Partie I
La notion de légalité de la
preuve
25. Exposé du problème de la
légalité de preuve. Il est clair que la liberté de
preuve comme principe domine tout le procès pénal, mais
normalement il n'y a pas de liberté dans la recherche de la preuve
pénale sans limite parce qu'une liberté totale en matière
de preuve sans
limite et borne risque vite de se transformer en abus 213 .
Selon M. Jérôme Bénédict, les États
démocratiques confèrent à leurs agents des pouvoirs
étendus, mais en même temps avec
214
fermeté, parallèlement, ils fixent des limites
strictes à leur action
.
26. Distinction entre légalité des preuves
et preuves légales. Il est important de remarquer qu'il ne faut pas
confondre les notions de « légalité des preuves »
et de « preuves légales ». Le problème de
la légalité des preuves a trait à la question de
l'admissibilité de ces dernières, et
215
non à celle de leur valeur probante . Les limites
à la liberté des preuves découlant des principes
généraux sont beaucoup plus importantes que celles
résultant des textes juridiques. Les premières (découlant
des principes généraux) s'appliquent, à toutes les
infractions et devant toutes les juridictions pénales à tous les
autres stades de la procédure pénale. Les organes
étatiques et judiciaires doivent les respecter, quel que soit le moyen
de preuve, tels que les interrogatoires, la détection sensorielle et la
perquisition. Le principe de la légalité de preuve tend à
éliminer les moyens illégaux et d'autres moyens scientifiques du
cadre du procès pénal. En ce qui concerne la personne poursuivie,
c'est le respect des libertés individuelles, de la
sécurité physique et morale de l'individu et des droits de la
défense qui l'imposent. Pour la justice pénale, c'est la
dignité et les valeurs fondamentales de la civilisation moderne qui les
justifient. La question ne concerne pas seulement le recensement
216
.
de la preuve, mais comprend aussi les manières dont ces
preuves sont obtenues
213 V. H. Matsopoulou, Les enquêtes
de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 879, pp.
711-712 : «... la liberté de preuve ne permet pas toutes
recherches. Dans ce domaine, les principes généraux condamnent,
outre la torture, l'astreinte, le serment imposé au prévenu, le
duel judiciaire ».
214 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, Thèse de
droit, Université de Lausanne, Éditions Pro Schola, Lausanne,
1994, p. 18.
215 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
23.
216 V. en langue arabe : E. Nammour, Cour
criminelle. Etude comparative, 1e éd., Éditions
Juridiques Sader, Beyrouth (Liban), 2005, t.2, n°1347, p. 929.
27. Comment trouver le bon équilibre? On peut
dire d'une manière générale que la procédure
pénale a pour objet de concilier deux intérêts
présentés comme antagonistes afin de
217
trouver l'équilibre le plus satisfaisant
. Selon M. Jean Pradel, « la preuve est peut-être
de
46
toutes les branches de la procédure pénale,
celle qui est la plus vivante et surtout la plus complexe et, par
conséquent, la moins sûre, la moins fixée. On doit rappeler
en effet que la preuve se trouve au confluent de deux logiques antagonistes :
celle des droits de l'individu (à l'intégrité corporelle,
à la vie privée) et celle des droits de la société,
ces droits que l'on est tenté de défendre en profitant des
technologies modernes et en bâtissant au profit des
218
autorités de police et de justice un système
de pouvoirs importants » . La procédure pénale donc a
pour mission de réaliser l'équilibre le plus satisfaisant
possible entre deux exigences opposées : la nécessité de
protéger la société contre les délinquants et les
criminels qui la menacent d'un part, et celle de garantir les droits de
l'individu et le respect de la personne
humaine d'autre part 219 . Plus précisément, la
problématique qui concerne la recherche de la preuve s'articule autour
de l'idée de trouver l'équilibre entre la liberté et la
légalité dans la recherche et l'administration de la preuve en
matière pénale. Un autre concept d'équilibre s'exprime par
un juste équilibre entre les intérêts publics et
privés qui est à notre avis une
. Pour
220
notion ou un critère de distinction ambigu et qui reste
toujours un équilibre difficile
mettre en oeuvre cet équilibre souhaitable, comment
chercher efficacement une solution qui n'affaiblit pas le principe de la
légalité de la preuve? Il faut trouver une solution juridique qui
permet ou a pour objet de déterminer minutieusement le sort des preuves
illégales dans le procès pénal. Certains auteurs, comme M.
