WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La légalite des moyens de preuve dans le procès pénal en droit français et libanais


par Ali Ataya
Ecole doctorale 88 Pierre Couvrat (Poitiers) - Droit et Sciences Politique, Université du Maine - Thèse de doctorat en Droit privé 2013
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section II

Les règles variables de la recevabilité de la preuve en
fonction de l'auteur de la preuve

349. La participation des parties privées du procès pénal à la recherche de la vérité. Traditionnellement dans le procès pénal, l'intervention des autorités étatiques dans la recherche de la preuve est considérée comme une responsable primaire. Mais la place des parties privées dans la recherche de la vérité a connu un développement considérable au cours des dernières années, ce qui a poussé certains auteurs à évoquer le phénomène de

1805

privatisation dans le procès pénal comme le souligne M. Xavier Pin et notamment dans la

1806

recherche de la preuve pénale . Sans doute la production des éléments de preuve par les parties privées s'appuie sur les textes de loi réglementant les droits des parties privées de produire des éléments de preuve. Mais il est indéniable de souligner l'importance des éléments de preuve obtenus illégalement versés aux débats dans le procès pénal par les parties privées ou l'accusé ou par un tiers. Cet effet d'influence des preuves illégalement recueillies qui sont produites par les parties privées pose le problème de la recevabilité des éléments de preuve illégale qui ne sont pas qualifiés ou qui ne constituent pas un acte de procédure.

350. Principe d'égalité des armes et le droit à la preuve. Le principe d'égalité des armes a joué un rôle actif et essentiel dans la progression de la recherche de la preuve de la vérité par les parties privées dans le procès pénal. On peut parler d'une sorte d'égalité dans l'administration de la preuve, résultant du principe d'égalité des armes. L'énoncé même d'un droit à l'égalité dans l'administration de la preuve constitue une véritable révolution de notre procédure pénale imprégnée du principe fondamental de la présomption d'innocence

1805 X. Pin, « La privatisation du procès pénal », in R.S.C., 2002, p. 245 : « La privatisation du procès pénal est un phénomène caractérisé, en droit, par le renforcement du rôle des acteurs privés à tous les stades du procès pénal et par l'émergence de règles de procédure protégeant davantage des intérêts individuels ou collectifs que l'intérêt général ».

1806 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 / décembre 2003, p. 4 : « Il est permis de constater que les parties privées, longtemps à l'écart du procès pénal, bénéficient depuis quelques années d'un renforcement de leurs droits de sorte que l'on parle désormais de «privatisation » dans la recherche de la preuve (droit d'accès aux pièces du dossier, droit de demander la réalisation d'actes d'enquête supplémentaires, renforcement des droits des victimes)».

conduisant naturellement et historiquement à la passivité de la personne poursuivie dans

1807

l'attente de l'avènement de la vérité judiciaire

. Le principe de l'égalité des armes qui

449

recoupe parfois le principe du contradictoire sans pour autant se confondre avec lui, a

1808

contribué efficacement à faire progresser les droits des parties privées . Cependant, nous croyons qu'il est nécessaire de préciser que le rôle croissant des acteurs privés dans la preuve pénale est limité aux actes procéduraux pénaux stipulés par la loi. A ce propos, il faut être prudent et faire la différence entre ces droits prévus par la loi d'une part, et qui sont considérés comme acte de procédure pénale, soumis à la théorie de la nullité pénale, et d'autre part, le processus de la pénétration de la preuve pénale illégale directement devant le tribunal ou le juge dans le dossier pénal. Ce dernier processus ne possède aucune base juridique dans le Code des procédures pénales et ne peut être considéré comme un acte de procédure, ni ne peut être soumis à la théorie de la nullité pénale. Cette distinction est nécessaire, car la preuve pénale illégale présentée par les parties privées au tribunal n'est pas soumise à la théorie de la nullité, et tourne par conséquent autour de la problématique de son acceptation (admission) ou non par le pouvoir judiciaire.

351. La théorie de la nullité non applicable à la preuve qui ne constitue pas un acte de procédure pénale. Il est à noter que la théorie de la nullité ne tient compte que des procédures pénales au sens précis du mot, ou, en d'autres termes, les procédures fixées par le législateur dans les textes de la loi des procédures pénales afin de rechercher et de produire la preuve pénale. La plupart de ces textes organisent et régularisent les travaux des pouvoirs publics dans la recherche de la preuve pénale. A ce sujet, la théorie de la nullité soulève une grande importance sur l'échelle de l'application du Code des procédures pénales, notamment dans le cadre du travail procédural. Par conséquent, le travail procédural est l'axe sur lequel se base la théorie de la nullité, qui est d'ailleurs une pénalité ou sanction conséquente du travail procédural qui ne dispose pas d'une ou plusieurs conditions de sa validité. De ce fait, il est évident que la théorie de la nullité ne se préoccupe pas du sort des éléments de preuve fournis par les parties privées devant le juge ou le tribunal. En effet, cette présentation ne prend pas la forme d'une procédure pénale puisque la loi ne considère comme telle que les procédurales relatives à la prospection et à la recherche de la preuve par des personnes et des pouvoirs publics, comme la police judiciaire, les magistrats du parquet, le juge d'instruction et

1807 P. Bolze, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit, 2010, Université Nancy 2, p. 146.

1808 Intervention de Mme Renée Koering-Joulin, «La chambre criminelle garante du droit à un procès équitable », in cycle Droit et technique de cassation, lors du colloque du 3 mai 2010 organisé à la Cour de cassation en 2010 (France).

450

les juges du fond. Ainsi, les actions des parties privées ne sont pas limitées par l'autorité et le champ de la théorie de la nullité en considérant que la présentation d'une preuve pénale au tribunal par l'une des parties privées n'est pas le résultat d'une procédure pénale. Par conséquent, les mécanismes de la théorie de la nullité ne parviennent pas à caractériser la nullité de la preuve illégale dans le cas où elle n'est pas basée sur une procédure pénale malgré l'illégalité flagrante de ces preuves. En effet, il s'agit du processus de la pénétration de la preuve ou des éléments de la preuve pénale acquis d'une manière ou par un moyen illicite par les parties privées telles que l'accusé, sa famille, la victime ou la partie civile, voire une personne étrangère au procès pénal telle qu'une personne qui se présente volontairement au tribunal pour présenter directement des preuves utiles pour révéler la vérité. Ce qui précède ouvre le débat sur la défaillance ou l'échec de la théorie de la nullité pour exclure ou sanctionner la preuve illégale obtenue par les parties privées.

352. La notion de la preuve pénale émise en dehors du système procédural prévu par la loi. Il faut préciser que la participation des parties privées dans la présentation et la production de la preuve pénale n'est pas identique à celle avec laquelle les autorités publiques produisent la preuve pénale, étant donné que la loi a confié exclusivement à ces autorités l'application des dispositions de la loi des procédures pénales pour la recherche de la preuve pénale, qui nécessite un certain degré de restriction sur les libertés des individus et de violation de leur vie privée au cours de sa mise en oeuvre. Par conséquent, il est interdit aux autres personnes d'effectuer cette action notamment à une partie privée du procès pénal ou en dehors de ce procès. Or, le vrai problème survient lorsque les parties privées soumettent des preuves obtenues illégalement au tribunal, non produites par une procédure pénale, et non liées à leur participation exclusive, limitée selon la loi à la production de la preuve, prenant souvent la forme de demandes adressées au tribunal. Il peut s'agir par exemple, de la présentation au tribunal d'une preuve obtenue illégalement par les parties privées, telle que le vol d'un document important servant de preuve, une vidéo ou un enregistrement audio de l'accusé obtenu à son insu ou sans l'accord de la justice, où l'accusé admet avoir commis l'infraction, capturé à son insu par un appareil d'enregistrement posé par la victime, par un individu affecté par l'infraction ou même toute autre personne pouvant témoigner. Il s'agit donc d'une preuve obtenue sans une procédure pénale, ou en d'autres termes, un moyen non considéré en tant qu'une procédure pénale. Est-il possible d'accepter cette preuve au cours d'un procès pénal, sachant que l'individu par lequel elle a été obtenue n'a pas le pouvoir ou le droit de rechercher la preuve, car la loi ne lui permet pas d'exercer cette fonction ? La vraie problématique est liée à cette preuve illégale incontestablement, étant donné que la manière de

451

l'obtention de la preuve est illicite, et que la personne qui a reçu la preuve a agi sans tenir compte de la loi ne lui permettant pas de chercher la preuve de cette manière illégale. Par conséquent, quel serait donc le sort de cette preuve illégale ? Il est reconnu que la théorie de la nullité s'est préoccupée et a traité principalement la sanction des procédures illégales menées par les pouvoirs publics, tels que la police judiciaire, le procureur général, et les juges d'instruction lors de leur recherche de la preuve pénale, ainsi que les juges de première instance au cours des jugements. Or, cette théorie ne s'est pas intéressée à la sanction de la preuve illégale émanée des parties privées. Quel est donc le sort de cette preuve illégale ? Le juge est-il obligé de l'accepter ou de la rejeter ? Le juge pénal a-t-il la possibilité ou le droit d'évaluer la valeur probante de la preuve illégale afin de condamner l'accusé ? En outre, une autre problématique semblable à la première se met en évidence. Il s'agit de la problématique relative à la présentation d'une preuve issue d'un moyen illégal de la part de l'accusé afin de prouver son innocence. En effet, la preuve de l'innocence est-elle censée à être en conformité avec le principe de la légalité de preuve pénale semblablement à celle de la culpabilité ? Ou, au contraire, doit-on considérer que la preuve de l'innocence n'est pas conditionnée par son respect du principe de la légalité de preuve, et par conséquent que le juge a le droit de disculper l'accusé se basant sur une preuve illégale présentée par l'accusé au tribunal?

La théorie de la nullité a joué un rôle essentiel pour sanctionner l'illégalité de la preuve pénale fournie par les autorités étatique et judiciaire. Cependant, cette théorie n'a fourni aucune solution à l'illégalité flagrante de la preuve pénale fournie par les parties privées et par l'accusé. Nous abordons cette problématique dans le premier paragraphe, en montrant le point de vue de la jurisprudence et de la doctrine au Liban et en France dans le but de remédier à ce problème afin de connaître le sort de la preuve illégale fournie par les parties privées, notamment par la victime, par le demandeur, ou à leur avantage en tant que preuve de condamnation de l'accusé. Dans le deuxième paragraphe, nous traitons la preuve illégale soumise au juge par l'accusé ou à son avantage en tant que preuve de l'innocence.

§ 1. Éléments de preuve illégale fournie par le plaignant et la victime ou preuves illégales de culpabilité.

353. La participation de la victime1809 ou de la partie civile dans la démonstration de la

preuve pénale. L'argument soutenant que le défendeur ou l'accusé est innocent

1810

amène à

452

dire que le procureur général (Ministère public) doit présenter la preuve afin d'appuyer et de soutenir l'accusation 1811 , ou en d'autres termes de présenter la preuve de la perpétration des

1812

infractions

1813

et la preuve que la personne recherchée est le coupable

. Cette obligation est

également la responsabilité du demandeur qui comprend son affaire personnelle visant à réclamer son indemnisation pour les dommages qu'il a subis en raison de l'acte, dans le procès

. A

1814

pénal. Le demandeur personnel doit également prouver son préjudice allégué

l'exception de cela, il n'existe pas de différence entre lui et le procureur général, sauf que le demandeur civil agit à son propre profit, et que le procureur général agit pour l'intérêt public et au nom de société. Les deux parties peuvent bénéficier les uns des autres dans la présentation de la preuve1815. En effet, le ministère public veille sur l'entité de la société en tant que représentant de l'autorité chargée d'appliquer la loi, sans laquelle les impulsions et les désirs remplacent la raison et la justice, étant donné que les personnes instaurent la justice elles-mêmes. Par conséquent, le Code des procédures pénales au Liban et en France a

1809 V. sur la notion de victime : R. Cario, Victimologie, L'harmattan, Paris, 2006, p. 33 : « toute personne en souffrance, dès lors que cette souffrance est personnelle, réelle et socialement reconnue comme inacceptable ».

1810 V. G. Levasseur, A. Chavanne, J. Montreuil, B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal général et procédure pénale, 14e éd., Dalloz, 2002, n° 433, p. 176 : La charge de la preuve : « La règle fondamentale en la matière est la présomption d'innocence. Tout homme doit être présumé innocent des infractions qui lui sont reprochées, tant qu'un jugement régulier et une décision définitive ne sont pas intervenus ».

