WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La légalite des moyens de preuve dans le procès pénal en droit français et libanais


par Ali Ataya
Ecole doctorale 88 Pierre Couvrat (Poitiers) - Droit et Sciences Politique, Université du Maine - Thèse de doctorat en Droit privé 2013
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Conclusion générale

419. La preuve tend à l'établissement de la vérité dans le procès pénal. Cette thèse est une contribution à l'étude du principe de la légalité de la preuve pénale sous l'angle du droit comparé (Liban et France). Évidemment, le droit français sous ses multiples aspects (loi, jurisprudence et doctrine) a exercé une influence marquante sur le droit libanais et continue à le faire. Le recours au droit comparé contribue au mouvement de la circulation des solutions juridiques entre les pays. La procédure criminelle au Liban et en France correspond à un système de procédure mixte entre le modèle inquisitoire et le modèle accusatoire. La recherche des preuves est dominée par un trinôme de principes : liberté, légalité et loyauté. La liberté est le principe essentiel dans la recherche de preuve en matière pénale. L'importance de la preuve dans le contentieux pénal est indiscutable. Dans le cadre du procès pénal, le principe de la liberté de la preuve gouverne le processus de la recherche de la vérité, ce qui laisse croire que tout mode de preuve est recevable sans limite puisque la liberté est absolue dans la recherche des preuves pénales.

420. Le droit pénal libanais repose sur la liberté de la preuve qui se manifeste clairement par une consécration législative et jurisprudentielle du principe de liberté de la preuve. Le principe de liberté de la preuve en matière pénale trouve son fondement dans les dispositions de l'article 179 du CPP libanais « les infractions alléguées peuvent être établies par tout mode de preuve, à moins que la loi n'en dispose autrement. Le juge ne peut fonder sa décision que sur les preuves dont il dispose et qui ont fait l'objet d'un débat contradictoire en audience publique... ». En outre, ce principe est confirmé par une jurisprudence stable dans les arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise et du Conseil judiciaire libanais qui ont affirmé à plusieurs reprises la dominance du principe de liberté comme un principe général qui gouverne la recherche de preuve dans le contentieux pénal. À son tour, la doctrine pénale libanaise est presque unanime à cet égard en ce qui concerne l'application du principe de la liberté dans la recherche des éléments de preuve en droit libanais.

421. En droit français, le régime des preuves en matière pénale est celui de la liberté de la preuve. La liberté de la preuve en matière pénale est soutenue en droit français par une consécration législative et jurisprudentielle de ce principe. Le Code de procédure pénale français adopte le système de la liberté des preuves en matière pénale aux termes de l'article 427 du CPP qui affirme la liberté de la preuve : « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son

549

intime conviction. Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui ». La doctrine pénale française reconnaît clairement et de manière unanime que le principe de liberté de la preuve constitue une règle générale en matière pénale, suivie en cela par la chambre criminelle de la Cour de cassation française qui a consacré ce principe grâce à une jurisprudence bien établie dans les arrêts de cette Cour. Ce principe général de la liberté de la preuve en matière pénale adopté en droit libanais et français connaît des limites. Sans doute, la liberté de preuve n'est pas une liberté entière et absolue. Dans un État de droit, la liberté de preuve s'incline parfois afin d'atteindre un équilibre entre deux objets recherchés dans la politique criminelle qui ne sont pas identiques et parfois soumis à deux pressions contradictoires. Le premier objet est l'efficacité dans la recherche de la preuve pour atteindre la vérité. Le deuxième objet est le respect des droits fondamentaux de l'homme et les principes généraux de droit qui assurent des garanties procédurales substantielles qui se caractérisent par le respect de la légalité. En effet, malgré la difficulté qui existe dans la recherche de la preuve et qui justifie cette liberté de preuve, cela n'empêche pas de préciser qu'il faut concilier la recherche de la vérité avec d'autres principes, et donc, chercher à trouver un équilibre satisfaisant entre l'efficacité du système pénal et la garantie des droits de l'homme parce que l'efficacité de la recherche des preuves ne doit pas être obtenue au prix d'atteintes aux droits individuels. L'adoption du principe de la liberté de preuve pénale par le législateur ne signifie pas que cette liberté dans la recherche et l'administration des preuves pénales est absolue et sans aucune restriction. En effet, une telle liberté de preuve sans restriction constituerait un abus ouvrant la porte à la violation de droits et libertés des individus sous prétexte de la recherche de preuves. En dépit de l'importance de l'obtention de la preuve pénale, il est inadmissible de sacrifier la totalité des droits et libertés des individus pour cette fin. Le principe de la légalité de la preuve pénale va dessiner les contours de la liberté de preuve. Par conséquent, le principe de la légalité de la preuve pénale dans ses deux aspects, formelle et matérielle, constitue une restriction fondamentale à la liberté de la preuve, afin d'empêcher tout extrémisme dans le cadre du concept de cette liberté. Quel est le rôle que peut et doit jouer le principe de la légalité dans la recherche de preuve ? Le principe de la légalité exprime l'idée de la primauté du texte de la loi qui est considéré comme une conséquence normale et naturelle de l'État de droit. La légalité en matière de preuve pénale apparaît comme une exigence fondamentale de l'État de droit. Ce qui précède offre l'occasion de souligner que l'adaptation du principe de liberté de la preuve en matière pénale par les législateurs libanais et français ne signifie pas que la fin justifie les moyens. Les deux systèmes procéduraux libanais et français soumettent la recherche de la preuve pénale à diverses restrictions qui limitent cette liberté de preuve. Cependant, le

