Titre I
Légalité, loyauté et la
liberté de la preuve
31. Le trinôme qui domine la recherche de la preuve
pénale. Selon M. Pierre Arguin, « le droit criminel vise,
d'abord et avant tout, la protection de la société en
général et des valeurs morales qu'elle véhicule. Le droit
criminel proscrit des comportements qui portent atteinte au
bien-être collectif » 239 . Ce qui
précède n'empêche pas d'affirmer que la recherche de la
vérité
240
dans le procès pénal est gouvernée par les
principes de liberté, de légalité et de loyauté
.
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L'accès à la compréhension du sens de la
légalité de la preuve pénale exige un accent sur la
réforme d'un bon concept du principe de la liberté de la preuve
pénale, en raison de la relation entre la liberté de la preuve et
la légalité de ses moyens. Par conséquent, le principe
de la légalité et de la
loyauté241 de la preuve en tant que concept est en
réalité la liberté du
choix du moyen de preuve autorisée par la
loi242 parmi un ensemble de moyens, et dans le respect des
conditions et garanties exigées par le législateur lors de
l'application des divers actes de procédure pénale visant la
recherche et la production de la preuve pénale. L'exercice de la
liberté de la preuve pénale dans le cadre de la recherche de la
preuve
pénale doit coexister avec le principe de la
légalité et de la loyauté243 des preuves
pénales
239 P. Arguin, « Les règles
procédurales entourant la recevabilité des déclarations
extrajudiciaires », in Les Cahiers de droit, vol. 32, n° 1,
1991, pp. 103-152, v. spec. p. 105.
240 V. en ce sens : J.-R. Demarchi, « La
loyauté de la preuve en procédure pénale, outil
transnational de protection du justiciable », in D., 2007, p.
2012 : « Cette lente construction jurisprudentielle laisse
apparaître, en filigrane, une nouvelle devise du droit de la preuve :
Liberté, légalité, loyauté » ; v.
É. Mathias, Procédure pénale, Bréal,
3e éd., 2007, p. 34 : « Sans doute le droit
pénal contemporain n'impose-t-il, en principe, aucun mode de preuve,
mais encore convient-il que les preuves produites par l'accusation n'aient pas
été obtenues illégalement ou de manière
déloyale ».
241 V. sur l'exigence de la
légalité et de la loyauté dans la preuve pénale :
M. Schwendener, « L'action de la police judiciaire confrontée
à l'exigence de loyauté », in AJ Pénal,
2005, pp. 267 et s : « La première limite qui s'impose donc
à l'enquêteur est celle du respect du principe de
légalité, qui conditionne sa démarche investigatrice.
Néanmoins cette seule limite suffit-elle ? La question est de savoir si,
pour aboutir à la preuve, l'enquêteur peut laisser libre cours
à son imagination (voire à sa ruse) dès lors qu'il ne
contredit pas les normes de la légalité. A l'évidence non,
la police doit, de surcroît, se conformer au principe de
loyauté».
242 V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer,
Traité de procédure pénale, 3e
éd., Economica, 2013, n° 560, p. 405 : « L'article 427
signifie plus modestement que l'existence d'une infraction peut être
établie par les modes de preuve admis par la loi, sans qu'aucun d'eux ne
soit exclu ou au contraire privilégié ... ».
243 V. sur l'exigence de la loyauté
dans la recherche des preuves : J.-L. Poisot, « Enquête
préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale,
Art. 75 à 78, Fasc. 20, 2001, n° 74 : « La
liberté d'investigation dont disposent les enquêteurs pour la
recherche des preuves en matière pénale implique que cette
recherche soit effectuée de manière loyale. Le principe de la
loyauté dans la recherche des preuves entraîne la prohibition de
tous les actes qui portent gravement atteinte aux principes
généraux du droit et aux libertés fondamentales
».
considérées parmi les caractéristiques
devant être intimement liées à l'opération de la
244
recherche de la preuve pénale
. À cet égard, M. Vincent Lesclous considère
qu'« en outre, à
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l'exigence accrue de légalité de
l'administration de la preuve s'est ajoutée celle de sa loyauté.