1811 V. G. Levasseur, A. Chavanne, J. Montreuil, B. Bouloc et H. Matsopoulou, Droit pénal général et procédure pénale, 14e éd., Dalloz, 2002, n° 433, p. 176 : charge de la preuve et présomption d'innocence et la conséquence de la présomption d'innocence :« Du fait de cette présomption, c'est la partie poursuivante (le ministère public et éventuellement la partie civile) qui doit rapporter la preuve de tous les éléments de l'infraction et de tous ceux qui permettent d'apprécier la responsabilité du coupable. Toutefois, la personne poursuivie agira sagement en apportant de son côté des arguments en sens inverse ».

1812 V. F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 61, p. 47 : « Il ne revient pas à la personne poursuivie de démontrer qu'elle est innocente de l'infraction dont elle est accusée ; il revient en revanche à l'accusation, au ministère public, de prouver sa culpabilité avec une force que l'idée de présomption induit: renverser la présomption d'innocence ».

1813 V. sur le rôle de la victime dans le procès pénal en langue anglais : A. Confalonieri, « The Role of the Victim in Administrative and Judicial Proceedings », in Revue Internationale de Droit Pénal, 2011, Vol. 81, issue 3, pp. 529-550

1814 V. F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 61, p. 47 : « À l'accusateur public qu'est le ministère public s'ajoute en pratique un accusateur privé : la victime qui s'est constituée partie civile ».

1815 V. en langue arabe : E. Nammour, La cour criminelle. Etude comparée, op. c it., 2e partie, n° 1360, p. 950.

453

donné aux autorités publiques l'exclusivité de la recherche des preuves dans le procès pénal conformément aux dispositions de la loi des procédures pénales, et au demandeur du droit civil ou à la victime certains droits à travers lesquelles il est possible de participer à la démonstration de l'acte criminel, dans les limites utiles à son procès civil1816. M. Maamoun Salama pense que dans le cas où le tribunal a accepté la demande civile, le demandeur devient l'un des justiciables dans le procès civil et l'accusé sera le responsable des droits civils des autres justiciables au même procès. Cependant, cette qualité ne lui confère pas de droits directs sur le procès pénal devant le tribunal, étant donné que cette action est limitée au procureur général. Toutefois, il lui est possible de participer à la démonstration de l'acte criminel, dans les limites utiles à son procès civil. En outre, le législateur a pris des dispositions afin d'affirmer cette qualité en conférant des droits et des obligations au

demandeur civil1817 . A ce propos, M. Raouf Obayd affirme que la loi a accordé au demandeur civil des droits importants afin de lui permettre d'exiger son droit vis-à-vis de l'accusé, en contribuant d'une part à prouver la responsabilité de celui-ci, et en profitant de cette situation d'autre part pour exercer un contrôle effectif sur les autorités de l'accusation et

1818

.

de l'enquête portant de lourdes responsabilités

Afin de connaître le sort de la preuve illégale de culpabilité soumise par le demandeur civil ou la victime au tribunal, il est nécessaire de se référer aux tendances de la jurisprudence au Liban et en France dans le but d'extrapoler l'approche suivie par les Cours de cassation dans ces deux pays sur cette question, c'est-à-dire les solutions apportées au problème de l'illégalité de la preuve de culpabilité soumise par le procureur civil ou la victime, l'application du principe de la légalité de la preuve, la pertinence de l'incident de ces solutions et les critiques qui leur sont adressées. D'abord, il convient d'examiner la position de la jurisprudence libanaise par rapport à l'admission de la preuve illégale de culpabilité présentée par le défendeur ou la victime (A). Ensuite, la position de la Cour de cassation française par rapport à cette admission sera abordée (B).

1816 V. F. Agostini, « Les droits de la partie civile dans le procès pénal », in Rapport annuel de la cour de cassation de l'année 2000 : « La victime d'une infraction, qui a personnellement souffert du dommage causé directement par l'infraction, a, conformément aux articles 1, alinéa 2, 2 et 3 du Code de procédure pénale français, droit à agir devant la juridiction répressive. En se constituant, elle devient partie civile au procès pénal ».

1817 V. en langue arabe : M. Salameh, La procédure pénale dans la législation pénale égyptienne, Dar Al-Nahda Al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Le Caire (Égypte), 2000, pp. 438-539.

1818 V. en langue arabe : R. Obayd, Les principes de la procédure pénale en droit égyptien, 8e éd., Imprimerie renaissance Égypt, Le Caire (Egypte), 1970, p. 217.

454

A. La recevabilité de la preuve illégale de culpabilité produite par un particulier en droit libanais.

354. L'admission de la preuve illégale en droit libanais. D'abord, il faut souligner que le concept de l'illégalité de la preuve pénale dans le droit libanais est encore une nouvelle idée non traitée d'une façon claire et directe par la doctrine ni par la jurisprudence libanaise. Dans la loi libanaise, il semble que la jurisprudence et les arrêts judiciaires n'ont pas traité explicitement la preuve illégale, mais la recherche a été limitée plutôt dans un aspect étroit relatif au sort de la preuve, lié à la théorie de la nullité pénale sans la dépasser. Il convient de rappeler qu'il a été auparavant expliqué que la preuve pénale émise hors des cadres et du système de la procédure pénale, fournie par les parties privées dans le procès pénal n'est pas soumise à la théorie de la nullité. En effet, cette preuve dépasse le champ de cette théorie étant donné que le rôle de celle-ci est limité à un mécanisme juridique sanctionnant ou pénalisant le non-respect ou de la violation de la règle procédurale. Par conséquent, nous avons cherché dans tous les ouvrages des procédures pénales libanaises, ainsi que dans la jurisprudence libanaise, sans trouver aucun avis doctrinal ou arrêt judiciaire portant sur la question de l'illégalité de la preuve pénale soumise par les parties privées sans prendre la forme ou la formule de la procédure pénale. En outre, il convient de noter que l'idée de la distinction entre la preuve émise ou résultant d'une procédure pénale et celle émise hors du champ de la procédure pénale est une idée anonyme ou un concept inconnu dans la jurisprudence et la doctrine pénale au Liban. Il est possible de conclure que les dispositions de la jurisprudence libanaise adoptent un principe général fixe. En effet, toute preuve présentée à la magistrature est placée sous l'étude et l'évaluation du tribunal et du juge du fond sans considérer sa source illégale ou de la partie la soumettant. Ces dispositions reflètent l'adoption par la jurisprudence libanaise d'un concept large sans limite de la liberté de la preuve pénale. A notre tour, nous le décrivons en tant qu'un concept très radical du principe de la liberté de la preuve sans aucune autre entrave que la présentation de la preuve en public, son débat oral devant le tribunal, et la focalisation sur sa valeur probante. Par conséquent, les dispositions de la justice libanaise ne considèrent pas le principe juridique de la légalité de la preuve pénale en tant qu'une des restrictions de la liberté de la preuve pénale. Il convient de noter que par plusieurs arrêts très clairs, la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise affirme qu'elle ne surveille pas l'appréciation du tribunal et du juge du fond sur la preuve pénale, notamment la Cour criminelle, mais elle s'assure uniquement de la

non-déformation de la preuve par ce juge et ce tribunal du fond. En effet, la Cour de cassation libanaise est une juridiction de droit et non un tribunal de faits. De ce fait, les tribunaux de première instance (du fond) monopolisent l'évaluation de la valeur probante de la preuve qui lui est soumise, en ignorant sa source illégale, sans aucun contrôle imposé par la Cour de cassation à ce sujet.

355. La confirmation de la Cour de cassation libanaise que l'appréciation de la preuve est incluse dans l'évaluation absolue du tribunal de première instance, en l'absence du contrôle de la Cour de cassation. Dans sa résolution n° 1, publiée le 05/01/2006 dans l'affaire du ministère public /Yaghi, la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise affirme

1819

que: « l'évaluation des preuves est incluse dans l'autorité absolue de la Cour de démontrer les faits et les preuves, sans que cette évaluation soit soumise au contrôle de la Cour de cassation ». Dans un autre arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation

,

1820

libanaise, dans sa résolution n° 3, publié le 09/01/2007 dans l'affaire Dib/ ministère public

a confirmé que « ce que l'appelant provoque dans cette raison sous le couvert de la déformation de la preuve n'est qu'un débat sur le droit de la chambre d'accusation dans son appréciation des preuves contenues dans le procès, l'adoption de ce qui lui fournit sa conviction, et l'exclusion du reste, qui est d'ailleurs un droit revenant à l'autorité de la chambre d'accusation sans supervision de la Cour de cassation ». Dans un autre arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, dans sa résolution n° 43 en date

du 27/2/2007

1821

, elle a confirmé que « ce que la partie appelante soulève dans le cadre de la

455

présente raison, est considéré en tant qu'un débat sur les faits et les preuves invoquées par le tribunal afin d'atteindre le résultat sur lequel elle s'est basée dans son jugement contesté, et dans son droit d'évaluer les déclarations des témoins, sachant que l'évaluation des faits et des preuves et l'évaluation des déclarations des témoins reviennent uniquement au tribunal de première instance, sans aucun contrôle de la part de la Cour de cassation. Par conséquent, la résolution adoptée à cette fin ne constitue pas une déformation des faits ou du contenu des documents en conformité avec le concept juridique pour cette raison ». De plus, la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a confirmé qu'il n'y a aucun contrôle discriminatoire (c'est-à-dire de la part de la Cour de cassation) sur l'autorité absolue de la Cour criminelle dans l'appréciation de la référence à la preuve,

1819 La chambre criminelle de la Cour de cassation du Liban, composée du : président M. Labib Zwein et les conseillers Mme Alice Chabtini Alaam et M. Elias Nayfeh.

1820 Composée du : Président M. Ralph Rayashi, et les conseillers M. Ghassan Fawaz, M. Malek Saaibi. 1821 Composée du : Président M. Ralph Rayashi et les conseillers M. Ghassan Fawaz et M. Malek Saaibi.

et l'évaluation de la préférence d'une preuve sans l'autre 1822 . Dans un autre arrêt de la

456

chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, dans la résolution n° 106 en date

1823

du 20/07/1999 dans l'affaire Abid/ ministère public, la Cour a souligné que « l'évaluation des preuves revient à l'autorité du tribunal de première instance et n'entre pas dans le cadre du contrôle de la Cour de cassation ».

356. L'exclusion de la preuve illégale de culpabilité en raison de la faiblesse ou de la perte de la valeur probante de cette preuve après son évaluation sous le couvert de l'illégalité de la preuve. Dans l'un des arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, la cour a fondé son arrêt sur un principe public très important : « le fondement de la conviction du tribunal repose sur des preuves recevables juridiquement et valides, et non sur l'aveu suspect de l'accusé qui est fait chez l'autorité non étatique ». A ce fait, dans un arrêt unique, la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise dans sa résolution n° 104 en date

a

1824

du 28/04/1999 dans l'affaire Majzoub et ministère public/ Mustafa et ses collègues

confirmé selon les éléments de son arrêt que dans la loi : les cinq accusés nient devant les autorités de la sécurité et la juridiction libanaise les infractions qui leur sont assignées. Les preuves avancées contre eux, adoptées par l'acte d'accusation, et dont l'exigence de l'adoption émane également des deux parties de l'accusation publique et personnelle, sont limitées avec l'aveu qui leur a été attribué inclus dans les copies des documents, les cassettes et la vidéo incluses dans le dossier et liées aux enquêtes menées par des dispositifs de l'armée de la

libération Palestinienne, y compris le prétendu jugement émis par la
magistrature palestinienne. Cependant, elle a également mis en évidence dans le dossier les déclarations des cinq accusés dans la lutte armée palestinienne le 24/09/1990, dont le retrait de leur reconnaissance qu'ils ont décrit comme falsifié, étant donné qu'il était pris sous l'influence de coups et de menaces. Le rapport du conseiller de la Cour criminelle libanaise qui a vu et entendu les enregistrements de l'enquête avec les accusés et qui contiennent leurs reconnaissances a prouvé que ces enquêtes sont inspirées et enveloppées par la peur et la confusion. En outre, la Cour criminelle libanaise s'est assurée de cette

1822 Conformément à la décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise Composée du: Président M. Afif Chamseddine et les conseillers M. Anthony Elias Khouri, M. Issa Abdallah dans sa résolution n° 100 en date du 29/3/2000 dans l'affaire Abdullah et Salloum / ministère public, la cour a affirmé que «les déclarations du demandeur de cassation dans les raisons évoquées sont relatives à l'évaluation du tribunal pénal des preuves dont il dispose, de s'en contenter, et à la composition de sa conviction sur la base d'une preuve ou d'une autre. Toutes ces actions sont laissées à son évaluation absolue tant qu'il ne semble pas déformer la preuve ou les documents, sans aucun contrôle de la Cour de cassation ».

1823 Composée du Président M. Ralph Rayashi et des conseillers M. Samir Aalia et M. Joseph Samaha. 1824 Composée du Président Afif Shamseddin et les conseillers Elias Abdullah et Fouad Gaâgaâ.