550

principe de légalité souffre d'une ambiguïté remarquable dans la culture juridique parce qu'il y a confusion entre le principe de la légalité dans la recherche de la preuve pénale, qui focalise sur la façon d'obtenir les preuves et le système de la preuve légale, où la loi énumère et définit les modes de preuve admissibles dont elle détermine la force probante. Une distinction doit être faite entre légalité des preuves et preuves légales pour éviter de confondre les notions de « légalité des preuves » et de « preuves légales ». La légalité des preuves désigne le caractère légal de la preuve qui est bien différent de la preuve légale. Le système dit de preuve libre ou morale qui est basé sur l'intime conviction du juge pénal est le contraire du système de la preuve légale. En fait, la légalité est un principe qui offre un outil juridique qui peut contrôler une application libérale du principe de la liberté de la preuve qui peut se transformer au nom de l'efficacité du système répressif en un outil permettant de commettre des violations graves et systématiques des droits humains et des droits fondamentaux du suspect et accusé dans le procès pénal. La légalité vient freiner toute dérive possible dans l'application de la liberté dans la recherche des preuves. Le principe de la légalité constitue un rempart efficace contre l'injustice et l'arbitraire qui peuvent naître de la liberté de preuve. En réalité, en présence du principe de légalité, il sera difficile de considérer que le principe de liberté de preuve consiste en une liberté infinie et radicale. La légalité dans la recherche de preuves en matière pénale va remplir une mission essentielle tout au long du processus de recherche des preuves qui est le fait de réduire strictement la liberté de la preuve dans la mesure du possible pour garantir l'efficacité de la répression à travers la manifestation de la vérité en droit processuel, et d'autre part dans le but de garantir les droits de la défense et du procès équitable tout au long de la conduite de la procédure pénale. Le principe de la légalité trace le contour du principe de la liberté de preuve pénale. La légalité contribue à former un outil d'encadrement du principe de la liberté de preuve. Évidemment, la recherche des preuves pénales peut porter atteinte aux droits individuels et seul le législateur est compétent pour en décider et fixer la marge de l'atteinte nécessaire sur les droits individuels qu'on l'appelle atteinte légale au service de la manifestation de la vérité dans le procès pénal.

422. La légalité en matière de preuve pénale se divise en deux aspects : légalité formelle et légalité matérielle. La légalité formelle de la preuve pénale signifie que la recherche de celle-ci est le résultat d'une procédure pénale admise par la loi, en veillant à l'application de cette procédure produisant cette preuve pénale selon le modèle légal imposé par le législateur. La légalité formelle de la preuve pénale indique également le respect du droit à la protection de la vie privée, et l'interdiction d'obtenir les éléments de preuve en violation des principes généraux de droit intimement liés à la preuve pénale. En d'autres termes, la légalité formelle signifie la non-violation des principes liés à la preuve pénale à la phase de jugement dans le

551

procès. Ces principes sont la publicité, l'oralité et le contradictoire, dont la violation représente une violation de la légalité formelle de la preuve.

423. Relativement à la légalité formelle, le respect de la légalité formelle impose que la liberté de preuve comme principe général est soumise à des formes et restrictions imposées par les dispositions des lois qui régissent le processus de la recherche de preuve. Sans doute, il faut distinguer entre deux sortes de formalités, connues d'une part sous le nom de formalités substantielles dont l'inobservation rend les preuves illégales, et d'autre part les formalités non substantielles ou secondaires, dont l'inobservation ne rend pas les preuves illégales. La liberté de la preuve doit respecter la légalité formelle s'agissant de toutes les conditions, interdictions ou entraves que le législateur a voulu déterminer dans la procédure pénale lors de la recherche de la preuve ou sa production. Ainsi, le respect de la légalité formelle impose de respecter l'application des principes directeurs relatifs à la preuve qui sont : le respect du principe de l'oralité du débat, du principe du contradictoire et la publicité des débats. Les éléments de preuve dans un procès pénal doivent faire l'objet d'un débat contradictoire pour que la preuve soit conforme au principe de la légalité formelle de la preuve pénale. Par conséquent, le juge du fond ne peut pas prendre en compte des éléments de preuve qui portent atteinte au principe du contradictoire, de l'oralité et de la publicité des débats parce que cela est contraire à la légalité formelle de la preuve. Enfin, la légalité formelle de la preuve désigne le respect et la protection de l'intimité de la vie privée, c'est-à-dire que la liberté dans la recherche de preuve ne peut pas porter atteinte à l'intimité de la vie privée, sauf si le législateur a encadré légalement cette atteinte afin de collecter la preuve, qui est nommée dans ce cas une atteinte légale à l'intimité de la vie privée, notamment l'encadrement de l'écoute téléphonique judiciaire par le législateur en droit libanais et en droit français.

424. Quant au concept de la légalité matérielle en matière de preuve, il se traduit par une exigence du respect de la dignité humaine et de la loyauté dans la recherche de preuves pénales. La légalité matérielle de la preuve signifie l'interdiction d'obtenir la preuve pénale en violation du principe du respect de la dignité humaine, ainsi que de l'intégrité physique et morale de la personne. La protection de la dignité humaine est une préoccupation centrale du droit. Certains avis doctrinaux en France considèrent que le principe de la loyauté de la preuve pénale fait partie de celui de la légalité matérielle. En dépit de ce point de vue, il est préférable d'aborder ce principe à part entière. En effet, le principe de loyauté de la preuve pénale est un principe complémentaire à celui de la légalité de la preuve pénale, en se basant sur la moralité, sans pour autant être soutenu par un texte juridique. Ainsi, la loyauté de la preuve comme principe faisant partie de la légalité matérielle (selon la doctrine française) est moins prise au

552

sérieux parce qu'elle est considérée comme une simple exigence morale ou éthique. En revanche, le respect de la dignité humaine est une exigence fondamentale de la légalité matérielle dans la recherche de preuve qui ne souffre aucune exception parce que le respect de la dignité humaine dans la recherche de preuve est une garantie essentielle pour éviter la coercition et son utilisation pour obtenir des aveux et éviter la torture, des traitements inhumains et dégradants. En ce qui concerne la loyauté dans la recherche des preuves, nous avons préféré dans cette thèse étudier ce principe dans un chapitre entier indépendant de la légalité matérielle.

