Section II
Les règles variables de la recevabilité
de la preuve en fonction de l'auteur de la preuve
349. La participation des parties privées du
procès pénal à la recherche de la vérité.
Traditionnellement dans le procès pénal, l'intervention des
autorités étatiques dans la recherche de la preuve est
considérée comme une responsable primaire. Mais la place des
parties privées dans la recherche de la vérité a connu un
développement considérable au cours des dernières
années, ce qui a poussé certains auteurs à évoquer
le phénomène de
1805
privatisation dans le procès pénal comme le
souligne M. Xavier Pin et notamment dans la
1806
recherche de la preuve pénale . Sans doute la
production des éléments de preuve par les parties privées
s'appuie sur les textes de loi réglementant les droits des parties
privées de produire des éléments de preuve. Mais il est
indéniable de souligner l'importance des éléments de
preuve obtenus illégalement versés aux débats dans le
procès pénal par les parties privées ou l'accusé ou
par un tiers. Cet effet d'influence des preuves illégalement recueillies
qui sont produites par les parties privées pose le problème de la
recevabilité des éléments de preuve illégale qui ne
sont pas qualifiés ou qui ne constituent pas un acte de
procédure.
350. Principe d'égalité des armes et le
droit à la preuve. Le principe d'égalité des armes a
joué un rôle actif et essentiel dans la progression de la
recherche de la preuve de la vérité par les parties
privées dans le procès pénal. On peut parler d'une sorte
d'égalité dans l'administration de la preuve, résultant du
principe d'égalité des armes. L'énoncé même
d'un droit à l'égalité dans l'administration de la preuve
constitue une véritable révolution de notre procédure
pénale imprégnée du principe fondamental de la
présomption d'innocence
1805 X. Pin, « La privatisation du
procès pénal », in R.S.C., 2002, p. 245 :
« La privatisation du procès pénal est un
phénomène caractérisé, en droit, par le
renforcement du rôle des acteurs privés à tous les stades
du procès pénal et par l'émergence de règles de
procédure protégeant davantage des intérêts
individuels ou collectifs que l'intérêt général
».
1806 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H.
Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations
de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées.
Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal,
Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /
décembre 2003, p. 4 : « Il est permis de constater que les
parties privées, longtemps à l'écart du procès
pénal, bénéficient depuis quelques années d'un
renforcement de leurs droits de sorte que l'on parle désormais de
«privatisation » dans la recherche de la preuve (droit d'accès
aux pièces du dossier, droit de demander la réalisation d'actes
d'enquête supplémentaires, renforcement des droits des
victimes)».
conduisant naturellement et historiquement à la
passivité de la personne poursuivie dans
1807
l'attente de l'avènement de la vérité
judiciaire
. Le principe de l'égalité des armes qui
449
recoupe parfois le principe du contradictoire sans pour autant
se confondre avec lui, a
1808
contribué efficacement à faire progresser les
droits des parties privées . Cependant, nous croyons qu'il est
nécessaire de préciser que le rôle croissant des acteurs
privés dans la preuve pénale est limité aux actes
procéduraux pénaux stipulés par la loi. A ce propos, il
faut être prudent et faire la différence entre ces droits
prévus par la loi d'une part, et qui sont considérés comme
acte de procédure pénale, soumis à la théorie de la
nullité pénale, et d'autre part, le processus de la
pénétration de la preuve pénale illégale
directement devant le tribunal ou le juge dans le dossier pénal. Ce
dernier processus ne possède aucune base juridique dans le Code des
procédures pénales et ne peut être considéré
comme un acte de procédure, ni ne peut être soumis à la
théorie de la nullité pénale. Cette distinction est
nécessaire, car la preuve pénale illégale
présentée par les parties privées au tribunal n'est pas
soumise à la théorie de la nullité, et tourne par
conséquent autour de la problématique de son acceptation
(admission) ou non par le pouvoir judiciaire.
351. La théorie de la nullité non applicable
à la preuve qui ne constitue pas un acte de procédure
pénale. Il est à noter que la théorie de la
nullité ne tient compte que des procédures pénales au sens
précis du mot, ou, en d'autres termes, les procédures
fixées par le législateur dans les textes de la loi des
procédures pénales afin de rechercher et de produire la preuve
pénale. La plupart de ces textes organisent et régularisent les
travaux des pouvoirs publics dans la recherche de la preuve pénale. A ce
sujet, la théorie de la nullité soulève une grande
importance sur l'échelle de l'application du Code des procédures
pénales, notamment dans le cadre du travail procédural. Par
conséquent, le travail procédural est l'axe sur lequel se base la
théorie de la nullité, qui est d'ailleurs une
pénalité ou sanction conséquente du travail
procédural qui ne dispose pas d'une ou plusieurs conditions de sa
validité. De ce fait, il est évident que la théorie de la
nullité ne se préoccupe pas du sort des éléments de
preuve fournis par les parties privées devant le juge ou le tribunal. En
effet, cette présentation ne prend pas la forme d'une procédure
pénale puisque la loi ne considère comme telle que les
procédurales relatives à la prospection et à la recherche
de la preuve par des personnes et des pouvoirs publics, comme la police
judiciaire, les magistrats du parquet, le juge d'instruction et
1807 P. Bolze, Le droit à la
preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit,
2010, Université Nancy 2, p. 146.
1808 Intervention de Mme Renée
Koering-Joulin, «La chambre criminelle garante du droit à un
procès équitable », in cycle Droit et technique de
cassation, lors du colloque du 3 mai 2010 organisé à la Cour
de cassation en 2010 (France).
450
les juges du fond. Ainsi, les actions des parties
privées ne sont pas limitées par l'autorité et le champ de
la théorie de la nullité en considérant que la
présentation d'une preuve pénale au tribunal par l'une des
parties privées n'est pas le résultat d'une procédure
pénale. Par conséquent, les mécanismes de la
théorie de la nullité ne parviennent pas à
caractériser la nullité de la preuve illégale dans le cas
où elle n'est pas basée sur une procédure pénale
malgré l'illégalité flagrante de ces preuves. En effet, il
s'agit du processus de la pénétration de la preuve ou des
éléments de la preuve pénale acquis d'une manière
ou par un moyen illicite par les parties privées telles que
l'accusé, sa famille, la victime ou la partie civile, voire une personne
étrangère au procès pénal telle qu'une personne qui
se présente volontairement au tribunal pour présenter directement
des preuves utiles pour révéler la vérité. Ce qui
précède ouvre le débat sur la défaillance ou
l'échec de la théorie de la nullité pour exclure ou
sanctionner la preuve illégale obtenue par les parties
privées.
352. La notion de la preuve pénale émise en
dehors du système procédural prévu par la loi. Il
faut préciser que la participation des parties privées dans la
présentation et la production de la preuve pénale n'est pas
identique à celle avec laquelle les autorités publiques
produisent la preuve pénale, étant donné que la loi a
confié exclusivement à ces autorités l'application des
dispositions de la loi des procédures pénales pour la recherche
de la preuve pénale, qui nécessite un certain degré de
restriction sur les libertés des individus et de violation de leur vie
privée au cours de sa mise en oeuvre. Par conséquent, il est
interdit aux autres personnes d'effectuer cette action notamment à une
partie privée du procès pénal ou en dehors de ce
procès. Or, le vrai problème survient lorsque les parties
privées soumettent des preuves obtenues illégalement au tribunal,
non produites par une procédure pénale, et non liées
à leur participation exclusive, limitée selon la loi à la
production de la preuve, prenant souvent la forme de demandes adressées
au tribunal. Il peut s'agir par exemple, de la présentation au tribunal
d'une preuve obtenue illégalement par les parties privées, telle
que le vol d'un document important servant de preuve, une vidéo ou un
enregistrement audio de l'accusé obtenu à son insu ou sans
l'accord de la justice, où l'accusé admet avoir commis
l'infraction, capturé à son insu par un appareil d'enregistrement
posé par la victime, par un individu affecté par l'infraction ou
même toute autre personne pouvant témoigner. Il s'agit donc d'une
preuve obtenue sans une procédure pénale, ou en d'autres termes,
un moyen non considéré en tant qu'une procédure
pénale. Est-il possible d'accepter cette preuve au cours d'un
procès pénal, sachant que l'individu par lequel elle a
été obtenue n'a pas le pouvoir ou le droit de rechercher la
preuve, car la loi ne lui permet pas d'exercer cette fonction ? La vraie
problématique est liée à cette preuve illégale
incontestablement, étant donné que la manière de
451
l'obtention de la preuve est illicite, et que la personne qui
a reçu la preuve a agi sans tenir compte de la loi ne lui permettant pas
de chercher la preuve de cette manière illégale. Par
conséquent, quel serait donc le sort de cette preuve illégale ?
Il est reconnu que la théorie de la nullité s'est
préoccupée et a traité principalement la sanction des
procédures illégales menées par les pouvoirs publics, tels
que la police judiciaire, le procureur général, et les juges
d'instruction lors de leur recherche de la preuve pénale, ainsi que les
juges de première instance au cours des jugements. Or, cette
théorie ne s'est pas intéressée à la sanction de la
preuve illégale émanée des parties privées. Quel
est donc le sort de cette preuve illégale ? Le juge est-il obligé
de l'accepter ou de la rejeter ? Le juge pénal a-t-il la
possibilité ou le droit d'évaluer la valeur probante de la preuve
illégale afin de condamner l'accusé ? En outre, une autre
problématique semblable à la première se met en
évidence. Il s'agit de la problématique relative à la
présentation d'une preuve issue d'un moyen illégal de la part de
l'accusé afin de prouver son innocence. En effet, la preuve de
l'innocence est-elle censée à être en conformité
avec le principe de la légalité de preuve pénale
semblablement à celle de la culpabilité ? Ou, au contraire,
doit-on considérer que la preuve de l'innocence n'est pas
conditionnée par son respect du principe de la légalité de
preuve, et par conséquent que le juge a le droit de disculper
l'accusé se basant sur une preuve illégale
présentée par l'accusé au tribunal?
La théorie de la nullité a joué un
rôle essentiel pour sanctionner l'illégalité de la preuve
pénale fournie par les autorités étatique et judiciaire.
Cependant, cette théorie n'a fourni aucune solution à
l'illégalité flagrante de la preuve pénale fournie par les
parties privées et par l'accusé. Nous abordons cette
problématique dans le premier paragraphe, en montrant le point de vue de
la jurisprudence et de la doctrine au Liban et en France dans le but de
remédier à ce problème afin de connaître le sort de
la preuve illégale fournie par les parties privées, notamment par
la victime, par le demandeur, ou à leur avantage en tant que preuve de
condamnation de l'accusé. Dans le deuxième paragraphe, nous
traitons la preuve illégale soumise au juge par l'accusé ou
à son avantage en tant que preuve de l'innocence.
§ 1. Éléments de preuve
illégale fournie par le plaignant et la victime ou preuves
illégales de culpabilité.
353. La participation de la victime1809
ou de la partie civile dans la démonstration de la
preuve pénale. L'argument soutenant que le
défendeur ou l'accusé est innocent
|
1810
|
amène à
|
452
dire que le procureur général (Ministère
public) doit présenter la preuve afin d'appuyer et de soutenir
l'accusation 1811 , ou en d'autres termes de présenter la preuve de la
perpétration des
1812
infractions
|
1813
et la preuve que la personne recherchée est le
coupable
|
. Cette obligation est
|
également la responsabilité du demandeur qui
comprend son affaire personnelle visant à réclamer son
indemnisation pour les dommages qu'il a subis en raison de l'acte, dans le
procès
. A
1814
pénal. Le demandeur personnel doit également
prouver son préjudice allégué
l'exception de cela, il n'existe pas de différence
entre lui et le procureur général, sauf que le demandeur civil
agit à son propre profit, et que le procureur général agit
pour l'intérêt public et au nom de société. Les deux
parties peuvent bénéficier les uns des autres dans la
présentation de la preuve1815. En effet, le ministère
public veille sur l'entité de la société en tant que
représentant de l'autorité chargée d'appliquer la loi,
sans laquelle les impulsions et les désirs remplacent la raison et la
justice, étant donné que les personnes instaurent la justice
elles-mêmes. Par conséquent, le Code des procédures
pénales au Liban et en France a
1809 V. sur la notion de victime : R. Cario,
Victimologie, L'harmattan, Paris, 2006, p. 33 : « toute
personne en souffrance, dès lors que cette souffrance est personnelle,
réelle et socialement reconnue comme inacceptable ».
1810 V. G. Levasseur, A. Chavanne, J.
Montreuil, B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal
général et procédure pénale, 14e
éd., Dalloz, 2002, n° 433, p. 176 : La charge de la preuve : «
La règle fondamentale en la matière est la présomption
d'innocence. Tout homme doit être présumé innocent des
infractions qui lui sont reprochées, tant qu'un jugement régulier
et une décision définitive ne sont pas intervenus ».
1811 V. G. Levasseur, A. Chavanne, J.
Montreuil, B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal
général et procédure pénale, 14e
éd., Dalloz, 2002, n° 433, p. 176 : charge de la preuve et
présomption d'innocence et la conséquence de la
présomption d'innocence :« Du fait de cette présomption,
c'est la partie poursuivante (le ministère public et
éventuellement la partie civile) qui doit rapporter la preuve de tous
les éléments de l'infraction et de tous ceux qui permettent
d'apprécier la responsabilité du coupable. Toutefois, la personne
poursuivie agira sagement en apportant de son côté des arguments
en sens inverse ».
1812 V. F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 61,
p. 47 : « Il ne revient pas à la personne poursuivie de
démontrer qu'elle est innocente de l'infraction dont elle est
accusée ; il revient en revanche à l'accusation, au
ministère public, de prouver sa culpabilité avec une force que
l'idée de présomption induit: renverser la présomption
d'innocence ».
1813 V. sur le rôle de la victime dans
le procès pénal en langue anglais : A. Confalonieri, « The
Role of the Victim in Administrative and Judicial Proceedings », in
Revue Internationale de Droit Pénal, 2011, Vol. 81, issue 3,
pp. 529-550
1814 V. F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 61,
p. 47 : « À l'accusateur public qu'est le ministère
public s'ajoute en pratique un accusateur privé : la victime qui s'est
constituée partie civile ».
1815 V. en langue arabe : E. Nammour, La
cour criminelle. Etude comparée, op. c it., 2e
partie, n° 1360, p. 950.
453
donné aux autorités publiques
l'exclusivité de la recherche des preuves dans le procès
pénal conformément aux dispositions de la loi des
procédures pénales, et au demandeur du droit civil ou à la
victime certains droits à travers lesquelles il est possible de
participer à la démonstration de l'acte criminel, dans les
limites utiles à son procès civil1816. M. Maamoun
Salama pense que dans le cas où le tribunal a accepté la demande
civile, le demandeur devient l'un des justiciables dans le procès civil
et l'accusé sera le responsable des droits civils des autres
justiciables au même procès. Cependant, cette qualité ne
lui confère pas de droits directs sur le procès pénal
devant le tribunal, étant donné que cette action est
limitée au procureur général. Toutefois, il lui est
possible de participer à la démonstration de l'acte criminel,
dans les limites utiles à son procès civil. En outre, le
législateur a pris des dispositions afin d'affirmer cette qualité
en conférant des droits et des obligations au
demandeur civil1817 . A ce propos, M. Raouf Obayd affirme que
la loi a accordé au demandeur civil des droits importants afin de lui
permettre d'exiger son droit vis-à-vis de l'accusé, en
contribuant d'une part à prouver la responsabilité de celui-ci,
et en profitant de cette situation d'autre part pour exercer un contrôle
effectif sur les autorités de l'accusation et
1818
.
de l'enquête portant de lourdes responsabilités
Afin de connaître le sort de la preuve illégale
de culpabilité soumise par le demandeur civil ou la victime au tribunal,
il est nécessaire de se référer aux tendances de la
jurisprudence au Liban et en France dans le but d'extrapoler l'approche suivie
par les Cours de cassation dans ces deux pays sur cette question,
c'est-à-dire les solutions apportées au problème de
l'illégalité de la preuve de culpabilité soumise par le
procureur civil ou la victime, l'application du principe de la
légalité de la preuve, la pertinence de l'incident de ces
solutions et les critiques qui leur sont adressées. D'abord, il convient
d'examiner la position de la jurisprudence libanaise par rapport à
l'admission de la preuve illégale de culpabilité
présentée par le défendeur ou la victime (A). Ensuite, la
position de la Cour de cassation française par rapport à cette
admission sera abordée (B).
1816 V. F. Agostini, « Les droits de la
partie civile dans le procès pénal », in Rapport annuel
de la cour de cassation de l'année 2000 : « La victime
d'une infraction, qui a personnellement souffert du dommage causé
directement par l'infraction, a, conformément aux articles 1,
alinéa 2, 2 et 3 du Code de procédure pénale
français, droit à agir devant la juridiction répressive.
En se constituant, elle devient partie civile au procès pénal
».
1817 V. en langue arabe : M. Salameh, La
procédure pénale dans la législation pénale
égyptienne, Dar Al-Nahda Al-Arabia (maison de la renaissance
arabe), Le Caire (Égypte), 2000, pp. 438-539.
1818 V. en langue arabe : R. Obayd, Les
principes de la procédure pénale en droit égyptien,
8e éd., Imprimerie renaissance Égypt, Le Caire
(Egypte), 1970, p. 217.
454
A. La recevabilité de la preuve illégale
de culpabilité produite par un particulier en droit
libanais.
354. L'admission de la preuve illégale en droit
libanais. D'abord, il faut souligner que le concept de
l'illégalité de la preuve pénale dans le droit libanais
est encore une nouvelle idée non traitée d'une façon
claire et directe par la doctrine ni par la jurisprudence libanaise. Dans la
loi libanaise, il semble que la jurisprudence et les arrêts judiciaires
n'ont pas traité explicitement la preuve illégale, mais la
recherche a été limitée plutôt dans un aspect
étroit relatif au sort de la preuve, lié à la
théorie de la nullité pénale sans la dépasser. Il
convient de rappeler qu'il a été auparavant expliqué que
la preuve pénale émise hors des cadres et du système de la
procédure pénale, fournie par les parties privées dans le
procès pénal n'est pas soumise à la théorie de la
nullité. En effet, cette preuve dépasse le champ de cette
théorie étant donné que le rôle de celle-ci est
limité à un mécanisme juridique sanctionnant ou
pénalisant le non-respect ou de la violation de la règle
procédurale. Par conséquent, nous avons cherché dans tous
les ouvrages des procédures pénales libanaises, ainsi que dans la
jurisprudence libanaise, sans trouver aucun avis doctrinal ou arrêt
judiciaire portant sur la question de l'illégalité de la preuve
pénale soumise par les parties privées sans prendre la forme ou
la formule de la procédure pénale. En outre, il convient de noter
que l'idée de la distinction entre la preuve émise ou
résultant d'une procédure pénale et celle émise
hors du champ de la procédure pénale est une idée anonyme
ou un concept inconnu dans la jurisprudence et la doctrine pénale au
Liban. Il est possible de conclure que les dispositions de la jurisprudence
libanaise adoptent un principe général fixe. En effet, toute
preuve présentée à la magistrature est placée sous
l'étude et l'évaluation du tribunal et du juge du fond sans
considérer sa source illégale ou de la partie la soumettant. Ces
dispositions reflètent l'adoption par la jurisprudence libanaise d'un
concept large sans limite de la liberté de la preuve pénale. A
notre tour, nous le décrivons en tant qu'un concept très radical
du principe de la liberté de la preuve sans aucune autre entrave que la
présentation de la preuve en public, son débat oral devant le
tribunal, et la focalisation sur sa valeur probante. Par conséquent, les
dispositions de la justice libanaise ne considèrent pas le principe
juridique de la légalité de la preuve pénale en tant
qu'une des restrictions de la liberté de la preuve pénale. Il
convient de noter que par plusieurs arrêts très clairs, la chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise affirme qu'elle ne surveille pas
l'appréciation du tribunal et du juge du fond sur la preuve
pénale, notamment la Cour criminelle, mais elle s'assure uniquement de
la
non-déformation de la preuve par ce juge et ce tribunal
du fond. En effet, la Cour de cassation libanaise est une juridiction de droit
et non un tribunal de faits. De ce fait, les tribunaux de première
instance (du fond) monopolisent l'évaluation de la valeur probante de la
preuve qui lui est soumise, en ignorant sa source illégale, sans aucun
contrôle imposé par la Cour de cassation à ce sujet.
355. La confirmation de la Cour de cassation libanaise que
l'appréciation de la preuve est incluse dans l'évaluation absolue
du tribunal de première instance, en l'absence du contrôle de la
Cour de cassation. Dans sa résolution n° 1, publiée le
05/01/2006 dans l'affaire du ministère public /Yaghi, la chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise affirme
1819
que: « l'évaluation des preuves est incluse
dans l'autorité absolue de la Cour de démontrer les faits et les
preuves, sans que cette évaluation soit soumise au contrôle de la
Cour de cassation ». Dans un autre arrêt, la chambre criminelle
de la Cour de cassation
,
1820
libanaise, dans sa résolution n° 3, publié le
09/01/2007 dans l'affaire Dib/ ministère public
a confirmé que « ce que l'appelant provoque
dans cette raison sous le couvert de la déformation de la preuve n'est
qu'un débat sur le droit de la chambre d'accusation dans son
appréciation des preuves contenues dans le procès, l'adoption de
ce qui lui fournit sa conviction, et l'exclusion du reste, qui est d'ailleurs
un droit revenant à l'autorité de la chambre d'accusation sans
supervision de la Cour de cassation ». Dans un autre arrêt de
la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, dans sa
résolution n° 43 en date
du 27/2/2007
|
1821
|
, elle a confirmé que « ce que la partie
appelante soulève dans le cadre de la
|
455
présente raison, est considéré en
tant qu'un débat sur les faits et les preuves invoquées par le
tribunal afin d'atteindre le résultat sur lequel elle s'est basée
dans son jugement contesté, et dans son droit d'évaluer les
déclarations des témoins, sachant que l'évaluation des
faits et des preuves et l'évaluation des déclarations des
témoins reviennent uniquement au tribunal de première instance,
sans aucun contrôle de la part de la Cour de cassation. Par
conséquent, la résolution adoptée à cette fin ne
constitue pas une déformation des faits ou du contenu des documents en
conformité avec le concept juridique pour cette raison ». De
plus, la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation
libanaise a confirmé qu'il n'y a aucun contrôle discriminatoire
(c'est-à-dire de la part de la Cour de cassation) sur l'autorité
absolue de la Cour criminelle dans l'appréciation de la
référence à la preuve,
1819 La chambre criminelle de la Cour de
cassation du Liban, composée du : président M. Labib Zwein et les
conseillers Mme Alice Chabtini Alaam et M. Elias Nayfeh.
1820 Composée du : Président M.
Ralph Rayashi, et les conseillers M. Ghassan Fawaz, M. Malek Saaibi.
1821 Composée du : Président M. Ralph Rayashi et
les conseillers M. Ghassan Fawaz et M. Malek Saaibi.
et l'évaluation de la préférence d'une
preuve sans l'autre 1822 . Dans un autre arrêt de la
456
chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, dans la
résolution n° 106 en date
1823
du 20/07/1999 dans l'affaire Abid/ ministère public, la
Cour a souligné que « l'évaluation des preuves revient
à l'autorité du tribunal de première instance et n'entre
pas dans le cadre du contrôle de la Cour de cassation ».
356. L'exclusion de la preuve illégale de
culpabilité en raison de la faiblesse ou de la perte de la valeur
probante de cette preuve après son évaluation sous le couvert de
l'illégalité de la preuve. Dans l'un des arrêts de la
chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, la cour a fondé
son arrêt sur un principe public très important : « le
fondement de la conviction du tribunal repose sur des preuves recevables
juridiquement et valides, et non sur l'aveu suspect de l'accusé qui est
fait chez l'autorité non étatique ». A ce fait, dans un
arrêt unique, la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise
dans sa résolution n° 104 en date
a
1824
du 28/04/1999 dans l'affaire Majzoub et ministère public/
Mustafa et ses collègues
confirmé selon les éléments de son
arrêt que dans la loi : les cinq accusés nient devant les
autorités de la sécurité et la juridiction libanaise les
infractions qui leur sont assignées. Les preuves avancées contre
eux, adoptées par l'acte d'accusation, et dont l'exigence de l'adoption
émane également des deux parties de l'accusation publique et
personnelle, sont limitées avec l'aveu qui leur a été
attribué inclus dans les copies des documents, les cassettes et la
vidéo incluses dans le dossier et liées aux enquêtes
menées par des dispositifs de l'armée de la
libération Palestinienne, y compris le prétendu
jugement émis par la magistrature palestinienne. Cependant, elle a
également mis en évidence dans le dossier les déclarations
des cinq accusés dans la lutte armée palestinienne le 24/09/1990,
dont le retrait de leur reconnaissance qu'ils ont décrit comme
falsifié, étant donné qu'il était pris sous
l'influence de coups et de menaces. Le rapport du conseiller de la Cour
criminelle libanaise qui a vu et entendu les enregistrements de l'enquête
avec les accusés et qui contiennent leurs reconnaissances a
prouvé que ces enquêtes sont inspirées et
enveloppées par la peur et la confusion. En outre, la Cour criminelle
libanaise s'est assurée de cette
1822 Conformément à la
décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise
Composée du: Président M. Afif Chamseddine et les conseillers M.
Anthony Elias Khouri, M. Issa Abdallah dans sa résolution n° 100 en
date du 29/3/2000 dans l'affaire Abdullah et Salloum / ministère public,
la cour a affirmé que «les déclarations du demandeur de
cassation dans les raisons évoquées sont relatives à
l'évaluation du tribunal pénal des preuves dont il dispose, de
s'en contenter, et à la composition de sa conviction sur la base d'une
preuve ou d'une autre. Toutes ces actions sont laissées à son
évaluation absolue tant qu'il ne semble pas déformer la preuve ou
les documents, sans aucun contrôle de la Cour de cassation
».
1823 Composée du Président M.
Ralph Rayashi et des conseillers M. Samir Aalia et M. Joseph Samaha.
1824 Composée du Président Afif Shamseddin et
les conseillers Elias Abdullah et Fouad Gaâgaâ.
457
approbation après avoir vu et entendu ces
enregistrements. Étant donné que la conviction se base sur les
preuves estimées par le tribunal et qui doivent être juridiquement
acceptables et basées sur des procédures valides, il ne
résulte des enquêtes menées par les autorités de la
sécurité et la justice libanaise, qui ont pris en
considération tous les principes juridiques, aucune preuve
démontrée contre l'accusé. La reconnaissance
attribuée aux accusés, résultant de la contrainte physique
et morale et devant la force du fait réel sans pouvoir ni
capacité, qui est d'ailleurs la seule preuve contre les accusés,
n'est pas acceptable par la loi. Compte tenu de tout ce qui
précède, il convient de dire que les cinq accusés ne sont
pas reconnus coupables des infractions qui leur sont assignées, et de
déclarer leur innocence en l'absence d'une preuve acceptable.
357. Commentaire sur la position de la chambre criminelle
de la Cour de cassation libanaise dans l'arrêt précédent
(résolution n° 104 en date du 28/04/1999). Cet arrêt
semble intéressant en confirmant que la conviction du tribunal doit se
fonder sur des preuves admissibles par la loi et des procédures valides
qui sont indirectement une consécration du principe de la
légalité de preuve pénale comme condition ou limite
à la liberté de la conviction du juge. En effet, il confirme en
termes de forme en formulant indirectement l'appui du principe de la
légalité de la preuve pénale. Cependant, cet arrêt
semble médiocre et insuffisant en termes de fond lorsqu'on lit les
explications des juges de la chambre criminelle de la Cour de cassation
libanaise. D'abord, il révèle à la fois l'ignorance et la
négligence des juges de la chambre criminelle de la Cour de cassation
libanaise de l'existence du principe de la légalité de la preuve
pénale. Quelle est la preuve de l'ignorance de la Cour de cassation
pénale du Liban à la présence d'un principe juridique
appelé le principe de la légalité de la preuve
pénale ? La réponse est un prélude à notre critique
de la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise. Il
faut clarifier un point important et fondamental concernant la source de la
preuve dans le jugement : ces preuves présentées contre les
accusés sont une enquête menée par les milices
palestiniennes au Liban qui n'ont aucune autorité officielle ni
légitime dans l'État de droit supposé au Liban, et qui se
nomme l'armée de l'indépendance palestinienne. Il s'agit des
milices de sécurité existant au sein des camps de
réfugiés palestiniens dans l'État du Liban,
tolérées par l'État pour des considérations
politiques et sécuritaires libanaises liées au problème de
la présence palestinienne (peuple palestinien dans les camps de
réfugiés) au Liban pour l'exercice de ces milices de certains
rôles de sécurité les camps de réfugiés
situés sur le territoire libanais. En effet, elles mènent des
enquêtes considérées judiciaires par ces milices
elles-mêmes, ainsi qu'un nombre de jugement et procès dans ces
camps sans avoir aucune autorité légitime ni officielle, et sans
être
458
déléguées par l'État libanais pour
mener à bien ces travaux. Notons que la loi des principes des
procès pénaux libanais dispose en son article 14 que ce travail
est sous la responsabilité exclusive des services de
sécurité (libanaise) qui travaillent en la qualité d'une
police judiciaire, sous la supervision du procureur
général1825. Ainsi, aucun service sécuritaire
libanais officiel n'est mentionné par l'article 14 du CPP libanais,
pouvant exercer l'activité et les pouvoirs de la police judiciaire et
jouer un rôle dans les enquêtes judiciaires. La critique est donc
une question adressée au tribunal (c'est-à-dire la Cour
criminelle) et à la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise
: comment le tribunal peut-il admettre d'inclure au dossier des preuves
illégales de culpabilité contre les accusés, obtenues et
produites par des milices ? Ne s'agit-il pas de preuves d'une
illégalité flagrante ? La critique est donc adressée au
tribunal en raison de son annexion au dossier de preuves illégales
indépendamment de leur valeur probante qui doit être inadmissible.
Les services de sécurité de l'État libanais ne peuvent pas
exercer la fonction de police judiciaire et admettre les preuves qu'elles
obtiennent si elles ne possèdent pas la qualité de la police
judiciaire conformément au texte de la loi de l'article 14 du CPP
libanais. Par conséquent, comment le tribunal libanais peut-il admettre
que les milices exercent un pouvoir interdit à un service
sécuritaire libanais ? La question est donc posée à la
Cour de cassation. En sachant que le Liban est un État de droit selon sa
Constitution et le serment prononcé par tout président de la
République d Liban au début de son mandat constitutionnel,
étant donné que le président est le garant de la
Constitution et jure de faire dominer l'État de droit dans son mandat.
La position du tribunal d'accepter de mettre cette preuve dans le dossier du
procès est-elle en accord avec les considérations que le Liban
est un État de droit ? D'autre part, il est clair que les preuves
pénales du dossier de procès sont toutes provenues et
regroupées par ces milices. Ces preuves sont une cassette vidéo
montrant les aveux de l'accusé d'avoir commis le crime. En outre, il est
clair que le tribunal a chargé un de ses membres, un juge-conseiller, de
voir et entendre l'enregistrement vidéo. Par conséquent, le
tribunal a décidé que les accusés ont avoué dans
cette vidéo avoir commis le crime sous la pression de la coercition
physique et morale ainsi que les coups pratiqués par les milices
fournissant la preuve au procureur général. A ce propos, le
problème réside dans la légalité de la preuve
présentée, étant donné que le juge chargé
par la Cour criminelle de visionner la vidéo a décidé
qu'il n'est pas convenable de l'admettre en tant que preuve de
culpabilité, en constatant que les aveux
1825 L'article 38 du CPP libanais dispose que
: « Les fonctions de police judiciaire sont exercées, sous
l'autorité du procureur général près la Cour de
cassation, par les procureurs généraux et les avocats
généraux. Apportent leur concours au ministère public et
officient sous sa supervision dans le cadre de l'exercice des fonctions de
police judiciaire les personnes suivantes, chacune dans les limites des
compétences qui lui sont conférées par le
présent code et les statuts régissant sa
profession : ».
459
faits dans cette vidéo sont le résultat de la
pression et des coups pratiqués par les milices qui ont filmé et
enregistré cette vidéo en tant qu'une preuve condamnant les
accusés. Cependant, une question logique s'impose : qu'aurait-il fallu
faire si cette vidéo avait montré le contraire au tribunal, soit
des aveux valides et volontaires, sans être le résultat de la
contrainte, des coups et des intimidations exercées par les milices
contre les accusés pendant l'enquête ? Le juge aurait-il
été convaincu que les cinq accusés sont coupables et par
conséquent la Cour criminelle aurait-elle pu se prononcer sur la
culpabilité des accusés en se basant sur une preuve
illégale présentée par une tierce partie, ou en d'autres
termes une milice qui a mené des enquêtes illégitimes avec
les détenus ? Une lecture attentive de cet arrêt confirme que
notre critique concernant l'attitude inadmissible du tribunal est tout à
fait raisonnable. En effet, le tribunal a placé la preuve sous l'examen
et l'évaluation de sa conviction, sans être convaincu par cette
preuve illégale non à cause de l'illégalité de son
obtention, mais plutôt en raison de l'absence de toute valeur probante
possible afin de condamner les accusés. En effet, la vidéo a
montré au tribunal que les accusés ont subi une coercition les
obligeant à avouer durant l'enregistrement de la vidéo. Par
conséquent, dans le cas où la vidéo n'aurait pas
révélé au tribunal que les accusés ont
été forcés d'avouer leur reconnaissance du crime, le
tribunal aurait dû accepter leur aveu en tant que preuve de
culpabilité, et les juger donc coupables. Cette conclusion est
déduite de la raison pour laquelle le tribunal refuse les preuves
présentées. En effet, le fait que le tribunal rejette cette
preuve illégale en raison du « fondement de la conviction du
tribunal sur des preuves admissibles par la loi et valides, non pas sur l'aveu
douteux, fait devant une autorité non étatique » ne
change pas la vérité, soit une contradiction de la position du
tribunal entre la raison formelle sur laquelle il s'est basée et la
véritable raison qui fait que les preuves illégales
présentées devant le tribunal sont dépourvues de valeur
probante. Il convient de rappeler une nouvelle fois que le principe de la
légalité de la preuve pénale exige le courage de la
justice de reconnaître son contenu juste, que l'illégalité
n'est aucunement liée à la force probante de la preuve
illégale, mais se rapporte plutôt uniquement à la
manière illégale et illicite avec laquelle la preuve a
été obtenue. Nulle importance de la valeur probante d'une preuve
tant que la source et le biais de son obtention ne s'accordent pas avec la
manière légale conforme à la loi c'est-à-dire au
principe de la légalité de la procédure et de la preuve
pénale. Il faut préciser que la simple admission par le tribunal
de l'évaluation de la preuve sans se baser sur celle-ci en raison de la
perte de sa valeur probante, c'est-à-dire le simple examen de cette
preuve illégale est une admission préliminaire ou formelle de
cette preuve, violant ainsi le principe de la légalité de la
preuve pénale. Ce dernier point est le champ de notre critique de la
position du tribunal de ce jugement.
358.
460
L'appréciation ou l'évaluation de la
position de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise dans le
jugement précédent (résolution n° 104 en date du
28/04/1999). La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise ne
fait pas de distinction et ne connaît même pas la définition
ou la notion de la preuve illégale. Cette Cour ignore ce principe. En
effet, si elle avait connu le principe qui exige que la preuve pénale
soit obtenue légalement, elle n'aurait même pas regardé
cette vidéo ni inclus dans le dossier des procès-verbaux
illégaux émis par les milices palestiniennes exerçant la
violation des lois dans un État de droit appelé le Liban. Nous
croyons que cet arrêt, bien qu'il n'ait pas condamné les cinq
accusés, reste une stigmatisation à l'encontre de la chambre
criminelle de la Cour de cassation libanaise, de la justice libanaise et des
juges qui l'ont émis étant donné qu'il accepte
indirectement d'inclure une preuve illégale produite par des milices
devant le tribunal pour l'appréciation de la valeur probante et la force
de cette preuve. En d'autres termes, il est bien clair que la chambre
criminelle de la Cour de cassation pénale libanaise adopte un principe
insolent relatif à la fin qui justifie les moyens pour atteindre la
vérité à tout prix et par tous les moyens illégaux.
Dans le cas où ce principe est conforme avec l'État de la police,
il est inacceptable au Liban étant donné qu'il n'est pas en
conformité avec l'État de droit, le principe de la
légalité procédurale et celui de la légalité
de la preuve pénale. Il était préférable dans ce
cas que le tribunal pénal refuse d'accepter la preuve et l'exclue du
dossier du procès par défaut d'illégalité.
Étant donné que la Cour criminelle a accepté de voir cette
preuve et a rejeté sa valeur probante, la Cour de cassation aurait
dû corriger cette erreur commise par la Cour criminelle et l'exclure de
l'évaluation en raison de l'absence de base juridique plutôt que
de soutenir ce que la Cour criminelle a admis. Nous critiquons ici le moyen
illégal utilisé pour obtenir la preuve et non pas sa valeur
probante, puisque le sujet de notre intérêt est la manière
illégale et illicite de la recherche de preuve et non pas sa valeur ou
sa crédibilité, contrairement à la justice libanaise qui
ne considère aucunement le moyen, mais plutôt à la valeur
probante de la preuve sans considérer son illégalité.
B. La recevabilité de la preuve
illégale de culpabilité produite par un particulier en droit
français.
359. Position rigoriste de la chambre criminelle de la
Cour de cassation en matière de preuve illégale apportée
par l'autorité publique. Il existe une distinction remarquable
entre le traitement et l'admissibilité de l'élément de
preuve recueillie de manière illégale selon la
partie qui a apporté cette preuve bien que l'origine
illégale de la preuve soit la même. En fait, il semble que la
prohibition des preuves illégales ne vaille pas pour tous les acteurs du
procès
1826
pénal. On peut remarquer qu'il y a une tolérance
qui est inacceptable envers l'illégalité de
la preuve obtenue par les parties privées 1827 , et
qu'au contraire, cette prohibition de l'admission des éléments de
preuve illégale est appliquée avec fermeté contre les
preuves qui ont été recueillies par les autorités
publiques. Cette solution jurisprudentielle critiquable et
discutable par certains pénalistes 1828 est
considérée comme traditionnelle conformément aux
dispositions de l'article 427 du CPP français selon lequel «
hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent
être établies par tout mode de preuve et le juge
décide
d'après son intime conviction »
|
1829
|
. Nous soutenons que l'évolution de cette
jurisprudence
|
461
illogique constitue un facteur négatif qui
empêche l'application effective du principe de légalité de
la preuve pénale comme sanction essentielle de
l'illégalité de la preuve. La légalité de la preuve
doit prévaloir sur la recherche de la preuve et la vérité
dans le procès pénal. Ainsi, une preuve illégalement
acquise devra être déclarée irrecevable par le juge sans
aucune
1826 V. R. Filniez, « Loyauté et
liberté des preuves », Note sous Cass crim. 31 janvier 2007,
n° 06-82.383 ; Cass. crim. 7 février 2007, n° 06-87.753, in
R.S.C., 2007, p. 331 : « Cette tolérance du juge
pénal au profit de la partie privée s'inscrit dans la
finalité de la preuve, assurer la manifestation de la
vérité et permettre à toute partie de faire valoir ses
droits, pour la défense soit de son innocence soit de ses
intérêts atteints par la violation de la loi pénale
».
1827 V. C. Mascala, « Le juge
répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve
produits par les parties même obtenus de manière illicite ou
déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C.,
n° 210, in D., 1994, p. 613 : « La jurisprudence
confirme, par l'arrêt du 15 juin 1993, le principe du libre recueil des
preuves, et laisse aux parties une totale liberté des modes de preuves
qui sont produites dans une instance pénale ».
1828 V. en ce sens : J. Buisson, «
Recevabilité des éléments de preuve produits par les
parties privées (Cass. crim. 12 juin 2003, Pittau et a.,
n° 02-81122, inédit) », in R.S.C., 2004, p. 427 :
« Dans l'antagonisme entre les deux principes de la liberté et
de la légalité dans la preuve pénale, le premier ne
devrait pas, dans un État de droit, l'emporter sur le second. Mais la
Cour de cassation considère que, pour la production de pièces au
procès par les parties privées, doit prévaloir le principe
de liberté, sauf à démontrer une atteinte à un
principe fondamental ».
1829 V. une stricte application de l'article
427 CPP français: C. Mascala, « Le juge répressif doit
apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les
parties même obtenus de manière illicite ou déloyale
», Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C., n° 210, in
D., 1994, p. 613 : « La consécration du libre recueil
des preuves par les parties doit être approuvée sans
réserve. En décidant que le mode d'obtention des preuves n'a
aucune incidence sur la validité de la procédure, la Cour de
cassation ne fait qu'une stricte application des dispositions de l'art. 427 c.
pr. pén. Ce texte pose clairement le principe de la liberté
d'admission et d'administration de la preuve ; il n'est pas dans les pouvoirs
du juge de créer des restrictions que le législateur n'a pas
souhaitées. Le rejet d'une preuve produite par les parties, en
l'espèce une lettre, en considération de
l'illicéité de son obtention viole manifestement le principe de
liberté. L'illicéité peut permettre au juge, lors de
l'appréciation de la valeur probante du document, de l'écarter,
en application du principe de l'intime conviction, mais absolument pas de
déclarer les parties irrecevables en leur action. Cette solution ne
porte pas atteinte aux droits de la défense, dans la mesure où le
respect du contradictoire est garanti par le juge, qui garde ensuite une totale
liberté dans la décision finale ».
distinction puisque l'origine de la preuve est illégale
1830 . Il a été admis par la jurisprudence de
la chambre criminelle qu'une preuve illégale puisse
être produite et utilisée en justice dès lors qu'elle avait
pu être discutée : « la Cour de cassation évince
totalement le principe de légalité procédurale quant aux
actes d'investigation ou de recherche réalisés par des
particuliers,
1831
. La
éviction compensée par le principe du
contradictoire et de l'intime conviction ... »
chambre criminelle de la Cour de cassation française
considère que la victime a le droit d'utiliser une preuve
illégale, mais débattue contradictoirement pour le besoin de sa
défense
sans méconnaître l'article 6 de la Convention
européenne des droits de l'homme
|
1832
|
. La Cour
|
462
européenne des droits de l'homme adopte une solution
semblable à la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation
française concernant la tolérance envers l'admission des preuves
illégales produites par une partie privée contrairement aux
preuves produites par une
1833
autorité publique . M. Vincent Lesclous
constate que les particuliers ne sont pas tenus au formalisme procédural
qui ne s'impose qu'aux agents publics concernés, lesquels sont seuls
à pouvoir accomplir des actes de procédure annulables et ensuite
la justification de cette distinction entre partie privée et
autorité publique peut être trouvée dans les
nécessités de la
1834
défense.
360. La recevabilité de la preuve illégale
de condamnation apportée par une partie privée. La
jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française
a eu recours à l'argument de l'absence d'un texte de loi clair imposant
au juge répressif d'exclure un élément de preuve à
cause de son illégalité ou sa déloyauté de sorte
que cette preuve illégale ou
1830 V. R. Filniez, « Loyauté et
liberté des preuves », Note sous Cass crim. 31 janvier 2007,
n° 06-82.383 ; Cass. crim. 7 février 2007, n° 06-87.753, in
R.S.C., 2007, p. 331 : « La Chambre criminelle distingue en
effet, pour juger de la licéité de ce recueil, selon l'origine de
la preuve. Apportée par une partie privée, cette preuve n'est
soumise à aucune contrainte particulière préalable
à son utilisation à des fins probatoires devant le juge, à
la différence de celle produite par l'autorité publique
».
1831 J.-Ch. Saint-Pau, «
L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit
pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n°
19.
1832 Cass. Crim., 31 janvier 2007, B.C.,
n° 27, p. 100 : « Ne méconnaît pas les
dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de
l'homme, la cour d'appel qui, après en avoir contradictoirement
débattu, admet comme mode de preuve, la production de l'enregistrement
d'une conversation téléphonique privée, dès lors
qu'elle est justifiée par la nécessité de rapporter la
preuve des faits dont l'auteur de l'enregistrement est victime et par les
besoins de sa défense ».
1833 P. Hennion-Jacquet, « L'encadrement
relatif de la liberté de la preuve par la Convention européenne
des droits de l'homme », in D., 2005, p. 2575 et s., V. spec
n° 2 : « la CEDH n'adopte pas de solution uniforme en
matière probatoire : si, comme en l'espèce, elle se montre
intransigeante envers les autorités de poursuites pour ce qui concerne
l'exigence d'une loi, elle tolère, notamment lorsque la preuve est
rapportée par une partie privée, une simple compatibilité
entre les moyens d'obtention des éléments probatoires et les
principes généraux commandant la procédure pénale
».
1834 V. Lesclous, JurisClasseur
Procédure pénale, Art. 75 à 78 Fasc. 20 :
enquête préliminaire, n° 60.
déloyale reste soumise à l'appréciation
du juge selon son intime conviction conformément au principe de la
liberté du juge dans l'appréciation de la preuve pénale.
C'est le cas dans cette décision du 23 juillet 1992 : « aucun
texte de procédure pénale n'interdit la production par le
plaignant à l'appui de sa plainte de pièces de nature à
constituer des charges contre des personnes visées dans celle-ci,
lesdites pièces ne constituant pas des actes de l'information
susceptibles d'être annulés en application de l'article 172 du
Code de procédure pénale. Il appartient aux juridictions
répressives d'en apprécier la valeur au regard des règles
relatives
1835
.
à l'administration de la preuve des infractions
»
361. Critique. L'argument utilisé par la Cour
de cassation pour admettre toute preuve illégale et déloyale
produite par une partie privée n'est pas justifiée selon nous et
montre une tolérance inacceptable de la part de la chambre criminelle de
la Cour de cassation envers une illégalité flagrante. Nous
soutenons l'avis de M. Jean-Christophe Saint-Pau selon lequel « le
silence du Code de procédure pénale relativement aux actes
d'investigations et de recherche réalisés par les particuliers ne
constitue pas un argument justifiant la recevabilité d'une preuve
illégale, mais au contraire son irrecevabilité. Si en droit
pénal de fond, il est légitime de poser que tout ce qui n'est pas
interdit est permis, en droit pénal de forme, tout ce qui n'est
pas permis est interdit »
|
1836
|
. Les éléments de preuve apportés par des
parties privées ne
|
463
constituent pas des actes de procédure selon la
jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française
1837 . Selon M. Etienne Verges, « la qualité d'acte
procédural permet d'établir une relation avec un principe. Le
principe de loyauté, en droit processuel, permet d'annuler les actes
résultant de manoeuvres frauduleuses » 1838 .
À vrai dire, le problème réside principalement dans
l'incapacité de la théorie des nullités de sanctionner
l'illégalité des éléments de preuves produits par
les parties privées, spécifiquement les preuves de condamnation
rapportées par le plaignant ou la victime. La chambre criminelle de la
Cour de cassation française admet traditionnellement des
éléments de preuves illégales rapportés par la
victime ou le plaignant : « aucun texte de procédure
pénale n'interdit la production par le plaignant, à l'appui de sa
plainte, de pièces de nature à constituer des charges contre les
personnes visées dans celle-ci, lesdites pièces ne constituant
pas, au demeurant, des actes
1835 Cass. Crim., 23 juillet 1992, B.C.,
n° 274, p. 744.
1836 J.-Ch. Saint-Pau, «
L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit
pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n°
20.
1837 E. Verges, Les principes directeurs
du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique,
Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 399,
pp. 391-392.
1838 E. Verges, Les principes directeurs
du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique,
Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 399, p.
391.
d'information susceptibles d'être annulés en
application de l'article 172 du Code de procédure pénale ; qu'il
appartient aux juridictions répressives d'en apprécier la valeur
au regard des
règles relatives à l'administration de la
preuve des infractions »
|
1839
|
. Selon la chambre
|
criminelle, les règles de procédure
pénale qui sont essentiellement applicables aux organes étatiques
et judiciaires ne s'appliquent pas aux parties privée du procès
pénal comme il a été dit dans cet arrêt de la Cour
de cassation : « attendu qu'en prononçant ainsi, en
répondant comme elle le devait aux chefs péremptoires des
conclusions dont elle était saisie, et alors que les dispositions des
articles 100 et suivants du Code de procédure pénale ne
s'appliquent pas à l'interception, l'enregistrement et la transcription
par une personne privée des correspondances émises par la voie
des télécommunications, la Cour d'appel, qui a souverainement
apprécié la valeur probante des éléments de preuve
régulièrement soumis au débat contradictoire, et qui a
déduit des faits et circonstances de la cause relevant de son
appréciation souveraine que les messages étaient susceptibles
d'être perçus par les mineurs, a
justifié sa décision »
|
1840
|
. Dans ce contexte, la chambre criminelle de la Cour de
cassation
|
464
française a considéré que les
éléments de preuve illégale remis au juge par des
personnes privées ne constituent que des moyens de preuve qui peuvent
être discutés contradictoirement parce que les
éléments de preuve apportés par des parties privées
ne sont pas des actes de
1841
procédure : « l'enregistrement clandestin, par un
policier, des propos qui lui sont tenus ne
constitue pas un acte de procédure susceptible
d'annulation, mais seulement un moyen de preuve soumis à la libre
discussion des parties, lorsqu'il est effectué par lui, non dans
l'exercice de ses fonctions, en vue, par exemple, de constater des agissements
délictueux sur délégation judiciaire, mais pour se
constituer la preuve de faits dont il est lui-même victime
1842
» . Donc, la Cour de cassation a jugé
toujours depuis longtemps que les éléments de preuve produits par
les parties civiles ne constituaient pas en eux-mêmes des actes
d'information.
. La position de la
1843
Donc, ces éléments de preuves illégales
échappent à la sanction de nullité
1839 Cass. Crim., 23 juillet 1992, B.C.,
n° 274, p. 744. 1840 Cass. crim., 12 septembre 2000,
B.C., n° 265, p. 780.
1841 V. en ce sens : Cass. crim., 31 janvier
2012, inédit, n° de pourvoi: 11-85464: « Les
enregistrements de conversations privées, réalisés
à l'insu des personnes concernées par un particulier, en ce
qu'ils ne constituent pas en eux-mêmes des actes ou des pièces de
l'information, au sens de l'article 170 du Code de procédure
pénale, et dès lors qu'ils ne procèdent d'aucune
intervention, directe ou indirecte, d'une autorité publique, ne peuvent
être annulés en application des articles 171 à 173 du
même code. Il en va de même de leur transcription, qui a pour seul
objet d'en matérialiser le contenu. Il s'agit de simples moyens de
preuve soumis à la discussion contradictoire ».
1842 Cass. Crim., 19 janvier 1999, B.C.,
n° 9, p. 17.
1843 V. Cass. crim. 28 avril 1987, B.C.,
n° 173, p. 462 : « Des bandes magnétiques supportant
l'enregistrement, effectué par l'un des participants, de conversations
présentent le caractère de pièces à conviction
n'ayant que la
465
chambre criminelle est claire et stable sur ce sujet, mais
tout à fait choquante dans un État de droit, en validant et
admettant la preuve illégale de culpabilité apportée par
les parties privées qui est à notre avis attentatoire aux
libertés publiques et individuelles, et peut-être susceptible de
généraliser des dérives attentatoires aux libertés.
Dans l'affaire Bettencourt, il est très clair qu'il y a eu collecte de
preuves d'une façon illégale et déloyale qui ont
été admises par la Cour, ce qui constitue une violation flagrante
du principe de la légalité de la preuve pénale. Donc,
l'admission de cette preuve est contraire à l'esprit de la loi, car elle
permet aux parties privées de collecter toutes les preuves même en
utilisant des procédés illégaux, en méconnaissant
le secret professionnel, notamment, quand la Cour a autorisé
l'utilisation de l'enregistrement effectué par un particulier d'une
conversation téléphonique entre une cliente et son avocat. Dans
l'affaire Bettencourt, la preuve a été collectée par une
partie privée sans respecter le principe du secret professionnel et de
la confidentialité des conversations puisque ce n'était pas une
autorité publique qui avait procédé à
l'enregistrement. On peut conclure qu'aucune sanction procédurale ne
permet d'écarter les preuves illégales produites par les
1844
parties privées dans les débats.
362. Inapplicabilité des sanctions
procédurales lorsqu'un élément de preuve n'a pas la
qualité d'acte de procédure pénale. La question
essentielle demeure de savoir si la preuve obtenue par une partie privée
est susceptible d'annulation ou non. En droit français, la preuve de
condamnation qui a été obtenue illégalement par une partie
privée sort du champ d'application de la théorie des
nullités parce qu'elle ne constitue pas un acte de procédure
1845
pénale comme celle produite par les autorités
publiques. Le juge pénal peut-il prendre en compte une preuve obtenue de
manière illégale? Voilà une excellente question
posée par M.
valeur d'indice de preuve et ne constituent pas des actes
de l'information susceptibles d'être annulés en vertu de l'article
172 du Code de procédure pénale ; leur transcription n'est que la
matérialisation de leur contenu afin d'en permettre la consultation
».
1844 V. au contraire la solution
satisfaisante en matière civile : E. Verges, Les principes
directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie
juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000,
n° 399, p. 392 : « Le moyen de preuve apporté par l'une
des parties est donc contrôlé au regard du principe de
loyauté par le juge civil. Il ne prend pas la qualité d'un acte
de procédure, mais une sanction autre que la nullité peut lui
être appliquée : l'irrecevabilité. Le principe trouve avec
cette sanction une certaine efficacité ».
1845 V. E. Verges, Les principes
directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie
juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000,
n° 399, p. 392 : « la chambre criminelle distingue dans la
recherche des preuves, celles qui sont réunies par les organes publics
de la mise en état (officiers de police judiciaire, juge d'instruction,
Procureur de la République) et celles qui sont apportées par les
parties privées. La recevabilité des preuves produites par ces
personnes privées n'est pas soumise aux principes qui déterminent
la validité des actes. Seule leur force probante doit être
appréciée ».
Thierry Garé
1846
. Le fait pour la chambre d'instruction de prendre la
décision d'accepter de
verser au dossier de l'affaire des éléments de
preuve obtenus de manière illégale par les parties privées
est immunisé contre toute sorte d'annulation comme l'affirme la chambre
criminelle de la Cour de cassation. En même temps, la chambre
d'instruction soutenue par la Cour de
cassation a admis les preuves obtenues illégalement par
les parties privées
|
1847
|
parce que «
|
pour la Cour de cassation, l'admission d'une preuve
illégale ne constitue en rien un vice de la
procédure d'instruction »
|
1848
|
, bien qu'« en l'espèce, il ne fait pas de
doute que les preuves
|
retenues par le juge d'instruction avaient été
obtenues illégalement »
1849
. M. Thierry Garé
1850
critique la solution adoptée par la chambre criminelle de
la Cour de cassation française concernant l'admission sans
réserve des preuves qui ont été obtenues de manière
illégale en
1851
. En
considérant que : « la position de la haute
juridiction est malheureusement classique »
effet, la chambre criminelle a affirmé à
plusieurs reprises de façon suffisamment clairement son refus et son
opposition extrême d'écarter les éléments de preuve
illégaux produits par les parties privées en se basant dans
chaque arrêt sur la formule célèbre selon laquelle
« aucune disposition légale ne permet aux juges
répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par
les parties au seul motif qu'ils auraient été
obtenus de manière illégale »
|
1852
|
. Il apparaît
|
466
1846 T. Garé, « L'admission de la
preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in
D., 2000, Jurisp. p. 391.
1847 T. Garé, « L'admission de la
preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in
D., 2000, Jurisp. p. 391 : « La question posée
à la chambre d'accusation était donc double. D'une part, la
décision de verser au dossier des preuves obtenues illégalement
est-elle susceptible d'annulation ? D'autre part, l'admission
d'éléments de preuve obtenus illégalement est-elle de
nature à vicier la procédure d'instruction ? La chambre
d'accusation, approuvée sur ce point par la Chambre criminelle, rejette
ces griefs. Elle admet donc, implicitement, que la décision de prendre
en compte des preuves illégales n'est pas susceptible d'annulation. Et
elle ajoute, explicitement, qu'elle ne constitue pas, non plus, un vice de la
procédure d'instruction ».
1848 T. Garé, « L'admission de la
preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in
D., 2000, Jurisp. p. 391.
1849 T. Garé, « L'admission de la
preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in
D., 2000, Jurisp. p. 391.
1850 V. dans ce cens encore : Cass. Crim., 30
mars 1999, B.C., n° 59, p. 144 : « Qu'en effet, la
circonstance que des documents ou des enregistrements remis par une partie ou
un témoin aient été obtenus par des procédés
déloyaux ne permet pas au juge d'instruction de refuser de les joindre
à la procédure, dès lors qu'ils ne constituent que des
moyens de preuve qui peuvent être discutés contradictoirement ;
que la transcription de ces enregistrements, qui a pour seul objet d'en
matérialiser le contenu, ne peut davantage donner lieu à
annulation ».
1851 T. Garé, « L'admission de la
preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in
D., 2000, Jurisp. p. 391.
1852 V. sur l'admissibilité de la
preuve illicite : C. Mascala, « Le juge répressif doit
apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les
parties même obtenus de manière illicite ou déloyale
», Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C., n° 210, in
D., 1994, p. 613 : « La Chambre criminelle consacre
l'admissibilité des preuves obtenues illégalement. Elle
précise qu'aucun texte du Code de procédure pénale ne
permet au juge d'écarter des moyens de preuve produits par les parties
au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon
illicite
467
qu'aucune sanction procédurale ne peut interdire ou
limiter efficacement la recevabilité par le
1853
juge de la preuve illégale apporté par une
partie privéeet par conséquent le versement d'un
élément de preuve illégale dans le dossier de l'affaire
pénale doit à ce titre être débattu
contradictoirement. La position de la chambre criminelle de la Cour de
cassation française est sans doute une conséquence naturelle
d'une application ferme du principe de liberté de la
qui
1854
preuve pénale qui interdit au juge, selon certains
auteurs, d'écarter une preuve illégale
sera appréciée exclusivement et souverainement
par les juges du fond. Un autre facteur important paraît d'ailleurs jouer
un rôle qui a empêché l'évolution de l'avis de la
Cour de cassation française, c'est la jurisprudence de la Cour de
Strasbourg qui a considéré ce point de vue compatible au regard
de la Convention européenne des droits de l'homme. Dans ce contexte, la
Cour européenne des droits de l'homme a jugé à plusieurs
reprises que la recevabilité de la preuve illicite n'est pas en
contradiction avec l'exigence d'un procès
1855
équitable énoncée par l'art. 6,
paragraphe 1 de la Convention . La Cour de Strasbourg rappelle toujours dans
ces arrêts que la Convention européenne des droits de l'homme ne
réglemente pas l'admissibilité des modes de preuve puisque ce
dernier est considéré comme une matière qui relève
des droits internes, ce qui la pousse à ne pas exclure ou condamner,
par
principe, l'admissibilité d'une preuve recueillie de
manière illégale 1856 . Ce qui précède
ou déloyale. Par conséquent, le juge n'a pas
le pouvoir de déclarer la partie civile irrecevable en son action, au
seul motif que celle-ci se fonde sur une preuve obtenue illégalement. Il
doit l'admettre, rechercher si la preuve produite est de nature à
établir la prévention, et en apprécier la valeur probante
afin de se prononcer selon son intime conviction comme l'exige la loi
».
1853 V. J. Pradel, « Un plaignant
peut-il utiliser, à l'appui de sa plainte, des enregistrements obtenus
à l'insu des personnes qu'il suspecte d'avoir commis une infraction dont
il est victime ? », in D., 1993, p. 206 : « L'acte de
procédure est en réalité celui qui obéit à
des règles de fond et de forme précises, dictées par la
loi ; et c'est pourquoi l'annulation en est possible, seule véritable
sanction de la violation de ces règles. Au contraire, les pièces
à conviction ou autres documents réunis par les parties
privées ou plus généralement par les victimes ont
été rassemblées en dehors des règles du Code de
procédure pénale ; et c'est pourquoi une annulation ne se
conçoit pas, à moins qu'il y ait eu violation d'un principe
général comme l'intégrité corporelle ou
l'intimité de la vie personnelle...».
1854 V. J. Buisson, «
Recevabilité des éléments de preuve produits par les
parties privées (Cass. crim. 12 juin 2003, Pittau et a.,
n° 02-81122, inédit) », in R.S.C., 2004, p. 427 :
« Le principe de la liberté de la preuve a une telle force que,
dans la phase de jugement, les juges répressifs ne peuvent, selon cette
jurisprudence, écarter les moyens de preuve produits par les parties au
seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite
ou déloyale. Il leur appartient seulement, en application de l'article
427 précité, d'en apprécier la valeur probante
».
1855 V. en ce sens : CEDH, 12 juill.
1988, Schenck, série A, n° 140 ; CEDH, 20 nov. 1989,
Kostovski, série A, n° 166 ; CEDH, 27 sept. 1990,
Windish, série A, n° 186 ; CEDH, 19 déc. 1990,
Delta, série A, n° 191.
1856 V. sur ce point: C. Mascala, « Le
juge répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de
preuve produits par les parties même obtenus de manière illicite
ou déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C.,
n° 210, in D., 1994, p. 613 : « La
recevabilité de preuves illicites, comme l'admet la jurisprudence
française, n'est-elle pas en contradiction avec cette notion de
procès équitable ? Certes, la preuve est totalement libre, les
modes d'obtention des preuves n'ont pas d'importance, la Cour de cassation
l'affirme. Mais la production en justice de preuves obtenues illicitement, qui
détermineront peut-être l'intime conviction du juge,
permet-elle
468
n'empêche pas la Cour de Strasbourg de contrôler
et de rechercher soigneusement si le procès en général,
dans son ensemble, revêt un caractère équitable. Il est
bien clair que la Cour de cassation française admet la preuve
illégale obtenue par les parties privées sous réserve
d'être l'objet d'un débat contradictoire1857 durant
l'audience1858. Sans doute, le respect absolu par le juge du fond du
principe contradictoire est un signe protecteur. C'est un principe directeur du
procès pénal, mais qui n'est pas suffisant pour purger
l'illégalité de la preuve obtenue par les parties privées
et ne justifie pas l'admission des preuves illégales rapportées
par les parties privées même sur la base de l'argument de
l'absence d'un texte qui permet d'exclure une
. Donc, la recevabilité de la preuve illégale
apportée par une partie privée
1860
reste critiquable malgré le respect d'un débat oral
et contradictoire de cette preuve illégale
1859
preuve illégale
.
En matière pénale, puisque la fin ne peut
justifier les moyens, la chambre criminelle doit réformer sa
jurisprudence pour être compatible avec le principe de
légalité de la preuve pénale et le droit à un
procès équitable. Le législateur français est
invité à combler la lacune législative en adoptant un
texte qui renforce l'application effective du principe de
légalité de la preuve pénale qui permet
expressément au juge d'exclure une preuve illégale
apportée par
d'assurer un procès équitable ? La Cour
européenne des droits de l'homme s'est prononcée sur ce point, et
considère que la recevabilité des preuves obtenues illicitement
n'est pas contraire aux dispositions de la convention. Son argumentation repose
sur l'idée que la convention ne réglemente pas
l'admissibilité des preuves en tant que telles ».
1857 V. C. Mascala, « Le juge
répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve
produits par les parties même obtenus de manière illicite ou
déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C.,
n° 210, in D., 1994, p. 613 : « La liberté
est totale pour les parties, quelle que soit la nature du moyen utilisé,
l'admissibilité des preuves illicites est consacrée ; la seule
exigence procédurale, qui demeure, est celle du respect du
contradictoire».
1858 V. T. Garé, « L'admission de
la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in
D., 2000, Jurisp. p. 391 : « Selon la Chambre criminelle, la
preuve illégale est parfaitement recevable dès lors qu'elle peut
être, ensuite, contradictoirement discutée. On retrouve là
la seule limite imposée au juge par l'art. 427 c. pr. pén. Le
juge peut retenir tout mode de preuve (al. 1), mais il ne peut, dans son intime
conviction, fonder sa décision que sur des éléments de
preuve contradictoirement discutés devant lui (al. 2). Le principe du
contradictoire purgerait en quelque sorte la preuve de son origine illicite
».
1859 V. T. Garé, « L'admission de
la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in
D., 2000, Jurisp. p. 391 : « Cette motivation n'est pas
nouvelle puisque la Chambre criminelle a déjà admis, notamment
dans le cas des appels téléphoniques malveillants, que le juge
peut fonder sa décision de condamnation sur des enregistrements sonores
effectués illégalement par la victime desdits appels, au motif
que le prévenu peut discuter les éléments de preuve
réunis contre lui » ; V. en ce sens : Cass. crim., 17 juill.
1984, B.C., n° 259 : « Leur enregistrement, à la
diligence du destinataire, afin de permettre l'identification de l'auteur de
cette contravention, ne présente pas le caractère d'une atteinte
à l'intimité de la vie privée de l'auteur desdits appels.
Il n'est pas contraire aux droits de la défense de les utiliser pour
identifier celui-ci ».
1860 V. T. Garé, « L'admission de
la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in
D., 2000, Jurisp. p. 391 : « on voit mal comment cette libre
discussion peut faire disparaître l'illégalité à
l'origine de l'obtention de la preuve ».
1861
la partie privée au débat ou interdit le versement
des éléments de preuve illégaux dans le
dossier de l'affaire pénale. Si la preuve
illégale apportée par la partie privée dans le
procès pénal se trouve hors du champ d'application de la
théorie des nullités en matière pénale, il est
possible d'utiliser une solution pragmatique autre que la
nullité 1862 qui a encore le même effet
1863
et la même efficacité, comme
l'irrecevabilité de l'élément de preuve illégale
|
.
|
363. Les critiques de Mme le professeur
Michèle-Laure Rassat à propos l'attitude de la chambre criminelle
de la Cour de cassation française. La chambre criminelle de la Cour
de cassation française a admis dans sa jurisprudence les preuves
illégales apportées par les victimes et en même temps a
refusé les preuves illégales apportées par les officiers
de police judiciaire. Sans doute, une telle attitude de la part de la chambre
criminelle est illogique. Malgré les arguments et les vêtements
juridiques dont la Cour essaie de la revêtir, sa position qui nous semble
très critiquable et a d'ailleurs été critiquée
notamment par Mme le professeur Michèle-Laure Rassat. Un
arrêt rendu le 27 février 1996 par la chambre criminelle de la
Cour de cassation fut l'occasion pour elle de critiquer d'une façon
juste et précise les arguments fragiles de la chambre criminelle qui
fait une distinction entre d'une part les preuves illégales
apportées par les victimes parties civiles dans un procès
pénal qui sont autorisées à enregistrer ce qu'elles
veulent comme elles le veulent en toute liberté pour enfin produire ces
enregistrements à la justice comme éléments de preuve dans
le dossier pénal malgré son origine illégale, et
d'autrepart les officiers de police judiciaire qui ne sont pas autorisés
à procéder à des enregistrements, de sorte que les preuves
qui en résultent ne peuvent être pas
intégrées au dossier pénal
|
1864
|
: « la jurisprudence selon laquelle les
enregistrements pirates
|
469
1861 V. C. Mascala, « Le juge
répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve
produits par les parties même obtenus de manière illicite ou
déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C.,
n° 210, in D., 1994, p. 613 : « Au regard du Code
de procédure pénale, le juge répressif ne peut pas rejeter
la preuve illicite : l'art. 427, al. 1er, ne le lui permet pas. Mais le droit
français et les décisions jurisprudentielles ne doivent pas
contredire les dispositions européennes constitutionnellement
supérieures. De se demander, alors, si l'admissibilité des
preuves illicites n'est pas contraire à l'art. 6, § 1, de la
Convention européenne des droits de l'homme ? ».
1862 V. en même sens : E. Verges, Les
principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie
juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000,
n° 404, p. 395 : « Parmi les différentes sanctions
procédurales, certaines possèdent des effets très proches
de la nullité »... « elles peuvent conduire plus simplement
à un rejet de l'acte soit par ce qu'il est irrecevable, soit par ce
qu'il n'est plus recevable ».
1863 V. en même sens : E. Verges, Les
principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie
juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000,
n° 406, p. 397 : « Le rejet de l'acte
des débats n'est pas une sanction aussi forte que son annulation »
... « Elle produit pourtant les mêmes effets. L'acte est
privé de toute efficacité dans la mesure où il ne peut
être produit en justice ».
1864 V. Cass. Crim., 27 fevrier 1996, B.C.,
n° 93, p. 273 : « Les articles 100 à 100-7 du Code de
procédure pénale confèrent au juge d'instruction le
pouvoir exclusif d'ordonner que soit pratiquée l'interception
des
des parties civiles ne sont que les pièces à
conviction n'ayant dans le procès pénal que la valeur d'indices
de preuve pourrait peut-être se défendre (et encore) s'il y avait
deux dossiers distincts sans rapport l'un avec l'autre et que lesdits
enregistrements ne quittent pas le dossier purement indemnitaire. Mais nous
savons bien qu'il n'en est rien, les prétendus "indices de preuve"
(formule au sens juridiquement inconnu et donc inexacte) de la Chambre
criminelle étant versés au dossier global de la procédure
où ils pourront très officiellement servir de motifs fondant la
déclaration de culpabilité dans le cadre du jugement sur
l'action
1865
publique » . Nous sommes d'accord avec ces
commentaires. En effet, dans le procès pénal il n y a pas une
distinction entre la notion d'indice, preuve et élément de preuve
dans un même dossier pénal devant le juge du fond qui
apprécie les preuves souverainement en toute liberté
d'après son intime conviction. C'est sans doute ce qui pousse Mme
Michèle-Laure Rassat à affirmer que « les
enregistrements, éléments de preuve, fournis par la partie civile
sont donc des éléments de preuve tout court du procès
pénal et il est alors à l'évidence illogique de les
autoriser tout en les interdisant aux policiers qui présentent tout de
même des garanties
techniques, morales et d'indépendances
supérieures »
|
1866
|
. De plus, en ce qui concerne
|
l'argument classique de la chambre criminelle pour refuser de
rejeter ou d'exclure les éléments de preuve illégale
produits par les parties privées en l'absence de texte juridique selon
la formule « aucune disposition légale ne permet aux juges
répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les
parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon
illicite ou déloyale », Mme Michèle-Laure Rassat
répond d'une façon logique et détruit cet argument en
écrivant qu' « en s'accrochant ainsi à la
nécessité d'un texte pour garantir l'honnêteté
élémentaire d'un procès pénal, la Chambre
criminelle d'aujourd'hui fait preuve, d'abord, d'une particulière
étroitesse d'esprit. Elle oublie que la règle de
l'interprétation restrictive de la loi pénale ne s'impose que
pour les dispositions défavorables à la personne poursuivie. Elle
bafoue de ce fait toute l'oeuvre accomplie par son ancêtre tant sous le
régime du Code d'instruction criminelle que du Code de procédure
pénale pour installer, en marge
des textes, la théorie des droits de la
défense, par exemple »
|
1867
|
. Mme Michèle-Laure Rassat
|
470
ajoute encore que cet argument classique de la chambre criminelle
« n'est guère probant ni en
correspondances émises par la voie des
télécommunications. Ce pouvoir n'est, en aucun cas,
attribué aux officiers de police judiciaire agissant en enquête
préliminaire comme en l'espèce ».
1865 M.-L. Rassat, «Du sort à
réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés
par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II
22629.
1866 M.-L. Rassat, «Du sort à
réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés
par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II
22629.
1867 M.-L. Rassat, «Du sort à
réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés
par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II
22629.
droit interne ni en droit international »
1868
. Elle finit de critiquer la position de la chambre
471
criminelle avec une question qui met en échec tous les
arguments de la chambre criminelle : « la jurisprudence de la Chambre
criminelle est un chef-d'oeuvre d'hypocrisie. À quoi sert, en effet, de
faire assaut de légalisme en interdisant aux officiers de police
judiciaire de procéder à des enregistrements si le même
élément de preuve, exactement le même (enregistrement de la
même personne tenant la même conversation au même endroit)
peut être obtenu par la
1869
.
partie civile sans aucune restriction?»
§ 2. Preuves illégales fournies par
l'accusé ou preuves illégales d'innocence.
364. La prédominance des pouvoirs publics sur la
recherche de la preuve pénale. En droit libanais et
français, la recherche de la preuve pénale est confiée
à une autorité publique (police judiciaire, juge d'instruction,
membre du ministère public ou policier). L'objectif ultime du Code des
procédures pénales est la recherche de la vérité en
utilisant une quantité suffisante et adéquate permise par les
lois concernant l'atteinte à la liberté des individus afin
d'atteindre cet objectif, qui est d'ailleurs la recherche de la preuve et de
l'auteur de l'infraction. Le pouvoir chargé de rechercher la preuve
applique les procédures pénales définies par le
législateur dans le but de recueillir la preuve et de découvrir
l'auteur de l'infraction dans le but de l'attribuer à son auteur.
Cependant, cette domination sur la recherche de la preuve pénale par les
autorités publiques et judiciaires ne signifie pas que le reste des
parties du procès public n'ont aucun rôle dans cette recherche.
Les autres parties sont les parties privées, soit l'accusé, la
victime de l'infraction ou le plaignant.
365. Le fardeau de la preuve incombe au procureur
général et au tribunal. Il est reconnu que dans les affaires
pénales, le fardeau de la preuve repose sur le ministère public
qui représente la société dans l'affaire pénale
devant le tribunal, et par conséquent, le demandeur civil. En effet, la
victime et le procureur général portent le fardeau de prouver la
culpabilité de l'accusé, étant donné que celui-ci
est légalement exempté de l'obligation de prouver son innocence,
en raison de l'avantage tiré des implications de la consécration
du principe de la
1868 M.-L. Rassat, « Du sort à
réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés
par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II
22629.
1869 M.-L. Rassat, « Du sort à
réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés
par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II
22629.
472
présomption d'innocence dans le droit libanais et
français. A ce propos, il est clair que les législateurs libanais
et français, en principe, exonèrent l'accusé de fournir la
preuve de son innocence. Cependant, bien que le fardeau de la preuve incombe en
principe à la partie accusatrice conformément au principe de
présomption d'innocence dont l'accusé profite, en pratique ce
principe n'est pas respecté en raison des difficultés de certains
procureurs à fournir la preuve pénale, ou encore à cause
d'une tendance inconsciente du procureur général et des juges
d'instruction à privilégier la recherche de la preuve de
culpabilité et à négliger la recherche de preuves
d'innocence, soit par habitude soit parce qu'ils croient dès le
départ à la culpabilité de l'accusé, même si
les preuves contre lui sont fragiles ou faibles, voire illogiques. Le fardeau
de prouver l'accusation est de la responsabilité de l'autorité de
l'enquête ou de l'accusation en conformité avec les règles
de la preuve dans les affaires pénales. En effet, l'accusé n'est
pas obligé de fournir la preuve de son innocence sans que cela soit
considéré comme une preuve de la perpétration de
l'infraction, il en va de même lorsqu'il garde le silence. Toutefois, il
a le droit de débattre des preuves recueillies contre lui, de les
réfuter ou de remettre leur valeur en question. Il peut également
soumettre volontairement toute preuve afin de prouver son innocence, ou
admettre l'accusation. La tâche du juge d'instruction, de l'accusateur
public ou du tribunal du fond ne se limite pas à prouver l'accusation,
étant donné qu'ils sont des services de justice qui ont pour
mission principale de prouver la vérité, car l'idée de la
justice ne peut pas être construite sur l'illusion ou sur de fausses
convictions. De ce fait, ces services judiciaires doivent enquêter sur
cette vérité par le biais de la vérification et l'examen
des preuves. Le processus de cette enquête est basé sur la
vérification de l'existence de preuves suffisantes pouvant
réfuter ou non l'origine de l'innocence. En outre, il est possible de se
fonder sur une preuve extraite ou obtenue illégalement pour un
acquittement, bien qu'il ne soit pas possible de s'y baser pour une
déclaration de culpabilité selon le principe.
A. Le droit de l'accusé de faire valoir ses
preuves pour prouver son innocence.
366. Le manque d'égalité effective entre le
ministère public et l'accusé ou le défendeur. La
rivalité dans le procès pénal n'est pas sur le même
degré d'égalité des droits dont jouissent les
parties du procès pénal1870 . En effet, le
ministère public a des pouvoirs exclusifs et des droits
1870 V. D. Dechenaud,
L'égalité en matière pénale, Thèse
de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n°
620, p. 417 : « Parmi les différents principes directeurs du
procès pénal, celui de l'égalité des
473
larges concernant la recherche de la preuve, compte tenu de
son rôle et de la tâche difficile qu'il accomplit, par la recherche
des preuves de l'infraction et ses auteurs. Le ministère public jouit
donc d'une liberté considérable pour prouver la
culpabilité de l'accusé ou du défendeur grâce
à des procédures pénales permises par le
législateur. Alors que de l'autre côté il existe un
accusé ou un défendeur qui dépend de lui-même pour
prouver son innocence, se servant de la présomption d'innocence pendant
toutes les étapes du procès pénal jusqu'à prouver
le contraire, ou en d'autres termes, sa culpabilité relative. A ce
propos, M. Elias Nammour affirme que le ministère public a le droit de
rechercher la preuve pénale librement et de voir le dossier
d'enquête devant le juge d'instruction. Par contre, le défendeur
ne peut pas avoir accès au dossier de l'enquête en raison de la
confidentialité de l'enquête devant le juge d'instruction. Ainsi,
les moyens du défendeur afin de prouver son innocence sont
limités en comparaison avec les moyens du ministère public, et
son droit de prouver son innocence est presque bloqué lors de sa
détention, en particulier si la durée de celle-ci est
étendue jusqu'à la phase du jugement1871. Par
conséquent, l'égalité dans le sujet de la
présentation de la preuve et l'arme des preuves entre le
défendeur ou l'accusé en
comparaison avec le ministère public est inexistante
1872 . L'hypothèse de la présomption d'innocence en faveur de
l'accusé et le défendeur est la seule façon de compenser
le manque d'égalité entre le ministère public d'une part,
et le défendeur ou l'accusé d'autre part dans l'application du
principe de la liberté de la preuve qui bénéficie au
ministère public.
367. Le contenu du droit de l'accusé à la
preuve. Certains pourraient penser que l'accusé ou le
défendeur n'a nullement besoin d'un droit de participation dans le
processus de la preuve au cours du procès pénal dans le but de
convaincre le juge ou le tribunal de son innocence tant qu'il jouit de la
présomption d'innocence. Cependant, la vérité est tout
à fait différente. En effet, l'accusé ou le
défendeur est mis dans une situation critique lors de la
présentation de toute preuve contre lui, même si cette preuve est
faible. Le fardeau de la preuve initialement attribué au
ministère public se change en un lourd fardeau épuisant
l'accusé et l'obligeant à fournir la preuve contraire à
celle présentée contre lui, afin de réfuter
armes entre la personne poursuivie et l'autorité
poursuivante est certainement celui dont l'apparition est la plus
récente ».
1871 V. en langue arabe : E. Nammour, La
cour criminelle. Etude comparée, Sader Editeurs, Beyrouth, 2005,
2em partie, n° 1362, p. 953.
1872 V. D. Dechenaud,
L'égalité en matière pénale, Thèse
de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n°
621, p. 417 : « Aucun texte ne formule expressément le principe
de l'égalité des armes. Il ne figure ni dans la Convention de
sauvegarde des droits de l'homme, ni les textes appartenant au bloc de
constitutionnalité, ni dans le Code de procédure pénale.
Son origine est donc prétorienne ».
474
la preuve le condamnant et convaincre le tribunal de son
innocence. De ce fait, il devient impératif à l'accusé
d'avoir le droit naturel de participer à la production de la preuve
pénale lorsqu'il est nécessaire de prouver son innocence. Le
principe de la présomption d'innocence dans le droit positif et les
conventions internationales relatives aux droits de l'homme devrait permettre
à l'accusé d'apporter librement des éléments de
preuve pouvant convaincre le juge de l'invalidité de l'accusation
portée contre lui. Le droit de la preuve a permis d'autoriser
l'adversaire à établir la preuve devant la justice selon les
formes fixées par la loi. Dans le procès pénal, il est
permis à l'accusé, suspect et défendeur - supposant son
innocence - d'établir la preuve de l'invalidité de l'accusation
qui lui était attribuée. Par conséquent, il est
impératif de lui permettre d'avoir toutes les facilités et les
moyens nécessaires pour convaincre le juge de l'invalidité des
preuves présentées contre lui par l'autorité de
l'accusation. Le droit de l'accusé à la démonstration fait
partie du système d'accusation sur le plan procédural, qui fait
prévaloir l'égalité entre l'accusé et
l'autorité de
l'accusation 1873 . Ce système ne donne pas le moindre
avantage à un justiciable face à l'autre, afin d'assurer à
chaque adversaire le droit de recueillir des preuves afin de faire face
à l'autre justiciable, dans un procès public où les
débats ont lieu oralement, en présence des adversaires
(justiciables).
B. Le droit de l'accusé de démontrer son
innocence sur la base d'une preuve illégale.
368. La problématique de la preuve illégale
d'innocence. Auparavant, il a été dit que le jugement de
culpabilité doit se fonder sur des preuves en conformité avec le
principe de la légalité de la preuve pénale. Toutefois,
relativement à la preuve de l'innocence, une partie
de la doctrine 1874 pense qu'il n'existe aucune restriction
quant à la mise en place de l'acquittement sur une preuve
illégale. Ce raisonnement est fondé sur le principe de la
présomption d'innocence qui en est d'ailleurs à l'origine. En
outre, la nullité de la preuve dérivée d'une
manière illégale est initiée principalement afin de
protéger la liberté de l'accusé.
1873 V. D. Dechenaud,
L'égalité en matière pénale, Thèse
de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n°
619, p. 416 : « À l'issue d'une évolution amorcée
au milieu des années 1990, l'égalité des armes entre la
personne poursuivie et le représentant du ministère public semble
être devenue une réalité ».
1874 V. en langue arabe : M. Mostafa, La
preuve en droit pénal comparé, Imprimerie de
l'université de Caire, Le Caire (Egypte), 1977, 1e partie
(théorie générale), p. 114 ; A. Fathi Srour, Le
médiateur en procédure pénale, 7e éd., Dar
Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1996,
p. 752 ; H. Abdallah Ahmad, La théorie générale des
preuves. Etude comparée entre système procédural latin,
anglo-saxonne et islamique, Dar Al-Nahda Al-Arabia
(Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 2004, p. 505.
475
Par conséquent, il est illogique de le faire retourner
contre lui dans le cas de l'attachement au rejet de la preuve de l'innocence au
motif qu'elle est illégale, le résultat très grave serait
la condamnation d'un innocent. A cet endroit, la société supporte
deux préjudices : l'acquittement d'un criminel de la sanction
pénale et au lieu de cela punir un innocent en dépit de la preuve
démontrant son innocence. En outre, dans le cas de l'existence d'un
doute, le juge acquitte l'accusé, et a priori, il devait acquitter la
personne dont la preuve de l'innocence serait disponible - bien que cette
preuve ait été illégalement obtenue - et non uniquement un
doute dans sa condamnation1875. Les preuves en matière
pénale sont persuasives, tirant ainsi leur valeur probante de la
conscience du juge et son intime conviction. Cependant, le juge doit respecter
les restrictions imposées par la loi afin que sa conviction ne soit pas
purement personnelle et puisse convaincre les autres. Ces restrictions ne sont
pas considérées comme une contrainte directe sur la conviction,
mais plutôt comme une garantie du respect de la liberté
individuelle et des droits de l'homme, en s'appuyant sur le principe de la
présomption d'innocence. Ces restrictions relèvent du principe de
la légalité des procédures pénales qui impose que
les preuves soient recueillies conformément aux dispositions de la loi.
Sur la base de ce qui précède, la restriction de la
légalité est l'une des plus importantes restrictions
imposées pour le bien de l'accusé sur la base de l'innocence du
prévenu jusqu'à preuve définitive du contraire. Dans le
cas où il s'agit de la position de la loi relative aux preuves de
culpabilité, cette position s'applique-t-elle sur les preuves de
l'innocence ? En d'autres termes le juge est-il admis à établir
l'innocence sur une preuve illégale ? Quelle est la position de la loi
et des principes généraux des procédures pénales
concernant par exemple les preuves découlant de l'écoute ou de
l'observation cachées ? Le juge pénal doit fonder sa conviction
de condamnation en s'appuyant sur des preuves légales et non pas sur des
preuves produites par des procédures illégales. Toutefois, il a
la liberté de former sa conviction d'innocence à partir d'une
preuve illégale. En effet, le juge n'ayant pas besoin de faire la preuve
de l'innocence, son doute sur la culpabilité l'oblige à choisir
l'acquittement, selon la règle du doute en faveur de l'accusé et
du principe de la présomption d'innocence. Par illustration, le
frère ou le père de l'accusé peut voler un document
démontrant l'innocence de son frère ou de son fils, et l'offrir
au juge pénal. Dans ce cas, le juge peut acquitter l'accusé s'il
est convaincu par la preuve démontrant l'innocence de l'accusé ou
pouvant remettre en cause les preuves du procureur, produisant ainsi un
jugement d'acquittement. En effet, il n'est pas permis de refuser de
reconnaître l'innocence d'une personne sous prétexte que la preuve
n'aurait pas été
1875 V. en langue arabe : H. Abdallah Ahmad,
La théorie générale des preuves. Etude comparée
entre système procédural latin, anglo-saxonne et
islamique, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le
Caire (Egypte), 2004, pp. 505-506.
476
obtenue par une voie légale. Cette position est
critiquée. On lui reproche de donner des effets à une preuve qui
viole le principe de la légalité procédurale. Ce à
quoi il est répondu que même s'il y a atteinte à la justice
et aux intérêts de la société et de sa
sécurité, il est préférable que l'innocence, si
elle est réelle, soit reconnue. Il vaut mieux que mille criminels s'en
tirent plutôt qu'un seul innocent soit condamné. Si le juge peut
avoir des doutes quant à la culpabilité de l'accusé alors
qu'il y a des preuves l'incriminant, il ne peut que conclure à son
innocence si a des preuves de celle-ci. Le contraire reviendrait à juger
la culpabilité d'une personne dont on sait qu'elle est innocente, ce qui
serait une agression flagrante de la justice. En effet, le principe de la
légalité pénale n'accepte certainement pas cet argument
étant donné qu'il est posé à l'origine pour
protéger l'innocent, et non contre lui. En outre, le principe de la
sanction personnelle, pris par toutes les législations pénales
exige que la punition soit infligée uniquement au véritable
acteur du crime, de condamner le coupable en particulier pour atteindre la
punition, la dissuasion privée, la dissuasion publique, et donc
l'établissement de la sécurité de la
société. Ce principe lui-même permet au juge pénal
de s'appuyer dans son jugement d'acquittement sur des preuves illégales
montrant l'innocence du coupable, afin de ne pas punir un innocent alors que le
vrai criminel jouit de sa liberté et commet d'autres crimes. Ainsi, le
juge pénal peut se baser dans son jugement d'acquittement sur des
preuves illégales contenant l'innocence de l'accusé, dans le cas
contraire, la conséquence dangereuse serait la culpabilisation d'un
innocent. Par conséquent, le droit de l'accusé de se
défendre est un droit sacré placé au-dessus de tout autre
droit de la société. Il est inadmissible de restreindre la
liberté de l'accusé de se défendre avec une exigence
similaire à celle requise dans la preuve de culpabilité. La
légalité est donc une base de la preuve valide et sans
défaut de la culpabilité ou de l'innocence. Mais il n'est pas
possible de dire que la preuve de la culpabilité doit être
légale. Au contraire, il suffit que la preuve de l'innocence soit
présente sans compter sa légalité. Certains auteurs
peuvent critiquer cet avis en disant que l'équilibre de la justice est
détruit pour devenir discriminatoire dans l'évaluation de la
preuve, étant donné que les jugements judiciaires se fondent sur
l'affirmation et la certitude, non pas sur la supposition et l'hypothèse
et toujours sur la base d'une preuve légale. Nous disons non, car il
faut tenir compte du principe de la présomption d'innocence et de celui
selon lequel le doute doit favoriser l'accusé, de sorte que le jugement
de culpabilité est seul à être fondé sur
l'affirmation et la certitude. Quant au jugement d'innocence, il suffit pour le
juge pénal d'avoir un simple doute dans les preuves d'affirmation pour
juger l'acquittement. De ce fait, il vaut mieux pour le tribunal de
libérer un millier de criminels que de condamner un innocent.
477
369. La présomption d'innocence exonérant
l'accusé de prouver de son innocence. La question évidente
se pose donc : si la loi a permis à l'accusé ou au
défendeur de montrer ses défenses, d'être
écouté par le tribunal, de demander au juge d'instruction de
mener à bien certaines actions qu'il juge nécessaires afin de
découvrir la vérité, en considérant qu'il n'est pas
coupable, ou de fournir des documents et des preuves, le problème
principal reste centré sur le sort de la preuve illégale de
l'innocence de l'accusé ou du défendeur fournie par lui au
tribunal, sans que cette preuve soit le résultat d'une procédure
pénale au sens strict du mot. Quelle est donc la position de la
magistrature et la loi sur cette preuve illégale ? Existe-t-il une
différence selon que cette preuve émane de l'accusé ou du
défendeur lui-même ? La preuve illégale doit être
écartée de l'examen et de la conviction du juge, même si
elle représente la vérité, puisque la
légalité des procédures pénales en
général, et plus particulièrement
l'illégalité de la preuve pénale basée sur
l'illégalité du moyen de la recherche, de l'obtention ou de la
production de la preuve obligent à ne pas prendre en
considération la vérité et la valeur probante de cette
preuve même si cela conduit à l'impunité d'un criminel
coupable. Est-il possible d'admettre l'exclusion de la preuve illégale
qui prouve l'innocence de l'accusé pour la raison que celui qui l'a
obtenue, soit l'accusé, l'a obtenue d'une manière illégale
? Peut-on accepter ce qui n'est pas acceptable pour la conscience et la
justice, c'est-à-dire de punir une personne d'un péché
qu'il n'a pas commis et négliger la preuve de son innocence en raison de
l'illégalité de cette preuve ? Faut-il faire une comparaison de
position et donner la même solution pour le sort de la preuve
illégale fournie par l'autre partie privée dans le procès
pénal, en d'autres termes le demandeur civil ou la victime ? Il
découle du principe de la présomption d'innocence que la personne
mise en cause est en toute logique dispensée d'avoir à
établir son innocence. Cependant, l'enjeu du procès pénal
ne peut se satisfaire du rôle passif de la personne mise en cause dans
l'établissement de son innocence. Loin d'être analysée
comme une atteinte à ses droits fondamentaux, la possibilité pour
la personne mise en cause de rapporter des éléments de preuve de
nature à établir son innocence ou à atténuer sa
responsabilité constitue une chance supplémentaire, pour le
procès pénal, de
. La notion de
1876
tendre vers son objectif de vérité et de
prévention de l'erreur judiciaire
1877
preuve contraire n'est pas inconnue du droit en
général et du droit pénal en particulier
|
.
|
1876 P. Bolze, Le droit à la
preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit,
2010, Université Nancy 2, p. 7.
1877 P. Bolze, Le droit à la
preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit,
2010, Université Nancy 2, p.
7.
370.
478
Arguments en faveur du droit pour l'accusé de
prouver son innocence par une preuve illégale. Est-il possible
à l'accusé ou au défendeur de prouver son innocence
grâce à l'utilisation d'une preuve obtenue illégalement? Se
pose la question de la possibilité pour l'accusé de
présenter une preuve illégale afin de prouver son innocence. A ce
propos, il existe plusieurs points de vue doctrinaux vis-à-vis de la
preuve sur laquelle le juge fonde sa conviction de l'innocence.
371. Un premier avis contre l'admission d'une preuve
illégale. En réponse à cette problématique,
certains exigent la légalité de la preuve dans le cas de la
culpabilité et également de l'innocence. En effet, dans le cas
où la nullité d'une procédure est décidée,
cela influence tous les effets qui en découlent directement ; compte
tenu du fait que le texte n'a pas distingué entre la preuve de la
culpabilité et celle de l'innocence. En outre, les voies légales
assurent la démonstration de l'innocence, et par conséquent il
n'est pas donc permis de juger cette innocence au détriment de la perte
du principe de la légalité. Une deuxième opinion pense que
l'acceptation de la preuve illégale de l'innocence par la justice
implique la violation du principe de la légalité de la preuve, et
qu'il n'est pas possible à la justice d'établir la règle
que la fin justifie les moyens. Les adeptes de cette tendance voient que la
démonstration de l'innocence est soumise au principe de la
légalité de la preuve, comme la démonstration de la
culpabilité. Cependant, cet avis n'a pas pris en considération un
point important, qui est que la preuve illégale de l'innocence soumise
par l'accusé ou le défendeur ne prend pas la forme d'une
procédure pénale, ni ne peut être considéré
réellement comme un acte de procédure.
372. Deuxième avis soutenant l'acceptation de la
preuve illégale. La légalité n'est pas une condition
obligatoire dans la preuve de l'innocence, étant donné que cette
dernière compte parmi les principes fondamentaux des procédures
pénales, que chaque accusé profite de la présomption
d'innocence jusqu'à être jugé coupable en vertu d'un
jugement définitif. La partie doctrinale soutenant cet avis affirme
qu'il n'existe pas de restriction pour la mise en place de l'acquittement sur
la base d'une preuve illégale, en se fondant sur le principe
général de la présomption d'innocence de la personne, et
par conséquent, rien n'oblige le tribunal à le prouver. Il suffit
que le tribunal doute de la culpabilité de l'accusé pour
l'acquitter de ce que lui était attribué sur la base que la
légalité qui n'est pas une condition obligatoire dans la preuve
de l'innocence. La raison principale est que parmi les principes fondamentaux
des procédures pénales, chaque accusé jouit de la
présomption d'innocence jusqu'à être jugé coupable
en vertu d'un jugement définitif.
373.
479
Un troisième avis établit une distinction
entre deux cas de l'acceptation ou le rejet de la preuve illégale.
La troisième tendance pense que les preuves illégales de
l'innocence sont acceptées dans des cas spécifiques. En effet, si
la preuve a été obtenue par un moyen considéré
comme une infraction pénale, tel que le vol d'un document ou par la
fraude, cette preuve n'est donc pas fiable et par conséquent elle doit
être écartée. Dans le cas où la méthode
n'atteint pas le niveau de la criminalité, mais comprend plutôt
une violation d'une règle procédurale, la preuve obtenue n'est
donc pas gaspillée et reste prise en considération. Ce dernier
point de vue parvient à établir un équilibre entre
l'intérêt de l'innocent dans sa libération et les
intérêts de la société afin d'empêcher la
perpétration des infractions dans le cadre de la recherche de la
vérité. Cette logique doctrinale voit la distinction entre les
cas où l'illégalité de la preuve remonte à la
façon d'obtention qui viole les règles des procédures
pénales, et entre le cas où cette méthode est une
infraction pénale. La preuve illégale pour prouver l'innocence
est acceptée seulement dans le premier cas. L'accusé ne doit pas
être atteint par un fait dont il n'est pas responsable. Dans le second
cas où la preuve est produite par des moyens constituant une infraction
pénale - comme la fraude ou les faux témoignages - la preuve doit
être perdue, sur la base que le moyen devrait prendre la description du
but : si la fin est légale, le moyen qui en mène doit être
légal également. L'avis contraire va encourager à
commettre des crimes espérant prouver son innocence.
374. La possibilité d'établir l'innocence
sur une preuve illégale. Si l'accusé est à l'origine
innocent, le tribunal de première instance n'est pas tenu à la
conformité avec les règles de preuve. En principe, le juge
devrait fonder sa conviction sur une preuve légale comme règle
générale, mais il faut faire la distinction entre la
culpabilité et l'acquittement ou l'innocence. En effet, seule la preuve
de culpabilité doit être légale sans aucune exception. La
culpabilité ne se fonde pas sur une preuve illégale. Quant
à la preuve de l'innocence, elle peut être obtenue par un moyen
illégal qui n'est pas conditionné par sa légalité
comme une manifestation d'une tolérance en faveur du principe de la
présomption d'innocence. Par conséquent, nous soutenons l'avis
qui préfère l'obligation de la construction de la
culpabilité sur une preuve légale en respectant le principe de la
légalité de preuve pénale et ne pas exiger cette condition
pour la preuve de l'innocence.1878. Nous soutenons avec
clarté la non-
1878 V. en ce sens : Cour de cassation
criminelle Égyptienne, pourvoi numéro 4684 année 1958,
bureau technique, p. 819, date 02/11/1989 : A ce propos, il est possible de
donner des exemples de quelques importants arrêts qualitatifs émis
par la Cour de cassation égyptienne comme un exemple de droit comparatif
pour le
480
exigence de la légalité de la preuve de
l'innocence. La non-considération de la preuve illégale
n'était prévue que pour garantir la liberté de
l'accusé et ne doit pas se retourner contre lui. L'accusé a une
totale liberté dans le choix des moyens de défense selon sa
position dans le procès. Ainsi, le droit de l'accusé à se
défendre est supérieur aux droits du corps social qui est plus
affecté par la culpabilité d'un innocent que par l'acquittement
d'un coupable.
375. Position de la justice libanaise sur la preuve
illégale présentée par l'accusé. Après
la révision des dispositions de la justice libanaise, nous n'avons pas
remarqué l'existence de dispositions indiquant ou mettant en
évidence la position de la justice sur ce sujet qui ne semble pas
être débattu dans la pensée juridique libanaise. En outre,
il n'existe pas de distinction fondée sur la norme de la partie qui a
présenté la preuve illégale, qu'elle soit l'accusé,
le demandeur civil ou la victime. Ainsi, la justice libanaise ne prend pas la
moindre considération à ce sujet, et nous voyons cette même
attitude dans la doctrine libanaise qui n'accorde aucune importance à ce
sujet et nous ne pouvons pas trouver un avis sur ce sujet. En outre, il semble
que la justice et la doctrine libanaises n'accordent aucun intérêt
en termes de distinction entre la preuve illégale émise sur la
base d'une procédure pénale au sens strict du mot, et la preuve
illégale qui n'est pas le résultat d'une procédure
pénale, et présentée au tribunal ou versée dans le
dossier pénal. Par conséquent, il est possible de confirmer que
la situation pratique dans le droit libanais est toujours hésitante
s'agissant de la compréhension du terme de la preuve illégale et
du choix de la façon de la confrontation de cette preuve et de son sort.
Ainsi, il est possible de dire avec certitude que l'idée de punir ou de
sanctionner la preuve illégale est encore en croissance très
lente, sans l'existence d'une position claire et fixée de la justice
libanaise sur ce sujet. Nous voyons que la justice libanaise doit a priori
établir un concept unifié de la preuve illégale, adopter
une position unifiée et par
soutien de notre avis en termes d'explication de l'avis que
nous soutenions. La Cour de cassation égyptienne est allée
jusqu'à dire littéralement : « Étant donné
qu'il est décidé que bien que la légalité est
nécessaire dans la preuve de culpabilité, il est interdit de
fonder une culpabilité valide sur une preuve invalide dans la loi ;
toutefois, (la légalité n'est pas une condition) obligatoire dans
la preuve d'innocence, car l'origine selon l'article 67 de la Constitution et
les principes fondamentaux dans les procédures pénales que chaque
accusé a la présomption d'innocence jusqu'à être
jugé coupable avec un arrêt définitif, et jusqu'à
l'émission de cet arrêt, il a une totale liberté dans le
choix des moyens de défense selon sa position dans le procès et
ce qu'il ressent comme conditions de peur, de prudence et d'autres
symptômes naturelles à la faiblesse des êtres humains. A la
direction de ces principes, le droit de l'accusé à se
défendre s'est fondu, devenant ainsi un droit avancé
supérieur aux droits et intérêt de la société
qui n'est pas affectée par l'acquittement d'un coupable mais
plutôt nuise ainsi que la justice par la culpabilité d'un
innocent. En outre, la loi a décidé, sauf ce qui est
nécessaire comme moyens spéciaux de preuve, la permission totale
au juge pénal de choisir parmi ces moyens ce qu'il considère une
voie amenant à la révélation de la vérité ,
en pesant la force de la preuve provenant de chaque élément, avec
une liberté absolue dans l'appréciation de ce qui lui est soumis,
et la vérification de sa force probante dans chaque cas selon ce qui est
tiré des faits du procès et ses circonstances sans acceptation de
la restriction de la liberté du tribunal dans la preuve de l'innocence
avec une exigence semblable à ce qui est requis dans la preuve de
culpabilité ».
conséquent décider une voie particulière
dans l'inacceptation de cette preuve. En conclusion, il convient de dire que
rien n'empêche la justice libanaise d'adopter notre
précédente opinion sur le sujet de l'acceptation de la preuve
illégale de l'innocence pour toutes les raisons
précédemment décrites.
376. La position de la jurisprudence française
concernant l'acceptation de la preuve illégale de l'innocence.
Selon la chambre criminelle de la Cour de cassation française
« le droit à un procès équitable et la
liberté d'expression justifient que la personne poursuivie du chef de
diffamation soit admise à produire, pour les nécessités de
sa défense, les pièces de nature à établir la
vérité des faits ou sa bonne foi, sans qu'elles puissent
être écartées des
débats au motif qu'elles auraient été
obtenues par des moyens illicites ou déloyaux »
|
1879
|
. Quel
|
est le fondement de la recevabilité d'une preuve
illégale ou déloyale présentée par un particulier ?
Premièrement, le silence du Code de procédure pénale ou le
vide juridique concernant l'absence d'un texte de loi claire qui oblige le juge
répressif à écarter un élément de preuve
illégal ou déloyal, comme l'a indiqué la chambre
criminelle de la Cour de cassation française dans sa formule classique
à plusieurs reprises « aucune disposition légale ne
permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve
produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été
obtenus de façon illicite ou déloyale ; [qu']il leur appartient
seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure
pénale, d'en apprécier la valeur probante
» 1880 . D'autre part, la chambre criminelle de
la Cour de cassation française accepte les preuves déloyales et
illégales produites par une partie privée qui permet de prouver
l'innocence en considérant qu'elles sont nécessaire. Pour
justifier la recevabilité de cette preuve illégale, la Cour de
cassation a eu recours à l'idée des besoins de la défense
« attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que
l'enregistrement de la conversation téléphonique privée,
réalisé par Alain Y..., était justifié par la
nécessité de rapporter la preuve des faits dont il était
victime et de répondre, pour les besoins de sa défense, aux
accusations de violences qui lui étaient imputées, la Cour
d'appel, devant qui la valeur de ce moyen de preuve a été
contradictoirement débattue, n'a pas méconnu les textes et les
dispositions conventionnelles
visés au moyen »
|
1881
|
. On peut donc dire que la Cour de cassation française
accepte la preuve
|
481
illégale si cette preuve constitue un moyen de
défense pour prouver l'innocence. M. Jean-Christophe Saint-Pau
considère que « s'il n'est pas concevable qu'un particulier
organise des
1879 Cass. crim., 19 janvier 2010, B.C.,
n° 12.
1880 Cass. Crim., 6 avril 1994, B.C.,
n° 136, p. 302. 1881 Cass. Crim., 31 janvier 2007,
B.C., n° 27, p. 100.
investigations ou recherches illégales, notamment
en procédant à des écoutes téléphoniques et
en enregistrant des conversations privées, il reste que le principe de
légalité procédurale peut trouver sa limite dans les
droits de la défense. Lorsque, en effet, une personne est victime d'une
infraction ou d'une accusation, il serait contraire aux droits de la
défense de ne pas l'autoriser à en rapporter la preuve, alors
même qu'elle serait obtenue de manière illicite ou
déloyale »
|
1882
|
. Cet avis généralise l'argumentation de la
recevabilité de la preuve illégale ou
|
482
déloyale en se basant sur le principe que la
légalité procédurale trouve sa limite dans les droits de
la défense sans faire une distinction entre preuve de culpabilité
et preuve d'innocence ou preuve apportée par une partie privée
qui est victime d'une infraction ou d'une accusation. Nous soutenons
partiellement l'avis de M. Jean-Christophe Saint-Pau concernant la
recevabilité de la preuve illégale d'innocence par la chambre
criminelle de la Cour de cassation mais nous rejetons son avis concernant la
recevabilité de la preuve de culpabilité qui doit être
toujours soumise à l'application effective du principe de la
légalité procédurale et de la légalité de
preuve pénale. Donc, il est remarquable que la chambre criminelle de la
Cour de cassation française constate que l'utilisation d'un
élément de preuve illégale par une partie privée
afin d'identifier ou prouver son innocence est considérée comme
un moyen de
1883
défense et qui est conforme avec les exigences du
procès équitable. Cette possibilité
d'utilisation de preuves illégales pour prouver
l'innocence de la personne poursuivie s'appuie selon la jurisprudence de la
chambre criminelle de la Cour de cassation française sur les mêmes
raisons qui ont poussé cette chambre à accepter les preuves
illégales de culpabilité apportées par une partie
privée.
1882 J.-Ch. Saint-Pau, «
L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit
pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n°
21.
1883 V. Cass. Crim., 11 février 1992,
B.C., n° 66, p. 166 : « Le fait que des pièces
produites par une partie pour sa défense auraient été
obtenues par des moyens déloyaux ne permet pas au juge d'instruction de
refuser de les joindre à la procédure, dès lors qu'elles
ne constituent que des moyens de preuve dont la valeur peut être
discutée contradictoirement. Il ne peut donc être reproché
au juge d'instruction ni de saisir une bande magnétique, à lui
remise par une partie, contenant l'enregistrement d'une conversation, ni de
faire procéder à la transcription de cet enregistrement et de la
joindre au dossier de la procédure, même si cet enregistrement a
eu lieu à l'insu d'un des participants à cette conversation
».
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