457

approbation après avoir vu et entendu ces enregistrements. Étant donné que la conviction se base sur les preuves estimées par le tribunal et qui doivent être juridiquement acceptables et basées sur des procédures valides, il ne résulte des enquêtes menées par les autorités de la sécurité et la justice libanaise, qui ont pris en considération tous les principes juridiques, aucune preuve démontrée contre l'accusé. La reconnaissance attribuée aux accusés, résultant de la contrainte physique et morale et devant la force du fait réel sans pouvoir ni capacité, qui est d'ailleurs la seule preuve contre les accusés, n'est pas acceptable par la loi. Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de dire que les cinq accusés ne sont pas reconnus coupables des infractions qui leur sont assignées, et de déclarer leur innocence en l'absence d'une preuve acceptable.

357. Commentaire sur la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise dans l'arrêt précédent (résolution n° 104 en date du 28/04/1999). Cet arrêt semble intéressant en confirmant que la conviction du tribunal doit se fonder sur des preuves admissibles par la loi et des procédures valides qui sont indirectement une consécration du principe de la légalité de preuve pénale comme condition ou limite à la liberté de la conviction du juge. En effet, il confirme en termes de forme en formulant indirectement l'appui du principe de la légalité de la preuve pénale. Cependant, cet arrêt semble médiocre et insuffisant en termes de fond lorsqu'on lit les explications des juges de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise. D'abord, il révèle à la fois l'ignorance et la négligence des juges de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise de l'existence du principe de la légalité de la preuve pénale. Quelle est la preuve de l'ignorance de la Cour de cassation pénale du Liban à la présence d'un principe juridique appelé le principe de la légalité de la preuve pénale ? La réponse est un prélude à notre critique de la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise. Il faut clarifier un point important et fondamental concernant la source de la preuve dans le jugement : ces preuves présentées contre les accusés sont une enquête menée par les milices palestiniennes au Liban qui n'ont aucune autorité officielle ni légitime dans l'État de droit supposé au Liban, et qui se nomme l'armée de l'indépendance palestinienne. Il s'agit des milices de sécurité existant au sein des camps de réfugiés palestiniens dans l'État du Liban, tolérées par l'État pour des considérations politiques et sécuritaires libanaises liées au problème de la présence palestinienne (peuple palestinien dans les camps de réfugiés) au Liban pour l'exercice de ces milices de certains rôles de sécurité les camps de réfugiés situés sur le territoire libanais. En effet, elles mènent des enquêtes considérées judiciaires par ces milices elles-mêmes, ainsi qu'un nombre de jugement et procès dans ces camps sans avoir aucune autorité légitime ni officielle, et sans être

458

déléguées par l'État libanais pour mener à bien ces travaux. Notons que la loi des principes des procès pénaux libanais dispose en son article 14 que ce travail est sous la responsabilité exclusive des services de sécurité (libanaise) qui travaillent en la qualité d'une police judiciaire, sous la supervision du procureur général1825. Ainsi, aucun service sécuritaire libanais officiel n'est mentionné par l'article 14 du CPP libanais, pouvant exercer l'activité et les pouvoirs de la police judiciaire et jouer un rôle dans les enquêtes judiciaires. La critique est donc une question adressée au tribunal (c'est-à-dire la Cour criminelle) et à la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise : comment le tribunal peut-il admettre d'inclure au dossier des preuves illégales de culpabilité contre les accusés, obtenues et produites par des milices ? Ne s'agit-il pas de preuves d'une illégalité flagrante ? La critique est donc adressée au tribunal en raison de son annexion au dossier de preuves illégales indépendamment de leur valeur probante qui doit être inadmissible. Les services de sécurité de l'État libanais ne peuvent pas exercer la fonction de police judiciaire et admettre les preuves qu'elles obtiennent si elles ne possèdent pas la qualité de la police judiciaire conformément au texte de la loi de l'article 14 du CPP libanais. Par conséquent, comment le tribunal libanais peut-il admettre que les milices exercent un pouvoir interdit à un service sécuritaire libanais ? La question est donc posée à la Cour de cassation. En sachant que le Liban est un État de droit selon sa Constitution et le serment prononcé par tout président de la République d Liban au début de son mandat constitutionnel, étant donné que le président est le garant de la Constitution et jure de faire dominer l'État de droit dans son mandat. La position du tribunal d'accepter de mettre cette preuve dans le dossier du procès est-elle en accord avec les considérations que le Liban est un État de droit ? D'autre part, il est clair que les preuves pénales du dossier de procès sont toutes provenues et regroupées par ces milices. Ces preuves sont une cassette vidéo montrant les aveux de l'accusé d'avoir commis le crime. En outre, il est clair que le tribunal a chargé un de ses membres, un juge-conseiller, de voir et entendre l'enregistrement vidéo. Par conséquent, le tribunal a décidé que les accusés ont avoué dans cette vidéo avoir commis le crime sous la pression de la coercition physique et morale ainsi que les coups pratiqués par les milices fournissant la preuve au procureur général. A ce propos, le problème réside dans la légalité de la preuve présentée, étant donné que le juge chargé par la Cour criminelle de visionner la vidéo a décidé qu'il n'est pas convenable de l'admettre en tant que preuve de culpabilité, en constatant que les aveux

1825 L'article 38 du CPP libanais dispose que : « Les fonctions de police judiciaire sont exercées, sous l'autorité du procureur général près la Cour de cassation, par les procureurs généraux et les avocats généraux. Apportent leur concours au ministère public et officient sous sa supervision dans le cadre de l'exercice des fonctions de police judiciaire les personnes suivantes, chacune dans les limites des compétences qui lui sont conférées par le

présent code et les statuts régissant sa profession : ».

459

faits dans cette vidéo sont le résultat de la pression et des coups pratiqués par les milices qui ont filmé et enregistré cette vidéo en tant qu'une preuve condamnant les accusés. Cependant, une question logique s'impose : qu'aurait-il fallu faire si cette vidéo avait montré le contraire au tribunal, soit des aveux valides et volontaires, sans être le résultat de la contrainte, des coups et des intimidations exercées par les milices contre les accusés pendant l'enquête ? Le juge aurait-il été convaincu que les cinq accusés sont coupables et par conséquent la Cour criminelle aurait-elle pu se prononcer sur la culpabilité des accusés en se basant sur une preuve illégale présentée par une tierce partie, ou en d'autres termes une milice qui a mené des enquêtes illégitimes avec les détenus ? Une lecture attentive de cet arrêt confirme que notre critique concernant l'attitude inadmissible du tribunal est tout à fait raisonnable. En effet, le tribunal a placé la preuve sous l'examen et l'évaluation de sa conviction, sans être convaincu par cette preuve illégale non à cause de l'illégalité de son obtention, mais plutôt en raison de l'absence de toute valeur probante possible afin de condamner les accusés. En effet, la vidéo a montré au tribunal que les accusés ont subi une coercition les obligeant à avouer durant l'enregistrement de la vidéo. Par conséquent, dans le cas où la vidéo n'aurait pas révélé au tribunal que les accusés ont été forcés d'avouer leur reconnaissance du crime, le tribunal aurait dû accepter leur aveu en tant que preuve de culpabilité, et les juger donc coupables. Cette conclusion est déduite de la raison pour laquelle le tribunal refuse les preuves présentées. En effet, le fait que le tribunal rejette cette preuve illégale en raison du « fondement de la conviction du tribunal sur des preuves admissibles par la loi et valides, non pas sur l'aveu douteux, fait devant une autorité non étatique » ne change pas la vérité, soit une contradiction de la position du tribunal entre la raison formelle sur laquelle il s'est basée et la véritable raison qui fait que les preuves illégales présentées devant le tribunal sont dépourvues de valeur probante. Il convient de rappeler une nouvelle fois que le principe de la légalité de la preuve pénale exige le courage de la justice de reconnaître son contenu juste, que l'illégalité n'est aucunement liée à la force probante de la preuve illégale, mais se rapporte plutôt uniquement à la manière illégale et illicite avec laquelle la preuve a été obtenue. Nulle importance de la valeur probante d'une preuve tant que la source et le biais de son obtention ne s'accordent pas avec la manière légale conforme à la loi c'est-à-dire au principe de la légalité de la procédure et de la preuve pénale. Il faut préciser que la simple admission par le tribunal de l'évaluation de la preuve sans se baser sur celle-ci en raison de la perte de sa valeur probante, c'est-à-dire le simple examen de cette preuve illégale est une admission préliminaire ou formelle de cette preuve, violant ainsi le principe de la légalité de la preuve pénale. Ce dernier point est le champ de notre critique de la position du tribunal de ce jugement.

358.

460

L'appréciation ou l'évaluation de la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise dans le jugement précédent (résolution n° 104 en date du 28/04/1999). La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise ne fait pas de distinction et ne connaît même pas la définition ou la notion de la preuve illégale. Cette Cour ignore ce principe. En effet, si elle avait connu le principe qui exige que la preuve pénale soit obtenue légalement, elle n'aurait même pas regardé cette vidéo ni inclus dans le dossier des procès-verbaux illégaux émis par les milices palestiniennes exerçant la violation des lois dans un État de droit appelé le Liban. Nous croyons que cet arrêt, bien qu'il n'ait pas condamné les cinq accusés, reste une stigmatisation à l'encontre de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, de la justice libanaise et des juges qui l'ont émis étant donné qu'il accepte indirectement d'inclure une preuve illégale produite par des milices devant le tribunal pour l'appréciation de la valeur probante et la force de cette preuve. En d'autres termes, il est bien clair que la chambre criminelle de la Cour de cassation pénale libanaise adopte un principe insolent relatif à la fin qui justifie les moyens pour atteindre la vérité à tout prix et par tous les moyens illégaux. Dans le cas où ce principe est conforme avec l'État de la police, il est inacceptable au Liban étant donné qu'il n'est pas en conformité avec l'État de droit, le principe de la légalité procédurale et celui de la légalité de la preuve pénale. Il était préférable dans ce cas que le tribunal pénal refuse d'accepter la preuve et l'exclue du dossier du procès par défaut d'illégalité. Étant donné que la Cour criminelle a accepté de voir cette preuve et a rejeté sa valeur probante, la Cour de cassation aurait dû corriger cette erreur commise par la Cour criminelle et l'exclure de l'évaluation en raison de l'absence de base juridique plutôt que de soutenir ce que la Cour criminelle a admis. Nous critiquons ici le moyen illégal utilisé pour obtenir la preuve et non pas sa valeur probante, puisque le sujet de notre intérêt est la manière illégale et illicite de la recherche de preuve et non pas sa valeur ou sa crédibilité, contrairement à la justice libanaise qui ne considère aucunement le moyen, mais plutôt à la valeur probante de la preuve sans considérer son illégalité.

B. La recevabilité de la preuve illégale de culpabilité produite par un particulier en droit français.

359. Position rigoriste de la chambre criminelle de la Cour de cassation en matière de preuve illégale apportée par l'autorité publique. Il existe une distinction remarquable entre le traitement et l'admissibilité de l'élément de preuve recueillie de manière illégale selon la

partie qui a apporté cette preuve bien que l'origine illégale de la preuve soit la même. En fait, il semble que la prohibition des preuves illégales ne vaille pas pour tous les acteurs du procès

1826

pénal. On peut remarquer qu'il y a une tolérance

qui est inacceptable envers l'illégalité de

la preuve obtenue par les parties privées 1827 , et qu'au contraire, cette prohibition de l'admission des éléments de preuve illégale est appliquée avec fermeté contre les preuves qui ont été recueillies par les autorités publiques. Cette solution jurisprudentielle critiquable et

discutable par certains pénalistes 1828 est considérée comme traditionnelle conformément aux dispositions de l'article 427 du CPP français selon lequel « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide

d'après son intime conviction »

1829

. Nous soutenons que l'évolution de cette jurisprudence

461

illogique constitue un facteur négatif qui empêche l'application effective du principe de légalité de la preuve pénale comme sanction essentielle de l'illégalité de la preuve. La légalité de la preuve doit prévaloir sur la recherche de la preuve et la vérité dans le procès pénal. Ainsi, une preuve illégalement acquise devra être déclarée irrecevable par le juge sans aucune

1826 V. R. Filniez, « Loyauté et liberté des preuves », Note sous Cass crim. 31 janvier 2007, n° 06-82.383 ; Cass. crim. 7 février 2007, n° 06-87.753, in R.S.C., 2007, p. 331 : « Cette tolérance du juge pénal au profit de la partie privée s'inscrit dans la finalité de la preuve, assurer la manifestation de la vérité et permettre à toute partie de faire valoir ses droits, pour la défense soit de son innocence soit de ses intérêts atteints par la violation de la loi pénale ».