425. La loyauté dans la recherche de preuves est un principe controversé. D'abord, il souffre d'une définition imprécise et d'un manque de détermination en ce qui concerne la notion. Ensuite, la loyauté selon beaucoup d'auteurs est un principe d'inspiration morale, ce qui soulève des questions à propos de sa valeur juridique. Le Code de procédure pénale libanais et le Code de procédure pénale français ne consacrent pas formellement et d'une manière claire l'adoption du principe de loyauté dans la recherche de preuves. Le principe de loyauté est la conséquence d'une pure construction jurisprudentielle. En 1888, la célèbre affaire Wilson offre l'occasion pour la Cour de cassation française d'exprimer sa volonté expresse de créer le principe de loyauté dans la recherche de preuve pénale. Ensuite, ce principe de loyauté revêt une portée générale après une consécration lumineuse par la jurisprudence de la Cour de cassation française dans une autre affaire célèbre qui est l'arrêt Imbert du 12 juin 1952. En définitive, la loyauté comme principe est une invention jurisprudentielle de la Cour de cassation française dans l'arrêt Wilson (1888), qui s'est développée ultérieurement dans la célèbre affaire Imbert rendue le 12 juin 1952. Le principe de la loyauté est reconnu par la majorité de la doctrine pénale française. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme interprète d'une manière très extensive la notion et le champ d'application de procès équitable ce qui permet au principe de loyauté d'être appliqué d'une manière implicite en droit français sous couvert de l'article 6 de la Convention européenne bien que les juges de Strasbourg considèrent que la Convention ne réglemente pas l'admissibilité des modes de preuve, matière qui relève au premier chef des règles de droit interne. Toutefois, la Cour européenne des droits de l'homme n'applique pas d'une manière efficace le principe de loyauté dans la recherche des preuves et les juges de Strasbourg devraient réformer leur jurisprudence pour assurer une application effective et réelle du principe de loyauté de la preuve. En droit libanais, on ne peut passer sous silence l'influence ou la contribution négative de la doctrine et de la jurisprudence libanaise qui n'ont pas fait d'effort dans la production et la diffusion du principe de loyauté dans la culture juridique

553

libanaise. Cependant, le principe de la loyauté de la preuve pénale souffre d'une baisse significative en raison de l'absence de consécration législative dans le droit libanais et français. Cette situation a engendré deux résultats négatifs. En premier lieu, les parties privées dans le procès pénal ne sont pas soumises aux restrictions du principe de la loyauté de la preuve pénale selon la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française, en raison de l'absence d'un texte explicite permettant à la justice d'écarter la preuve déloyale apportée par les parties, contrairement aux autorités publiques qui sont soumises à ce principe. En droit libanais, la reconnaissance de ce principe de loyauté souffre d'une très grande timidité de la part de la jurisprudence. En deuxième lieu, le principe de la loyauté de la preuve pénale peut être surmonté à travers une législation claire et explicite permettant l'utilisation d'un outil ou d'un moyen déloyal pour l'obtention d'une preuve pénale, mais admissible et légal, parce que prévu par la loi. Cette situation est répandue en France et dans d'autres pays, notamment dans le but de lutter contre les crimes graves, en particulier le terrorisme. Quant au Liban, le principe de la loyauté de la preuve pénale est négligé et non répandu dans la culture juridique libanaise, en dépit de la forte influence du droit français, de sa jurisprudence, de ses points de vue doctrinaux, de ses principes, ainsi que de la plupart des lois, notamment en droit pénal. Le législateur libanais n'a pas rectifié des lois pour pouvoir continuer à utiliser des moyens de recherche de preuve déloyale dans le but de l'obtention de preuves liées aux crimes graves et terroristes. Les autorités procédant à la recherche de la preuve pénale au Liban utilisent des moyens déloyaux sans pour autant être sanctionnées par les tribunaux en raison des preuves obtenues au moyen de procédés déloyaux.

426. Une preuve peut être illégale lorsqu'elle est entachée d'une illégalité formelle ou d'une illégalité matérielle. Il était nécessaire de déterminer un concept minimal fixe à la preuve illégale. L'illégalité de la preuve pénale a plusieurs causes, notamment l'absence d'un texte juridique justifiant la procédure pénale produisant la preuve, ou encore l'existence de ce texte sans que l'application effective de la procédure produisant la preuve soit en conformité avec le modèle exigé par le législateur, rendant ainsi la preuve illégale. De plus, l'obtention de la preuve pénale en violation des trois principes prédominants dans le procès pénal, qui sont la publicité, l'oralité et le contradictoire intimement liés à la preuve pénale, rend la preuve illégale en raison de cette violation.

La preuve est entachée d'une illégalité formelle si la recherche et l'administration de cette preuve portent atteinte à la légalité procédurale, mais également si les procédés de preuves ont porté atteinte à l'intimité de la vie privée. La légalité formelle de la preuve pénale regroupe les conditions à respecter dans le processus de recherche de la preuve. Ces conditions sont

554

imposées par le Code de procédure pénale parce que la recherche de la preuve pénale est un acte de procédure prescrit dans le Code. Le respect de la légalité formelle dans la recherche de preuve se réalise par l'application minutieuse du texte de loi qui est la base de l'acte de recherche de preuve. Ce dernier texte de loi qui légalise la recherche des preuves constitue la base légale de cet acte et impose qu'il soit appliqué en respectant minutieusement les diverses dispositions relatives aux restrictions et aux conditions prévues dans le texte du Code de procédure pénale. En effet, la preuve qui porte atteinte à la légalité procédurale trouve la source de l'illégalité dans l'absence de base légale, la violation d'une formalité substantielle, ou la violation des conditions fixant les actes de recherche des preuves strictement réglementées et enfin l'atteinte au droit à un procès équitable. La légalité formelle englobe encore le respect des principes généraux liés directement au droit de la preuve qui sont l'oralité, la publicité et le contradictoire.