Jérôme Bénédict considèrent que s'agissant
d'une preuve illégale, dans un cas comme dans l'autre, il est possible
d'envisager deux solutions extrêmes et opposées, suivant que l'on
entend faire prévaloir l'intérêt de la
société ou celui de l'individu : 1° : Poursuivre et juger
les délinquants est un objectif prioritaire, de telle sorte
217 V. G. Levasseur, A. Chavanne, J.
Montreuil, B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal
général et procédure pénale, 14e
éd., Dalloz, 2002, n° 274, p. 121 : «
L'intérêt social voudrait une procédure rapide, mais une
certaine prudence est nécessaire car il faut laisser à la
personne poursuivie la possibilité d'organiser sa défense
».
218 J. Pradel, « La preuve en
procédure pénale comparée (Rapport général)
», in Revue internationale de droit pénal,
1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du
Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur
International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25
janvier 1992, pp.13-32. V. spec. p. 13.
219 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, Thèse de
droit, Université de Lausanne, Éditions Pro Schola, Lausanne,
1994, p. 18.
220 V. C. Robinson et A. Eser, « Le
droit du prévenu au silence et son droit à être
assisté par un défenseur au cours de la phase
préjudiciaire en Allemagne et aux États-Unis d'Amérique
», in R.S.C., juillet-septembre 1967, n°3, pp. 567-618, V.
spec. p. 581 : « Combien il est difficile de trouver un
équilibre satisfaisant, entre d'une part l'intérêt public,
qui exige une enquête vigoureuse et sans entraves, et d'autre part
l'intérêt individuel du suspect qui a besoin d'un appui pour sa
défense ».
qu'il convient d'admettre tout moyen de preuve propre à
asseoir la conviction des juges, sans
221
tenir compte du vice dont il pourrait être
entaché
. 2° : Lorsque le législateur a adopté la
47
règle transgressée, c'était la protection
des individus qu'il avait en vue ; or, ce but ne peut être vraiment
atteint que si l'on soustrait à l'appréciation du tribunal les
preuves obtenues par des
222
procédés illégaux . En effet, la seule
réponse serait de dire clairement que la légalité comme
principe fondamental dans le procès pénal surtout dans la
recherche de preuve peut vivre et exister à côté de la
liberté de preuve sans pour autant perdre l'efficacité de la
procédure pénale dans la recherche et l'administration des
preuves, mais à condition que le principe de la liberté de la
preuve qui domine la procédure pénale soit sous le contrôle
et la limite imposés par le principe de la légalité qui
nécessite à son tour d'être appliqué de
manière stricte, obligatoire et de façon satisfaisante. De cette
manière, on peut trouver un équilibre satisfaisant entre
l'efficacité du système pénal et l'effectivité des
droits accordés à l'individu, c'est-à-dire un
équilibre entre légalité et efficacité. À
notre avis, cet équilibre introuvable aujourd'hui en droit libanais et
français nécessite indéniablement le renforcement du
principe de légalité de preuve. Cela signifie renforcer les
outils de l'exclusion de la preuve obtenue d'une manière illégale
en droit libanais et français, dans la mesure où il semble que la
théorie des nullités telle qu'elle est en vigueur aujourd'hui au
Liban et en France ne peut assurer la sanction des formalités
prévues par la loi et ne constitue pas une règle efficace
d'exclusion de toutes les preuves illégales.
28. Une approche de la notion de principe de la
légalité de la preuve. La procédure pénale a
pour objectif principal la recherche de la vérité judiciaire et
non celle d'une culpabilité, à savoir la preuve de la
vérité. La preuve en matière pénale est libre, ce
qui implique le libre choix des moyens de preuve. Mais cette liberté de
preuve signifie que tous les moyens de preuve sont admissibles, sous
réserve d'avoir été légalement obtenus parce que la
preuve ne
223 224
doit pas être obtenue de façon illégale . La
recherche de la preuve en matière pénale revêt
221 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit.,
pp. 19-20.
