La légalite des moyens de preuve dans le procès pénal en droit français et libanaispar Ali Ataya Ecole doctorale 88 Pierre Couvrat (Poitiers) - Droit et Sciences Politique, Université du Maine - Thèse de doctorat en Droit privé 2013 |
Chapitre IIL'admission nuancée de la preuve illégale 378. Recevabilité de la preuve illégale. Il est essentiel de préciser d'abord un point fondamental, c'est qu'il ne faut pas du tout prendre en compte la force ou la valeur probante de la preuve pénale lorsque l'on parle du problème de la légalité de celle-ci, de son acceptation ou de son rejet, car la base de la question de la légalité de la preuve pénale n'a pas de rapport avec la force probante et la crédibilité de la preuve pénale. Elle est exclusivement liée au mode ou moyen illégal par lequel cette preuve a été obtenue et qualifiée d'illégale. Ce qui précède n'empêche pas d'affirmer qu'en pratique, la valeur probante de la preuve illégale joue un rôle essentiel dans l'admissibilité et dans l'appréciation des preuves illégales par la justice. La question principale dans la preuve pénale tourne toujours autour de la recevabilité de la preuve illégale et sa fiabilité pour le juge du fond. Il est logique de dire que le système des nullités en procédure pénale ou de l'application pratique de celle-ci en droit libanais et français n'a pas donné une solution ou un traitement intégré et satisfaisant au problème du sort de la preuve illégale dans le procès pénal soit en décidant de sa nullité ou en l'écartant ou l'acceptant. De surcroît, la théorie des nullités n'a pas pu faire ou présenter une application effective du principe de la légalité de preuve pénale. Donc, ni le législateur libanais ni le français n'ont tracé un plan clair qui nous permettrait de savoir clairement quel est le sort de la preuve illégale dans le procès pénal, ce qui crée une contradiction lorsqu'il faut déterminer quand on peut admettre ou rejeter la preuve illégale. On peut donc dire que la théorie des nullités pénales n'a pas fourni une solution complète au problème de la légalité de la preuve pénale et de là ressort l'importance de la recherche des normes sur la base desquelles la justice accepte ou rejette la preuve illégale et en même temps il s'agit de trouver une solution satisfaisante qui permet de résoudre le conflit entre l'existence théorique et l'application effective du principe de la légalité de preuve pénale qui a sans doute une valeur juridique en droit libanais et français. La première section de ce chapitre porte sur le traitement de la preuve illégale. La deuxième section de ce chapitre porte sur la modernisation des moyens et des mécanismes juridiques afin de consacrer une application effective du principe de la légalité de preuve. 487 Section ILe traitement de la preuve illégale 379. Position de la justice par rapport à la preuve illégale. Comment la justice libanaise et française a résolu le problème de la preuve illégale dans le procès pénal ? M. Dimitrios Giannoulopoulos dans sa thèse intitulé « l'exclusion de preuves pénales déloyales : une étude comparée des droits américain, anglais, français et hellénique » souligne que « l'admissibilité de la preuve pénale déloyale - c'est-à-dire la question de savoir s'il est permis au juge du fait d'apprécier une telle preuve ou s'il doit, au contraire, l'exclure du procès - est l'un des sujets . Il 1884 les plus controversés de la procédure pénale et du droit de la preuve en particulier » faut dire que comme principe général le système répressif libanais et français a soumis la preuve illégale à l'évaluation et à l'appréciation de la Cour de première instance ou le juge du fond en leur laissant la liberté d'évaluer la valeur probante de la preuve illégale. Une question fondamentale se pose dans ce domaine : quelles sont les raisons qui ont conduit le système judiciaire libanais et français à admettre la preuve illégale? Est-il possible de déduire les critères généraux fixes de l'acceptation ou l'admission de la preuve illégale ou au contraire de son rejet par le système judiciaire français ou libanais? C'est ce que nous allons traiter dans le premier paragraphe intitulé « les raisons de l'admission de la preuve illégale ». Cependant, l'acceptation de cette preuve illégale est soumise à certains critères fixés par le système judiciaire dans ses dispositions qu'il faudra respecter, ce qui constitue le sujet dont nous débattrons dans le deuxième paragraphe intitulé « la sanction contrastée de la preuve illégale ». § 1. Les raisons de l'admission de la preuve illégale. 380. La liberté dans l'appréciation de la preuve a dirigé l'attention vers la force probante de la preuve illégale. Le juge pénal jouit d'un large pouvoir dans la constitution de sa conviction de la preuve. L'autorité du juge dans l'acceptation et l'estimation des preuves trouve son appui dans l'application du principe de l'intime conviction du juge pénal qui signifie la libre appréciation de la preuve et qui considère le résultat nécessaire à la liberté du juge qui jouit de cette autorité d'accepter ou de rejeter cette preuve en se basant sur sa force de 1884 D. Giannoulopoulos, L'exclusion de preuves pénales déloyales : une étude comparée des droits américain, anglais, français et hellénique, Thèse de droit, Université Paris I, 2009, p. 19. conviction, c'est-à-dire la force probante de la preuve. M. Dimitrios Giannoulopoulos remarque que « cette règle de l'admissibilité générale de preuves obtenues par les parties privées, indépendamment du fait qu'elles aient ou non été obtenues de manière déloyale, reflète le rôle dominant du principe de la liberté de la preuve en droit français contemporain qui amène les tribunaux à relativiser le principe de la loyauté de la preuve en se concentrant sur le seul critère de la force probatoire de la preuve en question »1885. Ce qui est essentiel dans les procès pénaux est de convaincre le juge parce que le jugement se base sur l'affirmation et la certitude conclusive et non sur le doute et la spéculation, c'est pour cela que le juge doit constituer sa conviction sur la base des preuves présentes dans le dossier pénal. Il a la liberté absolue d'adopter une preuve parmi les preuves obtenues sans devoir de se conformer à l'ordre ou à la hiérarchie dans les moyens de preuve étant donné que l'objet consiste dans la disponibilité de la valeur probante de la preuve qui procure au juge une parfaite conviction pour juger l'affaire pénale. Les lois françaises et libanaises ont conféré au juge dans les affaires criminelles un large pouvoir et une totale liberté pour déceler la vérité dans le jugement qu'il va rendre et estimer la force probante provenant de chaque élément de son propre gré et conscience et choisir la preuve la plus plausible pour sa conviction et ignorer le reste. Il est clair que le juge possède la liberté absolue dans l'estimation de la force probante de la preuve qui lui est exposée et il n'est soumis à aucun contrôle de la Cour suprême, c'est-à-dire la Cour de cassation, sauf en cas de distorsion de la preuve. Mais un problème se pose lorsque la preuve présentée au juge a été obtenue de façon illégale. Il s'agit donc d'une preuve illégale. Comment le juge devra-t-il se comporter avec cette preuve illégale ? Est-ce que la loi à travers ses textes a contraint ou obligé le juge à adopter une attitude particulière face à la preuve illégale ? Il n'y a aucun texte juridique que ce soit dans la loi française ou libanaise qui prévoit clairement et explicitement que le juge est obligatoirement tenu d'écarter ou d'exclure cette preuve illégale du cadre de la liberté quasi absolue qu'il exerce dans l'évaluation des preuves qui lui sont exposées. Honnêtement, la question devient plus évidente quand on lit les dispositions des juridictions françaises qui justifient toujours dans leurs arrêts qu'aucun texte juridique n'autorise ou oblige le juge pénal à écarter une preuve en raison de son illégalité. Par conséquent, toute preuve présentée au juge est soumise à la liberté du juge d'évaluer la valeur probante sans aucune distinction ou discrimination entre la preuve conforme au principe de la
488 1885 D. Giannoulopoulos, L'exclusion de preuves pénales déloyales : une étude comparée des droits américain, anglais, français et hellénique, Thèse droit, Université Paris I, 2009, p. 258. 1886 V. au contraire en droit belge : O. Leroux et Y. Poullet, « En marge de l'affaire GAIA : de la recevabilité de la preuve pénale et du respect de la vie privée », in Revue générale de droit civil Belge, Éditions Kluwer, l'esprit de la loi dans un État de droit d'accepter une preuve ou un élément de preuve illégal sous le couvert de l'argument tiré de la liberté du juge d'apprécier la preuve en toute liberté d'après son intime conviction ? A. L'absence d'un texte de loi permettant aux juges répressifs d'écarter ou d'exclure la preuve illégale. 381. La formation de l'intime conviction du juge néglige l'origine illégale de la preuve. La loi confère au juge pénal une large liberté dans l'estimation ou l'appréciation des preuves, mais nous pensons que la liberté d'apprécier la preuve par le juge ne doit pas négliger
489 (fond) invoquent toujours qu'en vertu du principe de la conviction personnelle ou l'intime conviction du juge pénal, toute preuve pénale est soumise à la liberté absolue du juge d'estimer sa valeur probante préalablement à l'établissement d'un verdict qui sera l'emblème de la justice. Dans leur argumentaire de non-exclusion de la preuve illégale, les juges invoquent toujours l'absence d'un texte juridique dans les lois française ou libanaise qui leur permet ou les oblige à exclure la preuve illégale qui leur est exposée 1888 . Par conséquent, ils n'ont pas d'autorité pour écarter une preuve quelconque même si elle était illégale. Ils doivent par contre soumettre toute preuve qui leur est présentée à leur conscience et conviction en application du principe prédominant les preuves pénales au Liban et en France qui est le principe de la liberté du juge pénal dans l'appréciation des preuves et dans la constitution de sa conviction personnelle pour juger dans un procès pénal. Donc, le juge pénal est libre de puiser sa conviction de n'importe quelle preuve présentée au procès et il n'est pas tenu Bruxelles, 2003, n° 3, pp. 163-176, V. spec. p. 163 : « Tout élément de preuve rationnel est en principe admis, de sorte que le juge recherche librement la preuve des infractions dans tous les éléments de la cause régulièrement recueillis et en apprécie souverainement la force probante ». 1887 V. en même sens : H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 1062, p. 493 : « En droit pénal, le juge peut recevoir et apprécier souverainement toute preuve, à condition qu'elle ait été recherchée légalement. En d'autres termes, les moyens de la preuve sont régis par le principe de la liberté dans l'établissement de la preuve et par celui de la légalité dans l'administration de cette preuve » ; J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., 1994, p. 40 : « Si la loi confère au juge le pouvoir d'apprécier librement les preuves, elle le contraint en revanche à respecter les règles relatives à leur recherche, leur administration et leur discussion ». 1888 V. sur ce point en droit comparé : O. Cahn, « L'arrêt HL. R. v. Secretary of State for the Home Department, ex parte Ramda du 27 juin 2002 : incident isolé ou précédent dommageable ? », in Cultures et Conflits, juin 2007, n° 66 « Construire le voisin. Pratiques européennes », pp. 121-156, v. spec. p. 150 : « Il peut, d'abord, se référer aux implications du principe de légalité criminelle et considérer que les normes constitutionnelles et internationales doivent prévaloir sur la norme législative pour exclure la preuve obtenue en violation des droits fondamentaux de l'individu ». d'écarter toute preuve illégale présentée au procès en raison de l'absence d'un texte juridique qui l'en oblige. Là, le juge n'accorde pas d'importance à l'illégalité de la preuve tant que cette preuve est soumise à l'autorité du juge et à sa liberté de conviction. Ce qui renforce théoriquement la position des juges est l'absence d'un texte juridique qui les oblige à rejeter la preuve illégale tant que celle-ci n'a pas été annulée ou exclue du dossier du procès pénal. En
490 1890
382. L'absence d'un texte juridique encadrant la liberté du juge de rejeter la preuve illégale constitue-t-il une restriction du pouvoir du juge d'exclure une preuve illégalement obtenue? Est-ce que réellement l'absence d'un texte juridique obligeant clairement le juge à rejeter ou écarter la preuve illégale justifie son acceptation de celle-ci tant qu'il se fie à sa valeur probante? Une question digne d'attention se pose : est-ce que l'absence d'un texte législatif obligeant clairement le juge à écarter la preuve illégale est un argument juridique lui permettant d'évaluer la valeur de la preuve selon le principe de la libre conviction du juge? On peut aussi poser la question de la façon inverse qui serait : est-ce que l'absence d'un texte juridique permet au juge de n'exclure aucun des éléments de preuve présents dans le procès 1891 pénal sans distinction ou discrimination entre les preuves légales et illégales? Cette question logique relève du débat sur le thème de la liberté du juge pénal dans l'estimation des preuves dont il dispose, un thème qui est aussi le principe prédominant du système de justice pénale au Liban et en France. Est-ce que cette liberté octroyée au juge est une liberté absolue qui lui permet de s'appuyer sur une preuve illégale ou est-ce une liberté relative qui ne lui permet pas de se baser sur une preuve illégale? Autrement dit, l'appréciation de la preuve par le juge en matière pénale est-elle souveraine? Il semble clair que la jurisprudence française et libanaise a adopté et appliqué et applique actuellement encore la notion extrême du principe 1889 G. Roussel, « Liberté de la preuve des fraudes communautaires », Note sous Cass. crim., 19 nov.2008, pourvoi n° 07-82.789, in AJ pénal, 2009, p. 75 : « Puisque le principe de l'intime conviction entraîne celui de la liberté de la preuve, toute preuve est admissible devant les juridictions pénales. La preuve est recevable même si elle est illicite ou déloyale (V. Crim. 11 juin 2002). Elle est aussi recevable même si elle ne se conforme pas à certaine prescription de forme ou de recueil » 1890 Cass. crim., 11 juin 2002, B.C., n° 131, p. 482 : « Aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale. Il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante après les avoir soumis à la discussion contradictoire. Méconnaît ce principe la cour d'appel qui, dans une procédure suivie du chef de discrimination, refuse d'examiner les éléments de preuve obtenus par les parties civiles au moyen du procédé dit " testing ", consistant à solliciter la fourniture d'un bien ou d'un service à seule fin de constater d'éventuels comportements discriminatoires, au motif que ce procédé aurait été mis en oeuvre de façon déloyale ». 1891 Les preuves qui sont en conformité avec le principe de la légalité de preuve pénale. de la liberté du juge pénal dans la conviction et l'évaluation des preuves 1892 sans tenir compte 491 de leur source ni du moyen illégal de leur obtention tant que ces preuves ont pu être présentées en audience publique et ont été discutées par les diverses parties du procès. Il semble compliqué ou qu'il n'y ait pas de solution pour que l'application effective du principe de la légalité de la preuve soit effectuée et que cet élément de preuve illégale sorte du cadre de la liberté absolue d'appréciation du juge. Il faudrait pour cela une intervention législative, tant au Liban qu'en France, qui obligerait le juge à écarter ou exclure toute preuve illégale du cadre de son évaluation de sa valeur probante, même s'il s'agit d'une preuve qui représente effectivement la vérité ou présente une force probante importante. Sans intervention législative, il faudrait que la jurisprudence pénale en droit libanais et français renonce au concept de la liberté absolue et extrême dans l'intime conviction du juge. Il est raisonnable de penser que l'intervention législative est la solution parfaite pour résoudre le problème de l'application pratique et effective du principe de la légalité de la preuve pénale suivant l'exemple du législateur belge ou italien 1893 . Il convient de dire que nous faisons face ici à un vrai problème ou une crise juridique pour une raison logique : est-il admissible de violer les libertés et droits individuels protégés par la Constitution, les traités et les dispositions juridiques en vue d'obtenir des preuves pénales? Pourquoi la magistrature n'applique pas ces garanties prévues pour les individus? Plus que cela, nous voyons que le juge doit tenir compte des principes juridiques généraux comme restriction à sa liberté d'évaluer la preuve illégale plutôt que d'argumenter par l'absence d'un texte législatif clair l'obligeant à écarter la preuve illégale du cadre de sa liberté de constituer sa propre conviction lorsqu'il juge dans un procès pénal. Là aussi, il est nécessaire de dire que les législateurs français et libanais doivent intervenir pour combler ce vide juridique, s'il n'y a aucun texte juridique permettant d'appliquer le principe de la légalité de la preuve pénale qui est l'un des principes fondamentaux généraux dans les États de droit. La question qui se poserait donc serait : qu'est-ce qui a empêché et empêche encore les législateurs français et libanais d'intervenir de façon législative et instaurer un texte juridique permettant l'application effective du principe de la légalité de la preuve pénale clairement par un texte sur l'exclusion de la preuve illégale du cadre de la liberté du juge pénal dans l'appréciation des preuves. 1892 La liberté d'appréciation de la preuve pénale. 1893 V. l'article 191 du Code de procédure pénale italienne qui régit l'admissibilité des preuves dans le procès pénal italien : l'article 191 du CPP italien dispose : « 1. Les preuves recueillies en violation des interdictions prévues par la loi ne peuvent pas être utilisées. 2. L'impossibilité d'utilisation peut être vérifiée, même d'office, en tout état et instance du procès ». B. Le pouvoir discrétionnaire du juge de négliger ou d'admettre les preuves illégales. 383. Un pouvoir sans limite d'accepter la preuve illégale. Le contrôle de la chambre criminelle des Cours de cassation libanaise et française s'arrête au pouvoir souverain des juges du fond. Il ressort de ses arrêts qu'elle reconnaît la liberté totale de la Cour criminelle pénale (en droit libanais), qui ressemble à la Cour d'assises en droit français, d'exercer sa liberté absolue d'accepter toute preuve même s'il s'agit d'une preuve illégale 1894 . En droit libanais comme en droit français, la question de l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admise même si les preuves sont illégales. La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a jugé que « la Cour criminelle, qui est une Cour de fond a la liberté absolue d'adopter tout ce qui contribuerait à constituer sa propre conviction comme déclarations et preuves ; elle peut en adopter certaines et négliger d'autres et ignorer certaines contradictions d'importance minime pour pouvoir faire concorder les déclarations et constituer cette conviction et parvenir a la solution adoptée sans 1895 que la Cour de cassation ait à la superviser à cet égard ». La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a reconnu que l'évaluation des preuves n'est pas soumise à son autorité de contrôle, qui est laissée à la discrétion de la Cour du fond. Elle n'y interfère pas et