427. Un autre aspect de la légalité formelle dans la recherche de preuve concerne les moyens qui portent atteinte à la vie privée. En ce qui concerne l'illégalité qui entache la preuve provenant des procédés de preuves portant atteinte à l'intimité de la vie privée, cette illégalité trouve sa source dans la preuve obtenue par la mise sur écoute de conversations téléphoniques et dans la preuve obtenue au moyen d'un enregistrement par magnétophone. Ces procédés constituent une violation du droit au respect de la vie privée. Les législateurs libanais et français sont soucieux d'encadrer strictement certains moyens de preuve qui sont considérés normalement comme une atteinte illicite à l'intimité de la vie privée. L'écoute téléphonique figure parmi les violations les plus importantes du droit de l'individu à protéger sa vie privée. Évidemment, les écoutes téléphoniques sont l'essentielle atteinte au respect de la vie privée de la personne durant la recherche de la preuve pénale. C'est pourquoi le législateur dans un État de droit doit être très soucieux d'encadrer légalement cette atteinte à la vie privée par une loi qui assure un équilibre satisfaisant entre la recherche de la preuve nécessaire pour la manifestation de la vérité et le droit au respect de la vie privée. Une loi qui réglemente et encadre légalement l'écoute téléphonique va formellement assurer des sauvegardes adéquates contre divers abus à redouter. En outre, l'obtention de cette preuve pénale en violation du droit au respect de la vie privée ouvre le débat sur l'écoute téléphonique et sur les lois libanaises et françaises dans ce domaine où la loi libanaise est très influencée par la loi française en dupliquant la plupart des articles de la loi en vigueur. Pour la nécessité de combler un vide juridique et sous l'influence du droit français, notamment de la loi du 10 juillet 1991 sur les écoutes téléphoniques, le législateur libanais a pris soin de réglementer l'écoute téléphonique par la loi n° 140/99. Après plusieurs années de retard, le décret pour l'application de la loi n° 140/99 qui réglemente l'écoute téléphonique en droit

555

libanais a été adopté. Pourtant, cette loi a besoin d'une réforme complète parce qu'elle contient beaucoup trop d'ambiguïtés. En droit libanais, la jurisprudence admet l'utilisation des enregistrements sur bande magnétique comme moyen de preuve dans le domaine pénal. Cette solution jurisprudentielle ne repose sur aucune source légale. En droit français, avant que le législateur français n'adopte la loi Perben II qui a légalisé la sonorisation de lieux privés et l'enregistrement de conversations privées, cette procédure spéciale était faite et appliquée en pratique sans base légale claire et précise, portant ainsi atteinte à l'esprit de l'article 8, alinéa 2, de la Convention européenne. En conséquence, la justice française peut autoriser le placement de caméras et de micros-espions dans les lieux privés afin de faciliter la recherche des preuves. Le législateur libanais serait bien avisé d'encadrer légalement la sonorisation de lieux privés et l'installation d'une caméra surveillance dans un lieu privé pour mettre fin à la violation des droits et libertés individuels pratiquée par les autorités publiques sans base légale dans la recherche de preuve pénale en droit libanais.

428. La preuve est dite entachée d'une illégalité matérielle si elle a été obtenue par le biais d'un moyen qui porte atteinte à la dignité humaine. Le respect de la dignité humaine proscrit toute forme de recours à la violence physique ou morale afin d'obtenir l'aveu ou des éléments de preuves. Le respect de la dignité humaine figure parmi les principes dont la violation est totalement inadmissible et par conséquent toute preuve émanant des moyens classiques tels que la contrainte sous toutes ses formes, la torture physique et morale, la menace ou encore la pression rend cette preuve illégale. Malgré l'abandon de l'expression classique « l'aveu : reine des preuves », l'aveu dans la procédure pénale revêt une importance capitale, ce qui a poussé la doctrine libanaise et la doctrine française à imposer des conditions de recevabilité de l'aveu comme moyen de preuve en justice de sorte que l'aveu soit compatible avec le principe de la légalité de la preuve en matière pénale. Le problème de la légalité de l'aveu en matière pénale se caractérise par l'aveu arraché par la violence ou la contrainte. L'aveu peut être encore obtenu en exerçant la contrainte matérielle ou morale et la ruse. En droit français, la torture et la violence physique sont quasiment absentes de nos jours. Au contraire, la torture et la contrainte sous toutes ses formes font partie intégrante de l'enquête dans la pratique libanaise durant l'enquête pénale. La position de la jurisprudence libanaise nous paraît honteuse par rapport à l'aveu obtenu sous l'influence de la coercition et la violence. Le juge libanais n'accorde pas d'importance à la souffrance de l'homme qui a subi contrainte, violence et torture pour se voir arracher l'aveu involontairement. Le juge ne prend en compte que la fiabilité de la preuve arrachée illégalement à la personne suspecte ou accusée. Sans doute, la jurisprudence libanaise est une jurisprudence primitive en matière de protection de la dignité

