Conclusion du chapitre II
418. La légalité d'une preuve comme condition
dans la recherche et l'administration de la preuve pénale doit
prévaloir sur sa fiabilité et sa force probante parce que la fin
ne justifie pas les moyens. Nous soutenons entièrement l'avis qui
interdit l'utilisation d'un élément de preuve obtenu en
méconnaissance d'une règle de la procédure pénale,
par la violation du droit au respect de la vie privée, en
méconnaissance des droits de la défense ou en
méconnaissance du droit à la dignité humaine. Les
éléments de preuve obtenus de manière illégale ne
peuvent être retenus dans la mesure où leur utilisation est
contraire au droit à un procès équitable. Sans doute, la
doctrine pénale classique considère la théorie de la
nullité en matière pénale suffisante pour sanctionner
l'illégalité d'un acte de procédure pénale. Bien
évidemment, cette théorie de nullité classique n'arrive
pas à punir et sanctionner effectivement l'illégalité
procédurale des éléments de preuve pour répondre
aux conditions et dispositions imposées par le principe de la
légalité de preuve pénale en droit libanais et
français. Plusieurs raisons ont contribué à l'échec
de la théorie des nullités en vigueur au Liban et en France
d'assurer une application pragmatisme et réaliste du principe de la
légalité de preuve pénale. Parmi les facteurs de
l'échec de la théorie des nullités que l'on pourrait
imputer à la concentration sur la nullité de l'acte de
procédure pénale sans prendre en compte la nullité des
éléments de preuve illégale d'une part, et la distinction
entre nullité d'intérêt privé et nullité qui
protège l'intérêt général ou l'ordre public
d'autre part. On pourrait sur ce qui précède ajouter qu'en droit
français, s'agissant des nullités protégeant
l'intérêt privé, la nullité de l'acte illégal
ou irrégulier est soumise à la démonstration d'un grief
(la nullité d'ordre privé). Donc en droit français pas de
nullité sans grief, la partie concernée devra rapporter la preuve
qu'elle a subi un grief du fait du non-respect du formalisme légal pour
que la Cour prononce la nullité d'ordre privé, ce qui a
très largement contribué aux échecs massifs de la
théorie de nullité à mettre en évidence le principe
de la légalité de preuve pénale . De surcroît, le
fait que l'acte d'accusation purge la procédure de toutes les
nullités antérieures à celles-ci constitue un obstacle
radical à la mise en oeuvre du principe de la légalité de
preuve. La théorie des nullités en droit libanais et en droit
français n'a pas pu sanctionner les éléments de preuves
illégales produits par les parties privées en raison de l'absence
d'un texte de loi selon la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise
et de la Cour de cassation française, qui permet au juge
répressif d'écarter les moyens de preuve produits par les parties
privées en considérant que la soumission à un débat
oral, public et contradictoire des éléments de preuve
illégale purge en quelque sorte la preuve de son origine
illégale, irrégulière et
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illicite. Ajoutons encore aux points qui
précèdent, la jurisprudence des Cours des cassations libanaise et
française adopte le concept de la liberté absolue du juge
d'accorder aux éléments de preuve la valeur probante selon son
intime conviction sans prendre en compte l'origine illégale de
l'élément de preuve en faisant abstraction de toute
considération du principe de la légalité de preuve
pénale. Il ne faut pas négliger le rôle négatif de
la règle de la purge des nullités de la décision de mise
en accusation définitive émise par la chambre d'instruction en
droit français et la chambre d'accusation en droit libanais dans
l'échec de sanctionner efficacement les preuves illégales. Le
juge dispose d'un pouvoir discrétionnaire d'évaluer la
crédibilité ou la fiabilité de la valeur probante de la
preuve illégale pour décider d'après sa conscience et sa
conviction loin de tout contrôle de la Cour de cassation, ce qui
constitue encore une cause supplémentaire qui fait obstacle à
l'application effective du principe de la légalité de preuve
pénale en droit libanais et français. Donc, la jurisprudence au
Liban et en France est invitée, désormais, à appliquer de
façon uniforme et rigoureuse la règle selon laquelle un
élément de preuve pénale obtenu illégalement ne
peut en aucune manière contribuer, que ce soit directement ou
indirectement, à apporter la preuve d'une infraction. Mais comment
appliquer ce qui précède en l'absence d'outil juridique en droit
libanais et français permettant d'appliquer d'une façon efficace