492 des preuves est laissée à la discrétion de la Cour du fond et est soumise à son autorité; elle n'est pas soumise à l'autorité de la Cour de cassation, tant qu'il n'est pas prouvé que la Cour du fond a modifié les faits qui ont fourni ces preuves, comme elle a sous son autorité l'évaluation des rétractations des accusés sur leurs déclarations initiales lors des étapes 1894 V. sur ce point en droit français : H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in Revue de science criminelle, 1992, p. 15 : « Si l'on observe aujourd'hui la situation du système des preuves en droit pénal français, on doit bien constater que le passage du carcan des preuves légales à la liberté de la preuve ne peut se concevoir que s'il s'inscrit dans un cadre de principes forts dont le juge doit sans cesse s'inspirer pour écarter de sa raison, au moment où se forge l'intime conviction, les éléments qui, tout en établissant peut-être la vérité, heurtent les principes nécessaires à la démocratie. En l'absence de principes directeurs, de recours individuel ou judiciaire devant le Conseil constitutionnel, seule la jurisprudence contraignante de la Cour européenne peut permettre d'achever l'évolution de notre système souvent trop conservateur vers un système moderne, totalement conforme aux exigences d'une société démocratique ». 1895 Cour de cassation libanaise, 3e chambre, décision n° 58 date du 06/02/2002, cité par A. Chamseddine, Le classificateur annuel dans les affaires pénales. Jurisprudence 2002, p. 124. 1896 Cour du fond : Dans la langue arabe, le terme désigne les affaires jugées en première instance par le juge ou tribunal. d'enquête antérieures » 1897 . La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a 493 également reconnu la liberté absolue de la Cour du fond de négliger tout élément de preuve qu'elle juge incertain et accepter toute autre preuve qu'elle juge valable comme dans l'arrêt suivant: « L'évaluation des preuves et déclarations est soumise à l'autorité absolue de la Cour pour prouver les faits et preuves et adopter ce qu'elle juge valable et ignorer le reste » 1898 . En bref, les Cours françaises et libanaises montrent une souplesse et une tolérance critiquable dans la recevabilité de toutes les formes de preuves dans le procès pénal sans prendre en compte la source illégale de cette preuve, quelle que soit leur nature, pourvu qu'elles comportent une force probante et une fiabilité suffisante pour forger l'intime conviction du juge du fond. Nous aurions préféré que les arrêts et la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise imposent la légalité de la preuve afin qu'elle soit applicable effectivement devant le juge du verdict sans tenir compte de la valeur probante des preuves illégales, c'est-à-dire que le système judiciaire soit contraint d'exiger que la preuve de condamnation soit légale, car il est choquant de constituer une condamnation sur la base d'une preuve illégale. L'autorisation par la justice d'utiliser des preuves illégales constitue un abus de la confiance que les individus octroient au système juridique et peut contribuer de façon indirecte à la violation des libertés individuelles dont il est le gardien naturel1899 . En droit français, la chambre criminelle de la Cour de cassation française réaffirme toujours le pouvoir 1900 souverain d'appréciation, par le juge du fond : « Les juges du fond disposent d'un pouvoir 1897 Cour de cassation libanaise, 6e chambre, décision n° 74 date du 19/03/2002 : le président M. Ralph Riadi et les conseillers M. Khodr Zanhour et M. Borkane Saad, cité par A. Chamseddine, Le classificateur annuel dans les affaires pénales. Jurisprudence 2002, p. 131. 1898 Cour de cassation libanaise, 1ère chambre, décision date du 02/02/2006, le président M. Labib Zouein et les conseillers M. Sami Abdallah et M. Elias Naifeh, cité par A. Chamseddine, Le classificateur annuel dans les affaires pénales. Classification des jurisprudences publiées en 2006, Beyrouth 2007, p. 122. 1899 V. sur ce point : X. Bachellier, « Le pouvoir souverain des juges du fond », in Droit et technique de cassation 2009, Publications de la Cour de cassation française, Bulletin d'information de la Cour de cassation, Bulletins d'information 2009: « La Cour de cassation vit dans un certain paradoxe. Placée au sommet de la hiérarchie judiciaire, elle dit le droit et fixe la jurisprudence. Et pourtant, elle n'a pas le pouvoir, dans chaque dossier qui lui est soumis, d'aller au fond des choses et, comme tout juge, de rechercher la vérité en droit et en fait » : disponible en ligne sur le site de la cour
de cassation française: 1900 V. en ce sens : Cass. crim., 5 octobre 2012, B.C., n° 147 : « D'où il suit que le moyen, qui, en sa première branche se fonde sur une pure allégation et qui, pour le surplus, se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis »; V. encore : Cass. crim., 12 octobre 2010, B.C., n° 156 : « Attendu que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ». souverain pour apprécier les éléments constitutifs tant matériels qu'intentionnels, de l'infraction d'entrave concertée à la liberté d'expression et de réunion à l'aide de menaces,
494 considère que la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation française ne prend pas en compte le droit à un procès équitable comme repère dans l'admissibilité de la preuve illégale 1902 . Nous soutenons entièrement l'avis de M. Xavier Bachellier qui affirme que « le pouvoir souverain des juges du fond est difficile à appréhender, car il est tentaculaire. Il doit 1903 . être encadré pour éviter l'arbitraire » 384. L'atténuation du principe de liberté de la preuve dans le domaine criminel. Bien que le juge pénal soit libre d'adopter une preuve, cette liberté est non conforme à la légalité criminelle, constitue une violation flagrante des principes fondamentaux et est contraire à l'esprit de la loi puisqu'elle permet de soumettre une preuve illégale ou obtenue par voie illégale à l'évaluation et l'appréciation libre du juge. Celui-ci devrait avoir l'obligation d'enquêter sur le moyen de l'obtention de cette preuve et vérifier tout ce qui peut la corrompre ou endommager sa valeur dans le cadre de la confirmation pour établir son verdict de manière saine de façon à éviter que la justice rende des verdicts sur la base de preuves illégales. Par conséquent, les systèmes judiciaires libanais et français doivent changer l'approche actuellement dominante qui reconnaît la liberté absolue du juge pour constituer son auto conviction dès lors que la preuve illégale a été exposée contradictoirement en audience publique et a été publiquement discutée. L'exposition de la preuve et sa discussion ne transforment pas la preuve illégale en une preuve légale. Il devient donc nécessaire de modifier cette assiduité dévouée au Liban et en France à la liberté du juge pour évaluer la preuve pénale en adoptant un concept atténué de cette liberté d'appréciation confiée au juge et qui limiterait la liberté du juge d'accepter la preuve illégale. 1901 Cass. Crim., 22 juin 1999, B.C., n° 141, p. 382. 1902 V. sur ce point : H. Leclerc, « Les limites de la liberté de la preuve. Aspects actuels en France », in Revue de science criminelle, 1992, p. 15 : «« La Cour de cassation, toutefois, ne se ralliera pas à la norme européenne de procès équitable » que, bien entendu, elle ne contredira pas, mais elle tentera de fixer des limites à la liberté de la preuve en trouvant des critères plus spécifiquement français. Ce qui semble distinguer, en effet, la jurisprudence comparée de la Cour européenne de celle de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en matière de preuve, ce n'est pas la nature des preuves susceptibles de forger la conviction du juge, ni même les méthodes employées pour les réunir, c'est la finalité supérieure qui détermine la recevabilité de cette preuve. Pour la Cour de cassation, c'est essentiellement sa valeur probante, son rôle dans la manifestation de la vérité. Une preuve est une preuve et la haute juridiction répugne à laisser impuni un coupable avéré et à sacrifier la vérité à des principes non écrits et dont la définition est l'objet de discussions » 1903 X. Bachellier, « Le pouvoir souverain des juges du fond », in Droit et technique de cassation 2009, Publications de la Cour de cassation française, Bulletin d'information de la Cour de cassation, Bulletins d'information 2009 385. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme admet l'utilisation de la preuve illégalement recueillie. Lorsque l'on envisage les problèmes de l'exclusion des preuves illégales, il est intéressant d'examiner quelle a été la contribution de la Cour de Strasbourg dans l'application de principe de légalité de la preuve pénale et la protection des droits fondamentaux des personnes poursuivies dans le procès pénal. La jurisprudence de la Cour européenne y a apporté une réponse différente selon que l'illégalité en cause trouve son origine dans une violation du droit interne, de l'article 8 de la Convention ou de l'article 3 de la Convention1904. Sans doute, la jurisprudence de la Cour de Strasbourg est digne d'attention car elle reflète la position de cette Cour en ce qui concerne le problème de la légalité de preuve en matière pénale. Mme Marie-Aude Beernaert souligne que « la question des répercussions de l'utilisation d'éléments de preuve illégalement recueillis sur l'équité du procès pénal figure assurément parmi les problématiques les plus délicates du droit
495 considère qu'une preuve illégalement recueillie peut être utilisée pour établir la culpabilité d'un accusé sans avoir comme conséquence de rendre le procès inéquitable. C'est ce qui découle de la fameuse affaire Schenk contre Suisse rendu par la Cour européenne des droits de l'homme le 12 juillet 1988 1906 . La Cour de Strasbourg motive et défend son attitude en confirmant sa jurisprudence constante qui considère que la recevabilité des preuves relève, au premier chef, des règles de droit interne et qu'il n'est pas possible d'exclure par principe l'admissibilité d'une preuve recueillie de manière illégale 1907 . Dans l'affaire (Schenk) qui concernait l'enregistrement d'une conversation téléphonique opéré d'une façon illégale car il n'était pas ordonné par un juge d'instruction comme l'impose le droit national suisse, la Cour européenne a conclu qu'il n'y a pas eu violation de l'article 6 de la Convention européenne 1904 M.-A. Beernaert, « La recevabilité des preuves en matière pénale dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in Rev. trim. dr. h., n° 69/2007, pp. 81-105, V. spec. p. 90. 1905 M.-A. Beernaert, « La recevabilité des preuves en matière pénale dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in Rev. trim. dr. h., n° 69/2007, pp. 81-105, V. spec. p. 90. 1906 V. sur ce point : M.-A. Beernaert, « La recevabilité des preuves en matière pénale dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in Rev. trim. dr. h., n° 69/2007, pp. 81-105, V. spec. p. 91 : « Dans son arrêt Schenk c. Suisse du 12 juillet 1998, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé qu'un procès peut être équitable même si la culpabilité de l'accusé est établie au moyen d'éléments de preuve recueillis en violation de la loi nationale ». 1907 V. CEDH, 12 juillet 1988, Schenk c. Suisse, requête n°10862/84, V. spec. §46 : « Si la Convention garantit en son article 6 (art. 6) le droit à un procès équitable, elle ne réglemente pas pour autant l'admissibilité des preuves en tant que telle, matière qui dès lors relève au premier chef du droit interne. La Cour ne saurait donc exclure par principe et in abstracto l'admissibilité d'une preuve recueillie de manière illégale, du genre de celle dont il s'agit. Il lui incombe seulement de rechercher si le procès de M. Schenk a présenté dans l'ensemble un caractère équitable ». aux motifs qu'il n'y avait pas eu de violation des droits de la défense, celle-ci ayant eu la 1908 possibilité de contester l'authenticité de l'enregistrement litigieuxet que l'enregistrement en cause n'avait, par ailleurs, pas constitué le seul moyen de preuve retenu pour motiver la
496 illégaux obtenus en violation du droit interne. L'arrêt Schenk contre Suisse a été critiqué au sein même de la Cour par une opinion dissidente commune de MM. les juges Pettiti, Spielmann, De Meyer et Carrillo Salcedo qui ont manifesté leur désaccord explicite. En principe, une opinion dissidente permet à un membre d'un tribunal d'exprimer son désaccord avec le jugement émis. Les juges ont joint à l'arrêt l'exposé de leur opinion dissidente commune « la majorité de la Cour a considéré que l'article 6 (art. 6) de la Convention ne règle pas "l'admissibilité des preuves en tant que telle, matière qui dès lors relève au premier chef du droit interne". Elle a estimé que la Cour ne pouvait "exclure par principe et in abstracto l'admissibilité d'une preuve recueillie d'une manière illégale, du genre de celle dont il s'agit" et devait "seulement (...) rechercher si le procès" avait "présenté dans l'ensemble un caractère équitable". La Cour a sans doute relativisé la portée de son arrêt en le rattachant au cas litigieux, mais elle ne pouvait, à notre sens, éluder le problème de l'illégalité de la preuve. À notre plus grand regret, nous ne pouvons nous rallier au point de vue de la majorité, car, à notre avis, le respect de la légalité dans l'administration des preuves n'est pas une exigence abstraite ou formaliste. Au contraire, nous estimons qu'il est d'une importance capitale pour le caractère équitable d'un procès pénal. Aucune juridiction ne peut, sans desservir une bonne administration de la justice, tenir compte d'une preuve qui a été obtenue, non pas simplement par des moyens déloyaux, mais surtout d'une manière illégale. Si elle le fait, le procès ne peut être équitable au sens de la Convention. En l'espèce, il n'est pas contesté que "l'enregistrement litigieux a été recueilli illégalement". Même si les juges qui ont statué sur l'accusation portée contre le requérant se sont, comme le constate l'arrêt, appuyés sur des "éléments distincts de l'enregistrement mais corroborant les raisons, 1908 V. CEDH, 12 juillet 1988, Schenk c. Suisse, requête n°10862/84, V. spec. §47 : « Elle constate d'abord, avec la Commission, qu'il n'y a pas eu méconnaissance des droits de la défense. Le requérant n'ignorait pas que l'enregistrement litigieux se trouvait entaché d'illégalité parce que non ordonné par le juge compétent. Il eut la possibilité, dont il usa, d'en contester l'authenticité et d'en combattre l'emploi, après en avoir au début approuvé l'audition (paragraphe 18 ci-dessus). Que ses efforts en ce sens aient échoué n'y change rien ». 1909 V. CEDH, 12 juillet 1988, Schenk c. Suisse, requête n°10862/84, V. spec. §48 : « La Cour attache aussi du poids à la circonstance que l'enregistrement téléphonique n'a pas constitué le seul moyen de preuve retenu pour motiver la condamnation. Le tribunal criminel de Rolle refusa d'écarter des débats la cassette car il eût suffi d'ouïr M. Pauty comme témoin sur le contenu de l'enregistrement (paragraphe 20 ci-dessus). Il entendit en outre plusieurs autres témoins, cités d'office - comme Mme Schenk - ou convoqués à la demande de la défense (paragraphe 22 ci-dessus). Il prit soin de préciser, en divers endroits de son jugement, qu'il s'appuyait sur des éléments distincts de l'enregistrement mais corroborant les raisons, tirées de celui-ci... ». tirées de celui-ci, de constater la culpabilité" de l'intéressé, il n'en reste pas moins qu'ils ont "accepté l'enregistrement comme moyen de preuve" et qu'ils ont fondé "en partie" leur décision sur la cassette litigieuse. Pour ces raisons, nous sommes arrivés à la conclusion que, dans la présente affaire, il y a eu violation du droit au procès équitable, garanti par l'article 6
497 les critiques émises par les juges Pettiti, Spielmann, De Meyer et Carrillo Salcedo contre l'arrêt Schenk de la Cour européenne des droits de l'homme. Mme Marie-Aude Beernaert attire l'attention sur l'importance de cette jurisprudence consacrée dans l'arrêt Shenk contre Suisse qui « fut ensuite étendue à l'hypothèse d'une violation non plus de la loi nationale, mais bien de la Convention elle-même » 1911 . Dans trois arrêts, soit Sultan Khan c. Royaume-
1914 Royaume-Uni du 5 novembre 2002 , la Cour européenne a considéré comme « équitable » au sens de l'article 6 de la Convention, un procès dans lequel l'accusé avait été condamné sur la base d'éléments de preuve dont il ne faisait aucun doute qu'ils avaient été obtenus de façon contraire à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, c'est-à-dire sur la base d'une preuve illégale. Dans les deux premiers arrêts, le juge Loucaides pour le premier (Khan c. Royaume-Uni) et la juge Tulkens pour le second ont émis des opinions partiellement dissidentes. Pour sa part, le juge Loucaides a rejeté l'idée qu'un procès puisse être équitable au sens de l'article 6 alors que la culpabilité de l'accusé avait été établie au moyen d'éléments de preuve obtenus en violation des droits de l'homme garantis par la Convention, à plus forte raison, lorsque ces éléments constituent la seule preuve à charge de l'accusé 1915 . Selon le juge Loucaides, « le terme `équité', lorsqu'il est envisagé dans le contexte de la Convention européenne des droits de l'homme, requiert le respect de la prééminence du droit, ce qui présuppose celui des droits de l'homme énoncés dans la Convention. Je ne pense pas qu'on puisse considérer comme « équitable » un procès dont le déroulement est contraire à la loi 1910 Arrêt Schenk c. Suisse 12 juillet 1988, Requête no 10862/84, opinion dissidente commune à MM. les juges Pettiti, Spielmann, De Meyer et Carrillo Salcedo. 1911 M.-A. Beernaert, « La recevabilité des preuves en matière pénale dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in Rev. trim. dr. h., n° 69/2007, pp. 81-105, V. spec. p. 91. 1912 CEDH, 12 mai 2000, Khan c. Royaume-Uni, requête n° 35394/97. 1913 CEDH, 25 septembre 2005, P.G. et G.H. c. Royaume-Uni, requête n° 44787/98. 1914 CEDH, 5 novembre 2002, Allan c. Royaume-Uni, requête n° 48539/99. 1915 V. CEDH, 12 mai 2000, Khan c. Royaume-Uni, requête n° 35394/97 : Opinion en partie concordante et en partie dissidente de M. le juge Loucaides : « Je ne saurais admettre qu'un procès puisse être « équitable » au sens de l'article 6 si la culpabilité d'un individu relativement à une infraction est établie au moyen d'éléments de preuve obtenus en violation des droits de l'homme garantis par la Convention ». 1916 »et « l'exclusion de preuves recueillies au mépris du droit au respect de la vie privée garanti par la Convention doit être considérée comme un corollaire essentiel de ce droit, si l'on veut reconnaître de la valeur à celui-ci. Il y a lieu de rappeler que, à maintes reprises, la Cour a insisté sur le fait « que la Convention a pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs ». L'exclusion de pareilles preuves est, à mon avis, d'autant plus nécessaire dans des affaires comme celle-ci qu'il n'existe aucun autre recours effectif contre une violation du droit pertinent. L'argument fondamental militant contre ce principe d'exclusion réside dans la recherche de la vérité et l'intérêt général à une application effective de la loi pénale qui implique d'admettre des éléments de preuve sérieux et dignes de foi, faute de quoi les valeurs ainsi défendues pourraient se flétrir et les coupables échapper aux sanctions de la loi. Il est contradictoire dans les termes et insensé d'enfreindre
prétendant que l'article 6 n'avait pas été violé, « la Cour prive l'article 8 de toute effectivité. Or les droits consacrés par la Convention ne peuvent demeurer purement
498 la preuve avait été « obtenue en violation d'autres dispositions de la Convention, comme l'article 3 ? Où et comment situer la frontière ? En fonction de quelle hiérarchie dans les 1916 CEDH, 12 mai 2000, Khan c. Royaume-Uni, requête n° 35394/97 : Opinion en partie concordante et en partie dissidente de M. le juge Loucaides. 1917 CEDH, 12 mai 2000, Khan c. Royaume-Uni, requête n° 35394/97 : Opinion en partie concordante et en partie dissidente de M. le juge Loucaides. 1918 V. CEDH, 25 septembre 2005, P.G. et G.H. c. Royaume-Uni, requête n° 44787/98 : Opinion en partie dissidente de Mme la juge Tulkens : « La Cour a reconnu - à l'unanimité - que l'utilisation d'un appareil d'écoute tant dans l'appartement des requérants qu'au commissariat viole l'article 8 de la Convention en ce que cette ingérence dans leur droit au respect de la vie privée n'est pas prévue par la loi. Cependant, la majorité a considéré que l'utilisation de cette preuve dans le cadre du procès des requérants ne contrevient pas à l'exigence du procès équitable figurant à l'article 6. Je ne puis me rallier à ce point de vue pour différentes raisons. 1. Je ne pense pas, en effet, qu'un procès peut être qualifié d'« équitable » lorsqu'a été admise au cours de celui-ci une preuve obtenue en violation d'un droit fondamental garanti par la Convention. Comme la Cour a déjà eu l'occasion de le souligner, la Convention doit s'interpréter comme un tout cohérent (arrêt Klass et autres c. Allemagne, 6 septembre 1978, série A no 28, pp. 30-31, §§ 68-69). A cet égard, je partage l'opinion en partie dissidente du juge Loucaides à la suite de l'arrêt Khan c. Royaume-Uni (no 35394/97, CEDH 2000-V) : « Je considère que le terme « équité », lorsqu'il est envisagé dans le contexte de la Convention européenne des Droits de l'Homme, requiert le respect de la prééminence du droit, ce qui présuppose celui des droits de l'homme énoncés dans la Convention. Je ne pense pas qu'on puisse considérer comme « équitable » un procès dont le déroulement est contraire à la loi. » En l'espèce, la violation de l'article 8 de la Convention constatée par la Cour découle, et découle même exclusivement, de l'absence de légalité de la preuve litigieuse (paragraphes 63 et 78 in fine de l'arrêt). Or l'équité qui est visée à l'article 6 de la Convention comporte aussi une exigence de légalité (arrêt Coëme et autres c. Belgique, nos 32492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96 et 33210/96, § 102, CEDH 2000-VII). L'équité suppose le respect de la légalité et donc aussi, a fortiori, le respect des droits garantis par la Convention dont précisément la Cour assure le contrôle ». 1919 CEDH, 25 septembre 2005, P.G. et G.H. c. Royaume-Uni, requête n° 44787/98 : Opinion en partie dissidente de Mme la juge Tulkens. droits garantis ? En fin de compte, la notion même d'équité dans le procès pourrait avoir