Toutefois ces deux exigences ne supplantent pas le principe de liberté
qui demeure mais se
contentent de le borner partiellement » 245
. À son tour, M. Jacques Buisson considère que
« dans un État de droit, l'administration de la preuve est
soumise au respect du principe de la légalité, matérielle
ou formelle. Elle ne doit pas, en effet, violer les principes
généraux :
246
loyauté dans la recherche des preuves, respect de
la dignité humaine » . Il est difficile aujourd'hui de
comprendre la négation d'un principe qui affirme que la recherche et
l'administration de la preuve sont régies par le
principe de légalité 247 . Par conséquent, la
légalité et la loyauté de la preuve pénale sont
toujours confrontées au principe de la liberté de
la preuve 248 adopté par le droit libanais et
français afin de rechercher la preuve pénale. Dans
l'opération de recherche de la preuve pénale, la
légalité procédurale doit dominer, ainsi que le respect
des dispositions de la loi et des principes généraux primordiaux
protégeant et garantissant les droits et les libertés dans le
cadre du procès pénal, afin d'éviter l'écart entre
le principe de la liberté de la preuve et son rôle
attribué, et sa transformation en un outil de tyrannie, ou encore en un
moyen d'oppression, ce qui risquerait de se produire si était
appliqué le concept instable d'une liberté absolue sans le
respect du principe de la légalité. En conséquence, il est
devenu évident que la liberté de la preuve, en tant que principe
de base dans la recherche de la preuve en matière pénale, est
accompagnée strictement par deux autres principes de base : la
légalité et la loyauté de la preuve pénale. Mme
Martine Herzog-Evans illustre l'idée principale de la liberté
relative (non absolue) dans le domaine de la preuve pénale en
écrivant : « si la preuve est libre, n'importe quelle preuve ne
peut être
244 V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer,
Traité de procédure pénale, 3e
éd., Economica, 2013, n° 560, p. 405 : «Il ne faut pas se
méprendre toutefois sur la portée de l'article 427, parfois
conçu comme une auberge espagnole. Son objet n'est pas de définir
le contenu des modes de preuve admissibles. Il ne signifie donc pas que
n'importe quel moyen serait autorisé pour établir la preuve d'une
infraction. Comme on le verra, les principes supérieurs de
légalité et loyauté imposent des limites dont le
législateur ne peut s'émanciper».
245 V. Lesclous, « Enquête
préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale,
Art. 75 à 78, Fasc. 20, n° 46.
246 J. Buisson, « L'audition sous
hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison
d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches »,
in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70.
247 V. M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, pp. 99-100 : «
Le principe général de la loyauté dans la recherche de la
preuve impose donc aux acteurs de la recherche de la preuve au procès
pénal d'éviter tous les abus auxquels le principe de
liberté de la recherche peut les porter ».
248 V. sur ce point : P. Lemoine, « La
loyauté de la preuve à travers quelques arrêts
récents de la chambre criminelle », in Rapport annuel 2004 de
la cour de cassation (française) : « Comment garantir, une
exigence de loyauté dans la production des preuves qui soit compatible,
non seulement avec le principe de liberté des preuves posé,
notamment, par l'article 427 du Code de procédure pénale, mais
aussi avec l'assurance d'une procédure pénale équitable et
impartiale tout en restant efficace ? ».
présentée. La preuve doit en premier lieu
être admissible sur le plan de la légalité formelle. Elle
doit en outre avoir été obtenue loyalement. Certaines preuves ne
peuvent tout simplement
249
pas être produites en justice »
. Il est vrai que le principe de la loyauté de la
preuve exige un
créneau spécial dans cette étude afin de
mettre en évidence sa nature ainsi que la manière dont il est
créé par la jurisprudence, contrairement au principe de la
légalité de la preuve pénale émergé
différemment par rapport au principe précédemment
cité. Cependant, le principe de la loyauté de la preuve reste
lié au principe de la légalité de la preuve pénale,
et son complément essentiel intimement lié lors de l'application
de la liberté de la preuve pénale. Nous allons étudier le
principe de la légalité de la preuve pénale comme un moyen
permettant de contenir et de contrôler la prédominance du principe
de la liberté de la preuve pénale, ainsi que la façon
selon laquelle il détermine les limites de celui-ci sans influer sur
l'efficacité de cette liberté dans la réalisation de
l'objectif du Code de procédure pénale libanais et
français, qui est l'accès à la vérité. Il
convient de souligner le rôle du principe de la légalité en
tant qu'outil indispensable permettant d'entraver l'abus et la dominance de la
liberté de la preuve. On étudiera d'abord l'encadrement du
principe de la liberté de la preuve par le principe de la
légalité de la preuve pénale. Le chapitre premier porte
sur la légalité comme outil d'encadrement du principe de la
liberté de preuve. Ensuite, on abordera le principe de la loyauté
de la preuve pénale. Le second chapitre porte sur la loyauté de
la preuve en lien avec la légalité de la preuve.
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249 M. Herzog-Evans, Procédure
pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009,
pp. 158 et s.
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