2. PROBLEMATIQUE.
Déjà en 1651, Hobbes, dans le Léviathan,
estimait que de l'absence d'un gouvernement central fort sur la scène
internationale découlait l'anarchie, c'est-à-dire un état
de guerre permanente entre États mus par leurs intérêts
égoïstes.9 C'est ainsi que pour pallier à cette
anarchie caractérisée par la loi du plus fort que les vainqueurs
de la deuxième Guerre mondiale ont décidé de la
création d'une organisation internationale qui regrouperait le plus
grand nombre d'États disposés à unir leurs efforts afin de
vivre en paix les un avec les autre dans un esprit de bon voisinage, de
tolérance et de paix et de sécurité internationales, tout
en ne faisant pas usage de la force armée, sauf pour
l'intérêt commun. C'est ainsi que fut créée
l'organisation des Nations Unies, avec un organe restreint ayant pour mandat
principal, le maintien de la paix et de la sécurité
internationales, à savoir le CS.
Cet organe, afin de remplir son mandat, agit soit par des sans
force juridique obligatoire, soit par des résolutions juridiquement
obligatoires. Cependant, compte tenu de la souveraineté dont jouissent
les États, ils sont à peu près libres de faire ce qu'ils
veulent sur la scène internationale, pas d'armée internationale:
il n'existe pas d'autorité suprême, pas de véritable
justice internationale, pas de police internationale. Ce qui explique que les
États se sentent libres de se faire justice en recourant à la
force.10 et il n'est pas rare aussi que les membres du CS,
eux-mêmes, violent les résolutions qu'ils ont votées. C'est
le cas, par exemple, de la résolution 976 ( 1995) sur l'Angola. Son
paragraphe 12 qui prévoyait un embargo sur les armes au gouvernement
angolais fut boycotté par la Russie qui continuait à alimenter le
gouvernement en armes et équipements militaires
Il arrive même que les grandes puissances, membres
permanents du CS, soient impliquées dans un conflit. Dans ce cas, aucune
contestation n'est possible si l'agresseur est l'un des membres permanents
sinon l'un des protégés par eux,11 de telle sorte que
le CS ne peut
8 Jouve E., Relations internationales, Paris,
P.U.F, 1992, P.
9 Buhendwa E., Cours d'histoire des idées
politiques, inédit, G1 Droit, ULPGL/GOMA, 1996-1997
10 Ntumba L., Cours de vie internationale,
inédit, ULPGL/GOMA, 1996-1997.
11 Nguyen Q.D. et Alii, Droit international
public, 5ème éd., Paris, LGDJ, 1994, P. 929.
6
entreprendre une action quelconque que si les membres le lui
demandaient, et dans la mesure où ils les demandaient. Faisant
application de leurs privilèges dans des situations conflictuelles
où elles n'étaient qu'indirectement impliquées, les
grandes puissances ont réduit comme peau de chagrin le champ
d'application de la sécurité collective.12Autant que
ce comportement joue sur l'adoption des résolutions, il joue aussi sur
l'efficacité des résolutions adoptées. Ces
résolutions seront prises non pas en application correcte de la
légalité internationale mais pour des raisons politiques. Et la
conséquence sera qu'elles sont contestées par un bon nombre
d'États qui doutent de leur légitimité.
Cette perte de légitimité entraîne un
manque de crédibilité des résolutions du CS qui a pour
mandat principal de maintenir la paix et la sécurité
internationales dans toutes les régions du monde en proie à des
tensions et en toute transparence.
Certains États, plus particulièrement les P5,
n'ont plus besoin des résolutions du CS pour mener des opérations
militaires notamment. L'opération « Tempête du Désert
» a été menée par les USA en violation du droit
international et en dépit de l'avis contraire de la plupart des
États membres du CS13.
Bien au-delà, même si une résolution du CS
décide que l'organisation enverra des forces armées pour
intervenir dans un différend, du moment que les accords régionaux
prévus par la charte n'ont jamais été signés,
l'organisation ne dispose pas de force armée prête en permanence
pour intervenir à tout moment. Elle est obligée alors de se
retourner vers les États membres pour mener une opération de
maintien de la paix. Et les USA détiennent un poids considérable
dans la mise en oeuvre d'une opération. La preuve est que l'organisation
a toujours du mal à déployer une opération de maintien de
la paix lorsque les USA ne sont pas du même avis. Dans la plupart des cas
l'opération n'est jamais déployée14. Ceci a
comme conséquence l'inefficacité des résolutions du CS car
les USA ne peuvent que dicter à l'organisation sa politique.
D'où, il arrive que les résolutions sont votées paragraphe
par paragraphe ou phrase par phrase.