499 1921 11 juillet 2006, concernant des éléments de preuve illégaux obtenus en violation de l'article 3 de la Convention, répond partiellement à l'interrogation de la juge Tulkens. La Cour y précise que «... l'utilisation dans le cadre d'une procédure pénale d'éléments de preuve recueillis au mépris de l'article 3 soulève de graves questions quant à l'équité de cette procédure. En l'espèce, la Cour n'a pas conclu que le requérant avait été soumis à des actes de torture. A son avis, des éléments à charge - qu'il s'agisse d'aveux ou d'éléments matériels - rassemblés au moyen d'actes de violence ou de brutalité ou d'autres formes de traitement pouvant être qualifiés de torture ne doivent jamais, quelle qu'en soit la valeur probante, être invoqués pour prouver la culpabilité de la victime. Toute autre conclusion ne ferait que légitimer indirectement le type de conduite moralement répréhensible que les auteurs de . La Cour consacre ici la règle de 1922 l'article 3 de la Convention ont cherché à interdire.» 1923 , qui l'article 15 de la Convention des Nations unies contre la torture du 10 décembre 1984 demande aux États de faire en sorte qu'une déclaration obtenue par la torture ne puisse pas être invoquée comme élément de preuve 1924 . Mais dans cette affaire, la question était différente : la Cour a décidé que le traitement qu'on avait administré au requérant, soit l'administration forcée d'un émétique, était certes inhumain et dégradant, mais toutefois pas constitutif de faits de torture. Mais elle se limite aux faits de l'affaire qui lui est soumise et refuse de généraliser sa solution et d'affirmer que l'utilisation de preuves obtenues au moyen d'actes inhumains et dégradants compromet systématiquement le caractère équitable d'un procès 1925 . On peut penser que le fait que les stupéfiants saisis suite à la mesure litigieuse aient été l'élément décisif de la condamnation et ainsi le fait que l'infraction en cause n'était pas spécialement grave (il s'agissait d'un trafic de drogue à petite échelle) ont contribué à ce que 1920 CEDH, 25 septembre 2005, P.G. et G.H. c. Royaume-Uni, requête n° 44787/98 : Opinion en partie dissidente de Mme la juge Tulkens. 1921 CEDH, 11 juillet 2006, Jalloh c. Allemagne, requête n° 54810/00. 1922 CEDH, 11 juillet 2006, Jalloh c. Allemagne, requête n°54810/00, V. spec. §105. 1923 V. CEDH, 11 juillet 2006, Jalloh c. Allemagne, requête n°54810/00, V. spec. §105 : « La Cour note à cet égard que l'article 15 de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants énonce que toute déclaration dont il est établi qu'elle a été obtenue par la torture ne peut être invoquée comme élément de preuve dans une procédure contre la victime des actes de torture ». 1924 M.-A. Beernaert, « La recevabilité des preuves en matière pénale dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in Rev. trim. dr. h., n° 69/2007, pp. 81-105, V. spec. p. 93. 1925 V. dans le même sens : M.-A. Beernaert, « La recevabilité des preuves en matière pénale dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme », in Rev. trim. dr. h., n° 69/2007, pp. 81-105, V. spec. p. 93. la Cour estime qu'il y a eu violation du droit à un procès équitable 1926 . Il est regrettable que la 500 Cour ne soit pas allée plus loin dans sa décision. En affirmant qu'il n'y a pas nécessairement atteinte au caractère équitable du procès à chaque fois que des éléments de preuve sont obtenus La prudence affichée par la Cour dans cette affaire nous paraît extrêmement regrettable. En laissant entendre que le fait de prendre en compte des éléments de preuve obtenus au moyen d'un acte qualifié de traitement inhumain et dégradant, la Cour laisse entendre que même si l'interdiction des traitements inhumains et dégradants fait partie des droits les plus fondamentaux protégés par la Convention qui la proclame en termes absolus, sans réserve ni possibilité de dérogation, même en cas de guerre ou d'autre danger public menaçant la vie de la Nation, les autorités publiques pourraient être autorisées à tirer profit de la transgression de cette interdiction en obtenant, par des traitements inhumains ou dégradants des preuves pouvant entraîner une condamnation pénale, sans que cela ne soit nécessairement contraire aux exigences d'équité du procès. § 2. La sanction contrastée de la preuve illégale. 386. L'impact de la force de conviction de la preuve illégale sur son admission. La valeur probante de la preuve pénale constitue l'élément essentiel qui peut convaincre le juge afin de rendre son jugement dans un procès criminel. L'importance d'une preuve particulière provient de la valeur probante qu'elle procure au juge dans la constitution de sa conviction propre. De là émerge l'importance de la valeur probante de la preuve. Dans le cas des preuves illégales, y a-t-il des critères stricts qui influencent le juge du fond pour accepter la preuve illégale puisqu'il jouit d'une grande liberté d'appréciation des preuves 1927 ? Inversement, est-il possible de trouver des critères stables qui permettent de rejeter la preuve illégale par le juge du fond ? Sur cette problématique compliquée qui concerne l'admissibilité de la preuve pénale, M. Jean Pradel résume la situation « la preuve est-elle libre ? Le juge peut-il accueillir toutes sortes de preuves ? La réponse dépend du point de savoir sur quel aspect on met l'accent. Si l'on met l'accent sur la liberté d'appréciation du juge, on pourra admettre un système de liberté de la preuve; si on met l'accent en revanche sur les risques d'erreur 1926 Arrêt Jalloh c. Allemagne du 11 juillet 2006, §107. 1927 J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., p. 41 : « Le problème de l'admissibilité des preuves obtenues en violation de la loi est étroitement lié à celui de la libre appréciation des preuves : écarter une preuve illicite, c'est renoncer à l'apprécier » judiciaire, ou sur le respect de la personne, on s'en tiendra prudemment à la légalité de la preuve. À vrai dire cependant, et comme on va le voir, la distinction n'est pas absolue »1928. A. Essai d'élaboration des critères justifiant l'exclusion de la preuve illégale. 387. L'exclusion d'une preuve lorsque l'illégalité commise a entaché sa fiabilité. Il est reconnu que la fiabilité de la preuve pénale joue un rôle essentiel dans la condamnation. Par conséquent, les juges accordent une très grande importance à la fiabilité des preuves, d'où la nécessité de négliger et écarter ou exclure les preuves non fiables surtout lorsque le vice de
501 la preuve pénale influe sur la valeur de la preuve probante et la rend inexistante et pour illustrer ce point nous pouvons soulever une problématique dans l'un des plus importants types de preuves, en l'occurrence l'aveu, que l'on a souvent qualifié de maîtresse des preuves de par sa force et son influence à convaincre le juge. Par exemple, lorsque l'aveu est accompagné de la contrainte physique, lorsque cette contrainte est permanente et l'aveu non conforme à la réalité, nous pouvons dire que l'illégalité a anéanti la valeur probante de la preuve illégale. On constate que l'illégalité de la preuve n'influe pas toujours sur sa valeur probante ; parfois, la contrainte physique est exercée par la police pour mener l'accusé à reconnaître avoir commis l'infraction et l'aveu ici reflète la vérité réellement malgré son illégalité en tant que preuve du fait qu'il a été obtenu par la contrainte et la force. L'illégalité de la preuve ici n'a donc pas altéré ni influencé sa valeur probante en tant que preuve qui présente une vérité effective malgré son illégalité, particulièrement lorsque l'aveu mène l'enquête à découvrir d'autres preuves dont le corps du délit, par exemple lorsque le suspect reconnaît sous la pression de la coercition avoir commis l'infraction de trafic et possession de stupéfiants et avoue le lieu de stockage et que la police perquisitionne le lieu sur la base de cet aveu ou déclaration involontaire et découvre une quantité de drogue. Ou lorsque le suspect reconnaît sous la pression de la coercition avoir commis un homicide et guide la police vers 1928 J. Pradel, « La preuve en procédure pénale comparée (Rapport général) », in Revue internationale de droit pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.13-32. V. spec. p. 18. 1929 V. en ce sens : M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1044 : « Le juge doit écarter la preuve irrégulière lorsque son obtention est entachée d'un vice de nature à lui ôter sa fiabilité ; tel serait le cas d'une audition beaucoup trop longue dans des conditions inacceptables ». 502 l'arme qu'il a utilisée et qui contient ses empreintes digitales. Il est évident dans les derniers exemples que tous les éléments de preuve sont illégaux, cependant, ils ont fourni des preuves ayant des valeurs probantes très convaincantes et suffisantes pour le juge à inculper l'accusé bien que les preuves sont illégales et que leur illégalité est flagrante. L'exclusion d'une preuve illicite lorsque l'illégalité ou l'irrégularité commise en entache sa fiabilité ne doit pas être 1930 mélangée avec l'exclusion des preuves illégales et irrégulières . Réellement, la question de la valeur probante ou de la crédibilité de la preuve illégale ne devait pas être soulevée, car le problème de l'illégalité de la preuve est exclusivement lié au moyen de son obtention sans tenir compte de sa valeur probante. En d'autres termes, le problème de la légalité de la preuve pénale n'est pas lié à la fiabilité et à la crédibilité de la valeur probante de la preuve, mais la jurisprudence n'a pas distingué entre le moyen et le résultat en raison de son engagement vers l'application radicale du principe de la liberté du juge pénal sans tenir compte de la question de leur légalité. 388. Les dispositions de la jurisprudence en droit libanais sur la valeur probante de la preuve illégale. Il est à noter que lorsque la preuve illégale n'a pas une valeur probante suffisante, le juge pénal ne l'adopte pas dans la constitution de sa conviction et cette attitude est logique et naturelle. Cependant, il convient de préciser que le juge rejettera cette preuve en . Par 1931 raison de l'insuffisance de sa force probante et non à cause de son illégalité conséquent, le juge n'adoptera pas non plus la preuve conforme au principe de la légalité de preuve qui manque de valeur probante. Donc, si la preuve manque de valeur probante, peu importe de quelle façon elle a été obtenue et si elle est légale ou non, elle sera refusée en raison de son inutilité. La révision des décisions jurisprudentielles confirme que la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise est instable formellement sur un seul point de vue concernant la valeur probante de la preuve illégale. Dans certains arrêts, la chambre criminelle 1930 V. en ce sens : F. Kuty, « La sanction de l'illégalité et de l'irrégularité de la preuve pénale », in F. Kuty et D. Mougenot (Dir.), La preuve questions spéciales, Anthémis, Vol. 99, Liège, janvier 2008, pp. 7-62, V. Spec. p. 34 : « La légalité ou la régularité de la constatation d'une preuve ne se confond pas nécessairement avec sa valeur probante. Si une preuve illicite peut être matériellement fiable, un élément de preuve licite peut être dépourvu de toute valeur probante. L'illégalité ou l'irrégularité d'un élément de preuve n'empêche donc pas qu'il puisse néanmoins s'avérer probant. Il peut néanmoins arriver que la valeur probante d'une preuve soit critiquable du seul fait de la manière dont elle a été constatée ou recueillie ». 1931 V. sur ce point : L'appréciation anticipée des preuves : J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., p. 40 : « Il peut arriver que le juge renonce par avance l'administration de certaines preuves, parce qu'il considère comme superflues ou non pertinentes. Il s'agit là d'une question d'apprécier qui ne porte pas sur la preuve elle-même, mais sur l'opportunité de la soumettre à l'examen du tribunal. Cette mesure, qui a pour but une économie de procédure, doit être distinguée de celle par laquelle le juge soustrait également un moyen de preuve à son appréciation, mais pour une raison liée à l'admissibilité légale de ce moyen ». de la Cour de cassation libanaise considère parmi les prérogatives de la Cour du fond l'estimation de la valeur probante de la preuve illégale. Et dans d'autres arrêts, la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise estime qu'il n'est pas permis de compter ou de s'appuyer sur une preuve illégale en dépit de sa valeur probante. Mais en réalité, la Cour de cassation semble distinguer entre la preuve issue d'une procédure pénale illégale que le législateur libanais a explicitement et clairement annulée par un texte juridique et la preuve illégale dont aucun texte juridique ne prévoit la nullité. En d'autres termes, la Cour de cassation pénale libanaise distingue entre la nullité textuelle d'une procédure qui a fourni une preuve illégale et une procédure dont aucun texte ne prévoit la nullité. Il faudra noter que nous nommons cette preuve « preuve illégale », cependant, les tribunaux libanais n'utilisent pas cette appellation, pas plus que les parties impliquées. 389. Le cas où l'illégalité de la preuve est sanctionnée par la nullité textuelle. La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a considéré que la preuve illégale dont la nullité a été clairement prévue par un texte juridique n'est pas soumise à la liberté du juge d'estimer sa valeur. Le tribunal ne peut donc pas constituer sa propre conviction en se basant sur la valeur probante d'une preuve dont la nullité est clairement prévue par un texte juridique. Dans la
503 procès Al Ghaliti / ministère public que : considérant la décision pénale ordonnançant que le battement n'invalide absolument pas les aveux obtenus durant l'enquête préliminaire en négligence des dispositions imposées sous peine de la nullité. Étant donné que l'arrêt sujet de pourvoi ou demande de cassation a jugé que « les battements n'imposent pas forcément la nullité des aveux obtenus durant l'enquête préliminaire, mais entraîne en cas de confirmation la question de la conduite des enquêteurs, les aveux et déclarations obtenus dans ce cas demeurent soumis à l'évaluation absolue de la Cour ». Inversement de ce qui précède, la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a considéré que ce verdict aura négligé les dispositions imposées en vertu de la nullité en violant ce que prévoit l'article 47 du CPP libanais, ce qui l'exposerait au rejet (l'admission du recours en cassation) et à la tenue d'une nouvelle audience publique selon les dispositions. Dans un autre arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise 1933 a considéré dans la résolution n° 215 du 29/11/2007 du procès Amer et ses compagnons / ministère public et Électricité du Liban statuant du verdict pénal inculpant l'accusé d'une crime de vol se basant sur un aveu invalide obtenu lors de 1932 Constituée par le président Mme Alice Chabatini Al amm et les deux conseillers M. Chahid Salama et M. Elias Nayfeh. 1933 Constituée par le président M. Elias Nayfeh et les deux conseillers M. Ghassan Rabah et M. Chahid Salama. 504 l'interrogatoire effectué par des coups et coercition, modifiant les faits et manquant d'argumentation (motivation de l'arrêt) le conduisant au rejet (l'admission d'une demande de cassation) : « L'alinéa 1 de l'article 47 du CPP libanais prévoit : ils n'ont pas le droit de les forcer à parler ni les interroger sous peine de nullité de leurs déclarations . Vue la motivation de l'arrêt qui a subi le recours en cassation : que cette interdiction ne signifie pas la nullité absolue de l'effet de tout aveu obtenu par ce moyen, la Cour pénale a le droit d'évaluer la validité de cet aveu et de l'adopter... . Puis l'adopter comme moyen d'inculpation par la Cour, la Cour aura ainsi déformé les faits et adopté certains d'entre eux malgré leur nullité juridique, et son argumentation aura été inappropriée et insuffisante pour parvenir à sa conclusion d'inculpation, le verdict exigerait ainsi une admission du pourvoi en cassation, et imposerait la tenue d'une nouvelle audience selon les procédures ». 390. Contradiction de la position juridique au Liban dans l'acceptation ou l'admission de la valeur probante de la preuve illégale. La majeure partie des dispositions de la jurisprudence libanaise reconnaît de manière ouverte que l'illégalité de la preuve, bien que sa nullité soit prévue juridiquement, ne lui enlève pas sa valeur probante. Le juge peut donc estimer sa valeur probante en dépit de son illégalité. L'une des dispositions de la Cour criminelle suit : « vues les informations abondantes et cette explication détaillée du rôle de l'accusé et qui reste des intervenants dans cette affaire de trafic de drogue ne peut être le fruit de l'imagination ou que l'accusé ait été obligé de divulguer ces renseignements détaillés sous l'effet des coups selon les prétentions, car il n'a pas été prouvé que ce genre de traitements que l'accusé a invoqués a vraiment eu lieu, par conséquent, il est impossible de s'arrêter sur ses prétentions face à l'enquêteur et ses tentatives de nier les faits reconnus précédemment de manière spontanée et volontaire lors de l'enquête préliminaire, d'autant plus que ce qui appuie ou renforce la validité de ses aveux lors de l'enquête préliminaire est que ses 1934 . Ce déclarations ont pris forme lorsque la quantité de drogue a effectivement été saisie » verdict révèle que le tribunal a considéré l'accusé comme menteur en raison de la saisie de la drogue, et cela signifie simplement que le tribunal n'a pas accordé de crédit aux plaintes de l'accusé d'avoir subi des coups et de la coercition lors de l'enquête et ce à cause de l'importante valeur probante de la preuve qui a garanti une parfaite conviction au juge sur la perpétration du crime sans se soucier de l'illégalité de la preuve. Il ne s'agit pas de défendre l'accusé si nous reconnaissons que ce verdict a compliqué l'explication de la puissante valeur probante de la preuve qui résulte de la confession de l'accusé face aux enquêteurs, ce qui leur 1934 Cour criminelle de Beyrouth, le président Zouein, verdict du 20/11/1995, cité par J. Bsaybes, Jurisprudence des tribunaux criminels 1963-1996, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, 1997, n° 268, p. 176. 