222 J. Benedict, Ibid., p. 20.
223 V. en ce sens : A. Leborgne, «
L'impact de la loyauté sur la manifestation de la vérité
ou le double visage d'un grand principe », in RTD Civ.,
juillet-septembre 1996, n°3, p. 535 : « En procédure
pénale, liberté des preuves ne peut signifier
illégalité ».
224 V. définition preuve : E.
Bonnier, Traité théorique et pratique des preuves en droit
civil et en droit criminel, 4e éd., Henri Plon Éditeur et
Maresc Ainé Éditeur, Paris, 1873, t.1, n°6, p. 6 :
« Le mot preuve, pris dans le sens le plus large, désigne tout
moyen direct ou indirect d'arriver à la connaissance des faits »
; V. J. Bentham, Traité des preuves judiciaires, traduit
par Etienne Dumont, Bossange frères Libraires-Éditeurs, Paris,
1823, t. 1, p. 16 : « Qu'est ce qu'une preuve ? Dans le sens le plus
étendu qu'on puisse donner à ce mot, on entend par là un
fait supposé vrai, que l'on considère comme devant servir de
motif de crédibilité sur l'existence ou la nonexistence d'un
autre fait ».
une importance décisive 225 et qui mérite d'attirer
toute l'attention 226 parce que cette preuve
48
227 228
doit décider de la culpabilité ou de l'innocence de
la personne accusée pour avoir commis
une infraction 229 . La liberté de la preuve
pénale dominant sur l'opération de la recherche de la preuve
pénale signifie liberté dans le choix des moyens de preuve,
à cause de l'impossibilité
de limiter ceux-ci à un type défini d'infraction
en général230. En effet, la raison logique est que la
perpétration de l'infraction constitue souvent des actes dont la forme
est inattendue, et par conséquent, il était impératif de
faire place à la liberté du choix des moyens de preuve pour la
recherche de la preuve pénale et pour prouver les éléments
constitutifs de l'infraction. Une question s'impose selon Mme Coralie
Ambroise-Castérot : « prouver avec quelles preuves? Le principe
est celui de la liberté de la preuve, .... Mais il convient de ne pas se
méprendre sur le
225 V. E. Mathias, Procédure
pénale, 2e éd., Bréal, 2005, p. 8 :
« Une infraction (crime, délit ou contravention) prévue
par le Code pénal ou par un autre texte est commise. Cet acte
pénalement sanctionné ne doit pas demeurer impuni : il faut
chercher son auteur et le juger, c'est-à-dire constater son
éventuelle culpabilité et lui appliquer une sanction dans les
limites abstraitement formulées par le texte d'incrimination
».
226 V. S. Guinchard et J. Buisson,
Procédure pénale, 9e édition, LEXIS
NEXIS/LITEC, 2013, n° 515, p. 557 : importance de la preuve : «
La preuve revêt dans le procès pénal une importance qu'elle
n'a dans aucune autre matière. Parce qu'elle touche aux garanties des
personnes, notamment à la présomption d'innocence à
laquelle elle peut porter atteinte, comme elle concerne directement l'ordre
public. Parce que toutes les règles de procédure n'ont, en
définitive, d'autre finalité que la recherche et l'administration
de la preuve. Ainsi, s'explique sans doute l'unité de la théorie
de la preuve, dans son principe comme dans ses règles, à toutes
les étapes de la procédure pénale, depuis la phase de la
police judiciaire jusqu'à celle du jugement définitif ; car on ne
peut concevoir une preuve qui soit, en amont du procès pénal,
différente de celle qui régira la phase de jugement. La logique
juridique rejoint le bon sens commun pour affirmer l'unité du
régime de la preuve, que commande la finalité globale et unique
de la procédure, à chacune de ses phases.».
227 A. Decocq, J. Montreuil et J. Buisson,
Le droit de la police, Litec, Paris, 1991, n°1050 : MM.
André Decocq, Jean Montreuil et Jacques Buisson expriment très
clairement cette idée d'importance de la preuve particulièrement
dans le contentieux pénal : «Depuis la constatation de
l'infraction jusqu'au jugement de son auteur, toute la chaîne
pénale est articulée autour de la question cardinale de la
preuve, et le régime de la preuve est nécessairement identique
à toutes les hauteurs de la procédure, même en amont du
procès pénal : dans la phase policière,
c'est-à-dire dans la phase préparatoire de ce
procès».