Cette logique entraîne que la légalité
internationale n'est plus appliquée. Pour des différends
identiques, les résolutions diffèrent : deux poids deux mesures
dans l'application du droit internationale de telle sorte que certaines
tendances doctrinales considèrent que le Droit,
12 Idem, P. 924
FAYE A. in Le CERRI, L'Afrique et la question de la
réforme du CS des Nations Unies, Université de Reims
Champagne-Ardenne,Paris, « s.d. ». P. 17
14 Ibidem
15 NGUYEN Q.D. et alii, Op. cit., éd., P.
924
7
au lieu de régir la force, elle est plutôt soumis
à la loi de la force ( autrement dit la force fait le
Droit)15. Les uns jouissent du droit de veto tandis que d'autres
jouent un rôle de figurants.
Nous fondant sur la Guerre du Golfe et de la RDC, on
réalise que la résolution 660 (1990), qui vise
expressément les articles 39 et 40 de la charte des Nations Unies,
condamne « l'invasion du Koweït par l'Irak », mais n'utilise pas
le mot « agression ». La prudence manifestée par le CS pour
qualifier cette situation laisserait croire qu'en s'abstenant de
déterminer l'auteur de l'agression, le conseil sauvegarde les chances
d'un règlement politique de la crise internationale. Or, en
réalité, cette prudence se justifie par le fait que les Nations
Unies se contentent d'autoriser la guerre contre l'Irak sous la conduite des
Etats Unis d'Amérique afin de protéger les intérêts
économiques et stratégiques des occidentaux dans cette partie du
monde.
La même réalité transposée en RDC,
aux yeux du CS, change de nature : alors que l'article 1er de la
résolution du 14 Décembre 1974 votée par l'A.G. des
Nations Unies définie l'agression comme étant « l'emploi
de la force armée par un État contre la souveraineté
politique, l'intégrité territoriale ou l'indépendance d'un
autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la charte
des Nations unies », il se pose deux alternatives :
1. Si le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi constituent le
prolongement territorial de la RDC, autrement dit si la frontière
congolaise s'étend jusqu'aux limites Est du Rwanda, de l'Ouganda et du
Burundi, alors dans ce cas, ils ont intérêt à
s'ingérer dans les affaires intérieures du Congo et l'ONU n'a pas
à intervenir parce que c'est une crise interne.
2. Si, au contraire, il faut considérer le Rwanda,
l'Ouganda et le Burundi comme étant des États souverains et
membres de l'ONU menant la guerre au Congo alors l'agression est
établie. Et dans ce cas, le CS doit se prononcer non pas dans le sens de
la résolution 1304 qui prévoit un simple retrait volontaire sans
échéance moins encore dans le sens de la résolution 660
(1990) bien plutôt dans celui de l'intervention autorisée par
l'ONU lors de la guerre du Golfe.
Se fondant sur l'article 2 de la charte des Nations Unies, il
est prohibé tout recours à la force comme mode de
règlement des différends entre États membres,
c'est-à-dire encore qu'un État peut prévenir un danger
présent ou à venir contre son territoire non pas par le recours
à la force mais par le règlement pacifique des
différends.
Peut-être pouvons-nous illustrer nos dires avec
l'exemple de la résolution n°2625 des Nations Unies. Cette
résolution déclare : Dans les relations internationales, les
États s'abstiendront de
16 idem, P.
8
faire des menaces ou d'utiliser la force contre
l'intégrité territoriale et l'indépendance politique de
tout autre État; ils régleront leurs différends par des
moyens pacifiques de manière à ne point mettre en danger la paix,
la sécurité et la justice internationales.
C'est pourquoi, même jouissant sur le territoire de
chacun de ses membres de la capacité juridique qui lui est
nécessaire pour exercer ses fonctions et atteindre ses buts ( art 104 de
la charte ), l'ONU est incapable de faire face à un conflit
d'intérêts, la préoccupation fondamentale reste le maintien
de la paix et non le respect de la justice.16
Encore que la paix est une utopie s'elle n'est pas
accompagnée sur le plan institutionnel des procédures et des
moyens destinés à réprimer tout recours à la force
et à assurer, au lieu et place des Etats désormais privés
de leur pouvoir de contrainte unilatérale, le respect de toutes les
règles de droit.
Ceci étant, dans nos recherches centrées sur les
résolutions du CS des Nations, nous tacherons de répondre aux
questions suivantes :
Est-ce que le CS, dans son organisation et son fonctionnement
actuels, est-il toujours à mesure de produire des résolutions
efficaces ? Quelles peuvent être les causes des échecs
enregistrés dans l'exécution des résolutions du CS ?
|