États membres
exécuteraient de bonne foi les décisions du conseil en
dépit de l'obligation de l'art 25 de la charte.
L'art 24 § 1 de la charte dénote de l'expression
pour la communauté internationale de confier en premier lieu la
connaissance d'un différend au CS afin que celui-ci agisse de
manière principalement responsable à leur nom. En agissant,
l'objectif n'est pas de régler nécessairement le différend
au fond, l'essentiel est que la paix et la sécurité
internationales ne soient plus menacées ou mieux soient
rétablies: Et sur base de la nouvelle donne du différend, le CS
peut encourager les parties à faire usage des moyens pacifiques pour
régler leur différend.
A. Les États et l'ordre juridique
international
Quand bien même le conseil détient la
responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécurité internationales, celle-ci doit, en outre,
s'exécuter concurremment à une proportion faible bien sur, avec
les autres États membres de l'organisation. La responsabilité
ainsi conférée n'est pas exclusive; seulement, le gros des
morceaux revient au CS. Et il s'agit du CS, dans son ensemble ( membres
permanents et ceux non permanents ). Pris individuellement, par contre, chaque
membre du conseil, comme tout autre État membre, d'ailleurs, jouit d'une
certaine parcelle de responsabilité, en ce sens qu'il doit encourager un
climat de paix et favoriser la sécurité internationales sans pour
autant pas empiéter sur les attributions du CS. De cette façon,
pour que le CS puisse s'acquitter de sa tâche principale de maintien de
la paix et de la sécurité internationales que lui ont
conférée les membres de l'organisation, il est indispensable que
les travaux du CS reflètent l'idée selon laquelle « en
s'acquittant de ses responsabilités, le CS agit au nom des États
membres ». Et pour y arriver, c'est mieux qu'avant toute prise de
décision par le conseil qu'il intéresse le plus grand nombre
d'États à la recherche d'une solution afin d'aboutir à une
décision approuvée par le plus grand nombre, car, les
États, en adhérant à l'ONU, ne perdent pas ipso facto leur
souveraineté et donc peuvent s'opposer à une décision
à laquelle ils n'ont pas pris part. Ceci parce qu'il s'est
créé au
84 Nguyen Q.D. et allii, Op. cit, 6ème
éd., P. 67
85
86 Idem, P. 17
40
sein des Nations Unies un gouvernement mondial de fait
composé des P5 capable de faire plier tous les autres États
à leur désir en vertu de son mandat de l'art 24 §1 de la
charte et de la force de ses décisions prévues à l'art 25
de la même charte. Mais aussi parce que en temps de crise, les grandes
puissances se comportent comme gouvernants internationaux de fait et continuent
de recourir à la forme « directoriale »84.
Après les consultations officieuses entre les membres
permanents, il n'est pas toujours évident qu'ils soient unanime sur un
projet de résolution alors qu'une situation internationale dangereuse
pour la paix subsiste. Dans ce cas, c'est la résolution 377 ( V ) «
union pour le maintien de la paix » qui s'applique. Ainsi, l'A.G. a la
possibilité et le pouvoir de recommandation - et non des
décisions obligatoires, attribution exclusive du CS - pour
procéder à la constatation prévue à l'art 39 de la
charte, en principe réservée au CS par la charte. Cette
résolution fut appliquée en 1956, lors de la crise de Suez, mais
« cette fois, pour briser le veto franco-britannique.85
Il existe des cas où la résolution ne peut
s'appliquer même si le CS est mis dans l'impossibilité de
s'acquitter de sa responsabilité principale surtout en cette
période où les USA sont demeurés la seule superpuissance
planétaire. Cette hégémonie américaine est capable
de contraindre même les autres membres permanents à adopter une
résolution à laquelle ils ne s'attendaient pas, au lieu de se
contenter même d'une déclaration du Président du CS. A vrai
dire, l'ONU est un outil de politique étrangère
américaine86 dès l'instant ou les USA n'ont pas
à craindre une paralysie du conseil par l'usage fréquent ou
abusif du droit de veto contre l'adoption d'une résolution
souhaitée alors qu'ils peuvent contourner le CS pour mener une action
militaire notamment.
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