228 V. sur l'mportance de la preuve
pénale : R. Merle et A. Vitu, Traité De Droit Criminel,
5e éd., Cujas, Paris, 2001, t. 2
Procédure Pénale, n°140, p. 177 : « La
procédure pénale tout entière gravite autour du
problème de la preuve, ce qui explique la place éminente que lui
réservent certains droits étrangers, par exemple anglo-saxons
».
229 V. G. Danjaume, « Le principe de la
liberté de la preuve en procédure pénale », in
D., 1996, chron., pp. 153156. V. spec. p. 153 :« En
procédure pénale, la preuve revêt une importance toute
particulière dans la mesure où elle va permettre de statuer sur
la culpabilité. Ainsi, la preuve constitue le point central du
procès pénal ».
230 V. en ce sens : J. Buisson, «
Perquisitions : Pouvoirs de l'officier de police judiciaire. Constatation d'une
infraction prévue par une loi spéciale », Note sous Cass.
crim., 25 juin 2003, M., non publié, in R.S.C., 2004,
p. 424 :« Ce principe de la liberté de la preuve, qui doit
être concilié avec celui de la légalité, s'est
imposé en droit pénal non seulement parce qu'il s'agit de prouver
des faits pour lesquels aucune preuve ne peut normalement être
préconstituée, mais aussi parce que les intérêts
supérieurs de la société exigent de ne pas désarmer
la répression par un système de preuve trop rigide tandis que les
droits du prévenu commandent de lui permettre de faire valoir tous
moyens de nature à démontrer sa non-implication dans les faits
reprochés ».
sens et la portée de ce principe » 231 .
Cependant, cette liberté de la preuve pénale n'est pas
49
hasardeuse, étant donné qu'elle doit
dépendre de moyens harmonieux ou compatibles avec les droits de l'Homme,
ainsi qu'avec les textes de la loi et les principes généraux. On
ne peut pas considérer que la violation de l'intégrité du
corps du suspect, la violation de sa liberté, de sa volonté, de
son droit à la vie privée, ou encore les droits de la
défense consacrés à son
avantage font partie de la liberté de la preuve 232 .
Les outils juridiques prescrits par le législateur pour la recherche de
la preuve doivent permettre d'atteindre la vérité lors d'un
procès pénal, c'est-à-dire convaincre le juge qu'une
infraction a été commise et que l'accusé est l'auteur de
cette infraction, sans commettre aucune violation des droits de la personne.
Toute suggestion contraire rendrait l'existence du Code de procédure
pénale, qui réglemente les moyens et les méthodes de la
recherche de la preuve pénale, inutile, et l'obtention de la preuve
pénale serait donc possible en ayant recours à tous les moyens,
même illégaux, sans aucun égard aux droits du suspect ni
à la présomption d'innocence qui l'accompagne jusqu'au jugement
prononçant sa condamnation. En d'autres termes un renforcement de la
légalité peut paraître nécessaire pour mieux
garantir l'État de droit pour éviter la recherche de la preuve
pénale à tout prix et par tout moyen afin d'atteindre la
vérité, sans aucune restriction ou garanties, ce qui
représenterait une application radicale de la liberté absolue de
preuve en droit pénal.
29. Le concept de la légalité de la preuve.
Le concept de la légalité de la preuve pénale
signifie que les autorités de l'État et de la justice
généralement doivent dans la recherche des preuves et des auteurs
d'infractions respecter les lois et les règles de procédure parce
que la recherche de la vérité impose nécessairement de
« concilier les droits fondamentaux de la personne humaine avec une
recherche d'efficacité des autorités d'enquête et de
poursuite dans la mise en cause des auteurs d'infraction à la loi
pénale et qui mettent par là même en
233
cause l'équilibre de la vie en
société ». De cette manière, on peut dire que
l'objet de la procédure pénale sera de permettre la conciliation
des principes protecteurs de l'individu avec
231 C. Ambroise-Castérot, «
Recherche et administration des preuves en procédure pénale : la
quête du Graal de la Vérité », in AJ Pénal,
2005, pp. 261 et s.