556

humaine. Nous avons proposé une réforme législative en droit libanais qui peut contribuer d'une manière efficace à mettre fin à cette tragédie libanaise qui entraîne la souffrance de la contrainte et de la torture pendant la garde à vue et l'enquête faite par l'autorité publique. À titre de réforme, nous suggérons, afin de garantir la déclaration volontaire, que le législateur libanais légifère sur l'obligation d'enregistrement des interrogatoires des gardés à vue et des interrogatoires simples pendant le déroulement de l'enquête (flagrante et préliminaire). Cette réforme proposée pourrait contribuer efficacement et lutter contre les déclarations extorquées sous torture, contrainte physique ou psychologique et assurer que toute personne a droit à une procédure judiciaire équitable. Il est important de mentionner que l'utilisation de certains moyens non classiques permettant l'obtention de la preuve pénale ouvre le débat sur leur degré de légalité. Nous pensons à l'hypnose, au sérum de vérité, au détecteur de mensonges, ou encore aux tests ADN, et à leur conformité avec le principe de la légalité de la preuve pénale. La question de la légalité de l'utilisation des procédés scientifiques dans la recherche de preuve a fait couler beaucoup d'encre. Les procédés scientifiques peuvent être des moyens d'obtenir la preuve qui vise à affaiblir et anéantir la volonté comme le sérum de vérité et l'hypnose. D'autre part, le recours à certains procédés scientifiques pour obtenir des preuves peut être attentatoire à l'inviolabilité du corps humain et à l'inviolabilité de la pensée, comme l'usage du détecteur de mensonges (polygraphe) et la preuve par l'ADN. Par conséquent, il est possible de considérer la preuve émanant de ces moyens comme illégaux, à l'exception du test ADN que la loi au Liban et en France a rendu légal. En droit libanais, la loi n° 625 qui a été promulguée le 20/11/2004 sous le nom d'analyses génétiques humaines vient combler un vide juridique dans cette matière. En droit libanais, la personne intéressée a le droit de refuser un prélèvement ADN. Le refus de prélèvement ADN n'est pas sanctionné en droit libanais, mais la loi n° 625 doit subir une réforme pour éclairer le but de l'utilisation du test d'ADN dans la recherche de preuve pénale et préciser le rôle et la compétence de l'autorité judiciaire permettant d'ordonner un test d'ADN. La loi libanaise concernant l'ADN n'est pas en mesure de répondre aux besoins de la recherche de preuve et en même temps ne consacre pas une vraie protection des droits fondamentaux liée au test ADN. Cependant, il est fréquent de s'interroger sur la légalité d'obliger le suspect ou l'accusé à subir involontairement l'examen de l'ADN, et la légalité de ce moyen, ainsi que l'admission de la preuve qui en résulte, en dépit de la permission légale d'utiliser la force afin de subir cet examen, qui est d'ailleurs un abus sur la volonté de l'individu. Il est indispensable que le législateur libanais exprime une volonté claire sur la question de l'obligation du recours aux tests ADN en matière pénale. Donc, il est nécessaire d'évoquer la réforme de la loi sur les tests ADN en droit libanais. En droit français, la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 sur les infractions de nature sexuelle et la

557

protection des mineurs victimes est venue combler le vide juridique qui existait dans cette matière dans la procédure pénale française et consacre cette technique en matière de preuve. En droit français, le prélèvement peut être effectué dans certains cas sans l'accord de l'intéressé et le fait de refuser de se soumettre au prélèvement biologique est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende. Les lois des 15 novembre 2001, 18 mars 2003, 9 mars 2004 et 4 avril 2006 apportent quelques retouches à la liste des infractions qui était limitée à certaines infractions relatives aux infractions sexuelles dans la loi du 18 juin 1998. Les trois lois postérieures prévoient d'étendre la liste des infractions (loi 15 novembre 2001, loi 18 mars 2003 et loi 9 mars 2004). La liste des infractions selon l'article 706-55 du CPP français en vigueur est vaste, il est souhaitable que le législateur français abandonne un jour le système de la liste des infractions pour utiliser un critère différent en se basant sur le montant de la peine ou autre critère. Dans sa décision n° 2010-25 QPC du 17 septembre 2010, le Conseil constitutionnel a jugé que l'utilisation de la contrainte afin d'effectuer un prélèvement biologique sans l'accord de l'intéressé est conforme à la Constitution française.

En ce qui concerne les éléments de preuve obtenus par l'emploi de la narco-analyse (sérum de vérité), la majorité de la doctrine française est contre l'utilisation de ces procédés. Ce sujet n'attire pas l'attention de la doctrine libanaise, mais généralement la doctrine arabe est contre l'utilisation du sérum de vérité en matière de preuve.

En ce qui concerne les éléments de preuve obtenus sous hypnose, on remarque qu'en droit libanais, la question ne s'est pas encore posée. En droit français, certains pénalistes, comme Mme Coralie Ambroise-Castérot, se montrent fermes vis-à-vis de l'utilisation de l'hypnose : la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française refuse l'utilisation de l'hypnose en considérant que le juge d'instruction ne jouit pas d'une liberté totale et absolue dans la recherche de preuve parce que l'article 81 du CPP français apporte une limite à la liberté de la preuve qui se caractérise par le principe de la légalité applicable dans la procédure pénale qui fait que l'accord ou le consentement libre et préalable de l'intéressé de se mettre volontairement dans un état hypnotique ne rend pas l'acte conforme à la légalité.

En ce qui concerne les éléments de preuve obtenus par l'usage du détecteur de mensonges ou polygraphe, le Code de procédure pénale libanais de même que le Code français sont muets sur cette question, ce qui n'empêche pas la doctrine française d'affirmer le rejet de ce moyen dans la recherche de preuve. L'usage du détecteur de mensonges ou polygraphe n'occupe pas la place qu'il mérite en droit libanais parce que la doctrine libanaise néglige le traitement de cette question. Il serait préférable que les législateurs libanais et français adoptent des textes clairs dans le Code de procédure pénale qui privent, empêchent et sanctionnent pénalement l'emploi de l'hypnose, du sérum de vérité et du détecteur de mensonges dans la recherche et

558

l'administration de la preuve pénale. Un législateur qui refuse textuellement l'utilisation des procédés comme l'hypnose, le sérum de vérité et le détecteur de mensonges est un législateur soucieux du respect des droits de l'homme.