505 a permis d'accéder à la vérité effective. On remarque cependant que la Cour criminelle lors de ce procès ne s'est pas demandé pourquoi cet accusé qui prétend avoir subi les coups et la coercition de la police judiciaire a reconnu spontanément les faits devant la police judiciaire selon la motivation de la Cour criminelle et lors de l'audience devant le juge d'instruction il a nié toutes ses déclarations précédentes et attestant qu'elles ont eu lieu sous l'effet des coups et coercition. En réalité, cet accusé a été sévèrement battu durant l'interrogatoire par les forces de la police judiciaire tout comme la plupart des gens qui subissent des interrogatoires au Liban et bien entendu sous l'effet de tant de coups et de douleurs l'accusé a fini par tout avouer et dans les détails qui prouvent la perpétration du crime et qui a permis aux enquêteurs de découvrir la quantité de drogue, ce qui a fait que le dossier du procès contienne des preuves à valeur probante irréfutable que cet accusé a bien commis l'infraction, chose qui a réellement eu lieu. Cependant, la Cour ici n'a pas accordé d'importance à l'illégalité de la preuve, car la valeur probante de la preuve illégale en raison de sa force déterminante à garantir une conviction parfaite et formelle au tribunal que l'accusé est celui qui a perpétré le crime a incité la Cour à fermer délibérément les yeux sur l'illégalité de la preuve sur laquelle elle s'est basée pour établir sa condamnation. Malheureusement, telle est la position appliquée par les dispositions de la magistrature (jurisprudence pénale) au Liban et qui demeure très loin de l'État de droit. Dans une autre décision, la Cour rejette théoriquement l'acceptation de la preuve en raison de son illégalité, mais la réalité est différente parce la motivation de l'arrêt nous démontre que la Cour se leurre elle-même. Il s'avère que la véritable raison qui a poussé la Cour à rejeter l'acceptation de la preuve illégale est que cette preuve n'a aucune valeur probante après que la Cour se soit assuré que la preuve est totalement contraire à la vérité et à la réalité telle que ce que prévoit la disposition : « tel que l'accusé a subi durant son interrogatoire au bureau de la lutte anti drogue de la pression physique par des coups ainsi que de la pression morale ayant été retenu au poste de police pendant huit jours loin de sa garantie réelle de défense qui est le juge d'instruction, et lors de sa comparution devant celui-ci il a renié catégoriquement ses premières déclarations. Aussi, en plus de ce qui a été cité les faits substantiels contenus dans ces déclarations se présentent contrairement à la réalité et à la vérité... Sur la base de tout ceci donc la Cour ne peut plus s'appuyer sur les déclarations de l'accusé contenues dans le procès-verbal du bureau de lutte anti drogue et que ces 1935 . déclarations tout au plus, rentrent dans le cadre des preuves faibles donc négligeables » Et dans un autre arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a considéré que « concéder aux allégations de l'avocat de l'accusé, disant que son client a subi des coups 1935 Cour criminelle du Mont du Liban, décision n° 106 du 19/12/1992, cité par J. Bsyabess, Jurisprudence des tribunaux criminels 1963-1996, 1er éd., Éditions Juridiques Sader, 1997, n° 11, pp. 14-15. dans sa déclaration préalable, si la loi interdit le recours à la force, la coercition et l'épuisement des accusés lors des interrogatoires, cette interdiction ne signifie pas absolument l'annulation des déclarations obtenues par ces moyens et il revient à la Cour de 1936 . s'appuyer sur d'autres preuves en sa faveur comme c'est le cas dans le ce procès » Rappelons que l'article 401 du Code pénal libanais punit quiconque ayant tenté d'obtenir par des procédés non autorisés par la loi telle que la force ou les coups, des déclarations ou reconnaissances d'une infraction, ou des informations relatives à cette infraction. La quête des preuves doit se faire par des procédés corrects, conformes aux valeurs morales, tandis que les sévices cruels tels que les coups et la torture dans leurs divers procédés démontrent un mépris de la dignité humaine et le prestige de la magistrature et de la justice et sont en même temps un signe de paresse intellectuelle ou d'esprit, car le juge préfère obtenir une reconnaissance de . À 1937 l'infraction à n'importe quel prix au lieu d'effectuer des recherches compliquées parfois notre avis, l'illégalité de la preuve pénale doit avoir pour conséquence stable que le juge du fond lorsqu'il apprécie les preuves pour former ou constituer sa conviction, ne doit pas prendre en considération les éléments de preuve illégale, ni directement, ni indirectement, soit lorsque le respect de certaines conditions de forme est prescrit à peine de nullité, soit lorsque l'illégalité de la preuve a entaché totalement ou partiellement la fiabilité de la preuve, soit lorsque cette preuve illégale constitue une violation du droit à un procès équitable. Donc, le juge du fond doit obligatoirement écarter la preuve illégale. Dans ce contexte, nous nous
506 485/95. Dans les faits, les agents du bureau de lutte anti drogue ont saisi un véhicule de type VAN / ou camionnette dans la région de Chaath (nom d'une région du Liban) et y ont découvert en le fouillant un certain nombre de bidons en plastique remplis d'acide astatique, puis ont arrêté un individu circulant près du véhicule qui a avoué après avoir subi de violents coups qu'il était trafiquant d'héroïne et qu'il disposait d'environ 200 kg d'opium et de 100 kg de haschich (drogue à fumer) enfouis dans son jardin. Des fouilles et perquisitions ont été effectuées dans le jardin du domicile de l'homme qui a avoué ces informations sous les coups et la torture et on y trouva une quantité de 187 kg d'opium et 110 kg de haschich. Les agents du bureau de lutte anti drogue ont alors insisté dans leur torture et violence pour qu'il cite les noms de ses acolytes, le suspect se mit alors à faire des déclarations mêlées de vérités et de 1936 Cour de cassation libanaise, Kechlan & co/ministère public, décision n° 219 du 05/08/2003 : le président M. Ralph Riachi, et les conseillers M. Khoder Zanhour et M. Borkane Saad, cité par Sader Cassation-Pénal 2003, pp. 447 et s., V. précisément p. 451. 1937 E. Namour, La cour criminelle. Etude comparative, Éditions Juridiques Sader, vol 2, n° 1340, p. 923. 1938 La Bekaa est une région du Liban, frontalière avec la Syrie. mensonges. Le jugement a énuméré les préjudices que l'accusé avait subis lors de ses interrogatoires comme « fracture d'une dent dans sa mâchoire supérieure » et marques des coups reçus sur ses membres supérieurs et inférieurs, le dos, la taille et les oreilles. Des coups ont entraîné aussi des inflammations des reins et des oreilles, des irrégularités dans les battements de son coeur, une surdité, précisément à l'oreille droite atteinte à 100/100, en plus de douleurs aiguës dans la mâchoire droite résultant d'une inflammation articulaire l'empêchant de manger de façon permanente exigeant son placement dans un hôpital, « entraînant ensuite la paralysie de son côté gauche et une hémiplégie du côté gauche également lui causant un problème de prononciation, un problème que le tribunal avait noté lors de sa dernière audience », tout ceci avec l'appui de trois rapports médicaux. A la suite de tout cela, le tribunal déclare dans son jugement que l'état de santé de l'accusé « résulte des actes de violence et de torture dont il a fait l'objet de son interrogatoire préliminaire ». Le jugement cite aussi dans l'une de ses dispositions que « si la magistrature tolère parfois certaines formes de redressements disciplinaires légers... elle ne peut cependant en aucun cas tolérer quelques pratiques violentes, et précisément celles qui atteignent un certain degré de dommage que pratiquent les agents de la police judiciaire, comme c'est le cas dans cette affaire et qui a conduit l'accusé à la perte de sa santé et son équilibre physique ou lui causant
507 l'accusé pour le crime énoncé dans l'article 3, alinéa 2 de l'ancien Code des stupéfiants et a transféré le dossier au Parquet (le procureur général près la Cour de cassation) en ce qui concerne les auteurs des procès verbaux de l'enquête préliminaire, exécutants, participants et superviseurs afin que les poursuites juridiques nécessaires soient prises à leur encontre. La Cour a ainsi adopté les déclarations initiales en dépit de la violence que l'accusé avait subie, en raison de la conformité des déclarations avec les faits matériels de cette affaire et principalement la saisie des drogues dans les lieux que l'accusé avait indiqués après avoir subi des coups, ce qui leur confère vérité et authenticité, bien que cela implique les responsabilités des auteurs des actes de violence. Par ailleurs, la Cour a renvoyé devant le Parquet (le procureur général près la Cour de cassation) les enquêteurs qui ont battu et torturé l'accusé pour lui soutirer des aveux de force et a engagé des poursuites pénales pour le crime qu'ils ont commis et qui est sanctionné par la loi. M. Elias Fares Nammour estime que la solution adoptée par la Cour criminelle de Bekaa est le plus conforme à la logique et la raison. Il cite qu'il est vrai que l'accusé a subi des coups et de la torture, mais il est vrai aussi que les informations qu'il avait données suite à ce qu'il a subi étaient conformes aux faits concrets 1939 E. Namour, La cour criminelle. Etude comparative, Éditions Juridiques Sader, vol 2, n° 1340, p. 924. 1940 . 508 qu'il avait cités et qu'on ne peut donc les dépouiller de leur force probante. Et s'il en avait été autrement, on n'aurait pas pu les adopter 391. Commentaire du jugement de la Cour criminelle de Bekaa le 20/06/1996, numéro de base 485/95. La position de la Cour criminelle de Bekaa rendu le 20/06/1996 donne de plus en plus l'impression choquante que la fin justifie les moyens. L'examen des dispositions de ce jugement montre qu'il distingue entre les cas de correction disciplinaire légère et les pratiques violentes qui causent des dommages, et il souligne la possibilité de tolérer la première situation, mais nullement la dernière. Cette distinction n'a pas sa place juridiquement et il 1941 a aurait été préférable que le jugement l'évite. Si l'article 401 du Code pénal libanais associé les pratiques violentes avec celles interdites par la loi, il est alors certain que ces pratiques ne rentrent en aucun cas dans la cadre de ce qu'autorise la loi, très précisément l'article 186 du Code pénal libanais 1942 , qui prévoit les coups correctionnels infligés aux enfants par leurs parents ou instituteurs selon ce qui est autorisé par le sens commun, et les opérations chirurgicales ou traitements médicaux pratiqués dans les règles de l'art et les pratiques violentes qui surviennent lors des rencontres sportives. La coercition ne se limite pas au traitement physique uniquement, elle englobe aussi des pratiques morales incomparables
Bekaa, l'on constate qu'un lien est fait entre la nullité des aveux obtenus par la torture et la nécessité de prouver la torture comme condition primordiale. Dans le cas où l'on prouve réellement la torture qui amène l'accusé à avouer, on passera alors à une toute nouvelle condition qui consiste à prouver que l'accusé n'a pas avoué la vérité, c'est-à-dire que la Cour, après avoir prouvé la torture, devra examiner la validité des aveux, ce qui revient à effectuer l'évaluation de la preuve en dépit de son illégalité. C'est là que se trouve le danger de cette méthode, car en général, l'accusé sous l'effet des douleurs de la torture va reconnaître la vérité. Pourquoi soulever la question de l'illégalité de la preuve ? Et quelle est la valeur de ce 1940 E. Nammour, La cour criminelle. Etude comparative, Éditions Juridiques Sader, vol 2, n° 1340, pp. 924925. 1941 L'article 401 du Code pénal libanais dispose : « Quiconque, dans le but d'obtenir l'aveu d'une infraction, ou des renseignements sur une infraction, aura soumis une personne a des rigueurs non autorisé es par la loi sera puni de 3 mois à 3 ans d'emprisonnement. Si les violences exercé s ont entrainé une maladie ou des blessures, le minimum de la peine sera d'un an ». 1942 L'article 186 du Code pénal libanais dispose : « Il n'y a pas d'infraction lorsque le fait était autorisé par la loi.Sont autorisées :1. Les corrections infligées aux enfants par leurs parents ou leurs maîtres dans la mesure oùelles sont tolérées par le commun usage ;2. Les opérations chirurgicales et les traitements médicaux pratiqués selon les préceptes del'art et, sauf le cas d'urgence, du consentement du patient ou de ses représentants légaux ;3. Les violences commises au cours d'exercices sportifs si les règles du jeu ont été respectées ». 1943 E. Namour, La cour criminelle. Etude comparative, Éditions Juridiques Sader, vol 2, n° 1340, p. 925. 509 principe tant que la preuve soutirée sous le poids de la torture va être évaluée par la Cour au même titre que la preuve intacte c'est-à-dire conforme au principe de la légalité de preuve pénale ? Ainsi, l'évaluation par la Cour de cette preuve ne prend pas en compte l'origine de la preuve, mais uniquement le degré de conformité de la preuve par rapport à la réalité. Dans cette démarche, la Cour fait primer la logique de l'obtention de la vérité, quel qu'en soit le prix, chose inacceptable et inadmissible. Pour conserver le principe de la légalité de la preuve et de la légalité procédurale, il faut admettre l'idée de l'existence d'un criminel qui a commis une infraction dont on a obtenu une preuve qui jouit d'une valeur probante puissante et importante qui affirme que ce suspect et parfaitement l'auteur du crime ; toutefois, les moyens de recherche et d'administration de cette preuve ont été contraires aux modes de collecte des preuves définis par la loi. Cette violation des procédures sera en faveur de l'accusé qui ne sera pas sanctionné bien qu'il a réellement commis l'infraction. Cette logique représente une victoire de la justice et de la légalité. Cette logique obligera les magistrats et les enquêteurs à se conformer à la loi et au principe de la légalité de la preuve pour ne pas laisser un criminel échapper à la sanction ou à la peine après avoir commis une infraction pénale. Ce raisonnement se rapproche du principe selon lequel on doit prononcer l'innocence de l'accusé lorsqu'il y a un doute sur la preuve. Il serait tout aussi préjudiciable à la justice qu'un criminel puisse échapper à son châtiment que de porter atteinte à ses libertés individuelles dans le seul but de parvenir à une preuve dans une infraction. Qu'un millier de criminels échappent au châtiment de la loi ne nuirait pas à la justice autant que la condamnation d'un innocent ou la condamnation d'un individu sur la base d'une preuve illégale. La victoire du principe de la légalité de preuve est plus importante que la fuite d'un criminel au châtiment de la justice malgré la certitude de son inculpation, car un État de droit doit protéger tous les citoyens de l'arbitraire dans les procédures pénales et notamment de la torture pour l'obtention de preuves. L'intérêt de la communauté est au-dessus de toute autre considération et cet intérêt ne se concrétise que par l'application correcte de la loi plutôt que d'arrêter des gens de manière contraire à ses dispositions. La question de la valeur probante de la preuve illégale est sans importance puisque l'illégalité de la preuve est en rapport uniquement avec le mode de son obtention. Il n'est donc pas important que la preuve représente toute la vérité ou une partie de celle-ci ou au contraire, un simple montage ou fabrication de preuve ou résultant d'un mensonge de l'accusé, car le problème fondamental consiste dans le moyen illégal. Cependant, comme nous l'avons déjà dit, cela ne représente pas l'opinion de la jurisprudence ni au Liban ni en France, car la jurisprudence a une disposition différente et accorde une très haute importance à la valeur probante de la preuve illégale. Lorsque la valeur probante de la preuve illégale est faible ou inexistante, le juge criminel ne l'adopte pas. Selon nous, cela ne 510 représente pas une application du principe de la légalité de la preuve criminelle, car, lorsque le juge n'adopte pas une preuve en raison de l'absence de sa valeur probante, il ne fait là que son devoir en application du principe de la conviction personnelle du juge qui lui impose d'être certain de la commission de l'infraction. Là, le juge peut écarter une preuve légale en raison de sa faible valeur probante. Il n'y a donc pas de différence entre la preuve légale et la preuve illégale sur ce point, car le juge lors de sa condamnation doit être convaincu en toute certitude qui n'admet nullement le doute. L'arrêt de la cour criminelle de Bekaa est la conséquence naturelle d'une jurisprudence libanaise très critiquable qui privilégie la fiabilité des preuves par rapport à leur légalité. Contrairement à la position de la Cour criminelle de Bekaa en droit libanais qui est critiquable, il nous paraît souhaitable que le juge libanais opère un revirement de jurisprudence en considérant qu'un élément de preuve illégal qui résulte d'un acte expressément interdit par la loi ou d'un acte incompatible avec les règles substantielles de la procédure pénale ou avec les principes généraux du droit, doit être sanctionné d'irrecevabilité. B. Essai d'élaboration des critères justifiant l'admission de la preuve illégale. 392. Une décision de mise en accusation définitive ayant pour effet de purger la procédure illégale et les causes de nullités antérieures s'il en existe. Tout d'abord rappelons que tous les procès pénaux n'émettent pas une décision de mise en accusation par la chambre d'accusation en droit libanais et par la chambre d'instruction en droit français, mais uniquement ceux qui jugent des crimes. La loi française et libanaise a fait de la chambre d'accusation (Liban) et de la chambre d'instruction (France) le responsable principal du contrôle et de la supervision des enquêtes préliminaires et des enquêtes menées par le juge d'instruction dans le crime. Cependant, lorsque cet organe accusateur ou la chambre d'instruction rend l'arrêt de mise en accusation définitive, il protège toute preuve qu'il a adoptée pour établir sa décision accusatoire. La Cour criminelle en droit libanais et la Cour d'assises en droit français ne reviennent pas alors ultérieurement sur le contrôle de l'illégalité de la preuve pénale et ne se considèrent pas responsables de l'illégalité de cette preuve. L'argument de la Cour criminelle libanaise pour justifier cela serait que la décision de mise en accusation définitive lorsqu'elle est émise cache tous les défauts résultant de l'étape antérieure des enquêtes et de la recherche des preuves, c'est-à-dire qu'indirectement l'acte d'accusation purge l'illégalité de la preuve selon la philosophie qu'adopte la jurisprudence libanaise. Quant à nous, nous émettons des réserves au sujet de la protection de la preuve illégale en raison du fait que l'acte d'accusation 511 est absolument irréfutable, car nous croyons que la preuve illégale reste toujours illégale. Rien n'y changera même si l'accusé soulève l'illégalité pour la première fois devant la Cour criminelle. Nous pensons qu'il n'y a aucune restriction légale qui empêche l'accusé de soulever l'illégalité de la preuve criminelle à n'importe quel moment devant toute autorité judiciaire, car elle représente aussi une autre forme de défense et il est inadmissible de priver l'accusé de tout moyen légal et juridique de se défendre sous prétexte de l'irréfutabilité de l'acte d'accusation. D'autant plus qu'il n'existe aucun texte juridique clair en droit libanais qui confirme que l'on n'a pas le droit de soulever devant la Cour tout problème ayant atteint l'enquête préliminaire. La preuve illégale ne doit jouir d'aucune immunité et l'idée que l'acte d'accusation est absolument irréfutable est inadmissible selon notre point de vue parce que « la recherche de la preuve, quel qu'en soit son auteur, est l'occasion pour la personne 1944 . poursuivie de réclamer l'impunité en soulevant l'irrégularité de la procédure » Cependant, quelle est la position de la magistrature libanaise et française sur la question de l'immunité de la preuve illégale après l'irréfutabilité de la décision de mise en accusation ? 393. L'arrêt ou la décision de mise en accusation ayant pour effet de purger la procédure antérieure en droit français. L'article 181 du CPP français précise que, lorsqu'elle est devenue définitive, l'ordonnance de mise en accusation couvre, s'il en existe, les vices de la procédure 1945 antérieure . Il est clair que le législateur français consacre explicitement la règle de la purge des nullités et donc si la chambre de l'instruction avait statué sur la validité des actes de la 1946 procédure, son arrêt aurait pour effet de purger la procédure antérieure. La chambre criminelle de la Cour de cassation française a considéré que « méconnaît le sens et la portée des articles 181, alinéa 4, et 215 du Code de procédure pénale, selon lesquels la décision de mise en accusation, lorsqu'elle est devenue définitive, couvre, s'il en existe, les vices de procédure, la Cour d'assises qui, après avoir accueilli une exception de nullité prise du défaut d'impartialité d'un enquêteur ayant participé à l'enquête préliminaire, prononce l'annulation . Donc, la décision de renvoi aux assises purge définitivement toutes les 1947 de la procédure » nullités de l'information s'il en existe. Sans doute l'article 181 du CPP français qui constitue actuellement la base légale de la règle de la purge des nullités qui couvre indirectement 1944 M. Sanchez, « Flagrance, apparence et provocation ou la souplesse des règles de preuve », in D., 2004, p. 1845. 1945 L'article 181 du CPP français qui dispose « Lorsqu'elle est devenue définitive, l'ordonnance de mise en accusation couvre, s'il en existe, les vices de la procédure ». 1946 En ce sens : Crim. cass., 19 février 1997, B.C., n° 66, p. 211. 1947 Cass. crim., 10 juin 2009, B.C., n° 119. l'illégalité procédurale commise avant la phase de jugement est parmi les problèmes délicats et essentiels qui empêchent l'application effective du principe de la légalité de preuve ou, pour préciser, est l'argument essentiel du juge de fond qui empêche cette application satisfaisante du principe de légalité dans le domaine de preuve pénale. Trois techniques en droit français , la 1948 constituent un paravent devant la nullité de la preuve illégale. Ce sont: l'irrecevabilité 1949 purge successive des nullités et la forclusion. En ce qui concerne les nullités soulevées devant la chambre de l'instruction ou la chambre criminelle : « la chambre de l'instruction doit relever d'office les nullités des procédures qui lui sont soumises (art 206 al. 2 du CPP). Les parties sont cependant prises aux pièges de l'irrecevabilité de l'article 173-1, de la purge des nullités de l'article 174 et de la forclusion de l'article 175 du Code de procédure pénale, de telle manière qu'elles sont irrecevables à soulever les nullités de la procédure