232 V. Ph. Bonfils, « Loyauté de
la preuve et droit au procès équitable », Note sous Cass. 2e
civ., 7 octobre 2004, in D., 13 janvier 2005, n°2, juris., p. 122
: « On le sait bien, être titulaire d'un droit est une chose, et
pouvoir en rapporter la preuve en est souvent une autre. Cette
difficulté explique que, parfois, certains se laissent tenter par le
recours à des procédés déloyaux voire illicites, et
cette tentation peut même paraître d'autant plus grande que les
progrès scientifiques et techniques en multiplient les
possibilités ».
233 P. Bolze, Le droit à la preuve
contraire en procédure pénale, Thèse de droit,
Université Nancy 2, 2010, p.
49.
234
une efficacité extrême dans la recherche de la
preuve . Donc, la preuve pénale se trouve
50
pratiquement au confluent de deux logiques antagonistes ou qui
sont en contradiction : celles des droits et libertés des individus
protégés par la loi et celles des droits de la
société. Un auteur belge, M. Franklin Kuty, évoque
l'idée de la bonne administration de la justice qui protège une
grande série de droits individuels pour éclaircir la notion de la
légalité ou de la
régularité de la preuve en matière
pénale 235 . Le principe de la liberté des preuves n'est
pas un principe absolu puisqu'il s'agit de la limitation de l'exercice de la
liberté de la preuve pénale en respect des dispositions de la
loi, notamment le Code de procédure pénale réglementant la
recherche et la production de la preuve pénale, ainsi que des principes
fondamentaux généraux dominant le processus de la recherche et de
la production de la preuve pénale au cours des différents stades
du procès pénal, et de la phase précédente, ou en
d'autres termes la phase d'investigation dans le procès pénal.
À cet égard, la légalité de la preuve pénale
s'intéresse seulement au moyen d'obtention et à l'administration
de la preuve pénale qui doit refléter sur l'admission de la
preuve obtenue de manière illégale, non à sa valeur
probante. En effet, le moyen d'obtention de la preuve pénale doit
être compatible avec le principe de la légalité des preuves
en matière de production de preuve, et par conséquent la
liberté de la preuve ne signifie pas que tous les moyens sont
autorisés pour l'atteinte de la
vérité dans le cadre d'un procès
pénal236 . Il est incontestable que l'application du principe
de la liberté de la preuve, dominant la recherche de la preuve
pénale, doit également respecter le principe de la loyauté
de la preuve pénale, qui est d'ailleurs un principe
complémentaire et relatif au principe de la légalité de la
preuve pénale. Le principe de la
234 V. en ce sens : P. Bolze, Le droit
à la preuve contraire en procédure pénale,
Thèse de droit, Université Nancy 2, 2010, p. 49.
235 F. Kuty, « La sanction de
l'illégalité et de l'irrégularité de la preuve
pénale », in F. Kuty et D. Mougenot (Dir.), La preuve questions
spéciales, Anthémis, Vol. 99, Liège, janvier 2008,
pp. 7-62, V. Spec. p. 11 : « La notion de régularité de
la preuve renvoie aux valeurs considérées comme essentielles
à une bonne administration de la justice et qui ne sont pas
formulées, en tant que telles, dans un texte de loi » ; V.
encore : F. Kuty, « La sanction de l'illégalité et de
l'irrégularité de la preuve pénale », in F. Kuty et
D. Mougenot (Dir.), La preuve questions spéciales,
Anthémis, Vol. 99, Liège, janvier 2008, pp. 7-62, V. Spec. p.
11-12 : L'exigence de régularité de la preuve selon M. Franklin
Kuty « Il s'agit, en d'autres termes, des exigences de dignité
de la justice et de loyauté dans la recherche des preuves qui, toutes
deux, touchent au respect de la personne, de la dignité humaine, des
principes généraux du droit et des droits de la défense
».
236 V. P. Hennion-Jacquet, «
L'encadrement relatif de la liberté de la preuve par la Convention
européenne des droits de l'homme », in D., 2005, p. 2575
et s., V. spec n° 2 : Mme Patricia Hennion-Jacquet décrit
l'intervention du principe de la légalité de preuve dans le
système de preuve libre : « la preuve pénale ne fait
l'objet d'aucune théorie générale : elle peut être
rapportée par tous moyens, le mode de preuve n'étant ni
imposé, ni interdit. C'est pourquoi, le système probatoire
français est qualifié de système de preuve libre. Cette
qualification impropre procède d'une assimilation inopportune entre la
liberté de principe concernant la recevabilité de la preuve et la
légalité de son obtention ».
51
légalité de la preuve pénale n'est pas
surprenant ou étranger au système juridique en vigueur dans
l'État de droit, où la souveraineté et la dominance
reviennent à la légalité sur laquelle se basent les
travaux de toutes les autorités publiques et judiciaires dans le cadre
de l'affaire pénale, et qui représente ainsi une couverture
juridique pour toutes les actions menées par les autorités en
charge de la recherche des preuves pénales et de la détection des
infractions commises afin de déceler l'identité de leur auteur.
Il est devenu nécessaire de réévaluer certaines
définitions radicales répandues dans l'introduction du concept du
principe de la liberté la preuve en matière pénale, en
révélant ainsi la liberté excessive contenue dans le
principe de liberté de la preuve pénale, sous la forme d'une
liberté absolue sans aucune restriction, sans limites, sans lignes
directrices. Il semble qu'un concept large (vague), non discipliné et
incontrôlé de liberté de la preuve ne convient pas à
un État de droit, étant donné qu'il représente un
outil et un moyen de domination, d'oppression et d'abus de pouvoir portant
atteinte aux droits et libertés des individus garantis par les
dispositions de la loi.
30. Coexistence possible entre liberté et
légalité des preuves. La procédure pénale est
la description de l'intervention des autorités étatiques (police
mais également procureur et juges) dans le but de rechercher la preuve
qui permet d'aboutir à la vérité pour identifier l'auteur
de l'infraction. Selon M. Édouard Verny « la procédure
pénale recouvre l'ensemble des règles relatives à la
recherche et au jugement des personnes soupçonnées d'avoir commis
une
237
infraction ». Le système juridique doit
être en mesure de fournir et d'assurer les garanties juridiques des
droits et libertés des individus dans le cadre du procès
pénal, en vertu du principe de la légalité, en
parallèle avec l'application du principe de la liberté de la
preuve pénale afin de détecter les criminels et les preuves de
l'infraction, sans risquer de porter
238
atteinte à leurs droits fondamentaux. Cet
équilibre délicat entre la garantie du principe de la
légalité d'une part, et d'autre part, la garantie de l'atteinte
de l'objectif principal du procès pénal, est inaccessible sans
une application effective du principe de la légalité de la preuve
pénale, à côté du principe de la liberté de
la preuve pénale.
237 É. Verny, Procédure
pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 1, p. 1.
238 V. G. Levasseur, A. Chavanne, J.
Montreuil, B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal
général et procédure pénale, 14e
éd., Dalloz, 2002, n° 274, p. 121 : « Les règles
relatives à la procédure pénale sont
particulièrement importantes, tant pour la protection de la
société (car la procédure doit permettre de confondre les
coupables en dépit de leurs dénégations) que pour la
sauvegarde de la liberté individuelle (car elles doivent permettre
à l'innocent d'éviter d'être victime d'une erreur
judiciaire, et au coupable de faire valoir ses moyens de défense, de
façon à ce que la peine qui sera éventuellement
prononcée contre lui soit vraiment équitable). ».
52
La détermination de la notion de la
légalité de la preuve pénale nécessite la
détermination du rôle et de la relation entre le principe de la
légalité et de la loyauté de la preuve pénale d'une
part, et celui du principe de la liberté de la preuve d'autre part, afin
de fixer les limites de leur relation et éliminer toute confusion ou
ambiguïté pouvant être soulevée. Le premier titre dans
cette thèse porte sur la relation entre légalité,
loyauté et liberté de la preuve. En outre, la
détermination du concept de la légalité de la preuve
pénale exige la caractérisation et l'étude de la notion de
la preuve illégale afin d'illustrer cette idée, de fixer les
aspects d'un concept clair permettant de distinguer les cas dans lesquels la
preuve est considérée illégale lors du procès
pénal, de déterminer les cas touchant la preuve
d'illégalité ou de comprendre la notion de preuve entachée
de vices d'illégalité. Le second titre de cette thèse
porte sur la notion de preuve illégale.
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