429. Comment est-il possible d'évaluer l'application effective du principe de la légalité de la preuve pénale ? Il était nécessaire a priori de confirmer l'existence réelle du principe de la légalité de la preuve pénale. En droit libanais et en droit français, le principe de légalité connaît une crise d'identité et d'existence dans la procédure pénale, notamment en matière de preuve pénale, contrairement à la situation de ce principe dans le droit pénal. La légalité de la preuve pénale est l'un des éléments du principe fondamental et général connu sous l'appellation de la légalité criminelle, qui contient le droit pénal dans ces deux aspects, de fond ou en d'autres termes le Code pénal, et formel qui est présent dans le Code de procédure pénale. La procédure pénale est en effet au service du droit pénal. Par conséquent, le principe de la légalité criminelle connu sous le nom du principe de la légalité procédurale est appliqué également aux procédures pénales conformément à plusieurs affirmations doctrinales en France. En droit libanais, on peut trouver une affirmation timide par quelques rares avis juridiques puisque ce principe souffre d'une négligence remarquable de la part de la doctrine libanaise. La légalité procédurale signifie que seul le législateur possède le pouvoir de déterminer minutieusement dans un texte clair et précis du Code de procédure pénale les divers actes de procédure et les principes généraux dès le début des différentes phases de la procédure, depuis l'enquête jusqu'au jugement. À cette fin, le Code de procédure pénale énumère les atteintes aux libertés qui sont devenues nécessaires pour l'efficacité de la répression généralement et notamment pour la manifestation de la vérité. Ce sont des atteintes légales autorisées par le législateur et encadrées par le texte de loi. La légalité procédurale interdit à l'autorité publique d'accomplir un acte de procédure qui porte atteinte aux droits et libertés de la personne, ou encore qui constitue une violation des principes généraux de droit. Elle ne permet pas de revêtir ces actes de légalité. À cet égard, le principe de la légalité dans le droit pénal (légalité des délits et des peines constitue) est le premier élément du principe de la légalité criminelle, qui comprend également un deuxième élément qui est le principe de la légalité procédurale, et un troisième élément connu sous le nom du principe de la légalité de la preuve pénale. Évidemment, puisque la légalité criminelle s'applique en droit pénal de forme, c'est-à-dire dans la procédure pénale, il est logique de considérer que la légalité criminelle s'applique encore en matière de preuve pénale parce que la légalité procédurale s'applique à la preuve pénale, qui constitue l'un des sujets les plus importants du Code de procédure pénale, dû à l'importance de la recherche de cette preuve. Cette étude a cherché à montrer que le

559

principe de la légalité de la preuve pénale existe bien, en soulignant que le principe de la légalité criminelle qui est appliqué au Code pénal, dont l'application sur les procédures pénales sous le nom du « principe de la légalité procédurale » est précédemment justifiée, il est ainsi à son tour appliqué à la preuve pénale sous le nom du principe de la « légalité de la preuve pénale ». Étant donné la confirmation de l'existence d'un principe négligé dans la loi, le principe de la légalité de la preuve pénale, il est devenu nécessaire d'évaluer son application effective en pratique dans les tribunaux par les juges en droit libanais et en droit français. Cependant, il faut appliquer une première condition avant l'évaluation de l'application effective et pratique du principe de la légalité de la preuve pénale. Il s'agit de l'évaluation de la valeur juridique de ce principe en droit libanais, et également en droit français. Sans doute, le principe de la légalité criminelle admet une valeur juridique triple qui doit être une valeur commune à tous les aspects du principe de légalité, notamment le principe de légalité de la preuve pénale. En droit libanais et en droit français, ces principes de légalité qui englobent le principe de la légalité de preuve en matière pénale ont une valeur législative, supra-législative et constitutionnelle. La valeur juridique attribuée au principe de la légalité de preuve en matière pénale dans notre étude est la conséquence d'une longue synthèse faite sur les différentes valeurs juridiques attribuées par la loi, la jurisprudence et la doctrine libanaise et française au principe général de la légalité criminelle qui est consacré par plusieurs sources juridiques (constitution, préambule, loi, convention ...) et revêt diverses valeur juridique en droit libanais et en droit français.

430. La nullité de l'acte de procédure qui a produit l'élément de preuve illégal est sans doute la sanction procédurale la plus efficace qui assure la bonne application du principe de la légalité de preuve pénale. Par conséquent, il était nécessaire d'exposer et analyser dans cette étude le régime des nullités en matière de procédure pénale en droit libanais et droit français pour évaluer la capacité de ces régimes des nullités à appliquer une sanction procédurale proportionnelle à la valeur juridique du principe de légalité violée. Effectivement, la théorie des nullités en droit libanais et français n'a pas pu assurer une bonne application du principe de la légalité de la preuve pénale. D'abord, cette théorie des nullités n'a pas pu sanctionner l'illégalité de la preuve, parfois elle a pu sanctionner quelques sortes d'illégalités de preuve produite par les autorités publiques, mais ceci n'empêche pas de dire que même devant les autorités publiques cette théorie n'a pas pu sanctionner effectivement les divers cas d'illégalité de la preuve pénale. Ensuite, les éléments de preuve produits par les parties privées sont toujours exempts du principe de légalité étant donné que ces preuves ne sont pas considérées comme des actes de procédure pénale pour que ces éléments de preuves soient sanctionnés par