512 174 alinéa 1er est le principal obstacle à la nullité de la preuve illégale devant la Cour ou le juge du fond1951 . M. François Fourment décrit ainsi le mécanisme de la purge successive des 1948 V. sur l'irrecevabilité en droit français: F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 93, p. 67 : « L'article 173-1 du Code de procédure pénale prévoit que la personne mise en examen et la partie civile doivent, sous peine d'irrecevabilité, soulever les causes de nullité antérieures ou concomitantes, respectivement, à leur interrogatoire de première comparution et à leur première audition, dans un délai de six mois à compter, selon le cas, de la notification de la mise en examen ou de la première audition. La loi du 4 mars 2002 a étendu cette irrecevabilité aux moyens pris de la nullité des actes accomplis avant chacun des interrogatoires ultérieurs de la personne mise en examen et avant chacune des auditions ultérieures de la partie civile ». (art. 7 de la loi). 1949 V. sur la forclusion en droit français: F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 95, p. 67 : « L'article 175 du Code de procédure pénale institue un mécanisme de forclusion. Quand le juge d'instruction croit devoir clore son information, il avise les parties de ce que l'instruction lui paraît terminée. À l'expiration d'un délai d'un mois si une personne mise en examen est détenue ou de trois mois dans les autres cas, délai qui court à compter de la date d'envoi de cet avis, les parties ne sont plus recevables à formuler la moindre requête en nullité. Le règlement de l'instruction purge les cause de nullités » ; V. encore: H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 341, p. 150: « L'expiration de délai de forclusion institué par l'article 175 du Code de procédure pénale, en sa rédaction issue de la loi du 15 juin 2000 fait toutefois obstacle à ce que les parties invoquent devant la chambre de l'instruction, saisie de l'appel d'une ordonnance de règlement en application des articles 177, 178, 179 ou 181, les nullités de la procédure antérieure à l'avis de fin d'information lorsque celui-ci a été régulièrement notifiée » ; « Il en est de même en cas d'expiation du délai instauré par l'article 173-1, inséré dans le Code de procédure pénale par la loi du 15 juin 2000 et complété par la loi du 4 mars 2002 ». 1950 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 96, pp. 67-68. 1951 V. sur la purge de nullité en droit français: H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 355, p. 157 ; V. H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 1220, p. 586 : « Si une partie privée à un procès pénal peut invoquer la nullité d'un acte de police devant une juridiction de jugement, elle ne peut le faire que selon un régime restrictif et complexe à raison de la volonté du droit positif d'éviter les manoeuvres dilatoires et de la hiérarchie des juridictions entre elles, régime qui s'applique également aux magistrats de poursuite ou de jugement ». nullités : « l'article 174 alinéa 1er du Code de procédure pénale1952 institue un mécanisme de purge des nullités par lequel la partie - la purge ne s'applique donc pas davantage au juge d'instruction qu'au procureur de la République - qui soulève une nullité doit prendre garde de se prévaloir toutes les causes de nullité qu'il lui est possible de connaître au jour de sa requête en annulation, à peine d'irrecevabilité de toute requête ultérieure du chef de ces
la procédure : « l'arrêt de mise en accusation, statuant sur le règlement de la procédure, couvre, s'il en existe, les vices de la procédure antérieure, sauf le cas où les parties n'auraient pu connaître une nullité de l'information. La partie qui n'a pas soulevé devant la chambre de l'instruction la nullité d'un acte ne saurait l'invoquer pour la première fois
purge les vices de nullités de la procédure antérieure (art. 305-1 du CPP)1955. En ce qui concerne les demandes des parties présentées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, c'est-à-dire les nullités soulevées devant les juridictions de jugement, « les demandes en nullité émanant des parties doivent être présentées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir -c'est-à-dire avant l'interrogatoire du prévenu ou de l'accusé sur les faits - à peine d'irrecevabilité »1956 (pour le tribunal correctionnel, voir l'art. 385 al 1er du CPP). Pour les nullités soulevées devant la Cour d'assises : « s'agissant des causes de nullité antérieures à l'ordonnance de mise en accusation, les parties ne peuvent plus les soulever devant la Cour d'assises : l'ordonnance de mise en accusation du juge d'instruction "couvre s'il en existe, les
513 1952 L'alinea 1er de l'article 174 du CPP français dispose : « Lorsque la chambre de l'instruction est saisie sur le fondement de l'article 173 ou de l'article 221-3, tous moyens pris de nullité de la procédure qui lui est transmise doivent, sans préjudice du droit qui lui appartient de les relever d'office, lui être proposés. A défaut, les parties ne sont plus recevables à en faire état, sauf le cas où elles n'auraient pu les connaître ». 1953 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 94, p. 67. 1954 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 257, p. 112. 1955 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 96, p. 68. 1956 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 97, p. 68. 1957 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 98, p. 68 ; V. H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 1220, p. 587 : « en matière criminelle, aucune annulation ne peut être demandée à la Cour d'assises puisque, étant attributif de compétence, l'arrêt de renvoi purge définitivement la procédure antérieure de toute nullité » ; V. Cass. crim, 10 juin 2009, B.C., n° 119: « Méconnaît le sens et la portée des articles 181, alinéa 4, et 215 du code de procédure pénale, selon lesquels la décision de mise en accusation, lorsqu'elle est devenue définitive, couvre, s'il en existe, les vices de procédure, la cour d'assises qui, après avoir accueilli une exception de nullité prise du défaut d'impartialité d'un enquêteur ayant participé à l'enquête préliminaire, prononce l'annulation de la procédure » ;V. Cass. crim, 16 janvier 2013, B.C., N° de pourvoi: 11-83689: « Le prévenu qui a échappé à des poursuites dont il connaissait l'existence ne saurait se faire grief d'avoir été déclaré irrecevable à demander à la juridiction de jugement devant laquelle il a été de procédure pénale, les parties doivent soulever les causes de nullité postérieures à la décision de mise en accusation et antérieures à l'ouverture des débats dès que le jury de
1959 police: « si le tribunal correctionnel ou de police statue sur renvoi d'une juridiction d'instruction, les demandes en nullité formées contre un acte d'instruction sont irrecevables (irrecevabilité de l'article 173-1, forclusion de l'article 175, purge des vices de l'article 1960 » 181 al. 4, rappel de l'article 385 a l. 1er du CPP pour le tribunal correctionnel et renvoi de l'article 522 dernier al., à l'art. 385, pour le tribunal de police). « Si le tribunal correctionnel ou de police ne statue pas sur renvoi d'une juridiction d'instruction, il peut bien sûr connaître des demandes en nullité soulevées contre des actes pris antérieurement à sa saisine, tels les
1962 . 514 risques d'annulation sont toutefois relativement faibles. Le législateur a en effet balisé la procédure pénale de délais de forclusion et de mécanismes de purge des nullités » 394. L'irréfutabilité de la décision de mise en accusation définitive consacrant la preuve illégale dans la juriprudence libanaise. L'absence de fondement juridique de la règle de la renvoyé l'annulation d'actes de l'enquête et de l'instruction, dès lors que, d'une part, en application de l'article 385, alinéa 1er, du code de procédure pénale, les nullités de la procédure antérieure à l'ordonnance de renvoi ne peuvent pas être constatées par ce tribunal, d'autre part, s'étant soustrait à la justice, il ne peut bénéficier des autres dispositions du même article, enfin, il lui est reconnu la possibilité de discuter, devant la juridiction de jugement, la valeur probante des éléments réunis contre lui ». 1958 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 98, p. 68. 1959 V. sur ce point: Cass. crim, 3 avril 2007, B.C., n° 103, p. 500: « Il se déduit de l'article 134 du code de procédure pénale qu'une personne en fuite et vainement recherchée au cours de l'information n'a pas la qualité de partie au sens de l'article 175 dudit code ; il s'ensuit que si elle est arrêtée après que le juge d'instruction l'a renvoyée devant le tribunal correctionnel, elle ne peut se prévaloir des dispositions du troisième alinéa de l'article 385 dudit code pour exciper devant cette juridiction d'une quelconque nullité d'actes de l'information, l'ordonnance de renvoi ayant, comme le prévoit l'article 179 du même code, purgé, s'il en existait, les vices de la procédure » ;V. Cass. crim, 3 octobre 2007, B.C., n° 237: « Selon l'article 134 du code de procédure pénale, une personne en fuite et vainement recherchée au cours de l'information n'a pas la qualité de partie au sens de l'article 175 dudit code et ne peut se prévaloir des dispositions du troisième alinéa de son article 385, l'ordonnance de renvoi ayant purgé, s'il en existait, les vices de la procédure ». 1960 V. Cass. crim, 16 janvier 2013, B.C., N° de pourvoi: 12-81199: « Justifie sa décision la cour d'appel qui déclare irrecevables les exceptions de nullité de la procédure d'instruction soulevées devant le tribunal correctionnel par le prévenu, en fuite et vainement recherché au cours de l'information, dès lors qu'en application de l'article 385, alinéa 1er, du code de procédure pénale, la juridiction correctionnelle, saisie par une ordonnance de renvoi, n'a pas qualité pour constater les nullités de la procédure antérieure, que le prévenu s'est volontairement soustrait à la justice et a été mis en mesure de discuter devant la juridiction de jugement, la valeur probante des éléments réunis contre lui ». 1961 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 99, p. 68. 1962 J. Alix, « Les droits de la défense au cours de l'enquête de police après la réforme de la garde à vue : état des lieux et perspectives », in Recueil Dalloz., 2011, p. 1699, V. spec. n° 22. 515 purge des nullités concernant la décision de mise en accusation définitive émise par la chambre d'accusation en droit libanais est remarquable. L'irrévocabilité de la décision de mise en accusation définitive est absolument irréfutable et couvre le défaut de l'illégalité de la preuve pénale. Les irrégularités ou l'illégalité d'une enquête de police et de l'instruction préparatoire sont purgées à sa clôture. Les preuves illégales résultant de l'enquête de police et de l'instruction préparatoire vont ainsi être purgées indirectement du vice de l'illégalité. La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise1963 dans la décision n° 198 du 03/06/1998 dans le procès Kabalan / ministère public, considère que la décision de mise en accusation définitive cache tous les défauts qui se produisent durant les enquêtes préliminaires « tel que, en supposant que les enquêtes préliminaires sont entachées d'un quelconque défaut, l'acte d'accusation qui n'a pas été contesté (qui n'a pas subi un recours devant la Cour de cassation) et qui est désormais final a caché les défauts dans le cas de leur présence ; cependant, il revient à la Cour du fond le droit d'évaluer la valeur de ces enquêtes lorsqu'elle les adopte comme moyen de preuve ». Ce qui est saisissant, c'est que nous ayons rencontré un arrêt émis par la même chambre criminelle de la Cour de cassation constituée des mêmes magistrats, rendu dans les mois suivants le jugement précédent, dans lequel la Cour avait contredit cette déclaration et considéré que la Cour criminelle a l'aptitude d'exploiter les enquêtes préliminaires et adopter ce quelle estime valable et précis malgré l'irréfutabilité de l'acte d'accusation: « Tel que, bien que la décision de mise en accusation irréfutable cache en principe les défauts que revêtent les enquêtes qui se déroulent contrairement à certaines dispositions. Et que malgré cela, s'il s'avère que les dispositions requises pour le mode de conduite de certaines enquêtes préliminaires n'ont pas été strictement respectées, cela ne conduit pas à la nullité de ces enquêtes... ; en outre, ces enquêtes demeurent soumises à l'examen de la Cour à laquelle il revient de dire ce que ces enquêtes comportent comme informations auxquelles elle se fie suffisamment, au vu de leur réalité (exactitude) et de leur précision, particulièrement si elles sont approuvées et renforcées en vertu d'autres enquêtes 1964 préliminaires ultérieures ». L'arrêt précédent confère à la Cour criminelle le pouvoir d'accepter et d'exclure toute preuve légale ou illégale, car la Cour jouit désormais de la liberté de l'évaluation des preuves auxquelles elle se fie sans subir le moindre contrôle, conformément à ce qu'a établi la chambre criminelle de la Cour de cassation. Dans un autre arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, sixième chambre, dans la 1963 Constituée par le président M. Afif Chams Eddine et les conseillers M. Elias Abdallah et M. Fouad Jaajaa. 1964 La Cour de cassation pénale libanaise constituée par : le président M. Afif Chams Eddine et les conseillers M. Elias AbdAllah et M. Fouad Jaajaa, dans la résolution n° 296 du 04/11/1998 procès Materji contre Chaabane / ministère public. décision n° 38 du 23/02/1999, cette Cour certifie clairement l'effet de la décision de mise en accusation définitive dans la dissimulation de toute cause de nullité en ce qui concerne 1965 l'enquête préliminaire ou l'instruction : « ce que l'accusé avance comme contestation ou recours saisissant l'enquête préliminaire ou l'instruction dans le but de demander leur annulation demeure rejeté, car ce type de recours ne trouve sa place que devant la chambre d'accusation et non devant les juges du fond ; car la décision de mise en accusation de la chambre d'accusation doit dissimuler toute nullité concernant l'enquête préliminaire ou l'instruction ». On considère que la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation
du 31/05/2001 qu'« il est interdit de déclarer la nullité des enquêtes préliminaires devant la
516 autre arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, septième chambre, dans la décision n° 259 du 26/12/2001, a confirmé aussi que la chambre d'accusation jouit exclusivement, contrairement à la Cour criminelle du droit d'annuler les enquêtes 1968 préliminaires et initiales: « l'annulation des enquêtes préliminaires et primaires relève des prérogatives de la chambre d'accusation et n'entre pas dans les prérogatives de la Cour criminelle ». Également, dans un autre jugement, la chambre criminelle de la Cour de cassation certifie que « la déclaration de la nullité des enquêtes préliminaires devant la Cour criminelle est interdite, car la décision de mise en accusation doit dissimuler tous les défauts, il serait donc impossible de soulever ces défauts de nouveau devant le tribunal. Dans tous les cas, il revient à la Cour du fond d'évaluer le contenu de la déclaration initiale des accusés ainsi que le reste des déclarations contenues dans le dossier. Elle peut les adopter comme elle peut les négliger ou ignorer selon sa conviction dans ce contexte ; et que la position qu'elle adoptera de ce côté n'est pas soumise au contrôle de la Cour de cassation tant qu'elle n'envisage pas de distorsion ou de modification des faits que comportent ces déclarations 1969 ». La Cour criminelle libanaise a considéré qu'elle ne peut pas déclarer la nullité de 1965 Cour de cassation libanaise, président M. Ralph Riachi et les conseillers M. Samir Alia et M. Joseph Samaha , procès Arris/ Al Ahmad et ministère public, cité par P. Germanus, Le crime, théâtre et scène, édition 2009, p. 442, et cité par Sader cassation-pénale 1999, p. 304. 1966 Cour d'assises en droit français. 1967 Cour criminelle du Sud Liban constituée par les juges : le premier président M. Said Mirza, et les conseillers M. Hafez Eid et M. Mohammad Badran 1968 Cour de cassation libanaise, président M. Ahmad Moallim et les conseillers M. Samir Matar et M. Assem Safiyeddine, procès Nassif/mnistere public et l'État du Liban, cité par P. Germanus, Le crime, théâtre et scène, édition 2009, p. 442, et cité par Sader cassation-pénale 2000, p. 1163. 1969 Cité par Sader cassation-pénale 2003, pp. 552-553. l'enquête préliminaire malgré les défauts qui ont affecté les mesures prises y compris, en conclusion, les éléments de preuve illégale résultant de ces mesures défectueuses. Donc la Cour criminelle confirme qu' « il revient à la Cour le droit d'évaluer les preuves qui lui sont exposées, en particulier les déclarations de l'accusé dans l'enquête préliminaire et la déclaration de la décision de mise en accusation inattaquable baisse le rideau sur les défauts qui ont porté préjudice aux enquêtes préliminaires ainsi que les instructions, que sur la base de ce qui précède, il faut rejeter la déclaration du côté de l'annulation des enquêtes l'enquête 1970 préliminaire ». Au sujet de l'annulation de l'enquête préliminaire lorsqu'une preuve illégale en résulte, la Cour criminelle confirme dans son jugement son interdiction de déclarer la nullité de cette preuve illégale qui résulte des enquêtes préliminaires « la déclaration de la nullité des enquêtes préliminaires devant la Cour criminelle est interdite dès que la décision
confirme clairement que la décision de mise en accusation dissimule les défauts de l'enquête qui le précède, c'est-à-dire qu'elle dissimule l'illégalité de toute preuve résultant d'une
517 dire que la décision de mise en accusation dissimule les défauts qui la précèdent et efface toutes les erreurs qui ont saisi les enquêtes préliminaires et les instructions, et il ne devient donc plus possible de les annuler, car elles accompagnent la décision d'accusation ». 395. Évaluation de la position jurisprudentielle en droit libanais. Il semble clair que la jurisprudence au Liban considère que l'acte d'accusation dès qu'il sera inattaquable n'admet aucune demande d'annulation ou d'écartement de la preuve pénale en raison de son illégalité. Plus que cela encore, elle considère qu'elle purifie cette preuve de son illégalité, ce qui lui permettrait de prendre sa place au procès au même titre que toute autre preuve légale. La Cour décidera de sa valeur probante en vertu de sa liberté de constituer sa propre conviction. Donc, la valeur probante de la preuve illégale est la norme dans l'acceptation ou le rejet de la preuve et rien d'autre ne peut restreindre la liberté de la Cour et du juge dans l'acceptation de la preuve illégale excepté la valeur probante qu'elle représente. La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise applique cette position avec assiduité dans ses arrêts. Cette 1970 Cour criminelle du Mont du Liban, jugement n° 249 du 28/04/2004, cité par J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 2000-2004, Éditions Juridiques Sader, n° 11, p. 21. 1971 Cour criminelle du Mont du Liban, jugement n° 74 du 31/05/2001, cité par J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 2000-2004, Éditions Juridiques Sader, n° 2, p. 21. 1972 Dérogation du conseiller M. Jean Bsaybess, cour criminelle du Mont du Liban du 22/06/1999, procès Abi Chaker/Maalouf et compagnons, cité par J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 1996-1999, 1er éd., 2000, n° 45, p. 75. 518 position de la jurisprudence libanaise n'a pas été critiquée par la doctrine libanaise bien que la Cour de cassation pénale et les Cours criminelles ne se soient appuyées sur aucun texte juridique justifiant leur position. Il est logique de dire que cette position est l'une des causes de l'affaiblissement de l'application pratique du principe de la légalité de la preuve pénale dans le système judiciaire libanais et que la position de la jurisprudence ne semble pas convaincante, car elle ne se base sur aucun argument juridique pour justifier son comportement dans la reconnaissance de la purification de l'acte d'accusation du défaut de l'illégalité de la preuve pénale.
1973 V. sur la signification matérielle de l'exclusion des preuves illégales : J. Benedict, Le sort des preuves illégales dans le procès pénal, op. cit., p. 303 : « en quoi consiste exactement l'exclusion des preuves illégales ? Certaines lois de procédure pénale prévoient expressément la destruction physique des preuves viciées. D'autres indiquent simplement que celles-ci doivent être éliminées du dossier ou ne pas figurer à la procédure. D'autre enfin se contentent d'interdire au juge d'en faire usage, sans autre précision ». constituer sa conviction et non pas en raison des vices dont sont entachés ces procès-verbaux, tant que ces vices n'influent pas sur la conviction de la Cour, bien qu'il soit du devoir de la police judiciaire de respecter la loi et ses procédures durant l'exercice de ses fonctions. C'est là la conséquence d'un système juridique pénal basé sur le principe de la conviction du juge. Toutes les pièces du procès sont égales pour le juge y compris les procès-verbaux préliminaires et sont toutes soumises à son examen et son évaluation, il a le pouvoir de les accepter intégralement ou partiellement et son seul guide dans cette démarche est la
a reconnu explicitement et fortement qu'elle cherche seulement à être convaincue à n'importe quel prix et de n'importe quelle manière sans aucune considération des restrictions et limites qui doivent exister sur la liberté de l'appréciation des preuves par le juge du fond. Les principes généraux comme le principe de la légalité des preuves pénale doivent être pris en considération. 398. L'impossibilité d'annuler l'interrogatoire puisque l'acte d'accusation est inattaquable, sa valeur probante négligée. La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise considère que « si la Cour ne peut pas faire face à l'annulation de cet interrogatoire en raison du fait que l'acte d'accusation est inattaquable, elle peut cependant l'ignorer et la considérer comme simple élément de preuve au même titre que les autres éléments de preuve... Et que d'autre part, il est certain que bien qu'elles soient niées, ces déclarations accompagnent les coups et la violence, conformément aux constatations du premier juge d'instruction dans l'observation qu'il a portée dans le procès-verbal de l'interrogatoire. Ces déclarations ne sont donc plus fiables, ce qui enlève à cet interrogatoire la crédibilité ou la
519 prouve que la jurisprudence libanaise adopte la notion extrême de la liberté de preuve dans son double impact : la quête absolue de la recherche de la vérité en utilisant la liberté de la preuve et la liberté absolue dans l'appréciation de la preuve illégale sans aucune limite. 399. La liberté de la Cour criminelle de négliger la valeur probante des procès-verbaux de l'enquête en droit libanais. La Cour criminelle a considéré dans son jugement que « supposant que les officiers de police judiciaire aient violé les dispositions relatives aux 1974 Cour criminelle du Mont du Liban, le président M. Hatem Madi, jugement du 06/01/1997, cité par J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 1996-1999, 1er éd., 2000, n° 51, p. 82. 1975 Cour de cassation libanaise, président M. Ahmad Moaallem, décision n° 45 du 22/01/1998, cité par J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 1996-1999, 1er éd., 2000, n° 50, p. 81. enquêtes à l'égard de l'accusé dans le but de lui soutirer un aveu sous l'effet des coups, cela n'entraîne pas l'annulation de l'enquête en raison de l'absence d'un texte juridique à ce sujet. Bien qu'il soit possible de poursuivre ceux qui ont usé de violence si preuve en est. Au contraire, il revient à la Cour d'adopter ou de rejeter les preuves de l'enquête, ou d'effectuer une enquête supplémentaire sur les faits dont elle doute, et l'enquête préliminaire prouve ce que les officiers de la police judiciaire ont effectué comme interrogatoires, rencontres et procédures qu'il n'est pas raisonnable d'ignorer, en termes de réalité ou en termes de contenu, mais sans pour autant avoir une force contraignante, car il revient au juge de la mettre en discussion et en tirer des informations pouvant le guider s'il le juge nécessaire, comme preuves renforçant sa conviction basée sur d'autres éléments de preuve.... Et, tant que les procès verbaux des enquêtes préliminaires ne sortent pas du cadre des preuves non contraignantes, le juge n'en tire que ce qui le convainc, et il n'en est pas obligé et puisqu'il n'y a pas de texte qui oblige son annulation tant qu'elle n'enfreint pas la loi, la requête de
520 des droits fondamentaux comprise dans l'arrêt précédent est remarquable. Elle excède la logique et la philosophie du droit de punir pour sacrifier tous les principes qui protègent la société et l'individu dans le procès pénal dans le seul but de chercher des preuves par n'importe quel moyen et à n'importe quel prix. 1976 Cour criminelle du Mont du Liban, jugement n° 54, procès n° 471 du 08/03/1988, cité par J. Bsaybess, Jurisprudence des tribunaux criminels 1963-1996, 1er éd., Éditions Juridiques Sader,1997, n° 61, pp. 36-37. Section II 400. L'inefficacité et l'insuffisance de la théorie de la nullité pour pénaliser ou sanctionner l'illégalité de la preuve pénale. L'échec de la théorie de la nullité en matière pénale pour la protection des libertés des individus et la garantie de l'application effective du principe de la légalité de la preuve pénale nous contraint à réfléchir à un traitement adéquat de ce vide de la légalité sur le plan théorique et pratique 1977 . Pourquoi la nécessité de sanctionner les violations 1978 procédurales pendant la recherche de la preuve pénale? M. Emannuel Molina répond à la question précédente en considérant que « si ce n'est à considérer que les prescriptions légales applicables à la phase de recherche de la preuve des infractions ne sont que de simples recommandations, il est essentiel de prévoir l'existence d'un mécanisme de sanction procurant l'assurance que les preuves obtenues par transgression des dispositions
521 sanctionner effectivement l'illégalité de la preuve pénale exige aussi un développement intellectuel du législateur, du juge et des parties au procès pénal. Plus précisément, cela exige un développement intellectuel considérable de la société et du système juridique pour accepter le résultat de ce développement des mécanismes juridiques 1980 . En toute franchise, nous devons avoir plus d'audace pour exposer la question ou la problématique relative au développement des mécanismes et des moyens juridiques en vue de l'application pratique du 1977 V. E. Molina, La liberté de la preuve des infractions du droit français contemporain, op. cit., n° 298, p. 302 : « La certitude de la répression, dont on s'accordera sans mal à reconnaitre qu'elle est de l'intérêt de la société, conduit à cet égard le juge pénal à évincer autant qu'il lui est possible la sanction relative à la légalité de la preuve sous l'influence d'une conception restrictive des causes de non admissibilité de la preuve ». 1978 V. en droit français : H. Matsopoulou, « Un revirement jurisprudentiel favorable à l'admission des nullités », Note sous Cass. crim., 6 sept. 2006, n° 06-84.869, in JCP. G., n°19, 9 Mai 2007, II 10081 : « La question des irrégularités commises au cours des enquêtes et de l'instruction est une matière sensible. Au lendemain du Code de procédure pénale, qui avait prévu la nullité des actes en cas de violation de dispositions substantielles, la jurisprudence s'était nettement prononcée pour une interprétation restrictive, la loi ayant confié, au demeurant, aux seuls magistrats la maîtrise du déclenchement du contrôle de la régularité des actes ». 1979 E. Molina, La liberté de la preuve des infractions du droit français contemporain, op. cit., n° 302, p. 306. 1980 V. sur la détermination problématique des causes de nullité de la preuve : E. Molina, La liberté de la preuve des infractions du droit français contemporain, op. cit., n° 301, p. 306 : « La recherche d'un équilibre entre l'intérêt de la société et la protection des droits de la personne faisant l'objet de poursuites pénales confère au juge du fond un large pouvoir dans l'appréciation des nullités qui méritent d'être sanctionnées ou écartées ». 522 principe de l'illégalité de la preuve pénale. Cette audace se résume à accepter que l'accusé ne soit pas puni pour son infraction à cause de l'illégalité du mode d'obtention de la preuve pénale. Cette proposition peut sembler choquante pour certains, mais la réalité est que le respect du principe de la légalité de preuve pénale nécessite de sanctionner d'une manière efficace les éléments de preuve obtenus d'une façon illégale, par conséquent détruire la force probante de la preuve et rendre cette preuve inutilisable malgré sa véracité, et ensuite ne pas punir un coupable en se basant sur cette preuve. Si les législateurs libanais et français ne parviennent pas à cette conviction, nous ne parviendrons pas à l'étape du développement des mécanismes de l'application du principe de la légalité de la preuve pénale. Les pratiques illégales permettant de parvenir à obtenir des preuves par des moyens illégaux se développeront, particulièrement avec le développement rapide et surprenant des moyens techniques tels que les enregistrements vidéo et autres comme les téléphones portables très répandus de nos jours. Il est nécessaire que les législateurs libanais et français considèrent que le respect du principe de la légalité de preuve pénale se réalise en appliquant une sanction effective qui néglige la véracité et la force probante de la preuve illégale et ensuite considèrent cette preuve illégale non utilisable dans le procès pénal1981 . Par conséquent, le législateur doit choisir clairement de ne pas punir un accusé sur la base d'un élément de preuve illégal malgré l'existence d'une preuve contenant une puissante force probante, car tout simplement, le problème de l'illégalité de la preuve pénale est lié au moyen illégal et non à la force probante de la preuve pénale. Il faudra donc exclure la preuve illégale et ensuite anéantir la force probante de cette preuve. 401. L'excessive rigueur de la jurisprudence dans l'application du principe de la liberté du juge de constituer sa conviction. Il s'agit de l'autorisation ou du pouvoir discrétionnaire conféré au juge par le législateur concernant l'évaluation des preuves pénales dont la jurisprudence a interprété le cadre de manière extrémiste et auquel prennent part la chambre criminelle des Cours de cassation libanaise et française dont le rôle doit être de superviser ses travaux et ses dispositions et leur degré de conformité aux dispositions de la loi1982 . La rigueur 1981 V. sur ce point : A. Pellet et O. de Frouville (dir), « Les transformations de l'administration de la preuve pénale, approches et perspectives : Rapport final », Centre de droit international (Nanterre), Éditeur CEDIN, 2005, p. 189 : « Le principe bien établi de la liberté dans la production donc de l'admissibilité des preuves doit être combiné au principe de légalité, tant formelle que matérielle, dans l'administration de la preuve, qui influe directement sur la phase au procès pénal. Ainsi le juge répressif doit-il écarter les preuves qui ont été illégalement recueillies au stade de l'enquête ou de l'instruction. La collecte du mode de preuve est donc primordiale ». 1982 V. sur le pouvoir discrétionnaire du juge pénal : S. Al-Amiri, Le pouvoir discrétionnaire du juge pénal, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2013, V. spec. le résumé : « Dans toutes les étapes d'un procès pénal, de la justice dans l'octroi de la liberté absolue au juge pénal dans son pouvoir d'évaluation impose de repenser ce pouvoir absolu qui ne reconnaît pas le principe de la légalité de la 1983 preuve . Pour cela il devient nécessaire de limiter ce pouvoir absolu et de réhabiliter le principe de la légalité de preuve pénale en pensant à mettre des restrictions légales à la liberté du pouvoir du juge d'évaluer la preuve pénale, en réfléchissant à de nouveaux moyens juridiques permettant de limiter cette liberté exagérée qu'exerce la magistrature dans
523 mais il doit être exercé conformément à un ensemble de normes visant à garantir la légalité de la preuve pénale afin que la recherche de la preuve dans un État de droit ne ressemble pas à sa recherche dans une jungle ou règne la loi du plus fort, c'est-à-dire les pouvoirs publics au lieu que ce soit la légalité procédurale, pilier et base de l'État de droit qui triomphe. Par conséquent, la légalité de la preuve pénale exige de ne pas accepter toute preuve dont la recherche et l'obtention se sont effectuées de manière illégale. Si les droits libanais et français ont confié expressément au juge pénal la liberté d'apprécier les éléments de preuve pour forger sa conviction, cela ne veut pas dire que la recherche et l'obtention de la preuve peuvent se faire par n'importe quel moyen notamment au détriment des droits des individus. C'est pour cela qu'il devient impératif de trouver un nouveau mécanisme juridique qui consacre un principe général selon lequel « on ne peut compter sur la valeur d'une preuve même si elle contient une vérité effective tant que cette preuve est obtenue par un moyen illégal ». C'est cette idée que retient doctrine pénale belge qui limite la liberté d'appréciation du tribunal ou du juge de fond sur la frontière de la légalité de preuve : le juge ne peut condamner sur la base des preuves obtenues illégalement comme le soulignent MM Michel Franchimont, Adrien Masset et M. Ann Jacobs « le juge du fond doit vérifier la régularité des preuves, car il ne dès son ouverture jusqu'à sa clôture et le prononcé du verdict, le juge dispose d'un pouvoir particulier, dit « discrétionnaire », qui n'est pas soumis à un contrôle par une cour supérieure. La latitude du pouvoir discrétionnaire du juge pénal a suscité plusieurs enjeux afin de déterminer sa nature juridique et son étendue. À plusieurs reprises, l'ampleur de ce pouvoir a aussi conduit à l'enchevêtrer avec certaines notions voisines, telles que le pouvoir arbitraire, pouvoir souverain et l'intime conviction du juge... ». 1983 V. en droit français : P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en matière pénale », in D., 2004, p. 1265, v. spec. n° 4 : « Il est donc nécessaire de prévoir clairement les règles d'invalidité, la liberté de la preuve ne pouvant concerner que son appréciation. Or le droit français pèche par une insuffisance de textes et par leur clarté relative. Cette démission législative a pour but d'éviter l'annulation d'une procédure irrégulière ayant, néanmoins, permis de découvrir la vérité. Mais elle prive les nullités de leur rôle préventif, l'absence d'automaticité de leur prononcé ne dissuadant pas les acteurs du procès pénal de recourir à des modes probatoires illégaux ou déloyaux ». 1984 V, sur ce point en droit français : P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en matière pénale », in D., 2004, p. 1265, v. spec. n° 5 : « En tout état de cause, la position française est fondée sur un postulat dangereux : le principe de la liberté de la preuve justifie la recevabilité des éléments irréguliers puisque, en vertu de son intime conviction, le juge dispose de la faculté de les écarter. Mais la libre fixation de la valeur probante n'est légitime que si elle repose sur des charges régulières,...». peut fonder sa conviction que sur des preuves régulièrement obtenues » 1985 . Quant à nous, nous soutenons cet avis incarnant et assurant l'application effective du principe de légalité de la preuve pénale.
524 outil effectif permettant de bien sanctionner toute violation des droits fondamentaux. Le système de nullité en matière pénale, dans sa forme actuelle que ce soit au Liban ou en 1985 M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1041. 1986 Y. De Montigny, « Grandeur et misère du recours en exclusion de la preuve pour des motifs d'ordre constitutionnel», in Revue de droit de McGill, Vol. 40, 1995, p. 105. 1987 France , n'a pas pu assimiler le principe de la légalité de la preuve pénale pour deux 525 raisons : la première concerne l'omission du législateur libanais ou français dans son recensement des cas de nullité textuelle pour confirmer la nullité absolue d'un grand nombre de violations des procédures pénales qui produisent les éléments de preuve illégale. Les règles de procédure pénale dont le non-respect est sanctionné de nullité sont peu nombreuses en droit libanais et français. Deuxièmement, en raison de la nécessité du législateur français d'annuler l'élément de preuve illégal de prouver de l'existence d'un grief pour la mise en oeuvre de la nullité d'un acte de procédure comme l'affirme l'article 802 du CPP français 1988 qui pose le principe « pas de nullité sans grief ». Il appartient à celui qui se prévaut de la nullité comme condition de la mise en oeuvre des nullités d'un acte de procédure pénale en droit français, s'il s'agit des nullités protégeant l'intérêt privé ou d'ordre privé, d'apporter la preuve de l'existence d'un grief. En l'absence de précision sur ce qui constitue un grief, il est difficile de prouver que l'irrégularité ou l'illégalité de l'acte de procédure en a causé un 1989 sans compter l'intransigeance de la jurisprudence au Liban et en France quant à la théorie de la nullité substantielle et le fait que la jurisprudence ne tienne pas compte que l'illégalité de la preuve rentre dans la théorie de la nullité substantielle qui se base sur l'annulation des actes substantiels dans lesquels les normes et les formes procédurales n'ont pas été respectées. 1987 V. en droit français : P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en matière pénale », in Recueil Dalloz, 2004, p. 1265, v. spec. n°4 : « Il est donc nécessaire de prévoir clairement les règles d'invalidité, la liberté de la preuve ne pouvant concerner que son appréciation. Or le droit français pèche par une insuffisance de textes et par leur clarté relative. Cette démission législative a pour but d'éviter l'annulation d'une procédure irrégulière ayant, néanmoins, permis de découvrir la vérité. Mais elle prive les nullités de leur rôle préventif, l'absence d'automaticité de leur prononcé ne dissuadant pas les acteurs du procès pénal de recourir à des modes probatoires illégaux ou déloyaux ». 1988 L'article 802 du CPP français dispose : « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ». 1989 V. P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en matière pénale », in D., 2004, p. 1265, v. spec. n° 2 : « Enfin, s'intéressant moins à la cause qu'aux effets de l'irrégularité commise, la loi introduit le grief comme l'étalon de mesure de la gravité de l'inobservation des règles légales. Cette présentation est inadaptée : elle procède d'une confusion entre le rôle inhérent à la nullité, la sanction de la violation de la loi et des principes fondamentaux, et un rôle qui lui est étranger, la réparation d'un préjudice ». 526 A. La nécessité de se concentrer sur les procédures qui sont en rapport direct avec la preuve pénale. 404. La nécessité de développer la théorie de la nullité. Le développement de la théorie de la nullité veut dire l'orienter dans le sens ou elle assimilerait un nombre plus grand et plus précis des procédures pénales et précisément les procédures qui produisent les éléments de la preuve pénale et ce développement dans la théorie reflétera une volonté claire et évidente du législateur d'adopter les cas nouveaux de nullité qui n'étaient pas stipulés auparavant, ce sera ainsi une consécration au principe de la légalité de la preuve pénale à travers la nullité des procédures pénales qui ont produit une preuve illégale en raison de leur non-application des procédures suivant le modèle imposé par le législateur. Cette évolution dans les cas de nullité relative à la preuve illégale reflète l'intention du législateur de traiter sérieusement et rigoureusement avec les infractions et les violations qui se produisent durant l'application des procédures pénales lors de la recherche des preuves. Il devient nécessaire de développer la théorie de la nullité dans les systèmes juridiques libanais et français en adoptant la théorie de la nullité textuelle, mais dans ce cas il faudra consacrer tous les cas de nullité dans lesquels la preuve est illégale en veillant à ce que soient consacrés tous les cas de façon précise et évidente sans aucune confusion. Étant donné que le système français et libanais adopte la théorie mixte de la nullité, c'est-à-dire la nullité textuelle et la nullité substantielle côte à côte et en droit français avec la règle « pas de nullité sans grief », il faudra également développer la doctrine de la nullité substantielle pour rajouter le concept de la nullité pour illégalité de la preuve côte à côte avec les droits de défense, les procédures fondamentales et un procès équitable, et ce pour garantir la fuite de toute preuve illégale de la sanction de nullité au cas où elle n'est pas prévue dans les dispositions parmi les cas de nullité textuelle. Ce qui signifie, en d'autres termes, qu'il faut se concentrer sur un concept nouveau de la nullité qui se base sur la formulation de la nullité fondée sur l'illégalité de la preuve au lieu de focaliser uniquement et exclusivement sur les critères de la nullité relatifs à l'intérêt général, les procédures fondamentales et les droits de défense. 527 B. La résolution du problème de la preuve illégale produite par les parties privées. 405. L'assimilation de la théorie de la nullité des éléments de preuve qui ne sont pas considérés actuellement comme acte de procédure. L'une des raisons majeures de l'échec de la théorie de nullité en droit libanais et français 1990 est le manque d'intérêt de cette théorie à faire face à la sanction des éléments de preuve qui sont directement injectés des parties privées du dossier du procès pénal et qui ne sont pas considérées comme des actes de procédure. Parmi les conséquences de ce problème, la sortie d'éléments de preuve illégale présentés par les parties privées dans le procès pénal du cadre de la théorie de la nullité et l'acceptation de la jurisprudence à ces preuves illégales en raison d'absence du texte juridique qui exige l'écartement de ces éléments de preuves de la liberté d'appréciation du juge. Il est logique et souhaitable que les législateurs libanais et français recherchent un mécanisme juridique permettant à la magistrature d'annuler cette preuve illégale et la sortir du dossier du procès pénal et détruire ainsi sa force probante, et cela ne peut se réaliser que grâce à une intervention législative évidente qui soumet ces preuves expressément et sans la moindre ambiguïté à la théorie de la nullité par des textes clairs et sans équivoque, car c'est l'une des raisons majeures de la non-application effective du principe de la légalité de la preuve pénale par la justice libanaise et française. Il faut rappeler que les juges français énoncent qu'aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties, au seul motif qu'ils auraient été obtenus de manière illicite ou déloyale et que la jurisprudence européenne ne réglemente pas l'admissibilité des preuves qui relève du droit interne ; qu'en en tout état de cause, l'élément de preuve procuré par un particulier ne peut faire l'objet d'une annulation dès lors que n'émanant pas d'un magistrat ou d'un service d'enquête, il ne constitue pas un acte de procédure. La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française est stable dans ce sens, elle déclare que l'absence de disposition légale ou d'un texte de loi empêche le juge répressif d'écarter un moyen de preuve illégal produit par les parties 1991 « attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt énonce 1990 V. sur ce point en droit français: P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en matière pénale », in D., 2004, p. 1265, v. spec. n° 5 : « En définitive, le droit français s'intéresse aux effets de la méconnaissance des dispositions légales sur la personne concernée. Or la nullité n'est pas une faveur accordée à une partie, mais une garantie du bon fonctionnement de la justice. En d'autres termes, la sanction d'une irrégularité procédurale participe de l'intérêt général ». 1991 Cass. crim., 27 janvier 2010, B.C., n° 16 : « Aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter des moyens de preuve remis par un particulier aux services d'enquête, au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale ; il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de qu'aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils avaient été obtenus de façon illicite ou déloyale, et qu'il leur appartient, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en
criminelle de la Cour de cassation juge qu'«aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale. Il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante après les avoir soumis à la discussion contradictoire. Méconnaît ce principe la Cour d'appel qui, dans une procédure suivie du chef de discrimination, refuse d'examiner les éléments de preuve obtenus par les parties civiles au moyen du procédé dit " testing ", consistant à solliciter la fourniture d'un bien ou d'un service à seule fin de constater d'éventuels comportements discriminatoires,
528 aussi juge qu'« aucun texte de procédure pénale n'interdit la production par le plaignant à l'appui de sa plainte de pièces de nature à constituer des charges contre des personnes visées dans celle-ci, lesdites pièces ne constituant pas des actes de l'information susceptibles d'être annulés en application de l'article 172 du Code de procédure pénale. Il appartient aux juridictions répressives d'en apprécier la valeur au regard des règles relatives à 1994 . l'administration de la preuve des infractions » C. Vers une théorie de la nullité de la preuve pénale. 406. Constitution de la théorie de nullité de la preuve pénale. L'échec de la théorie des nullités des actes de procédure en droit libanais et en droit français 1995 à sanctionner les multiples aspects des violations du principe de légalité de preuve pénale nous conduit à réfléchir à un moyen qui développe la notion de nullité afin d'assurer une sanction efficace à procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante, après les avoir soumis à la discussion contradictoire des parties ». 1992 Cass. crim., 24 avril 2007, B.C., n° 108, p. 516. 1993 Cass. crim., 11 juin 2002, B.C., n° 131, p. 482. 1994 Cass. crim., 23 juillet 1992, B.C., n° 274, p. 744. 1995 V. en droit français : P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en matière pénale », in Recueil Dalloz, 2004, p. 1265, v. spec. n°3 : « Les lacunes et les incertitudes des dispositions légales révèlent une double dénaturation des nullités de l'information. D'une part, en faisant du grief le principal fait générateur des nullités, la loi dénature la fonction essentielle de la nullité. D'autre part, maître de fixer le contenu des formalités d'ordre public ou d'intérêt privé, le juge pénal modifie souverainement la qualification des nullités. Il opère ainsi, au gré des espèces, une dénaturation de la notion de nullité ». 529 la diverse illégalité de preuve. Par conséquent, le processus de filtrage des preuves peut jouer un rôle essentiel pour prononcer la nullité de preuves illégales en ouvrant le droit aux parties du procès pénal de présenter une demande d'annulation de la preuve illégale avant la plaidoirie devant la Cour. Par ailleurs, la Cour devra examiner cette demande de nullité de preuve pour filtrer les preuves et exclure les preuves illégales du dossier pénal avant de juger la culpabilité ou l'innocence de l'auteur et avant le début des plaidoiries. Le but de ce mécanisme est d'ouvrir la voie pour les parties à demander la nullité de la preuve illégale à une période très importante qui est l'étape précédent l'appréciation de la valeur probante des preuves par le juge, de manière à ce que cette procédure constitue une sorte de filtrage de preuve dans le dossier pénal permettant de ressortir les preuves illégales du cadre de l'intime conviction du juge ou du champ de la liberté du juge à évaluer les preuves. Ce mécanisme de filtrage des preuves a pour but de faire sortir les éléments de preuve illégaux du cadre de la conviction de la Cour qui va juger l'affaire pénale, de façon que n'entrent dans le cadre de la liberté de la Cour de constituer sa conviction que les preuves correctes. À partir de là, nous pourrons à travers ce mécanisme juridique mettre fin au problème de la purification de l'acte d'accusation à tous les types d'illégalités de preuves pénales. Car il n'est ni logique ni équitable de ne pas permettre à l'accusé de demander la nullité d'un élément de preuve illégal devant la Cour du fond qui va décider la culpabilité ou l'innocence d'une personne accusée, simplement parce qu'il a tardé à soulever la question de l'illégalité de la preuve devant la chambre d'accusation en droit libanais et la chambre d'instruction en droit français ou le juge d'instruction. Le silence de l'accusé à divulguer avoir subi de la coercition lors de l'une des étapes de son interrogatoire ne peut pas nier totalement cette coercition, qu'elle soit physique ou morale. De plus, il n'est pas correct d'estimer que l'accusé qui demande le rejet d'une preuve illégale devant le tribunal le fait de façon tardive. Au contraire, le moment opportun pour soulever cette défense est justement lors du déroulement du procès pour lequel la loi garantit à tout accusé son droit d'exprimer ses défenses et ses arguments. La conviction du juge doit se baser sur une preuve résultant d'une procédure correcte et légale, donc il est souhaitable d'adopter un mécanisme juridique qui permet à l'accusé de demander à la Cour ou au juge du fond d'exclure un élément de preuve illégal du dossier pénal et la Cour devra rejeter ou accepter la demande avec une décision motivée. Évidemment, toute preuve ayant été considérée comme illégale par la Cour doit être ensuite écartée du champ des éléments qui emportent la conviction du juge sur laquelle repose le jugement, c'est-à-dire comme preuve de jugement.
530 1996 G. Stefani, G. Levasseur et B. Bouloc, Procédure pénale, 23e éd., Dalloz, 2012, n° 938, p. 967. 531 cassation libanaise et française n'exercent aucun contrôle sur l'appréciation de la preuve faite par la Cour du fond parce que la Cour de cassation n'exerce qu'un contrôle de droit et l'illégalité de preuve n'est pas une cause de cassation directe en droit libanais et en droit français. Cela signifie que le contrôle de la légalité de la preuve s'échappe du champ de contrôle de la Cour de cassation. On peut conclure encore que l'appréciation de la preuve, c'est-à-dire l'intime conviction du juge, échappe à tout contrôle de la part de la Cour de cassation puisqu'elle n'est pas un deuxième ou un troisième degré de juridiction et qu'elle n'exerce pas son contrôle sur les faits dont l'appréciation est laissée au pouvoir souverain des juges du fond selon une jurisprudence stable en droit libanais et en droit français. Dans l'intention de contrôler la recevabilité de la preuve illégale et indirectement la liberté de l'appréciation souveraine du juge de fond pour le réduire à une liberté non absolue, il est indispensable que les Cours de cassation libanaise et française exercent un contrôle efficace sur les éléments forgeant l'intime conviction du juge de fond en imposant l'exclusion de la preuve illégale. Comment atteindre ce but? Une intervention législative ouvrant aux justiciables le pourvoi en cassation peut introduire une nouvelle cause de cassation qui serait « l'illégalité de la preuve pénale ». Cette intervention législative aurait pour but d'assurer l'application du principe de la légalité de preuve pénale qui contrôle la recevabilité des preuves illégales par le juge du fond en adoptant de nouvelles causes de pourvoi en cassation devant la chambre criminelle de la Cour de cassation en droit libanais et français. Un arrêt remarquable de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise montre que la Cour de cassation n'exerce aucun contrôle sur la recevabilité des éléments de preuve illégaux par la Cour criminelle « l'avocat de défense (de l'accusé) avait plaidé devant la Cour criminelle (d'assises en droit français) et a fait valoir les motifs et les causes de défense dont la nullité des enquêtes préliminaires obtenues sous les coups, la coercition et la torture, et ce que suscite la partie plaignante des aspects cités plus haut ne constitue pas un motif ou raison de défense selon le concept juridique exact, mais considéré comme l'un des mécanismes permettant de nier la responsabilité pénale... et dans tous les cas, l'évaluation de la substance des déclarations contenues dans les enquêtes préliminaires et l'adoption de l'une ou de certaines d'entre elles et la négligence d'autres, et donc les adopter comme preuves parmi d'autres d'incrimination ou de non-incrimination, est une question qu'il revient à la Cour criminelle de décider, conformément à sa conviction dans ce contexte, et ce qu'elle en décide n'est pas soumis au contrôle de la Cour de cassation tout comme la question de la 532 disponibilité des preuves incriminantes demeure à son tour sujette à l'évaluation de la Cour
A. Proposition visant à ajouter une nouvelle cause de cassation.409. Contradiction entre le rôle de la Cour de cassation et l'adoption de la violation de la légalité de preuve comme nouvelle cause de cassation. Le Code de procédure pénale libanais a limité les causes de l'acceptation en cassation des dispositions pénales et n'a pas autorisé la Cour de cassation à s'ingérer dans la conviction du tribunal de première instance. Le pourvoi de cassation devant la Cour de cassation, dans les jugements définitifs établis par la Cour criminelle et la Cour d'appel pénale n'est pas considéré comme un des degrés objectifs de litige dans lequel le procès est exposé pour un nouvel examen, mais comme un type particulier de recours dans lequel est exposé un type particulier de contrôle purement juridique. La Cour de cassation est une Cour de droit seulement. En principe, la Cour de cassation est considérée comme locution ou métaphore d'un cours de droit, et n'accorde pas d'importance au fond ou aux faits, c'est pourquoi les moyens de cassation doivent être des points de droit qui n'ont pas de relation avec les faits ; ce qui incite à poser une question, qui est : quel est ce fond ou quels sont ces faits qui ne sont pas admis comme moyens de cassation du jugement pénal et qu'entend-on par les points ou les causes de droit qui doivent constituer les moyens de pourvoi en cassation; afin d'éviter toute confusion, il faut étudier le premier point pour comprendre le deuxième. En réalité, afin de connaître la signification du fond, il faut analyser de plus près le travail du juge pénal de fond ; ce dernier effectue deux opérations pendant l'examen ou l'étude de l'action pénale. La première est le rassemblement des preuves et leur examen, la deuxième opération est la constitution d'une conviction dans l'affaire, sur la base des preuves qui ont été rassemblées afin de dévoiler la vérité dans l'affaire, c'est ce qu'on appelle l'enquête judiciaire. Sur ce, nous pouvons déterminer le fond ou les faits qui ne doivent pas constituer des moyens de cassation, car tout ce qui entre dans le cadre de l'enquête judiciaire, fait partie de la tâche du juge du fond. Il n'est donc pas possible, dans un pourvoi en cassation, de demander d'ajouter une preuve qui n'a pas été présentée devant le tribunal du fond, telle qu'entendre des témoins, interroger un prévenu, le déplacement pour constations et affrontement et demander la désignation d'un expert, et même aborder les termes et éléments de ces preuves, car ceci 1997 Cour de cassation libanaise, chambre 6, organe de la Cour : le président M. Ralph Riachi et les conseillers M. Khodor Zanhour et M. Borkane Saad ; procès Al Majdoub et Mahmoud / ministère public, jugement n° 59 du 19/02/2004, cité par Sader Cassation- pénal 2004, p. 510. 533 entre dans le cadre de l'enquête judiciaire dont le juge du fond se charge, et qui achève sa mission, une fois le jugement pénal rendu. Aussi, il n'est pas possible de faire un pourvoi en cassation contre la conviction du juge du fond, qui est libre de la constituer. En effet, le juge rend sa décision dans un cas, selon la conviction qu'il a constituée conformément au principe de la liberté de conviction du juge. Cependant, la liberté de conviction du juge n'est pas absolue, car il faut que le juge du fond se base, dans la constitution de sa conviction, sur les preuves et les voies définies par la loi. Il faut, donc, que cette conviction soit basée sur les moyens de preuves déterminées dans la loi de façon limitative ; le juge ne doit pas juger un cas en se basant sur son savoir personnel par exemple ou sur une preuve nulle ou illégale. A partir de ce dernier point, nous pouvons dire qu'il faut considérer que le contrôle de la légalité de la preuve pénale est un des moyens de cassation, car il concerne le contrôle juridique de la légalité des preuves et n'entre pas dans le cadre du contrôle des faits, mais du contrôle de la loi qui doit être exercé par la Cour de cassation sur les tribunaux de degré inférieur, c'est-à-dire les tribunaux de base (de première instance). Et étant donné que la jurisprudence de la chambre criminelle des Cours de cassation libanaise et française refuse d'imposer leur contrôle sur la légalité de la preuve pénale dans la constitution de la conviction du juge pénal dont résultera le jugement pénal, il est devenu indispensable que le législateur intervienne au Liban et en France, afin de créer un mécanisme juridique qui ouvre le domaine de façon claire et explicite à la Cour de cassation pour exercer un contrôle strict de la légalité de la preuve pénale qui sera utilisée par le juge du fond, à travers le rajout d'un moyen nouveau dans le Code de procédure pénale libanais et français qui autorise un contrôle strict de l'utilisation ou l'admission de preuves illégales dans l'action pénale. L'application pratique du principe de la légalité des procédures, y compris dans le domaine de la preuve pénale, nécessite un contrôle judiciaire strict du recours à une preuve illégale ou son admission. Ceci est le seul moyen pour garantir la non-utilisation par les juges d'une preuve illégale dans leurs jugements. Et étant donné que la Cour de cassation est une juridiction de loi, elle contrôle l'application des juridictions de moindre degré des textes de loi, nous proposons le rajout d'un moyen de cassation nouveau contre les décisions pénales ; ce nouveau moyen serait nommé « jugement basé sur une preuve illégale ». Ce nouveau moyen que le législateur peut rajouter en plus des moyens de cassation actuels dans la législation libanaise et française, permettrait pour la première fois une assimilation des moyens de cassation comme un nouvel outil de contrôle de la légalité, qui prendrait en charge de façon claire et sans équivoque, le contrôle précis de la liberté d'appréciation des juges du fond, lorsqu'ils fondent leurs jugements sur des preuves illégales.
propos, Mme le professeur Michèle-Laure Rassat a fait au législateur français une proposition très importante en 1996 visant à reformuler texte de l'article 6 du Code de procédure pénale, de la façon suivante : Article 6. « la victime constituée partie civile peut participer à l'établissement de la preuve pénale dans les limites de la loi ». L'objectif de cette reformulation est clairement de contrer la position de la Cour de cassation « cet article à pour but de casser la jurisprudence de la Chambre criminelle sur la question. La Chambre criminelle estime que la partie civile peut déposer tout ce qu'elle veut comme élément de 1998 . preuve à l'appui de son action civile sans se soucier de la façon dont elle l'a recueilli » Pour renforcer son excellente proposition de réforme Mme Rassat critique l'argument classique de la chambre criminelle de la Cour de cassation française « l'argument de la Chambre criminelle est de dire que ce que la victime dépose concerne son action civile aux fins d'indemnisation et ne constitue donc pas une preuve pénale. L'ennui c'est qu'il n'y a pas de séparation véritable entre le dossier pénal et le dossier civil et que les éléments de preuve déposés par la partie civile peuvent ensuite et très officiellement servir de base à la condamnation pénale proprement dite. Ce sont donc bien de véritables preuves pénales, de
535 le manque de logique de la position de tolérance de la chambre criminelle de la Cour de cassation française. Mme Michèle-Laure Rassat avance un autre argument très important « la position de la Chambre criminelle est donc inadmissible. Dès lors qu'une preuve est déposée au dossier pénal, elle doit avoir respecté toutes les règles prévues pour lui et à quoi servirait de limiter au juge d'instruction et d'interdire aux policiers, par exemple, de procéder à des enregistrements téléphoniques si les particuliers peuvent le faire sans aucun contrôle, puis déposer leurs enregistrements au dossier ce que la Chambre criminelle trouve tout à fait 2000 normal ». Enfin, Mme Rassat explique le but de cette proposition : « la rédaction a pour but de tenir compte du fait que la victime ne peut pas respecter l'ensemble des règles imposée 1998 M.-L.Rassat, « Propositions de réformes de la procédure pénale », in La documentation Française : Proposition de la réforme de la procédure pénale, Remise au ministre de la justice M. Jacques Toubon, 1996, p. 52. 1999 M.-L. Rassat, « Propositions de réformes de la procédure pénale », in La documentation Française : Proposition de la réforme de la procédure pénale, Remise au ministre de la justice M. Jacques Toubon, 1996, p. 52. 2000 M.-L. Rassat, « Propositions de réformes de la procédure pénale », in La documentation Française : Proposition de la réforme de la procédure pénale, Remise au ministre de la justice M. Jacques Toubon, 1996, p. 52. aux autorités publiques (elle n'a pas la possibilité de faire une véritable perquisition) mais 2001 qu'on doit lui imposer de s'en rapprocher le plus possible et en tout cas d'être loyale » . 536 412. Notre avis concernant la proposition de Mme Michèle-Laure Rassat. Les arguments et les justifications de la position de la Cour de cassation française en faveur de l'acceptation de cette preuve illégale sont inadmissibles parce qu'ils reposent sur l'idée qu'il faut pas considérer que la partie civile présente une preuve au dossier du procès pénal au sens strict du mot. En outre, il ne s'agit pas d'une preuve, mais seulement d'un élément de la preuve soumise à l'appréciation du juge. Cet argument est inadmissible parce qu'il est clair que la décision du juge émanant de sa propre conviction ne peut pas exclure l'impact de tout élément au dossier tant que cet élément est soumis à son étude et à son examen. Chaque élément peut contribuer à des degrés divers à la formation de la conviction du juge. Même si le juge ne peut pas se baser sur cet élément directement pour la justification de sa conviction, celui-ci peut quand même influencer sa conviction et même le convaincre de juger de la culpabilité, sans pour autant le mentionner d'une manière explicite dans l'explication de jugement. Ainsi, chaque élément contribuant à la formation de la conviction du juge est une preuve au sens large du mot, qui constitue le les piliers du jugement par sa valeur probante. Sur ce point, nous suivons l'avis du professeur Mme Michèle-Laure Rassat. La position de la chambre criminelle de la Cour de cassation française soulève un grand nombre des questions difficiles relatives à la façon de faire pénétrer une preuve illégale dans le dossier du procès pénal et la placer devant le juge pour qui elle servira de base pour prononcer la culpabilité. La conséquence en est que la personne civile devient libre de toute restriction légale et légitime, alors que la police judiciaire et le juge d'instruction sont obligés d'appliquer la loi et la légitimité procédurale dans la recherche de la preuve pénale. À ce propos, une question s'impose : est-il permis aux civils d'avoir des autorités plus larges que celles de la police et la justice dans la recherche de la preuve pénale? La Cour de cassation française encourage-t-elle les personnes civiles à prendre des initiatives individuelles pour chercher la preuve de la culpabilité de l'infraction commise à leur encontre ? Ces jugements de la Cour de cassation sont-ils justes et conformes à l'État de droit ? Le texte proposé par le professeur Mme Michèle-Laure Rassat vise, selon ses propres termes, à forcer la victime à 2001 M.-L. Rassat, « Propositions de réformes de la procédure pénale », in La documentation Française : Proposition de la réforme de la procédure pénale, Remise au ministre de la justice M. Jacques Toubon, 1996, p. 52. 537 rester autant que possible dans le cadre ou le champ légal imposé aux pouvoirs publics lors de la recherche de la preuve pénale. 413. Proposition ambiguë qui peut affaiblir indirectement le droit à la preuve pour la personne poursuivie. Mme Michèle-Laure Rassat propose d'ajouter au Code de procédure pénale français un article 7 formulé ainsi « la personne poursuivie n'est tenue de participer ni au rassemblement ni à la discussion des preuves produites contre elle ou en sa faveur. Elle 2002 peut garder le silence ». Ce texte exprime clairement le droit au silence, mais sa lecture attentive montre qu'il affaiblit la position de l'accusé ou de la personne poursuivie pour commettre l'infraction en lui laissant croire qu'il n'a pas besoin de défense. Nous croyons que le texte proposé fait perdre à l'accusé ou au défendeur l'élément de l'initiative dans le procès pénal. En effet, en admettant qu'il est théoriquement acceptable de proposer la non-participation de l'accusé à la collecte de preuves, il est inacceptable de proposer sa non-participation au débat de la preuve car ce débat et sa confrontation avec la logique et les arguments sont parmi les aspects les plus importants du droit de la défense, en plus d'être une manifestation directe du principe de la légalité de la preuve pénale, qui exige que la preuve soit soumise à un débat public et oral. Ajoutons qu'il n'est pas possible de restreindre l'action de l'accusé ou du défendeur dans la recherche ou la participation à la recherche de la preuve de son innocence sous l'autorité claire de l'idée que l'accusé est coupable jusqu'à preuve du contraire. C'est ce qui se produit en réalité dans la pratique même si théoriquement, le principe de la présomption d'innocence domine. En effet, la présomption d'innocence n'a pas réellement un effet important puisque l'enquête repose toujours sur l'hypothèse que le suspect est l'auteur, en dépit du fondement de cette hypothèse sur l'existence d'une preuve faible. Il existe donc un facteur psychique pour les enquêteurs et les juges qui les pousse inconsciemment à la recherche de la preuve de culpabilité au lieu de la recherche de la preuve de l'innocence. Ainsi, le suspect, le défendeur ou l'accusé devient seul dans ce champ de bataille judiciaire sans instrument réel à sa disposition pour confronter les preuves recueillies contre lui pour le condamner, à part le principe théorique de la présomption d'innocence. Par conséquent, il n'est pas possible d'admettre un texte semblable à celui proposé par le professeur Mme 2002 M.-L. Rassat, « Propositions de réformes de la procédure pénale », in La documentation Française : Proposition de la réforme de la procédure pénale, Remise au ministre de la justice M. Jacques Toubon, 1996, p. 53. 538 Michèle-Laure Rassat limitant le rôle de l'accusé ou le défendeur dans la recherche de preuves. Mme Michèle-Laure Rassat propose encore la nouvelle formulation suivante à l'article 9 du Code de procédure pénale français : « La preuve pénale est libre. Sont toutefois irrecevables les éléments de preuve recueillis au moyen d'infractions pénales. Un élément de preuve n'est, d'autre part, recevable qu'autant que la procédure prévue pour son recollement a été intégralement et régulièrement respectée et que la mise en oeuvre de cette procédure ne 2003 porte pas atteinte à la dignité de la personne humaine ». Cette proposition a pour but de répondre à la jurisprudence de la Chambre criminelle évoquée ci-dessus à propos de l'article 6 et de compléter le principe de liberté de la preuve par le principe de sa légalité : on peut admettre n'importe quelle pièce mais il faut que la perquisition et la saisie aient été régulières et n'importe quel témoignage à condition qu'il n'ait pas été recueilli sous la torture ni avec La proposition du professeur Michèle- 2004 l'usage d'un prétendu détecteur de mensonges, etc. Laure Rassat contribue au renforcement du principe de la légalité de la preuve pénale affirmant clairement que la preuve pénale obtenue au moyen d'un crime est inacceptable et que les éléments de preuve sont inadmissibles sauf dans le cas de leur respect de la légalité de la preuve, et que cette procédure de recherche de la preuve ne porte pas atteinte à la dignité de la personne humaine. Nous estimons que le texte proposé par Mme Michèle-Laure Rassat est une démarche avancée et nécessaire dans l'établissement du principe de la légalité de la preuve d'une manière claire. En outre, ce texte représente un mécanisme rigoureux pour sanctionner la preuve illégale loin du cadre de la théorie de la nullité pénale qui est selon nous un mécanisme primitif non suffisamment développé pour assurer l'application efficace et efficiente du principe de la légalité de la preuve pénale. Le législateur libanais aurait lui aussi intérêt à s'inspirer des suggestions de Michèle-Laure Rassat en adoptant le texte proposé pour en faire un article de base dans le Code des procédures pénales concernant l'organisation de la recherche des preuves pénales dans le droit libanais. 2003 M.-L. Rassat, « Propositions de réformes de la procédure pénale », in La documentation Française : Proposition de la réforme de la procédure pénale, Remise au ministre de la justice M. Jacques Toubon, 1996, p. 53. 2004 M.-L. Rassat, « Propositions de réformes de la procédure pénale », in La documentation Française : Proposition de la réforme de la procédure pénale, Remise au ministre de la justice M. Jacques Toubon, 1996, p. 53. 539 C. Le rejet de la sanction.
540 2005 toute justice ». Malheureusement, de nos jours on peut trouver indirectement que l'avis de M. Jeremy Bentham est toujours appliqué jusqu'à maintenant par la jurisprudence libanaise et française et dans la position de la doctrine pénale. La loi, que ce soit en France ou au Liban laisse au juge la liberté de constituer sa conviction afin de juger l'affaire pénale, et donc il est libre de préférer une preuve à une autre, en fonction de la preuve qui lui a été présentée et de sa force probante, mais le juge tout en effectuant cette opération, doit toujours prendre en considération le fait que cette liberté dont il jouit n'est pas une liberté absolue, mais doit se tenir aux frontières du principe de la légalité de la preuve pénale, des principes constitutionnels et conventions internationales, qui ont été reconnus par l'État et qui sont devenus une partie intégrante de son système juridique. Dans ce cadre, la grande question qui se pose est de savoir comment le juge peut-il accepter de s'appuyer sur des preuves obtenues en violation des principes qui protègent la liberté de l'individu, la vie privée, la confidentialité et la légalité de la procédure ? Y a-t-il un texte de loi ou un mécanisme légal qui oblige le juge à écarter la preuve illégale des preuves sur lesquelles il s'appuie pour la constitution de sa conviction, indépendamment de la force probante de cette preuve illégale ? La réponse est négative. Il n'existe aucune disposition légale claire en droit libanais et en droit français qui oblige le juge du fond à écarter la preuve illégale du dossier pénal.et la simple existence de cette preuve illégale dans le dossier permet indirectement au juge de constituer effectivement son intime conviction sur cette preuve illégale. Il est nécessaire d'évoquer le problème de l'influence de la preuve illégale sur l'intime conviction du juge. Il est impossible de nier que la présence d'un élément de preuve illégal mais fiable dans le dossier pénal va exercer une influence sur la formation de l'intime conviction du juge du fond. Donc, il serait souhaitable d'exclure les éléments de preuve illégaux du dossier pénal avant que le juge apprécie librement les preuves pour forger son intime conviction. La solution efficace est d'éliminer la preuve illégale du dossier pénal pour entraver la valeur probante de cette preuve illégale. Une jurisprudence constante de la chambre criminelle des Cours de cassation libanaise et française a expressément affirmé que la Cour de cassation n'exerce aucun contrôle sur la liberté d'appréciation de la preuve dont dispose le juge du fond pour accorder aux éléments de preuve une valeur probante. Par conséquent, le juge du fond peut être influencé directement, psychologiquement et intellectuellement par cette preuve illégale qui est présente dans le dossier de l'affaire en se basant sur une autre preuve moins crédible et insuffisante pour motiver son jugement. Les législateurs libanais et français doivent trancher la question de la preuve illégale. Le législateur doit choisir l'efficacité du droit de punir à travers la légalité 2005 J. Bentham, Traité des preuves judiciaires, traduit par Etienne Dumont, Bossange frères Libraires-Editeurs, Paris, 1823, t. 2, p. 96. pour rassembler les preuves de l'infraction et d'en rechercher le ou les auteurs. Le législateur dans un État de droit ne peut pas choisir l'efficacité de la justice répressive et punir par n'importe quels moyens parce que l'assurance du droit de punir ne peut se faire au détriment du principe de légalité. Il est inadmissible de sacrifier la garantie des droits de l'homme et des droits fondamentaux dans le procès pénal afin d'assurer seulement l'application du droit de punir. Il est important de souligner que le principe de la légalité de la preuve ne doit pas être lié à la fiabilité et véracité de la preuve, parce que sous la pression des moyens illégaux comme la contrainte ou la violence, l'accusé ou le prévenu souvent est prêt à dire la vérité pour que la douleur et la pression cessent. Et parfois, l'accusé ou le prévenu est prêt à avouer n'importe quoi sous la torture et la contrainte. On doit se focaliser sur les éléments de preuve fiables ou qui présentent suffisamment d'indices de fiabilité mais obtenus de manière illégale. Par exemple, une preuve illégale qui a été extorquée par un moyen illégal mais qui, en même temps, présente la vérité. La question est de savoir s'il est acceptable, dans un État de droit, d'utiliser une preuve illégale afin de punir un coupable. Est-il acceptable qu'un juge prenne en considération, pour former son intime conviction, une preuve illégale qui présente la vérité en ignorant la source illégale de cette vérité ? Le juge est-il tenu d'écarter la valeur probante fiable d'une preuve parce qu'elle a été obtenue de manière illégale et par conséquent de négliger la vérité qui en résulte ? 416. L'application du principe de la légalité de preuve nécessitant de sacrifier le droit de punir d'une manière limitée et relative. L'application du principe de la légalité de la preuve pénale de la façon qui a été développée plus haut, signifie réellement que certains accusés échapperont à la sanction de manière légale, sachant que si la preuve illégale a été prise en considération par la Cour, ceci conduirait à leur inculpation alors qu'ils sont réellement coupables, car la preuve illégale possède une force probante suffisante pour convaincre la Cour ou le juge de leur inculpation. Nous pouvons donc déduire que c'est la conséquence
541 se pose est : est-ce que cette conséquence logique de l'application effective de ce principe est acceptable ? Et sera-t-elle acceptée par la société et le système juridique ? Probablement, cette conséquence peut ne pas être acceptée ni par la société ni par le système juridique, cependant elle est la conséquence inévitable de l'application effective du principe de légalité de preuve pénale. Dans la vie juridique, il y a beaucoup d'exemples de personnes innocentes 2006 V. S. Berneman, « L'admissibilité de la preuve dans un système continental : Le modèle belge », in R.D.P.C., 2007, pp. 298-343, V. spec. p. 341 : « La légitimité morale d'un système de droit doit être préservée si l'on veut qu'il garde son autorité envers les justiciables. (...)L'application sans nuance de la règle d'exclusion ne fait qu'augmenter la méfiance du citoyen envers l'intégrité de la justice et sape l'autorité de l'État de droit ». condamnées à de lourdes peines, bien qu'elles n'aient pas commis de crime, mais qui pour une raison ou une autre, n'ont pas pu rassembler des preuves convaincantes pour les opposer à celles qui les inculpent ou suffisantes pour modifier la conviction de la Cour ou du juge. Il est donc clair que parfois, certains individus sont victimes de jugements pénaux injustes à cause de défaut de preuve pénale ou d'incapacité de ces individus de présenter la preuve de leur innocence, et la société respecte le jugement de la loi et la conviction de la Cour qui a rendu la décision d'inculpation bien que cette société sache que l'accusé a été condamné alors qu'il n'a pas commis l'acte. On rappelle certaines expressions significatives comme « mieux vaut
542 that ten guilty persons escape than that one innocent suffer », c'est-à-dire « que dix coupables 2008 échappent à la justice plutôt que souffre un seul innocent ». A partir de cette logique, la question qui se pose est la suivante, pourquoi ne pas se comporter de la même façon et appuyer l'application du principe de la légalité de la preuve pénale avec ses bons et mauvais côtés, c'est-à-dire, pourquoi ne pas accepter qu'un criminel échappe à la sanction, car la preuve de son inculpation a été obtenue de façon illégale en violation des droits fondamentaux des individus dans la société, des valeurs humaines et des principes juridiques et constitutionnels de l'État? La question essentielle est pourquoi est-il difficile d'accepter l'idée de rejeter la peine, c'est-à-dire ne pas punir un accusé dont ses droits fondamentaux ont été violés ? L'autorité judiciaire et policière qui a rassemblé les preuves illégales doit comprendre que nul ne peut violer les droits de l'homme et le principe de légalité dans la recherche de preuves, car ces droits et principes bafoués sont protégés par la loi, et la police et la justice ne peuvent obtenir et réunir la preuve de l'inculpation qu'en suivant la voie légale et aucune autre. Le fait de ne pas punir un accusé en écartant les preuves illégales du dossier pénal est mieux qu'accepter que l'État et ses autorités sécuritaires et judiciaires violent les droits et libertés des membres de la société et les textes de loi à chaque fois qu'une infraction est commise, en voulant rassembler les preuves pour arrêter celui qui l'a commise.. Il est certain qu'il n'y a pas de contradiction entre l'application de la loi conformément au principe de la légalité des procédures et la preuve pénale d'une part, et la capacité ou l'efficacité de la recherche de criminels et la preuve qu'ils ont commis les infractions, car, tout simplement, la loi a octroyé à la police judiciaire et à l'autorité judiciaire tous les moyens possibles pour rechercher la preuve. La loi n'a exigé que l'application, à la lettre et de façon correcte, des 2007 Traduction de la maxime de l'empereur Trajan : « satius esse impunitum facinus nocentis quam innocentem damnare ». 2008 W. Blackstone, Commentaire sur les lois d'Angleterre, t. 1 ; Oxford, Clarendon press, 1ère édition, 1765. 543 restrictions légales et conditions que la loi dispose, et si la police judiciaire et la justice se plient à ces conditions et restrictions et l'application du texte de loi, il résultera les mêmes conséquences pratiques, ce qui mènera au même rôle requis pour l'arrestation des criminels et la présentation des preuves de leur inculpation pour préparer leur jugement devant le tribunal et leur sanction, et par conséquent, la loi a permis la recherche de la preuve, pourquoi donc ne pas se plier aux textes de loi au lieu de les violer quotidiennement ? Pour sanctionner effectivement l'illégalité de la preuve pénale il faut mettre fin à la possibilité du juge du fond de prendre en considération un élément de preuve irrégulier ou illégal pour prononcer son jugement. L'adoption de cette solution amènerait un nouveau visage à la justice, faisant prévaloir le principe de la légalité de la preuve sur l'exigence de punir. La jurisprudence libanaise ferait preuve d'efficacité et de courage si elle adoptait cette solution qui aurait pour effet de marquer un retour à un État de droit qui nous paraît de plus en plus malmené au Liban. De même les législateurs libanais et français, en adoptant cette solution, contribueraient éviter la transformation vers l'État de police dans la recherche de preuve. 417. Comment trouver une raison fondamentale d'accepter les outils et mécanismes juridiques que nous proposons et qui ont pour effet la dispense de sanction et peine dans le cas où la preuve de l'infraction du prévenu a été obtenue illégalement ? Afin d'appliquer le principe de la légalité de preuve pénale d'une manière effective avec toutes les conséquences qui en résultent, on peut se référer aux différents arguments traditionnels de la doctrine pour l'admission de la théorie et des règles de la prescription de l'action publique dans les Codes de 2009 2010 2011 procédure pénale français et libanais , de la prescription de la peineet de l'amnistie 2009 V. sur la prescription en droit pénal français:l'article 7 du CPP français dispose : « En matière de crime et sous réserve des dispositions de l'article 213-5 du code pénal, l'action publique se prescrit par dix années révolues à compter du jour où le crime a été commis si, dans cet intervalle, il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite.S'il en a été effectué dans cet intervalle, elle ne se prescrit qu'après dix années révolues à compter du dernier acte. Il en est ainsi même à l'égard des personnes qui ne seraient pas impliquées dans cet acte d'instruction ou de poursuite. Le délai de prescription de l'action publique des crimes mentionnés à l'article 706-47 du présent code et le crime prévu par l'article 222-10 du code pénal, lorsqu'ils sont commis sur des mineurs, est de vingt ans et ne commence à courir qu'à partir de la majorité de ces derniers » ;l'article 8 du CPP français dispose : « En matière de délit, la prescription de l'action publique est de trois années révolues ; elle s'accomplit selon les distinctions spécifiées à l'article précédent. Le délai de prescription de l'action publique des délits mentionnés à l'article 706-47 et commis contre des mineurs est de dix ans ; celui des délits prévus par les articles 222-12, 222-30 et 227-26 du code pénal est de vingt ans ; ces délais ne commencent à courir qu'à partir de la majorité de la victime.Le délai de prescription de l'action publique des délits mentionnés aux articles 223-15-2, 311-3, 311-4, 313-1, 313-2, 314-1, 314-2, 314-3, 314-6 et 321-1 du code pénal, commis à l'encontre d'une personne vulnérable du fait de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou de son état de grossesse, court à compter du jour où l'infraction apparaît à la victime dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique » ; l'article 9 du CPP français dispose : « En matière de contravention, la prescription de l'action publique est d'une année révolue ; elle s'accomplit selon les distinctions spécifiées à l'article 7 ». 544 générale ou spéciale. A notre avis, l'application efficace du principe de la légalité de preuve pénale à travers la dispense de peine ou l'exemption de peine de l'accusé ou prévenu dont l'infraction a été prouvée contre lui mais d'après des éléments de preuve obtenus illégalement est recevable puisque le droit pénal libanais et français connaît « le sursis », mesure qui consiste dans la dispense d'une personne condamnée à exécuter tout ou partie de sa peine. Le législateur accepte des règles et principes juridiques qui ont pour effet d'exempter de sanction ou de peine quelqu'un qui a été condamné selon des preuves obtenue légalement comme dans le cas de la prescription de la peine ou le sursis. Il serait donc logique qu'il accepte également notre proposition qui vise à trouver un mécanisme juridique moderne permettant de donner sa pleine efficacité au principe de la légalité de preuve pénale, jusqu'à admettre l'exemption de la peine d'un prévenu ou accusé contre qui pèsent des preuves de culpabilité très crédibles, mais qui ont été recueillies illégalement. Pourquoi ne pas admettre les conséquences juridiques qui peuvent découler de l'application efficace du principe de la légalité de preuve pénale, alors qu'on admet la même logique juridique en matière de prescription de l'action publique et de peine, sursis et amnistie ? 2010 V. sur la prescription en droit pénal libanais: l'article 10 du CPP libanais : « L'action publique s'éteint par: a) le décès du défendeur; b) l'amnistie; c) la prescription décennale pour les crimes, triennale pour les délits et annuelle pour les contraventions; d) l'extinction de l'action civile dans les cas prévus par la loi » ; l'article 147 du Code Pénal libanais dispose: « Tel que modifié par l'article 7 du DL n°112 du 16/9/1983, qui a abrogé les alinéas 4 et 8 et ajouté un alinéa à l'article 147:Les causes qui éteignent les condamnations pénales ou en font cesser ou suspendre l'exécution sont:1. La mort du condamné;2. L'amnistie ; 3. La grâce; 4. Abrogé;5. La réhabilitation ; 6. La prescription ; 7. Le sursis» ; l'article 163 du Code Pénal libanais dispose: « La prescription de la peine de mort et des peines criminelles perpétuelles est de vingt-cinq ans. La prescription des peines criminelles temporaires est du double de leur période prononcée par la Cour, sans toutefois excéder vingt ans ni être inférieure à dix ans. La prescription de toute autre peine criminelle est de dix ans et cette durée est appliquée également pour toute peine délictuelle prononcée pour un crime précis. La prescription court du jour du jugement s'il est rendu par contumace, et du jour où il devient définitif s'il est contradictoire et le condamné non détenu. Sinon, la prescription court du jour où le condamné s'est soustrait à l'exécution: Lorsque le condamné s'est soustrait à l'exécution d'une peine privative ou restrictive de liberté, la durée de la peine subie sera imputée pour moitié sur la durée de la prescription » ; l'article 164 du Code Pénal libanais dispose: « Les peines délictuelles se prescrivent par un temps double de celui fixé par le juge pour leur durée, sans toutefois que ce temps puisse excéder dix ans ni être inférieur à cinq ans. Toute autre peine délictuelle se prescrit par cinq ans ». 2011 En droit libanais, le législateur utilise le terme « d'annuler les effets des jugements pénaux ». 545 |
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