le principe de la légalité de preuve pénale ? On peut
ainsi conclure la réalité de l'échec de la théorie
des nullités et son incapacité à contribuer à
l'humanisation de la recherche de la preuve pénale et de garantir une
application pleinement satisfaisante du principe de la légalité
de preuve pénale d'où la nécessité de
développer la théorie classique des nullités en
matière pénale qui a prouvé une inefficacité
remarquable à sanctionner les éléments de preuve
illégale en accroissant les cas de nullités textuelles
automatiques à la violation des actes de procédure pénale
et des principes généraux produisant des éléments
de preuve sans la nécessité ou la condition adoptée par le
législateur français de démontrer l'existence d'un grief
pour prononcer la nullité qui protège les intérêts
privés. Un autre mode ou moyen de développement peut rendre la
théorie des nullités en matière pénale plus
efficace et même d'une manière plus satisfaisante qui se
caractérise par un mouvement de modernisation et de développement
de la théorie des nullités classique vers la transformation
à une théorie des nullités des preuves pénales qui
permettent d'assurer et de garantir l'application effective et satisfaisante du
principe de la légalité de preuve pénale. Sans doute il
faut prendre en compte en droit libanais et français, la
nécessité d'adopter un nouveau mécanisme juridique qui
permet de sanctionner la preuve ou les éléments de preuve
illégale en éliminant sa valeur et sa force probante, ce qui
ouvre le choix vers la modernisation des outils juridiques qui permet d'exclure
la preuve illégale sans prendre en considération la
crédibilité et la fiabilité de la preuve. Il est permis de
proposer une nouvelle façon de sanctionner la
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preuve illégale loin de la technique de la
théorie des nullités qui peut assurer un renforcement et un
établissement du principe de la légalité de preuve
pénale entérinant une nouvelle voie ou manière efficace
par l'adoption du système de filtrage de preuves acquises
illégalement par le juge de fond avant de forger sa conviction, ce qui
nécessite d'instaurer des textes de loi qui permettent d'exclure ou
d'écarter les preuves illégales du pouvoir absolu du juge
d'apprécier la preuve en matière pénale. L'adoption du
système de filtrage des preuves ou des éléments de preuve
illégaux, constitue une étape importante de la part du
législateur vers l'atténuation de l'application jurisprudentielle
radicale et extrême de la chambre criminelle des Cours de cassation
libanaise et française de la liberté du juge d'apprécier
les preuves en négligeant l'origine illégale de la preuve et en
s'intéressant seulement sur sa valeur probante pour condamner. Une autre
technique ou outil juridique permet aussi d'appliquer effectivement le principe
de la légalité de preuve pénale loin de la théorie
des nullités classiques. Il est possible d'utiliser le droit
d'évoquer des moyens de cassation non traditionnels en droit libanais et
français qui peut servir l'application du principe de
légalité. Les législateurs libanais et français
peuvent insérer un nouveau moyen de cassation en matière
pénale qui est la violation de la légalité
procédurale en la considérant comme une procédure
substantielle. La violation de la légalité procédurale ou
de la preuve comme un nouveau moyen de cassation est un mécanisme
juridique qui peut améliorer la qualité du respect du principe de
légalité dans la recherche de la preuve pénale si les
législateurs libanais et français ajoutent explicitement une
nouvelle cause de cassation conformément à notre proposition.
Certainement, cela aurait des conséquences sur la recevabilité de
l'application effective du principe de la légalité de preuve qui
nécessite dans certains cas d'exempter l'accusé de la sanction
même en présence des preuves irréfutables, mais
illégales pour condamner. En résumé, l'application du
principe de la légalité de preuve pénale en droit libanais
et français ne peut être efficace et satisfaisante sans l'adoption
d'une solution qui peut résoudre le problème de
l'inefficacité des outils juridiques en vigueur pour sanctionner
effectivement l'illégalité de la preuve pénale. La
solution nécessite un esprit créateur pour choisir des
instruments, mécanismes et outils juridiques modernes qui permettent
d'assurer l'application effective du principe de la légalité de
preuve pénale d'une manière qui reflète la
véritable valeur juridique de ce principe en droit libanais et en droit
français.
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