560

la théorie des nullités. C'est ainsi que les juges répressifs, conformément à une jurisprudence stable de la chambre criminelle de la Cour de cassation française, refusent d'écarter les moyens de preuve produits par les parties privées. En outre, selon la règle générale dans la théorie des nullités en droit français, le juge ne peut prononcer la nullité s'il n'existe pas de grief selon l'expression «pas de nullité sans grief». Le législateur français a limité dans le Code de procédure pénale le champ d'application de la théorie des nullités à la condition d'existence de grief, ce dernier étant une condition de la nullité. Il n'y aurait donc pas lieu à annulation sans grief prouvé dans beaucoup de violations du principe de la légalité de preuve parce que le grief en matière de nullité est une notion floue, vaste, vague et indisciplinée. En second lieu, la décision de mise en accusation a pour effet de purger la procédure antérieure en droit français. L'article 181 du CPP français précise que, lorsqu'elle est devenue définitive, l'ordonnance de mise en accusation couvre, s'il en existe, les vices de la procédure antérieure. Couvrir ou purger les vices de légalité par un texte de loi clair comme dans le cas du Code de procédure pénale française montre que le législateur français a instauré une entrave juridique et un obstacle à l'application effective du principe de légalité de preuve pénale et a empêché la théorie des nullités de sanctionner les éléments de preuve illégaux.

431. En droit libanais, cette théorie des nullités a rencontré plusieurs problèmes qui ont empêché l'application effective de la sanction des violations des formalités prévues par la loi qui assure une application efficace du principe de la légalité de preuve pénale. D'abord, la théorie des nullités en droit libanais souffre de l'absence de critère solide, clair et stable dans le Code de procédure pénale libanais et dans la jurisprudence qui peut servir pour distinguer les différentes catégories de nullités. En droit libanais, la notion de nullité d'ordre public est floue et il manque donc un critère stable et clair de distinction pour qualifier avec précision si la règle violée constitue une nullité relative ou absolue et même si la nullité est d'ordre public ou non. Donc, le problème en droit libanais est de trouver un concept et une notion stables qui distinguent les différents cas de nullités qui sont en relation avec le droit de la preuve pénale. Quant aux nullités textuelles en droit libanais, les cas limitativement énumérés dans le Code de procédure pénale devraient être revus pour mettre fin aux lacunes et incertitudes qu'ils entraînent. Le problème fondamental dans la théorie des nullités en droit libanais réside dans la jurisprudence rigide et stable de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise qui considère qu'une décision de mise en accusation définitive a pour effet de purger la procédure illégale et les causes de nullités antérieures s'il en existe. L'arrêt de mise en accusation de la chambre d'accusation purge les vices de nullités de la procédure antérieure. La jurisprudence libanaise considère que l'irréfutabilité de la décision de mise en accusation définitive protège la preuve illégale de toute nullité. Ceci rend difficile, voire impossible la sanction de la preuve

561

illégale par la théorie des nullités, ce qui est regrettable, car il faudrait au contraire donner à l'accusé toutes les voies possibles pour exercer ses droits de défense, notamment le droit de demander les nullités des éléments de preuves illégaux jusqu'à la dernière minute dans la plaidoirie devant le juge de fond.

Compte tenu de ce qui précède, la théorie des nullités en droit libanais et en droit français est incapable d'assurer une application effective et efficace du principe de légalité de la preuve pénale. À cette fin, il est nécessaire de développer la théorie de la nullité en droit libanais et français pour donner au principe de légalité de la preuve légale sa valeur réelle, en utilisant d'autres modes et mécanismes légaux inédits dans le but d'assurer l'efficacité de l'application du principe de légalité de la preuve dans le domaine pénal pour assurer toutes les garanties qui doivent être fournies par le principe de légalité de preuve pénale. De surcroît, la théorie des nullités en matière pénale des preuves obtenues d'une manière illégale par les parties privées a connu un échec tout à fait remarquable parce que la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française et implicitement la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise ont considéré que ces éléments de preuve illégaux sont en dehors du champ d'application de la théorie de nullités et ne sont susceptibles d'aucune annulation malgré l'illégalité de ces preuves dans la mesure où la jurisprudence ne qualifie pas d'acte de procédure les preuves obtenues par les parties privées et ce qui constitue la raison de l'admissibilité d'une preuve recueillie de manière illégale par la partie privée. On pourrait ajouter qu'un autre argument plus général doit être mis en débat, celui de l'absence de texte juridique permettant aux juges répressifs d'écarter des moyens de preuve illégaux, donc une application explicite de la liberté absolue du juge du fond d'apprécier n'importe quelle preuve, même d'origine illégale, à condition qu'elle soit débattue contradictoirement entre les parties devant le juge. Ce qui précède va ouvrir le débat dans les années qui viennent sur l'importance de trouver une solution autre que la théorie des nullités pour contribuer à appliquer d'une façon efficace le principe de légalité de la preuve pénale. Dans cette thèse, nous avons proposé plusieurs outils et mécanismes juridiques qui peuvent combler cette lacune et manier de façon satisfaisante le principe de la légalité de la preuve pénale en droit libanais et français comme la question prioritaire de légalité qui est une proposition qui mérite qu'on s'y intéresse parce qu'elle peut constituer un outil juridique très important qui rendrait le principe de légalité de la preuve pénale applicable en droit libanais et français et contribuerait sans doute à humaniser la recherche de la preuve pénale. La question prioritaire de légalité que nous proposons est inspirée de la « question prioritaire de constitutionnalité » qui est en vigueur en droit français. Nous avons proposé dans cette thèse que la question prioritaire de légalité soit un moyen pour chaque partie au procès pénal d'exprimer son droit de demander la nullité des