1827 V. C. Mascala, « Le juge répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les parties même obtenus de manière illicite ou déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C., n° 210, in D., 1994, p. 613 : « La jurisprudence confirme, par l'arrêt du 15 juin 1993, le principe du libre recueil des preuves, et laisse aux parties une totale liberté des modes de preuves qui sont produites dans une instance pénale ».

1828 V. en ce sens : J. Buisson, « Recevabilité des éléments de preuve produits par les parties privées (Cass. crim. 12 juin 2003, Pittau et a., n° 02-81122, inédit) », in R.S.C., 2004, p. 427 : « Dans l'antagonisme entre les deux principes de la liberté et de la légalité dans la preuve pénale, le premier ne devrait pas, dans un État de droit, l'emporter sur le second. Mais la Cour de cassation considère que, pour la production de pièces au procès par les parties privées, doit prévaloir le principe de liberté, sauf à démontrer une atteinte à un principe fondamental ».

1829 V. une stricte application de l'article 427 CPP français: C. Mascala, « Le juge répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les parties même obtenus de manière illicite ou déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C., n° 210, in D., 1994, p. 613 : « La consécration du libre recueil des preuves par les parties doit être approuvée sans réserve. En décidant que le mode d'obtention des preuves n'a aucune incidence sur la validité de la procédure, la Cour de cassation ne fait qu'une stricte application des dispositions de l'art. 427 c. pr. pén. Ce texte pose clairement le principe de la liberté d'admission et d'administration de la preuve ; il n'est pas dans les pouvoirs du juge de créer des restrictions que le législateur n'a pas souhaitées. Le rejet d'une preuve produite par les parties, en l'espèce une lettre, en considération de l'illicéité de son obtention viole manifestement le principe de liberté. L'illicéité peut permettre au juge, lors de l'appréciation de la valeur probante du document, de l'écarter, en application du principe de l'intime conviction, mais absolument pas de déclarer les parties irrecevables en leur action. Cette solution ne porte pas atteinte aux droits de la défense, dans la mesure où le respect du contradictoire est garanti par le juge, qui garde ensuite une totale liberté dans la décision finale ».

distinction puisque l'origine de la preuve est illégale 1830 . Il a été admis par la jurisprudence de

la chambre criminelle qu'une preuve illégale puisse être produite et utilisée en justice dès lors qu'elle avait pu être discutée : « la Cour de cassation évince totalement le principe de légalité procédurale quant aux actes d'investigation ou de recherche réalisés par des particuliers,

1831

. La

éviction compensée par le principe du contradictoire et de l'intime conviction ... »

chambre criminelle de la Cour de cassation française considère que la victime a le droit d'utiliser une preuve illégale, mais débattue contradictoirement pour le besoin de sa défense

sans méconnaître l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme

1832

. La Cour

462

européenne des droits de l'homme adopte une solution semblable à la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation française concernant la tolérance envers l'admission des preuves illégales produites par une partie privée contrairement aux preuves produites par une

1833

autorité publique . M. Vincent Lesclous constate que les particuliers ne sont pas tenus au formalisme procédural qui ne s'impose qu'aux agents publics concernés, lesquels sont seuls à pouvoir accomplir des actes de procédure annulables et ensuite la justification de cette distinction entre partie privée et autorité publique peut être trouvée dans les nécessités de la

1834

défense.

360. La recevabilité de la preuve illégale de condamnation apportée par une partie privée. La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française a eu recours à l'argument de l'absence d'un texte de loi clair imposant au juge répressif d'exclure un élément de preuve à cause de son illégalité ou sa déloyauté de sorte que cette preuve illégale ou

1830 V. R. Filniez, « Loyauté et liberté des preuves », Note sous Cass crim. 31 janvier 2007, n° 06-82.383 ; Cass. crim. 7 février 2007, n° 06-87.753, in R.S.C., 2007, p. 331 : « La Chambre criminelle distingue en effet, pour juger de la licéité de ce recueil, selon l'origine de la preuve. Apportée par une partie privée, cette preuve n'est soumise à aucune contrainte particulière préalable à son utilisation à des fins probatoires devant le juge, à la différence de celle produite par l'autorité publique ».

1831 J.-Ch. Saint-Pau, « L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n° 19.

1832 Cass. Crim., 31 janvier 2007, B.C., n° 27, p. 100 : « Ne méconnaît pas les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel qui, après en avoir contradictoirement débattu, admet comme mode de preuve, la production de l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, dès lors qu'elle est justifiée par la nécessité de rapporter la preuve des faits dont l'auteur de l'enregistrement est victime et par les besoins de sa défense ».

1833 P. Hennion-Jacquet, « L'encadrement relatif de la liberté de la preuve par la Convention européenne des droits de l'homme », in D., 2005, p. 2575 et s., V. spec n° 2 : « la CEDH n'adopte pas de solution uniforme en matière probatoire : si, comme en l'espèce, elle se montre intransigeante envers les autorités de poursuites pour ce qui concerne l'exigence d'une loi, elle tolère, notamment lorsque la preuve est rapportée par une partie privée, une simple compatibilité entre les moyens d'obtention des éléments probatoires et les principes généraux commandant la procédure pénale ».

1834 V. Lesclous, JurisClasseur Procédure pénale, Art. 75 à 78 Fasc. 20 : enquête préliminaire, n° 60.

déloyale reste soumise à l'appréciation du juge selon son intime conviction conformément au principe de la liberté du juge dans l'appréciation de la preuve pénale. C'est le cas dans cette décision du 23 juillet 1992 : « aucun texte de procédure pénale n'interdit la production par le plaignant à l'appui de sa plainte de pièces de nature à constituer des charges contre des personnes visées dans celle-ci, lesdites pièces ne constituant pas des actes de l'information susceptibles d'être annulés en application de l'article 172 du Code de procédure pénale. Il appartient aux juridictions répressives d'en apprécier la valeur au regard des règles relatives

1835

.

à l'administration de la preuve des infractions »

361. Critique. L'argument utilisé par la Cour de cassation pour admettre toute preuve illégale et déloyale produite par une partie privée n'est pas justifiée selon nous et montre une tolérance inacceptable de la part de la chambre criminelle de la Cour de cassation envers une illégalité flagrante. Nous soutenons l'avis de M. Jean-Christophe Saint-Pau selon lequel « le silence du Code de procédure pénale relativement aux actes d'investigations et de recherche réalisés par les particuliers ne constitue pas un argument justifiant la recevabilité d'une preuve illégale, mais au contraire son irrecevabilité. Si en droit pénal de fond, il est légitime de poser que tout ce qui n'est pas interdit est permis, en droit pénal de forme, tout ce qui n'est

pas permis est interdit »

1836

. Les éléments de preuve apportés par des parties privées ne

463

constituent pas des actes de procédure selon la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française 1837 . Selon M. Etienne Verges, « la qualité d'acte procédural permet d'établir une relation avec un principe. Le principe de loyauté, en droit processuel, permet d'annuler les actes résultant de manoeuvres frauduleuses » 1838 . À vrai dire, le problème réside principalement dans l'incapacité de la théorie des nullités de sanctionner l'illégalité des éléments de preuves produits par les parties privées, spécifiquement les preuves de condamnation rapportées par le plaignant ou la victime. La chambre criminelle de la Cour de cassation française admet traditionnellement des éléments de preuves illégales rapportés par la victime ou le plaignant : « aucun texte de procédure pénale n'interdit la production par le plaignant, à l'appui de sa plainte, de pièces de nature à constituer des charges contre les personnes visées dans celle-ci, lesdites pièces ne constituant pas, au demeurant, des actes

1835 Cass. Crim., 23 juillet 1992, B.C., n° 274, p. 744.

1836 J.-Ch. Saint-Pau, « L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n° 20.

1837 E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 399, pp. 391-392.

1838 E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 399, p. 391.

d'information susceptibles d'être annulés en application de l'article 172 du Code de procédure pénale ; qu'il appartient aux juridictions répressives d'en apprécier la valeur au regard des

règles relatives à l'administration de la preuve des infractions »

1839

. Selon la chambre

criminelle, les règles de procédure pénale qui sont essentiellement applicables aux organes étatiques et judiciaires ne s'appliquent pas aux parties privée du procès pénal comme il a été dit dans cet arrêt de la Cour de cassation : « attendu qu'en prononçant ainsi, en répondant comme elle le devait aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, et alors que les dispositions des articles 100 et suivants du Code de procédure pénale ne s'appliquent pas à l'interception, l'enregistrement et la transcription par une personne privée des correspondances émises par la voie des télécommunications, la Cour d'appel, qui a souverainement apprécié la valeur probante des éléments de preuve régulièrement soumis au débat contradictoire, et qui a déduit des faits et circonstances de la cause relevant de son appréciation souveraine que les messages étaient susceptibles d'être perçus par les mineurs, a

justifié sa décision »

1840

. Dans ce contexte, la chambre criminelle de la Cour de cassation

464

française a considéré que les éléments de preuve illégale remis au juge par des personnes privées ne constituent que des moyens de preuve qui peuvent être discutés contradictoirement parce que les éléments de preuve apportés par des parties privées ne sont pas des actes de

1841

procédure : « l'enregistrement clandestin, par un policier, des propos qui lui sont tenus ne

constitue pas un acte de procédure susceptible d'annulation, mais seulement un moyen de preuve soumis à la libre discussion des parties, lorsqu'il est effectué par lui, non dans l'exercice de ses fonctions, en vue, par exemple, de constater des agissements délictueux sur délégation judiciaire, mais pour se constituer la preuve de faits dont il est lui-même victime

1842

» . Donc, la Cour de cassation a jugé toujours depuis longtemps que les éléments de preuve produits par les parties civiles ne constituaient pas en eux-mêmes des actes d'information.

. La position de la

1843

Donc, ces éléments de preuves illégales échappent à la sanction de nullité

1839 Cass. Crim., 23 juillet 1992, B.C., n° 274, p. 744. 1840 Cass. crim., 12 septembre 2000, B.C., n° 265, p. 780.

1841 V. en ce sens : Cass. crim., 31 janvier 2012, inédit, n° de pourvoi: 11-85464: « Les enregistrements de conversations privées, réalisés à l'insu des personnes concernées par un particulier, en ce qu'ils ne constituent pas en eux-mêmes des actes ou des pièces de l'information, au sens de l'article 170 du Code de procédure pénale, et dès lors qu'ils ne procèdent d'aucune intervention, directe ou indirecte, d'une autorité publique, ne peuvent être annulés en application des articles 171 à 173 du même code. Il en va de même de leur transcription, qui a pour seul objet d'en matérialiser le contenu. Il s'agit de simples moyens de preuve soumis à la discussion contradictoire ».

1842 Cass. Crim., 19 janvier 1999, B.C., n° 9, p. 17.

1843 V. Cass. crim. 28 avril 1987, B.C., n° 173, p. 462 : « Des bandes magnétiques supportant l'enregistrement, effectué par l'un des participants, de conversations présentent le caractère de pièces à conviction n'ayant que la

465

chambre criminelle est claire et stable sur ce sujet, mais tout à fait choquante dans un État de droit, en validant et admettant la preuve illégale de culpabilité apportée par les parties privées qui est à notre avis attentatoire aux libertés publiques et individuelles, et peut-être susceptible de généraliser des dérives attentatoires aux libertés. Dans l'affaire Bettencourt, il est très clair qu'il y a eu collecte de preuves d'une façon illégale et déloyale qui ont été admises par la Cour, ce qui constitue une violation flagrante du principe de la légalité de la preuve pénale. Donc, l'admission de cette preuve est contraire à l'esprit de la loi, car elle permet aux parties privées de collecter toutes les preuves même en utilisant des procédés illégaux, en méconnaissant le secret professionnel, notamment, quand la Cour a autorisé l'utilisation de l'enregistrement effectué par un particulier d'une conversation téléphonique entre une cliente et son avocat. Dans l'affaire Bettencourt, la preuve a été collectée par une partie privée sans respecter le principe du secret professionnel et de la confidentialité des conversations puisque ce n'était pas une autorité publique qui avait procédé à l'enregistrement. On peut conclure qu'aucune sanction procédurale ne permet d'écarter les preuves illégales produites par les

1844

parties privées dans les débats.

362. Inapplicabilité des sanctions procédurales lorsqu'un élément de preuve n'a pas la qualité d'acte de procédure pénale. La question essentielle demeure de savoir si la preuve obtenue par une partie privée est susceptible d'annulation ou non. En droit français, la preuve de condamnation qui a été obtenue illégalement par une partie privée sort du champ d'application de la théorie des nullités parce qu'elle ne constitue pas un acte de procédure

1845

pénale comme celle produite par les autorités publiques. Le juge pénal peut-il prendre en compte une preuve obtenue de manière illégale? Voilà une excellente question posée par M.

valeur d'indice de preuve et ne constituent pas des actes de l'information susceptibles d'être annulés en vertu de l'article 172 du Code de procédure pénale ; leur transcription n'est que la matérialisation de leur contenu afin d'en permettre la consultation ».

1844 V. au contraire la solution satisfaisante en matière civile : E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 399, p. 392 : « Le moyen de preuve apporté par l'une des parties est donc contrôlé au regard du principe de loyauté par le juge civil. Il ne prend pas la qualité d'un acte de procédure, mais une sanction autre que la nullité peut lui être appliquée : l'irrecevabilité. Le principe trouve avec cette sanction une certaine efficacité ».

1845 V. E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 399, p. 392 : « la chambre criminelle distingue dans la recherche des preuves, celles qui sont réunies par les organes publics de la mise en état (officiers de police judiciaire, juge d'instruction, Procureur de la République) et celles qui sont apportées par les parties privées. La recevabilité des preuves produites par ces personnes privées n'est pas soumise aux principes qui déterminent la validité des actes. Seule leur force probante doit être appréciée ».

Thierry Garé

1846

. Le fait pour la chambre d'instruction de prendre la décision d'accepter de

verser au dossier de l'affaire des éléments de preuve obtenus de manière illégale par les parties privées est immunisé contre toute sorte d'annulation comme l'affirme la chambre criminelle de la Cour de cassation. En même temps, la chambre d'instruction soutenue par la Cour de

cassation a admis les preuves obtenues illégalement par les parties privées

1847

parce que «

pour la Cour de cassation, l'admission d'une preuve illégale ne constitue en rien un vice de la

procédure d'instruction »

1848

, bien qu'« en l'espèce, il ne fait pas de doute que les preuves

retenues par le juge d'instruction avaient été obtenues illégalement »

1849

. M. Thierry Garé

1850

critique la solution adoptée par la chambre criminelle de la Cour de cassation française concernant l'admission sans réserve des preuves qui ont été obtenues de manière illégale en

1851

. En

considérant que : « la position de la haute juridiction est malheureusement classique »

effet, la chambre criminelle a affirmé à plusieurs reprises de façon suffisamment clairement son refus et son opposition extrême d'écarter les éléments de preuve illégaux produits par les parties privées en se basant dans chaque arrêt sur la formule célèbre selon laquelle « aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par

les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de manière illégale »

1852

. Il apparaît

466

1846 T. Garé, « L'admission de la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in D., 2000, Jurisp. p. 391.

1847 T. Garé, « L'admission de la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in D., 2000, Jurisp. p. 391 : « La question posée à la chambre d'accusation était donc double. D'une part, la décision de verser au dossier des preuves obtenues illégalement est-elle susceptible d'annulation ? D'autre part, l'admission d'éléments de preuve obtenus illégalement est-elle de nature à vicier la procédure d'instruction ? La chambre d'accusation, approuvée sur ce point par la Chambre criminelle, rejette ces griefs. Elle admet donc, implicitement, que la décision de prendre en compte des preuves illégales n'est pas susceptible d'annulation. Et elle ajoute, explicitement, qu'elle ne constitue pas, non plus, un vice de la procédure d'instruction ».

1848 T. Garé, « L'admission de la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in D., 2000, Jurisp. p. 391.

1849 T. Garé, « L'admission de la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in D., 2000, Jurisp. p. 391.

1850 V. dans ce cens encore : Cass. Crim., 30 mars 1999, B.C., n° 59, p. 144 : « Qu'en effet, la circonstance que des documents ou des enregistrements remis par une partie ou un témoin aient été obtenus par des procédés déloyaux ne permet pas au juge d'instruction de refuser de les joindre à la procédure, dès lors qu'ils ne constituent que des moyens de preuve qui peuvent être discutés contradictoirement ; que la transcription de ces enregistrements, qui a pour seul objet d'en matérialiser le contenu, ne peut davantage donner lieu à annulation ».

1851 T. Garé, « L'admission de la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in D., 2000, Jurisp. p. 391.

1852 V. sur l'admissibilité de la preuve illicite : C. Mascala, « Le juge répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les parties même obtenus de manière illicite ou déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C., n° 210, in D., 1994, p. 613 : « La Chambre criminelle consacre l'admissibilité des preuves obtenues illégalement. Elle précise qu'aucun texte du Code de procédure pénale ne permet au juge d'écarter des moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite

467

qu'aucune sanction procédurale ne peut interdire ou limiter efficacement la recevabilité par le

1853

juge de la preuve illégale apporté par une partie privéeet par conséquent le versement d'un élément de preuve illégale dans le dossier de l'affaire pénale doit à ce titre être débattu contradictoirement. La position de la chambre criminelle de la Cour de cassation française est sans doute une conséquence naturelle d'une application ferme du principe de liberté de la

qui

1854

preuve pénale qui interdit au juge, selon certains auteurs, d'écarter une preuve illégale

sera appréciée exclusivement et souverainement par les juges du fond. Un autre facteur important paraît d'ailleurs jouer un rôle qui a empêché l'évolution de l'avis de la Cour de cassation française, c'est la jurisprudence de la Cour de Strasbourg qui a considéré ce point de vue compatible au regard de la Convention européenne des droits de l'homme. Dans ce contexte, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé à plusieurs reprises que la recevabilité de la preuve illicite n'est pas en contradiction avec l'exigence d'un procès

1855

équitable énoncée par l'art. 6, paragraphe 1 de la Convention . La Cour de Strasbourg rappelle toujours dans ces arrêts que la Convention européenne des droits de l'homme ne réglemente pas l'admissibilité des modes de preuve puisque ce dernier est considéré comme une matière qui relève des droits internes, ce qui la pousse à ne pas exclure ou condamner, par

principe, l'admissibilité d'une preuve recueillie de manière illégale 1856 . Ce qui précède

ou déloyale. Par conséquent, le juge n'a pas le pouvoir de déclarer la partie civile irrecevable en son action, au seul motif que celle-ci se fonde sur une preuve obtenue illégalement. Il doit l'admettre, rechercher si la preuve produite est de nature à établir la prévention, et en apprécier la valeur probante afin de se prononcer selon son intime conviction comme l'exige la loi ».

1853 V. J. Pradel, « Un plaignant peut-il utiliser, à l'appui de sa plainte, des enregistrements obtenus à l'insu des personnes qu'il suspecte d'avoir commis une infraction dont il est victime ? », in D., 1993, p. 206 : « L'acte de procédure est en réalité celui qui obéit à des règles de fond et de forme précises, dictées par la loi ; et c'est pourquoi l'annulation en est possible, seule véritable sanction de la violation de ces règles. Au contraire, les pièces à conviction ou autres documents réunis par les parties privées ou plus généralement par les victimes ont été rassemblées en dehors des règles du Code de procédure pénale ; et c'est pourquoi une annulation ne se conçoit pas, à moins qu'il y ait eu violation d'un principe général comme l'intégrité corporelle ou l'intimité de la vie personnelle...».

1854 V. J. Buisson, « Recevabilité des éléments de preuve produits par les parties privées (Cass. crim. 12 juin 2003, Pittau et a., n° 02-81122, inédit) », in R.S.C., 2004, p. 427 : « Le principe de la liberté de la preuve a une telle force que, dans la phase de jugement, les juges répressifs ne peuvent, selon cette jurisprudence, écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale. Il leur appartient seulement, en application de l'article 427 précité, d'en apprécier la valeur probante ».

1855 V. en ce sens : CEDH, 12 juill. 1988, Schenck, série A, n° 140 ; CEDH, 20 nov. 1989, Kostovski, série A, n° 166 ; CEDH, 27 sept. 1990, Windish, série A, n° 186 ; CEDH, 19 déc. 1990, Delta, série A, n° 191.

1856 V. sur ce point: C. Mascala, « Le juge répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les parties même obtenus de manière illicite ou déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C., n° 210, in D., 1994, p. 613 : « La recevabilité de preuves illicites, comme l'admet la jurisprudence française, n'est-elle pas en contradiction avec cette notion de procès équitable ? Certes, la preuve est totalement libre, les modes d'obtention des preuves n'ont pas d'importance, la Cour de cassation l'affirme. Mais la production en justice de preuves obtenues illicitement, qui détermineront peut-être l'intime conviction du juge, permet-elle

468

n'empêche pas la Cour de Strasbourg de contrôler et de rechercher soigneusement si le procès en général, dans son ensemble, revêt un caractère équitable. Il est bien clair que la Cour de cassation française admet la preuve illégale obtenue par les parties privées sous réserve d'être l'objet d'un débat contradictoire1857 durant l'audience1858. Sans doute, le respect absolu par le juge du fond du principe contradictoire est un signe protecteur. C'est un principe directeur du procès pénal, mais qui n'est pas suffisant pour purger l'illégalité de la preuve obtenue par les parties privées et ne justifie pas l'admission des preuves illégales rapportées par les parties privées même sur la base de l'argument de l'absence d'un texte qui permet d'exclure une

. Donc, la recevabilité de la preuve illégale apportée par une partie privée

1860

reste critiquable malgré le respect d'un débat oral et contradictoire de cette preuve illégale

1859

preuve illégale

.

En matière pénale, puisque la fin ne peut justifier les moyens, la chambre criminelle doit réformer sa jurisprudence pour être compatible avec le principe de légalité de la preuve pénale et le droit à un procès équitable. Le législateur français est invité à combler la lacune législative en adoptant un texte qui renforce l'application effective du principe de légalité de la preuve pénale qui permet expressément au juge d'exclure une preuve illégale apportée par

d'assurer un procès équitable ? La Cour européenne des droits de l'homme s'est prononcée sur ce point, et considère que la recevabilité des preuves obtenues illicitement n'est pas contraire aux dispositions de la convention. Son argumentation repose sur l'idée que la convention ne réglemente pas l'admissibilité des preuves en tant que telles ».

1857 V. C. Mascala, « Le juge répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les parties même obtenus de manière illicite ou déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C., n° 210, in D., 1994, p. 613 : « La liberté est totale pour les parties, quelle que soit la nature du moyen utilisé, l'admissibilité des preuves illicites est consacrée ; la seule exigence procédurale, qui demeure, est celle du respect du contradictoire».

1858 V. T. Garé, « L'admission de la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in D., 2000, Jurisp. p. 391 : « Selon la Chambre criminelle, la preuve illégale est parfaitement recevable dès lors qu'elle peut être, ensuite, contradictoirement discutée. On retrouve là la seule limite imposée au juge par l'art. 427 c. pr. pén. Le juge peut retenir tout mode de preuve (al. 1), mais il ne peut, dans son intime conviction, fonder sa décision que sur des éléments de preuve contradictoirement discutés devant lui (al. 2). Le principe du contradictoire purgerait en quelque sorte la preuve de son origine illicite ».

1859 V. T. Garé, « L'admission de la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in D., 2000, Jurisp. p. 391 : « Cette motivation n'est pas nouvelle puisque la Chambre criminelle a déjà admis, notamment dans le cas des appels téléphoniques malveillants, que le juge peut fonder sa décision de condamnation sur des enregistrements sonores effectués illégalement par la victime desdits appels, au motif que le prévenu peut discuter les éléments de preuve réunis contre lui » ; V. en ce sens : Cass. crim., 17 juill. 1984, B.C., n° 259 : « Leur enregistrement, à la diligence du destinataire, afin de permettre l'identification de l'auteur de cette contravention, ne présente pas le caractère d'une atteinte à l'intimité de la vie privée de l'auteur desdits appels. Il n'est pas contraire aux droits de la défense de les utiliser pour identifier celui-ci ».

1860 V. T. Garé, « L'admission de la preuve illégale : la Chambre criminelle persiste et signe », in D., 2000, Jurisp. p. 391 : « on voit mal comment cette libre discussion peut faire disparaître l'illégalité à l'origine de l'obtention de la preuve ».

1861

la partie privée au débat ou interdit le versement des éléments de preuve illégaux dans le

dossier de l'affaire pénale. Si la preuve illégale apportée par la partie privée dans le procès pénal se trouve hors du champ d'application de la théorie des nullités en matière pénale, il est

possible d'utiliser une solution pragmatique autre que la nullité 1862 qui a encore le même effet

1863

et la même efficacité, comme l'irrecevabilité de l'élément de preuve illégale

.

363. Les critiques de Mme le professeur Michèle-Laure Rassat à propos l'attitude de la chambre criminelle de la Cour de cassation française. La chambre criminelle de la Cour de cassation française a admis dans sa jurisprudence les preuves illégales apportées par les victimes et en même temps a refusé les preuves illégales apportées par les officiers de police judiciaire. Sans doute, une telle attitude de la part de la chambre criminelle est illogique. Malgré les arguments et les vêtements juridiques dont la Cour essaie de la revêtir, sa position qui nous semble très critiquable et a d'ailleurs été critiquée notamment par Mme le professeur Michèle-Laure Rassat. Un arrêt rendu le 27 février 1996 par la chambre criminelle de la Cour de cassation fut l'occasion pour elle de critiquer d'une façon juste et précise les arguments fragiles de la chambre criminelle qui fait une distinction entre d'une part les preuves illégales apportées par les victimes parties civiles dans un procès pénal qui sont autorisées à enregistrer ce qu'elles veulent comme elles le veulent en toute liberté pour enfin produire ces enregistrements à la justice comme éléments de preuve dans le dossier pénal malgré son origine illégale, et d'autrepart les officiers de police judiciaire qui ne sont pas autorisés à procéder à des enregistrements, de sorte que les preuves qui en résultent ne peuvent être pas

intégrées au dossier pénal

1864

: « la jurisprudence selon laquelle les enregistrements pirates

469

1861 V. C. Mascala, « Le juge répressif doit apprécier la valeur probante des moyens de preuve produits par les parties même obtenus de manière illicite ou déloyale », Note sous Cass. crim 15 juin 1993, B.C., n° 210, in D., 1994, p. 613 : « Au regard du Code de procédure pénale, le juge répressif ne peut pas rejeter la preuve illicite : l'art. 427, al. 1er, ne le lui permet pas. Mais le droit français et les décisions jurisprudentielles ne doivent pas contredire les dispositions européennes constitutionnellement supérieures. De se demander, alors, si l'admissibilité des preuves illicites n'est pas contraire à l'art. 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ? ».

1862 V. en même sens : E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 404, p. 395 : « Parmi les différentes sanctions procédurales, certaines possèdent des effets très proches de la nullité »... « elles peuvent conduire plus simplement à un rejet de l'acte soit par ce qu'il est irrecevable, soit par ce qu'il n'est plus recevable ».

1863 V. en même sens : E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 406, p. 397 : « Le rejet de l'acte des débats n'est pas une sanction aussi forte que son annulation » ... « Elle produit pourtant les mêmes effets. L'acte est privé de toute efficacité dans la mesure où il ne peut être produit en justice ».

1864 V. Cass. Crim., 27 fevrier 1996, B.C., n° 93, p. 273 : « Les articles 100 à 100-7 du Code de procédure pénale confèrent au juge d'instruction le pouvoir exclusif d'ordonner que soit pratiquée l'interception des

des parties civiles ne sont que les pièces à conviction n'ayant dans le procès pénal que la valeur d'indices de preuve pourrait peut-être se défendre (et encore) s'il y avait deux dossiers distincts sans rapport l'un avec l'autre et que lesdits enregistrements ne quittent pas le dossier purement indemnitaire. Mais nous savons bien qu'il n'en est rien, les prétendus "indices de preuve" (formule au sens juridiquement inconnu et donc inexacte) de la Chambre criminelle étant versés au dossier global de la procédure où ils pourront très officiellement servir de motifs fondant la déclaration de culpabilité dans le cadre du jugement sur l'action

1865

publique » . Nous sommes d'accord avec ces commentaires. En effet, dans le procès pénal il n y a pas une distinction entre la notion d'indice, preuve et élément de preuve dans un même dossier pénal devant le juge du fond qui apprécie les preuves souverainement en toute liberté d'après son intime conviction. C'est sans doute ce qui pousse Mme Michèle-Laure Rassat à affirmer que « les enregistrements, éléments de preuve, fournis par la partie civile sont donc des éléments de preuve tout court du procès pénal et il est alors à l'évidence illogique de les autoriser tout en les interdisant aux policiers qui présentent tout de même des garanties

techniques, morales et d'indépendances supérieures »

1866

. De plus, en ce qui concerne

l'argument classique de la chambre criminelle pour refuser de rejeter ou d'exclure les éléments de preuve illégale produits par les parties privées en l'absence de texte juridique selon la formule « aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale », Mme Michèle-Laure Rassat répond d'une façon logique et détruit cet argument en écrivant qu' « en s'accrochant ainsi à la nécessité d'un texte pour garantir l'honnêteté élémentaire d'un procès pénal, la Chambre criminelle d'aujourd'hui fait preuve, d'abord, d'une particulière étroitesse d'esprit. Elle oublie que la règle de l'interprétation restrictive de la loi pénale ne s'impose que pour les dispositions défavorables à la personne poursuivie. Elle bafoue de ce fait toute l'oeuvre accomplie par son ancêtre tant sous le régime du Code d'instruction criminelle que du Code de procédure pénale pour installer, en marge

des textes, la théorie des droits de la défense, par exemple »

1867

. Mme Michèle-Laure Rassat

470

ajoute encore que cet argument classique de la chambre criminelle « n'est guère probant ni en

correspondances émises par la voie des télécommunications. Ce pouvoir n'est, en aucun cas, attribué aux officiers de police judiciaire agissant en enquête préliminaire comme en l'espèce ».

1865 M.-L. Rassat, «Du sort à réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II 22629.

1866 M.-L. Rassat, «Du sort à réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II 22629.

1867 M.-L. Rassat, «Du sort à réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II 22629.

droit interne ni en droit international »

1868

. Elle finit de critiquer la position de la chambre

471

criminelle avec une question qui met en échec tous les arguments de la chambre criminelle : « la jurisprudence de la Chambre criminelle est un chef-d'oeuvre d'hypocrisie. À quoi sert, en effet, de faire assaut de légalisme en interdisant aux officiers de police judiciaire de procéder à des enregistrements si le même élément de preuve, exactement le même (enregistrement de la même personne tenant la même conversation au même endroit) peut être obtenu par la

1869

.

partie civile sans aucune restriction?»

§ 2. Preuves illégales fournies par l'accusé ou preuves illégales d'innocence.

364. La prédominance des pouvoirs publics sur la recherche de la preuve pénale. En droit libanais et français, la recherche de la preuve pénale est confiée à une autorité publique (police judiciaire, juge d'instruction, membre du ministère public ou policier). L'objectif ultime du Code des procédures pénales est la recherche de la vérité en utilisant une quantité suffisante et adéquate permise par les lois concernant l'atteinte à la liberté des individus afin d'atteindre cet objectif, qui est d'ailleurs la recherche de la preuve et de l'auteur de l'infraction. Le pouvoir chargé de rechercher la preuve applique les procédures pénales définies par le législateur dans le but de recueillir la preuve et de découvrir l'auteur de l'infraction dans le but de l'attribuer à son auteur. Cependant, cette domination sur la recherche de la preuve pénale par les autorités publiques et judiciaires ne signifie pas que le reste des parties du procès public n'ont aucun rôle dans cette recherche. Les autres parties sont les parties privées, soit l'accusé, la victime de l'infraction ou le plaignant.

365. Le fardeau de la preuve incombe au procureur général et au tribunal. Il est reconnu que dans les affaires pénales, le fardeau de la preuve repose sur le ministère public qui représente la société dans l'affaire pénale devant le tribunal, et par conséquent, le demandeur civil. En effet, la victime et le procureur général portent le fardeau de prouver la culpabilité de l'accusé, étant donné que celui-ci est légalement exempté de l'obligation de prouver son innocence, en raison de l'avantage tiré des implications de la consécration du principe de la

1868 M.-L. Rassat, « Du sort à réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II 22629.

1869 M.-L. Rassat, « Du sort à réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II 22629.

472

présomption d'innocence dans le droit libanais et français. A ce propos, il est clair que les législateurs libanais et français, en principe, exonèrent l'accusé de fournir la preuve de son innocence. Cependant, bien que le fardeau de la preuve incombe en principe à la partie accusatrice conformément au principe de présomption d'innocence dont l'accusé profite, en pratique ce principe n'est pas respecté en raison des difficultés de certains procureurs à fournir la preuve pénale, ou encore à cause d'une tendance inconsciente du procureur général et des juges d'instruction à privilégier la recherche de la preuve de culpabilité et à négliger la recherche de preuves d'innocence, soit par habitude soit parce qu'ils croient dès le départ à la culpabilité de l'accusé, même si les preuves contre lui sont fragiles ou faibles, voire illogiques. Le fardeau de prouver l'accusation est de la responsabilité de l'autorité de l'enquête ou de l'accusation en conformité avec les règles de la preuve dans les affaires pénales. En effet, l'accusé n'est pas obligé de fournir la preuve de son innocence sans que cela soit considéré comme une preuve de la perpétration de l'infraction, il en va de même lorsqu'il garde le silence. Toutefois, il a le droit de débattre des preuves recueillies contre lui, de les réfuter ou de remettre leur valeur en question. Il peut également soumettre volontairement toute preuve afin de prouver son innocence, ou admettre l'accusation. La tâche du juge d'instruction, de l'accusateur public ou du tribunal du fond ne se limite pas à prouver l'accusation, étant donné qu'ils sont des services de justice qui ont pour mission principale de prouver la vérité, car l'idée de la justice ne peut pas être construite sur l'illusion ou sur de fausses convictions. De ce fait, ces services judiciaires doivent enquêter sur cette vérité par le biais de la vérification et l'examen des preuves. Le processus de cette enquête est basé sur la vérification de l'existence de preuves suffisantes pouvant réfuter ou non l'origine de l'innocence. En outre, il est possible de se fonder sur une preuve extraite ou obtenue illégalement pour un acquittement, bien qu'il ne soit pas possible de s'y baser pour une déclaration de culpabilité selon le principe.

A. Le droit de l'accusé de faire valoir ses preuves pour prouver son innocence.

366. Le manque d'égalité effective entre le ministère public et l'accusé ou le défendeur. La rivalité dans le procès pénal n'est pas sur le même degré d'égalité des droits dont jouissent les

parties du procès pénal1870 . En effet, le ministère public a des pouvoirs exclusifs et des droits

1870 V. D. Dechenaud, L'égalité en matière pénale, Thèse de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n° 620, p. 417 : « Parmi les différents principes directeurs du procès pénal, celui de l'égalité des

473

larges concernant la recherche de la preuve, compte tenu de son rôle et de la tâche difficile qu'il accomplit, par la recherche des preuves de l'infraction et ses auteurs. Le ministère public jouit donc d'une liberté considérable pour prouver la culpabilité de l'accusé ou du défendeur grâce à des procédures pénales permises par le législateur. Alors que de l'autre côté il existe un accusé ou un défendeur qui dépend de lui-même pour prouver son innocence, se servant de la présomption d'innocence pendant toutes les étapes du procès pénal jusqu'à prouver le contraire, ou en d'autres termes, sa culpabilité relative. A ce propos, M. Elias Nammour affirme que le ministère public a le droit de rechercher la preuve pénale librement et de voir le dossier d'enquête devant le juge d'instruction. Par contre, le défendeur ne peut pas avoir accès au dossier de l'enquête en raison de la confidentialité de l'enquête devant le juge d'instruction. Ainsi, les moyens du défendeur afin de prouver son innocence sont limités en comparaison avec les moyens du ministère public, et son droit de prouver son innocence est presque bloqué lors de sa détention, en particulier si la durée de celle-ci est étendue jusqu'à la phase du jugement1871. Par conséquent, l'égalité dans le sujet de la présentation de la preuve et l'arme des preuves entre le défendeur ou l'accusé en

comparaison avec le ministère public est inexistante 1872 . L'hypothèse de la présomption d'innocence en faveur de l'accusé et le défendeur est la seule façon de compenser le manque d'égalité entre le ministère public d'une part, et le défendeur ou l'accusé d'autre part dans l'application du principe de la liberté de la preuve qui bénéficie au ministère public.

367. Le contenu du droit de l'accusé à la preuve. Certains pourraient penser que l'accusé ou le défendeur n'a nullement besoin d'un droit de participation dans le processus de la preuve au cours du procès pénal dans le but de convaincre le juge ou le tribunal de son innocence tant qu'il jouit de la présomption d'innocence. Cependant, la vérité est tout à fait différente. En effet, l'accusé ou le défendeur est mis dans une situation critique lors de la présentation de toute preuve contre lui, même si cette preuve est faible. Le fardeau de la preuve initialement attribué au ministère public se change en un lourd fardeau épuisant l'accusé et l'obligeant à fournir la preuve contraire à celle présentée contre lui, afin de réfuter

armes entre la personne poursuivie et l'autorité poursuivante est certainement celui dont l'apparition est la plus récente ».

1871 V. en langue arabe : E. Nammour, La cour criminelle. Etude comparée, Sader Editeurs, Beyrouth, 2005, 2em partie, n° 1362, p. 953.

1872 V. D. Dechenaud, L'égalité en matière pénale, Thèse de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n° 621, p. 417 : « Aucun texte ne formule expressément le principe de l'égalité des armes. Il ne figure ni dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, ni les textes appartenant au bloc de constitutionnalité, ni dans le Code de procédure pénale. Son origine est donc prétorienne ».

474

la preuve le condamnant et convaincre le tribunal de son innocence. De ce fait, il devient impératif à l'accusé d'avoir le droit naturel de participer à la production de la preuve pénale lorsqu'il est nécessaire de prouver son innocence. Le principe de la présomption d'innocence dans le droit positif et les conventions internationales relatives aux droits de l'homme devrait permettre à l'accusé d'apporter librement des éléments de preuve pouvant convaincre le juge de l'invalidité de l'accusation portée contre lui. Le droit de la preuve a permis d'autoriser l'adversaire à établir la preuve devant la justice selon les formes fixées par la loi. Dans le procès pénal, il est permis à l'accusé, suspect et défendeur - supposant son innocence - d'établir la preuve de l'invalidité de l'accusation qui lui était attribuée. Par conséquent, il est impératif de lui permettre d'avoir toutes les facilités et les moyens nécessaires pour convaincre le juge de l'invalidité des preuves présentées contre lui par l'autorité de l'accusation. Le droit de l'accusé à la démonstration fait partie du système d'accusation sur le plan procédural, qui fait prévaloir l'égalité entre l'accusé et l'autorité de

l'accusation 1873 . Ce système ne donne pas le moindre avantage à un justiciable face à l'autre, afin d'assurer à chaque adversaire le droit de recueillir des preuves afin de faire face à l'autre justiciable, dans un procès public où les débats ont lieu oralement, en présence des adversaires (justiciables).

B. Le droit de l'accusé de démontrer son innocence sur la base d'une preuve illégale.

368. La problématique de la preuve illégale d'innocence. Auparavant, il a été dit que le jugement de culpabilité doit se fonder sur des preuves en conformité avec le principe de la légalité de la preuve pénale. Toutefois, relativement à la preuve de l'innocence, une partie

de la doctrine 1874 pense qu'il n'existe aucune restriction quant à la mise en place de l'acquittement sur une preuve illégale. Ce raisonnement est fondé sur le principe de la présomption d'innocence qui en est d'ailleurs à l'origine. En outre, la nullité de la preuve dérivée d'une manière illégale est initiée principalement afin de protéger la liberté de l'accusé.

1873 V. D. Dechenaud, L'égalité en matière pénale, Thèse de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n° 619, p. 416 : « À l'issue d'une évolution amorcée au milieu des années 1990, l'égalité des armes entre la personne poursuivie et le représentant du ministère public semble être devenue une réalité ».

1874 V. en langue arabe : M. Mostafa, La preuve en droit pénal comparé, Imprimerie de l'université de Caire, Le Caire (Egypte), 1977, 1e partie (théorie générale), p. 114 ; A. Fathi Srour, Le médiateur en procédure pénale, 7e éd., Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1996, p. 752 ; H. Abdallah Ahmad, La théorie générale des preuves. Etude comparée entre système procédural latin, anglo-saxonne et islamique, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 2004, p. 505.

475

Par conséquent, il est illogique de le faire retourner contre lui dans le cas de l'attachement au rejet de la preuve de l'innocence au motif qu'elle est illégale, le résultat très grave serait la condamnation d'un innocent. A cet endroit, la société supporte deux préjudices : l'acquittement d'un criminel de la sanction pénale et au lieu de cela punir un innocent en dépit de la preuve démontrant son innocence. En outre, dans le cas de l'existence d'un doute, le juge acquitte l'accusé, et a priori, il devait acquitter la personne dont la preuve de l'innocence serait disponible - bien que cette preuve ait été illégalement obtenue - et non uniquement un doute dans sa condamnation1875. Les preuves en matière pénale sont persuasives, tirant ainsi leur valeur probante de la conscience du juge et son intime conviction. Cependant, le juge doit respecter les restrictions imposées par la loi afin que sa conviction ne soit pas purement personnelle et puisse convaincre les autres. Ces restrictions ne sont pas considérées comme une contrainte directe sur la conviction, mais plutôt comme une garantie du respect de la liberté individuelle et des droits de l'homme, en s'appuyant sur le principe de la présomption d'innocence. Ces restrictions relèvent du principe de la légalité des procédures pénales qui impose que les preuves soient recueillies conformément aux dispositions de la loi. Sur la base de ce qui précède, la restriction de la légalité est l'une des plus importantes restrictions imposées pour le bien de l'accusé sur la base de l'innocence du prévenu jusqu'à preuve définitive du contraire. Dans le cas où il s'agit de la position de la loi relative aux preuves de culpabilité, cette position s'applique-t-elle sur les preuves de l'innocence ? En d'autres termes le juge est-il admis à établir l'innocence sur une preuve illégale ? Quelle est la position de la loi et des principes généraux des procédures pénales concernant par exemple les preuves découlant de l'écoute ou de l'observation cachées ? Le juge pénal doit fonder sa conviction de condamnation en s'appuyant sur des preuves légales et non pas sur des preuves produites par des procédures illégales. Toutefois, il a la liberté de former sa conviction d'innocence à partir d'une preuve illégale. En effet, le juge n'ayant pas besoin de faire la preuve de l'innocence, son doute sur la culpabilité l'oblige à choisir l'acquittement, selon la règle du doute en faveur de l'accusé et du principe de la présomption d'innocence. Par illustration, le frère ou le père de l'accusé peut voler un document démontrant l'innocence de son frère ou de son fils, et l'offrir au juge pénal. Dans ce cas, le juge peut acquitter l'accusé s'il est convaincu par la preuve démontrant l'innocence de l'accusé ou pouvant remettre en cause les preuves du procureur, produisant ainsi un jugement d'acquittement. En effet, il n'est pas permis de refuser de reconnaître l'innocence d'une personne sous prétexte que la preuve n'aurait pas été

1875 V. en langue arabe : H. Abdallah Ahmad, La théorie générale des preuves. Etude comparée entre système procédural latin, anglo-saxonne et islamique, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 2004, pp. 505-506.

476

obtenue par une voie légale. Cette position est critiquée. On lui reproche de donner des effets à une preuve qui viole le principe de la légalité procédurale. Ce à quoi il est répondu que même s'il y a atteinte à la justice et aux intérêts de la société et de sa sécurité, il est préférable que l'innocence, si elle est réelle, soit reconnue. Il vaut mieux que mille criminels s'en tirent plutôt qu'un seul innocent soit condamné. Si le juge peut avoir des doutes quant à la culpabilité de l'accusé alors qu'il y a des preuves l'incriminant, il ne peut que conclure à son innocence si a des preuves de celle-ci. Le contraire reviendrait à juger la culpabilité d'une personne dont on sait qu'elle est innocente, ce qui serait une agression flagrante de la justice. En effet, le principe de la légalité pénale n'accepte certainement pas cet argument étant donné qu'il est posé à l'origine pour protéger l'innocent, et non contre lui. En outre, le principe de la sanction personnelle, pris par toutes les législations pénales exige que la punition soit infligée uniquement au véritable acteur du crime, de condamner le coupable en particulier pour atteindre la punition, la dissuasion privée, la dissuasion publique, et donc l'établissement de la sécurité de la société. Ce principe lui-même permet au juge pénal de s'appuyer dans son jugement d'acquittement sur des preuves illégales montrant l'innocence du coupable, afin de ne pas punir un innocent alors que le vrai criminel jouit de sa liberté et commet d'autres crimes. Ainsi, le juge pénal peut se baser dans son jugement d'acquittement sur des preuves illégales contenant l'innocence de l'accusé, dans le cas contraire, la conséquence dangereuse serait la culpabilisation d'un innocent. Par conséquent, le droit de l'accusé de se défendre est un droit sacré placé au-dessus de tout autre droit de la société. Il est inadmissible de restreindre la liberté de l'accusé de se défendre avec une exigence similaire à celle requise dans la preuve de culpabilité. La légalité est donc une base de la preuve valide et sans défaut de la culpabilité ou de l'innocence. Mais il n'est pas possible de dire que la preuve de la culpabilité doit être légale. Au contraire, il suffit que la preuve de l'innocence soit présente sans compter sa légalité. Certains auteurs peuvent critiquer cet avis en disant que l'équilibre de la justice est détruit pour devenir discriminatoire dans l'évaluation de la preuve, étant donné que les jugements judiciaires se fondent sur l'affirmation et la certitude, non pas sur la supposition et l'hypothèse et toujours sur la base d'une preuve légale. Nous disons non, car il faut tenir compte du principe de la présomption d'innocence et de celui selon lequel le doute doit favoriser l'accusé, de sorte que le jugement de culpabilité est seul à être fondé sur l'affirmation et la certitude. Quant au jugement d'innocence, il suffit pour le juge pénal d'avoir un simple doute dans les preuves d'affirmation pour juger l'acquittement. De ce fait, il vaut mieux pour le tribunal de libérer un millier de criminels que de condamner un innocent.

477

369. La présomption d'innocence exonérant l'accusé de prouver de son innocence. La question évidente se pose donc : si la loi a permis à l'accusé ou au défendeur de montrer ses défenses, d'être écouté par le tribunal, de demander au juge d'instruction de mener à bien certaines actions qu'il juge nécessaires afin de découvrir la vérité, en considérant qu'il n'est pas coupable, ou de fournir des documents et des preuves, le problème principal reste centré sur le sort de la preuve illégale de l'innocence de l'accusé ou du défendeur fournie par lui au tribunal, sans que cette preuve soit le résultat d'une procédure pénale au sens strict du mot. Quelle est donc la position de la magistrature et la loi sur cette preuve illégale ? Existe-t-il une différence selon que cette preuve émane de l'accusé ou du défendeur lui-même ? La preuve illégale doit être écartée de l'examen et de la conviction du juge, même si elle représente la vérité, puisque la légalité des procédures pénales en général, et plus particulièrement l'illégalité de la preuve pénale basée sur l'illégalité du moyen de la recherche, de l'obtention ou de la production de la preuve obligent à ne pas prendre en considération la vérité et la valeur probante de cette preuve même si cela conduit à l'impunité d'un criminel coupable. Est-il possible d'admettre l'exclusion de la preuve illégale qui prouve l'innocence de l'accusé pour la raison que celui qui l'a obtenue, soit l'accusé, l'a obtenue d'une manière illégale ? Peut-on accepter ce qui n'est pas acceptable pour la conscience et la justice, c'est-à-dire de punir une personne d'un péché qu'il n'a pas commis et négliger la preuve de son innocence en raison de l'illégalité de cette preuve ? Faut-il faire une comparaison de position et donner la même solution pour le sort de la preuve illégale fournie par l'autre partie privée dans le procès pénal, en d'autres termes le demandeur civil ou la victime ? Il découle du principe de la présomption d'innocence que la personne mise en cause est en toute logique dispensée d'avoir à établir son innocence. Cependant, l'enjeu du procès pénal ne peut se satisfaire du rôle passif de la personne mise en cause dans l'établissement de son innocence. Loin d'être analysée comme une atteinte à ses droits fondamentaux, la possibilité pour la personne mise en cause de rapporter des éléments de preuve de nature à établir son innocence ou à atténuer sa responsabilité constitue une chance supplémentaire, pour le procès pénal, de

. La notion de

1876

tendre vers son objectif de vérité et de prévention de l'erreur judiciaire

1877

preuve contraire n'est pas inconnue du droit en général et du droit pénal en particulier

.

1876 P. Bolze, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit, 2010, Université Nancy 2, p. 7.

1877 P. Bolze, Le droit à la preuve contraire en procédure pénale, Thèse de droit, 2010, Université Nancy 2, p.

7.

370.

478

Arguments en faveur du droit pour l'accusé de prouver son innocence par une preuve illégale. Est-il possible à l'accusé ou au défendeur de prouver son innocence grâce à l'utilisation d'une preuve obtenue illégalement? Se pose la question de la possibilité pour l'accusé de présenter une preuve illégale afin de prouver son innocence. A ce propos, il existe plusieurs points de vue doctrinaux vis-à-vis de la preuve sur laquelle le juge fonde sa conviction de l'innocence.

371. Un premier avis contre l'admission d'une preuve illégale. En réponse à cette problématique, certains exigent la légalité de la preuve dans le cas de la culpabilité et également de l'innocence. En effet, dans le cas où la nullité d'une procédure est décidée, cela influence tous les effets qui en découlent directement ; compte tenu du fait que le texte n'a pas distingué entre la preuve de la culpabilité et celle de l'innocence. En outre, les voies légales assurent la démonstration de l'innocence, et par conséquent il n'est pas donc permis de juger cette innocence au détriment de la perte du principe de la légalité. Une deuxième opinion pense que l'acceptation de la preuve illégale de l'innocence par la justice implique la violation du principe de la légalité de la preuve, et qu'il n'est pas possible à la justice d'établir la règle que la fin justifie les moyens. Les adeptes de cette tendance voient que la démonstration de l'innocence est soumise au principe de la légalité de la preuve, comme la démonstration de la culpabilité. Cependant, cet avis n'a pas pris en considération un point important, qui est que la preuve illégale de l'innocence soumise par l'accusé ou le défendeur ne prend pas la forme d'une procédure pénale, ni ne peut être considéré réellement comme un acte de procédure.

372. Deuxième avis soutenant l'acceptation de la preuve illégale. La légalité n'est pas une condition obligatoire dans la preuve de l'innocence, étant donné que cette dernière compte parmi les principes fondamentaux des procédures pénales, que chaque accusé profite de la présomption d'innocence jusqu'à être jugé coupable en vertu d'un jugement définitif. La partie doctrinale soutenant cet avis affirme qu'il n'existe pas de restriction pour la mise en place de l'acquittement sur la base d'une preuve illégale, en se fondant sur le principe général de la présomption d'innocence de la personne, et par conséquent, rien n'oblige le tribunal à le prouver. Il suffit que le tribunal doute de la culpabilité de l'accusé pour l'acquitter de ce que lui était attribué sur la base que la légalité qui n'est pas une condition obligatoire dans la preuve de l'innocence. La raison principale est que parmi les principes fondamentaux des procédures pénales, chaque accusé jouit de la présomption d'innocence jusqu'à être jugé coupable en vertu d'un jugement définitif.

373.

479

Un troisième avis établit une distinction entre deux cas de l'acceptation ou le rejet de la preuve illégale. La troisième tendance pense que les preuves illégales de l'innocence sont acceptées dans des cas spécifiques. En effet, si la preuve a été obtenue par un moyen considéré comme une infraction pénale, tel que le vol d'un document ou par la fraude, cette preuve n'est donc pas fiable et par conséquent elle doit être écartée. Dans le cas où la méthode n'atteint pas le niveau de la criminalité, mais comprend plutôt une violation d'une règle procédurale, la preuve obtenue n'est donc pas gaspillée et reste prise en considération. Ce dernier point de vue parvient à établir un équilibre entre l'intérêt de l'innocent dans sa libération et les intérêts de la société afin d'empêcher la perpétration des infractions dans le cadre de la recherche de la vérité. Cette logique doctrinale voit la distinction entre les cas où l'illégalité de la preuve remonte à la façon d'obtention qui viole les règles des procédures pénales, et entre le cas où cette méthode est une infraction pénale. La preuve illégale pour prouver l'innocence est acceptée seulement dans le premier cas. L'accusé ne doit pas être atteint par un fait dont il n'est pas responsable. Dans le second cas où la preuve est produite par des moyens constituant une infraction pénale - comme la fraude ou les faux témoignages - la preuve doit être perdue, sur la base que le moyen devrait prendre la description du but : si la fin est légale, le moyen qui en mène doit être légal également. L'avis contraire va encourager à commettre des crimes espérant prouver son innocence.

374. La possibilité d'établir l'innocence sur une preuve illégale. Si l'accusé est à l'origine innocent, le tribunal de première instance n'est pas tenu à la conformité avec les règles de preuve. En principe, le juge devrait fonder sa conviction sur une preuve légale comme règle générale, mais il faut faire la distinction entre la culpabilité et l'acquittement ou l'innocence. En effet, seule la preuve de culpabilité doit être légale sans aucune exception. La culpabilité ne se fonde pas sur une preuve illégale. Quant à la preuve de l'innocence, elle peut être obtenue par un moyen illégal qui n'est pas conditionné par sa légalité comme une manifestation d'une tolérance en faveur du principe de la présomption d'innocence. Par conséquent, nous soutenons l'avis qui préfère l'obligation de la construction de la culpabilité sur une preuve légale en respectant le principe de la légalité de preuve pénale et ne pas exiger cette condition pour la preuve de l'innocence.1878. Nous soutenons avec clarté la non-

1878 V. en ce sens : Cour de cassation criminelle Égyptienne, pourvoi numéro 4684 année 1958, bureau technique, p. 819, date 02/11/1989 : A ce propos, il est possible de donner des exemples de quelques importants arrêts qualitatifs émis par la Cour de cassation égyptienne comme un exemple de droit comparatif pour le

480

exigence de la légalité de la preuve de l'innocence. La non-considération de la preuve illégale n'était prévue que pour garantir la liberté de l'accusé et ne doit pas se retourner contre lui. L'accusé a une totale liberté dans le choix des moyens de défense selon sa position dans le procès. Ainsi, le droit de l'accusé à se défendre est supérieur aux droits du corps social qui est plus affecté par la culpabilité d'un innocent que par l'acquittement d'un coupable.

375. Position de la justice libanaise sur la preuve illégale présentée par l'accusé. Après la révision des dispositions de la justice libanaise, nous n'avons pas remarqué l'existence de dispositions indiquant ou mettant en évidence la position de la justice sur ce sujet qui ne semble pas être débattu dans la pensée juridique libanaise. En outre, il n'existe pas de distinction fondée sur la norme de la partie qui a présenté la preuve illégale, qu'elle soit l'accusé, le demandeur civil ou la victime. Ainsi, la justice libanaise ne prend pas la moindre considération à ce sujet, et nous voyons cette même attitude dans la doctrine libanaise qui n'accorde aucune importance à ce sujet et nous ne pouvons pas trouver un avis sur ce sujet. En outre, il semble que la justice et la doctrine libanaises n'accordent aucun intérêt en termes de distinction entre la preuve illégale émise sur la base d'une procédure pénale au sens strict du mot, et la preuve illégale qui n'est pas le résultat d'une procédure pénale, et présentée au tribunal ou versée dans le dossier pénal. Par conséquent, il est possible de confirmer que la situation pratique dans le droit libanais est toujours hésitante s'agissant de la compréhension du terme de la preuve illégale et du choix de la façon de la confrontation de cette preuve et de son sort. Ainsi, il est possible de dire avec certitude que l'idée de punir ou de sanctionner la preuve illégale est encore en croissance très lente, sans l'existence d'une position claire et fixée de la justice libanaise sur ce sujet. Nous voyons que la justice libanaise doit a priori établir un concept unifié de la preuve illégale, adopter une position unifiée et par

soutien de notre avis en termes d'explication de l'avis que nous soutenions. La Cour de cassation égyptienne est allée jusqu'à dire littéralement : « Étant donné qu'il est décidé que bien que la légalité est nécessaire dans la preuve de culpabilité, il est interdit de fonder une culpabilité valide sur une preuve invalide dans la loi ; toutefois, (la légalité n'est pas une condition) obligatoire dans la preuve d'innocence, car l'origine selon l'article 67 de la Constitution et les principes fondamentaux dans les procédures pénales que chaque accusé a la présomption d'innocence jusqu'à être jugé coupable avec un arrêt définitif, et jusqu'à l'émission de cet arrêt, il a une totale liberté dans le choix des moyens de défense selon sa position dans le procès et ce qu'il ressent comme conditions de peur, de prudence et d'autres symptômes naturelles à la faiblesse des êtres humains. A la direction de ces principes, le droit de l'accusé à se défendre s'est fondu, devenant ainsi un droit avancé supérieur aux droits et intérêt de la société qui n'est pas affectée par l'acquittement d'un coupable mais plutôt nuise ainsi que la justice par la culpabilité d'un innocent. En outre, la loi a décidé, sauf ce qui est nécessaire comme moyens spéciaux de preuve, la permission totale au juge pénal de choisir parmi ces moyens ce qu'il considère une voie amenant à la révélation de la vérité , en pesant la force de la preuve provenant de chaque élément, avec une liberté absolue dans l'appréciation de ce qui lui est soumis, et la vérification de sa force probante dans chaque cas selon ce qui est tiré des faits du procès et ses circonstances sans acceptation de la restriction de la liberté du tribunal dans la preuve de l'innocence avec une exigence semblable à ce qui est requis dans la preuve de culpabilité ».

conséquent décider une voie particulière dans l'inacceptation de cette preuve. En conclusion, il convient de dire que rien n'empêche la justice libanaise d'adopter notre précédente opinion sur le sujet de l'acceptation de la preuve illégale de l'innocence pour toutes les raisons précédemment décrites.

376. La position de la jurisprudence française concernant l'acceptation de la preuve illégale de l'innocence. Selon la chambre criminelle de la Cour de cassation française « le droit à un procès équitable et la liberté d'expression justifient que la personne poursuivie du chef de diffamation soit admise à produire, pour les nécessités de sa défense, les pièces de nature à établir la vérité des faits ou sa bonne foi, sans qu'elles puissent être écartées des

débats au motif qu'elles auraient été obtenues par des moyens illicites ou déloyaux »

1879

. Quel

est le fondement de la recevabilité d'une preuve illégale ou déloyale présentée par un particulier ? Premièrement, le silence du Code de procédure pénale ou le vide juridique concernant l'absence d'un texte de loi claire qui oblige le juge répressif à écarter un élément de preuve illégal ou déloyal, comme l'a indiqué la chambre criminelle de la Cour de cassation française dans sa formule classique à plusieurs reprises « aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale ; [qu']il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante

» 1880 . D'autre part, la chambre criminelle de la Cour de cassation française accepte les preuves déloyales et illégales produites par une partie privée qui permet de prouver l'innocence en considérant qu'elles sont nécessaire. Pour justifier la recevabilité de cette preuve illégale, la Cour de cassation a eu recours à l'idée des besoins de la défense « attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que l'enregistrement de la conversation téléphonique privée, réalisé par Alain Y..., était justifié par la nécessité de rapporter la preuve des faits dont il était victime et de répondre, pour les besoins de sa défense, aux accusations de violences qui lui étaient imputées, la Cour d'appel, devant qui la valeur de ce moyen de preuve a été contradictoirement débattue, n'a pas méconnu les textes et les dispositions conventionnelles

visés au moyen »

1881

. On peut donc dire que la Cour de cassation française accepte la preuve

481

illégale si cette preuve constitue un moyen de défense pour prouver l'innocence. M. Jean-Christophe Saint-Pau considère que « s'il n'est pas concevable qu'un particulier organise des

1879 Cass. crim., 19 janvier 2010, B.C., n° 12.

1880 Cass. Crim., 6 avril 1994, B.C., n° 136, p. 302. 1881 Cass. Crim., 31 janvier 2007, B.C., n° 27, p. 100.

investigations ou recherches illégales, notamment en procédant à des écoutes téléphoniques et en enregistrant des conversations privées, il reste que le principe de légalité procédurale peut trouver sa limite dans les droits de la défense. Lorsque, en effet, une personne est victime d'une infraction ou d'une accusation, il serait contraire aux droits de la défense de ne pas l'autoriser à en rapporter la preuve, alors même qu'elle serait obtenue de manière illicite ou

déloyale »

1882

. Cet avis généralise l'argumentation de la recevabilité de la preuve illégale ou

482

déloyale en se basant sur le principe que la légalité procédurale trouve sa limite dans les droits de la défense sans faire une distinction entre preuve de culpabilité et preuve d'innocence ou preuve apportée par une partie privée qui est victime d'une infraction ou d'une accusation. Nous soutenons partiellement l'avis de M. Jean-Christophe Saint-Pau concernant la recevabilité de la preuve illégale d'innocence par la chambre criminelle de la Cour de cassation mais nous rejetons son avis concernant la recevabilité de la preuve de culpabilité qui doit être toujours soumise à l'application effective du principe de la légalité procédurale et de la légalité de preuve pénale. Donc, il est remarquable que la chambre criminelle de la Cour de cassation française constate que l'utilisation d'un élément de preuve illégale par une partie privée afin d'identifier ou prouver son innocence est considérée comme un moyen de

1883

défense et qui est conforme avec les exigences du procès équitable. Cette possibilité

d'utilisation de preuves illégales pour prouver l'innocence de la personne poursuivie s'appuie selon la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation française sur les mêmes raisons qui ont poussé cette chambre à accepter les preuves illégales de culpabilité apportées par une partie privée.

1882 J.-Ch. Saint-Pau, « L'enregistrement clandestin d'une conversation », in Droit pénal, n° 9, Septembre 2008, étude 17, spec. n° 21.

1883 V. Cass. Crim., 11 février 1992, B.C., n° 66, p. 166 : « Le fait que des pièces produites par une partie pour sa défense auraient été obtenues par des moyens déloyaux ne permet pas au juge d'instruction de refuser de les joindre à la procédure, dès lors qu'elles ne constituent que des moyens de preuve dont la valeur peut être discutée contradictoirement. Il ne peut donc être reproché au juge d'instruction ni de saisir une bande magnétique, à lui remise par une partie, contenant l'enregistrement d'une conversation, ni de faire procéder à la transcription de cet enregistrement et de la joindre au dossier de la procédure, même si cet enregistrement a eu lieu à l'insu d'un des participants à cette conversation ».

483

précédent sommaire suivant










Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy



"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King