562

éléments de preuve illégaux du dossier de l'affaire. La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise et de la Cour de cassation française seront seules compétentes pour trancher la question de l'illégalité de la preuve sans juger l'affaire (l'innocence ou la culpabilité). À cette fin, la question prioritaire de légalité permet à la chambre criminelle de la Cour de cassation d'examiner la légalité de la preuve loin du juge du fond qui juge l'affaire et décide de l'innocence ou la culpabilité, afin d'exclure tout acte de procédure ou élément de preuve illégal, illicite ou déloyal avant la clôture de la phase de jugement. La question prioritaire de légalité offre des garanties essentielles qui contribuent à assurer le droit à un procès équitable en éloignant le juge du fond qui juge selon son intime conviction de la question de la légalité de preuve pour garantir l'impartialité intellectuelle du juge du fond face à la fiabilité de la preuve illégale.

432. Y a-t-il une nécessité de réformer le régime de nullité au Liban et en France ? Il apparaît que le régime de nullité en vigueur en droit libanais et en droit français est loin d'être satisfaisant et que seule une réforme législative pourrait y remédier et être efficace. Est-ce que l'application effective de la légalité constitue un idéal qui ne peut pas être atteint ? Il est nécessaire de développer la théorie de la nullité. Le développement de la théorie de la nullité veut dire l'orienter dans le sens où elle assimilerait un nombre plus grand et plus précis de procédures pénales et précisément les procédures qui produisent les éléments de la preuve pénale. Il est souhaitable que les législateurs libanais et français essaient d'inventer un mécanisme juridique permettant au juge d'annuler un élément de preuve obtenu d'une manière illégale et détruire ainsi sa force probante. En droit libanais, il faut que le législateur développe les cas des nullités textuelles, définisse et détermine des critères d'évaluation des cas de nullités d'ordre public et mette fin à la jurisprudence établie qui considère que l'ordonnance de mise en accusation purge les nullités antérieures concernant les éléments de preuve obtenus illégalement. En droit français, le législateur doit réformer le régime actuel des nullités par la modification de la condition de preuve de l'existence de grief pour la recevabilité de la demande de nullité en déterminant une notion exacte et claire de grief minimum ou même éliminer le grief comme condition pour sanctionner par la nullité un acte de procédure. De surcroît, le législateur français doit ouvrir le droit de demander la nullité d'un acte de procédure illégal ou irrégulier à n'importe quelle phase tout au long du procès pénal en éliminant le système adopté « purge les nullités antérieures ». Une telle réforme nous paraît être le minimum nécessaire en vue de corriger les défauts du régime actuel.

La théorie des nullités en droit libanais et en droit français peut être reformée d'une manière claire et efficace par la transformation de la théorie générale des nullités vers une

563

théorie de la nullité de la preuve pénale. Ce mécanisme juridique peut traiter les problèmes de la légalité de la preuve pénale d'une manière stricte et directe à travers des textes de loi spéciaux qui visent à sanctionner par la nullité la preuve obtenue d'une manière illégale.

433. Nous avons proposé dans cette étude aux législateurs libanais et français d'ajouter dans le Code de procédure pénale libanais et dans le Code de procédure pénale français, un texte qui ajouterait une nouvelle cause de cassation qui serait le « fondement de la décision sur une preuve illégale ». Un tel texte pourrait garantir une application efficace du principe de la légalité de preuve pénale en considérant que fonder une décision sur la base d'un élément de preuve illégal est une violation des droits de procédure substantiels qui ouvrent le droit à la cassation.

434. Mme le professeur Michèle-Laure Rassat a déjà proposé en 1997 dans les « propositions de réformes de la procédure pénale », une reformulation d'un article du Code de procédure pénale français de la façon suivante: « La preuve pénale est libre. Sont toutefois irrecevables les éléments de preuve recueillis au moyen d'infractions pénales. Un élément de preuve n'est, d'autre part, recevable qu'autant que la procédure prévue pour son recollement a été intégralement et régulièrement respectée et que la mise en oeuvre de cette procédure ne porte pas atteinte à la dignité de la personne humaine ». Cette proposition est valable et efficace pour mettre fin au vide juridique qui existe en droit libanais et en droit français qui concerne l'exclusion des éléments de preuve illégaux. De même, cette proposition de Mme le professeur Michèle-Laure Rassat mettrait fin à la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française qui refuse d'exclure les éléments de preuve illégaux pour l'absence de texte juridique. Également, si le législateur libanais prenait en compte cette proposition de réforme, cela aurait pour effet de paralyser la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui refuse d'exclure les éléments de preuve illégaux pour l'absence d'un texte juridique clair et explicite qui motive l'exclusion de preuve dans un système de liberté d'appréciation de preuve ou d'intime conviction du juge. En définitive, la proposition du professeur Michèle-Laure Rassat contribue au renforcement de l'application du principe de la légalité de la preuve pénale.

435. L'application effective et efficace du principe de légalité de la preuve en matière pénale peut avoir une conséquence choquante qui est « une dispense de peine » ou « le rejet de la peine » si la preuve illégale exclue du dossier est la seule preuve qui existe dans le dossier et que la force et la fiabilité de cette preuve sont la seule manière d'établir une vérité même entachée d'illégalité. Pour justifier les outils et mécanismes juridiques que nous proposons et qui ont dans certains cas pour effet « une dispense de peine » résultant de l'exclusion d'un élément de preuve de culpabilité fiable, nous avons eu recours aux différents

564

arguments traditionnels de la doctrine libanaise et de la doctrine française qui justifient l'admission de la théorie et des règles de la prescription de l'action publique dans le Code de procédure pénale français et libanais, de la prescription de la peine et de l'amnistie générale ou spéciale.

565

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon