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La légalite des moyens de preuve dans le procès pénal en droit français et libanais


par Ali Ataya
Ecole doctorale 88 Pierre Couvrat (Poitiers) - Droit et Sciences Politique, Université du Maine - Thèse de doctorat en Droit privé 2013
  

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A. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la nullité absolue.

337. Notion de nullité absolue ou d'ordre public. En France, la nullité substantielle d'ordre public trouve sa source dans la jurisprudence, elle est la conséquence d'une consécration

1751

jurisprudentielle. En droit français, les nullités d'ordre public se divisent en deux

1748 É. Vergès, Procédure pénale, 2e éd., Litec, 2007, n° 401, p. 253.

1749 V. J.-P. Brouillaud, « Les nullités de procédure : des procédures pénales et civiles comparées », in D., 1996, p. 98, V. spec. n° 6 : « La caractéristique essentielle de ces nullités d'ordre public est leur automaticité : lorsque le juge constate la violation d'une règle qu'il estime être d'ordre public, il annule immédiatement et sans autre considération l'acte vicié. L'examen de la jurisprudence montre que ces nullités correspondent à des règles d'intérêt général, concernant la bonne marche de la justice ».

1750 V. sur la distinction entre nullités d'ordre public et nullités d'intérêt privé en droit français: M. Guerrin, « Les changements opérés par la loi relative à la présomption d'innocence sur les nullités de procédure dans la phase préalable au jugement pénal », in R.S.C., 2000, p. 753 : « Aussi bien, à côté des nullités d'ordre public avec présomption irréfragable de grief qui ne recouvrent en pratique que la méconnaissance des règles de compétence, on trouve des nullités d'intérêt privé qui regroupent les nullités textuelles pour lesquelles la preuve du grief est nécessaire, les nullités substantielles avec grief et, pour finir, les nullités substantielles avec présomption simple de grief, pour lesquelles le demandeur n'a pas à prouver le préjudice par lui subi, dans la mesure où la haute juridiction considère que la violation porte « nécessairement » atteinte aux intérêts du requérant. C'est là, par exemple, le contentieux de l'authentification des actes de procédure, de la notification de ses droits au gardé à vue ou des mises en examen tardives ».

1751 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 88, p. 64 : « la source de ces nullités d'ordre public est jurisprudentielle. ».

catégories « par nullité d'ordre public, la jurisprudence entend d'une part les nullités d'ordre public au sens strict, d'autre part les nullités assimilées aux nullités d'ordre public. Les nullités d'ordre public au sens strict ont trait aux violations des dispositions concernant la compétence des juridictions, leur organisation et composition, les formes et délais des voies

de recours, notamment »

1752

et « dans la catégorie des nullités assimilées aux nullités d'ordre

public, on range les garanties de procédure dont la violation cause une atteinte aux droits de

la défense »

1753

. Selon la doctrine libanaise et arabe, il s'agit de la nullité liée à l'ordre public.

435

En effet, c'est une décision prise non seulement en tant que pénalité pour la violation d'une règle procédurale fondamentale ou substantielle, mais également en tant que sanction pour la violation d'une règle procédurale substantielle liée à l'ordre public1754, ou en d'autres termes une règle qui vise à réaliser l'intérêt général bien qu'elle conduise à la réalisation des intérêts des justiciables1755. La doctrine libanaise et arabe utilise le terme de la nullité absolue dans le cas où cette nullité est attachée à l'ordre public ; tandis que dans le cas où elle s'attache aux intérêts des justiciables eux-mêmes, elle est considérée et nommée en tant qu'une nullité relative. Le terme nullité absolue signifie que cette nullité n'accepte pas de correction, il incombe donc au tribunal de la juger de lui-même c'est-à-dire d'office, même sans la demande des justiciables. Cela signifie également que ces derniers peuvent la soulever à n'importe quelle étape de la procédure, même pour la première fois devant la Cour de

1756

cassation.

338. Les caractéristiques de la nullité absolue. La nullité absolue peut être invoquée par toute partie intéressée. En plus, le tribunal compétent doit de lui-même invoquer ou soulever d'office la nullité. En outre, il est permis de soulever la nullité absolue dans n'importe quelle étape du procès, même pour la première fois devant la Cour de cassation. Également, le tribunal peut juger la nullité absolue de lui-même c'est-à-dire le juge peut prononcer d'office la nullité, même si les parties au procès ne l'ont pas demandée. La nullité absolue peut également être demandée même en l'absence d'intérêt. Enfin, la nullité absolue n'accepte pas la correction avec l'accord explicite ou implicite du justiciable. En droit français,

1752 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 88, p. 64. 1753 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 88, p. 64.

1754 V. en langue arabe : J. Sarwat, Procédure pénale, Maison de la nouvelle université, Alexandria, (Egypte), 2003, p. 528.

1755 V. en langue arabe : F. Abdel-Sattar, Interprétation du code de procédure pénale libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Beyrouth, 1991-1992, p. 48.

1756 V. en langue arabe : O. Saiid Ramadan, Les principes de la procédure pénale, Dar Al-Nahda al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Égypte), 1993, p. 43.

1757

l'exigence d'un grief n'est indispensable pour prononcer la nullité« la loi subordonne en outre le prononcé de la nullité à l'existence d'un grief pour celui qui dénonce l'irrégularité. Cette exigence correspond aux nullités d'ordre privé tandis que le grief n'a pas à être

1758

.

démontré lorsque l'irrégularité est telle que la nullité devient d'ordre public »

339. La nullité absolue et la nullité liée à l'ordre public. En droit français, on ne trouve pas un texte dans la loi qui présente une définition de la nullité d'ordre public, parce que « la notion même est le résultat d'une construction jurisprudentielle dont il est malaisé de dégager

des critères objectifs »

1759

. La juriprudence de la chambre criminelle de la Cour de Cassation

française ne propose pas non plus de définition précise de la notion de nullité d'ordre public parce que « peu nombreux sont les arrêts qui s'y réfèrent explicitement. La plupart ne le font

1760

qu'implicitement, soit en écartant expressément l'application de l'article 802, soit en

relevant d'office la nullité

1761

, soit encore, et c'est le cas le plus fréquent, en la prononçant

436

sans caractériser l'atteinte aux intérêts de la partie concernée, ce qui permet d'en déduire

1762

que la nullité a été estimée d'ordre public ». Certains interprètes du droit considérant que la nullité absolue est un type de nullité ont choisi de la fonder sur l'idée d'ordre public. En effet, la nullité absolue et la nullité liée à l'ordre public s'expliquent mutuellement en raison leurs conséquences face à la violation des règles et des procédures liées à l'ordre public que le

1757 V. M. Guerrin, « Les principales causes de nullité de l'audience pénale », in AJ Pénal, 2008, p. 181 : « la Chambre criminelle ne distingue plus selon que la nullité est textuelle ou substantielle, mais selon qu'elle est d'ordre public ou d'intérêt privé, ne sanctionnant dans ce dernier cas que lorsque l'irrégularité a porté atteinte aux droits de la défense, conformément à l'article 802 du code de procédure pénale ».

1758 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 383, p. 217.

1759 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 333, pp. 144-145.

1760 V. Cass crim., 27 septembre 1984., B.C., n° 275: « La seule circonstance que l'inculpé est détenu ne constitue pas une impossibilité d'assister à une perquisition opérée à son domicile alors que cette présence est prescrite par l'article 95 du Code de procédure pénale et que ce n'est qu'en cas d'impossibilité que les dispositions subsidiaires prévues par l'alinéa 2 de l'article 57 du même code peuvent être appliquées. La nullité encourue porte atteinte aux intérêts de l'inculpé et l'article 802 dudit Code lui est étranger » ; V. Cass crim., 14 octobre 2003, B.C., n° 187, p. 773: « Les dispositions de l'article 77-1 du Code de procédure pénale sont édictées dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, leur méconnaissance est constitutive d'une nullité à laquelle les dispositions de l'article 802 du Code de procédure pénale sont étrangères ».

1761 V. Cass. crim., 23 juin 1987, B.C., n° 260, p. 705: « Ne sont pas conformes aux exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, la plainte avec constitution de partie civile et le réquisitoire introductif qui ne qualifient pas précisément les faits incriminés et qui ne visent pas le texte de loi applicable à cette qualification Il n'importe que l'arrêt attaqué ait retenu à l'encontre de l'inculpé le délit de diffamation publique prévu et réprimé par les articles 23, 29 et 32 de la loi sur la liberté de la presse ; la chambre d'accusation n'avait d'autre pouvoir que de constater la nullité de la plainte, du réquisitoire et celle des actes subséquents laquelle nullité, étant d'ordre public, doit être soulevée d'office, tant par les juges que par la Cour de cassation ».

1762 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 333, p. 145.

1763

législateur a prescrites dans le but de protéger l'intérêt public. Cependant, les intérêts publics et les intérêts particuliers sont en symbiose dans le cadre de l'ordre des procédures pénales, et par conséquent il n'est pas possible de considérer que l'ordre public n'est pas en relation avec la nullité que le législateur a prescrite pour l'intérêt particulier, ou encore

négliger l'intérêt particulier en parlant de l'intérêt public

1764

. En effet, la protection de l'ordre

437

public peut être atteinte grâce à la protection des intérêts particuliers, étant donné que la nullité absolue n'accepte pas la correction, et qu'il n'est pas nécessaire d'émettre un jugement d'annulation d'un travail procédural invalide d'une nullité absolue, du fait que ce travail n'a pas d'existence réglementaire malgré son existence matérielle. Quant à la distinction de la nullité en nullité absolue ou relative, elle est courante dans le cadre du droit civil. En outre, l'application de cette division dans le cadre de l'ordre procédural conduit à des résultats qui n'ont aucun lien avec l'idée de la nullité du travail procédural. Autrement dit, la nullité absolue signifie la nullité du travail lui-même. Par contre, le jugement du juge par la nullité

.

1765

vise essentiellement à révéler et à rapporter le vice qu'a encouru la procédure

340. La norme de la distinction de la nullité absolue. Selon M. Henri Angevin « si l'on tente de la définir (nullité d'ordre public) par son contraire, la nullité d'ordre privé étant cette qui a été instituée pour protéger l'intérêt particulier d'une partie, laquelle peut renoncer à son prévaloir (art 172 CPP français), la nullité d'ordre public sanctionne la violation d'un règle procédurale imposée dans l'intérêt général, dans celui d'une bonne administration de la justice . Nul ne peut y renoncer et celle doit être prononcée d'office comme le commande

.

17661767

l'article 206 (CPP français) ». La nullité absolue est la nullité liée à l'ordre public

1763 V. en langue arabe : E. Ghali Dahabi, Procédure pénale dans la législation égyptienne, 2e éd., Librairie Gharib, 1990, Le Caire (Égypte), p. 777 ; F. Abdel-Sattar, Interprétation du code de procédure pénale libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1986, p. 35.

1764 V. critique sur la distinction entre l'ordre public et l'intérêt privé en droit français : P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en matière pénale », in D., 2004, p. 1265, v. spec. n° 10 : « Le système gouvernant les nullités de l'information conduit à un paradoxe : les autorités en charge de faire respecter la loi peuvent impunément la violer en raison de la distinction artificielle opérée entre l'ordre public et l'intérêt privé ».

1765 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière de la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, pp. 90-92.

1766 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 333, p. 145 ; V. sur la nullité d'ordre public qui sanctionne la violation d'un règle procédurale imposée pour une bonne administration de la justice : Cass. crim., 14 octobre 2003, B.C., n° 187, p. 773: « Les dispositions de l'article 77-1 du Code de procédure pénale sont édictées dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, leur méconnaissance est constitutive d'une nullité à laquelle les dispositions de l'article 802 du Code de procédure pénale sont étrangères ».

Certains juristes ont déduit une norme pour la distinction entre la nullité relative et la nullité absolue. En effet, la norme qui permet cette distinction se base sur le type d'intérêt que

protège la règle procédurale

1768

. Si l'intérêt est public, la nullité résultant de sa violation est

438

donc absolue. Par contre, si l'intérêt est particulier, la nullité résultant de sa violation est donc relative. D'un autre côté, et d'après l'avis de M. Mahmoud Najib Hosni, cette norme « reste à étudier », étant donné que l'intérêt public et celui des justiciables sont souvent en symbiose dans les procédures pénales. Autrement dit, les règles indiquées en tant qu'exemples clairs et solides des règles procédurales protégeant l'intérêt public, notamment les règles de la compétence spécifique et la présence d'un défenseur ou d'un avocat avec l'accusé devant le tribunal pénal, protègent en vérité en même temps l'intérêt de l'accusé d'avoir un procès équitable. En outre, les règles qui sont indiquées en tant qu'exemples qui protègent l'intérêt de l'accusé, c'est-à-dire l'intérêt particulier, tels que les règles relatives à l'interrogatoire, l'arrestation et la détention provisoire, intéressent également l'intérêt public qui est touché par la perte des droits de la défense ou l'abolition de la présomption d'innocence. M. Mahmoud Najib Housni croit que la norme réelle pour la distinction entre les deux types, absolu et relatif, de la nullité réside dans l'importance de l'intérêt que protège la règle procédurale et non pas son type, et précisant que le juge du fond est celui qui est en charge de déterminer l'importance de cette règle. En effet, la violation d'une règle qui protège l'intérêt dont le juge a déterminé l'importance a pour conséquence la nullité absolue, sans aucune distinction entre un intérêt public dans le but de l'organisation de la justice et sa bonne marche, ou un intérêt important en faveur de l'accusé ou tout autre justiciable. Généralement, il est donc considéré que les règles relatives à la formation de la magistrature, son mandat et sa compétence qualitative et spatiale, la description du déclenchement du procès, les restrictions de ce déclenchement, les cas de la non-compétence du juge de se prononcer sur le procès, les droits fondamentaux de la défense, la présomption de l'innocence et la garantie de la dignité humaine de l'accusé sont des règles importantes, dont la violation donne lieu à nullité absolue. Enfin, il est bien clair que les règles peuvent s'attacher soit aux procédures de l'enquête

.

1769

préliminaire et de l'instruction préparatoire, soit aux procédures de la phase de jugement

1767 V. en langue arabe : M. Najib Housni, Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n° 382, p. 348.

1768 V. J.-P. Brouillaud, « Les nullités de procédure : des procédures pénales et civiles comparées », in D., 1996, p. 98, V. spec. n° 6 : « il est impossible d'établir un critère unique et fiable de qualification, de telle sorte que les juges disposent d'un très large pouvoir d'appréciation pour décider quels sont les cas de nullités d'ordre public ».

1769 V. en langue arabe : M. Najib Housni, Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n° 383, pp. 348-349.

341. Notion de l'ordre public. Il n'y a pas de critère précis pour définir minutieusement les caractéristiques de l'ordre public, ou encore une limitation de ses cas. Par conséquent, la jurisprudence a un rôle important dans la définition des caractéristiques de cette nullité absolue. L'idée de l'ordre public est l'une des idées courantes dans la plupart des législations et aussi dans la plupart des branches du droit, puisqu'elle a une grande importance dans la détermination des règles de l'ordre juridique. Bien que cette idée se caractérise par l'abstraction, l'aspect public et la flexibilité, certains ont essayé de définir l'ordre public dans le cadre des procédures pénales. En effet, certains ont considéré l'ordre public comme celui qui a pour but la bonne gestion ou la bonne conduite de la justice, telle que les règles de l'organisation juridique, les règles de la compétence et les règles qui doivent être prises en compte pour réaliser le but des travaux procéduraux 1770 . D'autres ont vu que l'idée de l'ordre public fait partie des intérêts primordiaux de la société, d'où la nécessité de lui donner la priorité au détriment de l'intérêt personnel particulier en cas de contradiction et d'opposition 1771 . Quant à M. Awad Mohammed Awad, il voit que la norme déterminante du degré de liaison de la nullité avec l'ordre public est la capacité du droit protégé par la règle procédurale d'accepter la renonciation. Autrement dit, si le droit protégé ne permet pas la renonciation, la nullité est donc liée à l'ordre public, et vice versa 1772 . En droit français, M. Henri Angevin énumère les cas de nullité d'ordre public selon la chambre criminelle de la Cour de cassation française : « Parmi les nullités déclarées d'ordre public, on peut citer celles qui sanctionnent la méconnaissance des règles relatives à l'organisation et à la composition des juridictions »1773. Sont aussi sanctionnés par des nullités d'ordre public les atteintes aux

« règles de compétence répressive »

1774

ainsi que « l'usage de stratagèmes portant atteinte au

1775

.

439

principe de la loyauté des preuves »

1770 V. en langue arabe : A. Mohamed Awad, Les principes généraux de la procédure pénale, Dar el matbouaat el gameya (Maison de publications universitaires), Alexandria (Egypte), 1999, p. 567.

1771 V. en langue arabe : B. Jilali, L'enquête, étude comparative théorique et pratique, 1er éd., office national des travaux éducatifs, Algérie, 1999, p. 250.

1772 V. en langue arabe : A. Mohamed Awad, Les principes généraux de la procédure pénale, Dar el matbouaat el gameya (Maison de publications universitaires), Alexandria (Egypte), 1999, p. 580.

1773 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 333, p. 145.

1774 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 333, p. 145 ; V. Cass. crim., 6 aout 1977, B.C., n° 276, p. 691 : « En matière répressive, la compétence est une question d'ordre public que toute partie a le droit de soulever » ; V. Cass. crim., 15 février 2000, B.C., n° 70, p. 193: « Mais attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il ressort que les fautes dont les prévenus, agents du service public hospitalier, ont été déclarés responsables ne peuvent être considérées comme détachables de leurs fonctions, et alors que l'exception d'incompétence, touchant à l'ordre public, peut être opposée en tout état de la procédure, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé » ;V. Cass. crim., 6 janvier 2004, B C., n° 1, p. 1: « Lorsque la chambre de l'instruction, saisie directement d'une demande d'actes, faute par le juge

440

B. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la nullité relative.

342. Notion de nullité relative ou nullités d'ordre privé. Selon la doctrine arabe, la notion de nullité relative signifie que le tribunal ne peut pas la juger de lui-même, mais il faut qu'elle soit soulevée par les justiciables. Il est également permis à celui pour lequel la nullité a été jugée de renoncer à son droit de la soulever. La renonciation à la présentation de la nullité peut être explicite ou implicite. En outre, il n'est pas permis que la nullité décidée en faveur des justiciables soit décidée sans l'attachement du justiciable à cette nullité devant le tribunal de première instance. En effet, il n'est pas permis de la présenter pour la première fois devant la Cour de cassation, car cela nécessite une enquête spécialisée sur le fond du sujet. La Cour de cassation est un tribunal de droit et non pas un tribunal du fond1776, elle examine en droit, mais non en fait, c'est une juridiction chargée de dire seulement le droit. Dans le cas où le justiciable évoque la nullité, le tribunal sera donc obligé de répondre à cette demande de nullité, car c'est une présentation substantielle. En l'absence de réponse, le jugement sera défectueux par manque de motivation 1777 . Il est possible de définir logiquement la nullité

d'instruction d'avoir statué dans le délai légal, ordonne un supplément d'information et délègue un juge pour y procéder, celle-ci évoque nécessairement l'affaire dans sa totalité. Encourt la censure l'arrêt d'une chambre de l'instruction qui refuse d'évoquer et de procéder dans les conditions prévues aux articles 201, 202, 204 et 205 du Code de procédure pénale, alors qu'elle a décidé de prescrire l'accomplissement des actes sollicités, ordonné, à cette fin, un supplément d'information et commis un magistrat de la cour d'appel pour y procéder » ; V. Cass. crim., 6 janvier 2004, B C., n° 2, p. 4: « Lorsque la chambre de l'instruction, après infirmation d'une ordonnance du juge d'instruction, ordonne un supplément d'information et délègue un juge pour y procéder, celle-ci évoque nécessairement l'affaire dans sa totalité. Encourt la censure l'arrêt d'une chambre de l'instruction qui refuse d'évoquer et de procéder dans les conditions prévues aux articles 201, 202, 204 et 205 du Code de procédure pénale, alors quelle a décidé de prescrire l'accomplissement des actes sollicités, ordonné, à cette fin, un supplément d'information et commis un magistrat de la cour d'appel pour y procéder ».

1775 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 333, p. 145 ; V. Cass. crim., 27 février 1996, B.C., n° 93, p. 273: « Dès lors qu'il résulte des énonciations des juges que l'interpellation d'une personne, suspectée de trafic d'influence, a procédé d'une machination de nature à déterminer ses agissements délictueux et que, par ce stratagème, qui a vicié la recherche et l'établissement de la vérité, il a été porté atteinte au principe de la loyauté des preuves, la chambre d'accusation est fondée à prononcer la nullité de la procédure subséquente » ; V. Cass. crim., 16 décembre 1997, B.C., n° 427, p. 1402: « Mais attendu qu'en prononçant ainsi, après avoir précédemment constaté que le policier agissait dans l'exercice de ses fonctions, et, alors que l'accord, au demeurant hypothétique, du magistrat instructeur n'était pas de nature à retirer au procédé son caractère illicite, la chambre d'accusation, qui aurait dû apprécier la validité de la transcription de l'enregistrement et des actes ou partie d'actes s'y référant au regard du principe ci-dessus énoncé, n'a pas justifié sa décision ».

1776 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, p. 92.

1777 V. en langue arabe : R. Obayd, Les principes de la procédure pénale, 17e éd., Dar al Jill, Le Caire (Egypte), 1989, p. 437.

relative comme toute nullité qui n'est pas absolue. M. Mahmoud Najib Housni, définit la

1778

nullité relative comme la nullité qui n'est pas liée à l'ordre public

. Cependant, cette

441

définition reste limitée, ambiguë et ne décrit pas la vérité du concept de la nullité relative. En outre, certains considèrent la nullité relative comme la nullité donnée aux procédures contraires à une règle protégeant un intérêt, dont la justice estime qu'elle n'est pas assez importante pour justifier la nullité absolue. Il est préférable de considérer la nullité relative comme une nullité qui arrive à cause d'une violation d'une règle procédurale dont le but est de réaliser un intérêt fondamental pour l'une des parties du procès, sans que cet intérêt équivaille à l'importance de celui considéré d'ordre public selon le législateur. Parmi les caractéristiques de la nullité relative en comparaison avec la nullité absolue, se trouve l'obligation de soulever la nullité relative devant le tribunal ou le juge du fond, comme il n'est pas permis non plus de soulever la nullité relative pour la première fois devant la Cour de cassation. En outre, il est interdit au tribunal de l'invoquer de lui-même d'office sans la demande de l'une des parties du procès pénal de prononcer explicitement la nullité de la procédure. En outre, il n'est pas permis de soulever la demande de la nullité relative sauf de la part du justiciable qui a un intérêt direct dans l'annulation de la procédure. La nullité relative, elle, signifie que le tribunal ne peut pas la juger de lui-même, mais il faut qu'elle soit demandée par les justiciables, et il revient à celui pour lequel la nullité a été jugée de renoncer à son droit de s'en tenir. À signaler que la renonciation à la nullité relative peut être explicite ou implicite. M. Solayman Abdol Miniim affirme que comme elle doit être demandée en première instance et ne peut pas être présentée pour la première fois devant la Cour de cassation, le fait de ne pas l'invoquer en

1779

.

première instance constitue une renonciation tacite à la nullité

343. Le critère de distinction entre la nullité absolue et la nullité relative. La jurisprudence a essayé de déterminer un critère afin de distinguer entre la nullité absolue et la nullité relative. Certains ont cherché dans le type de l'intérêt et son degré d'importance, tandis que d'autres ont choisi de déterminer le concept de l'ordre public en le considérant en tant que critère distinctif entre les deux types de nullité.

344. Le critère de l'intérêt. Ce critère signifie que si la procédure vise la protection de l'intérêt particulier des parties du procès pénal, la procédure est donc substantielle. Quant aux

1778 V. en langue arabe : M. Najib Housni, Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n° 385, p. 350.

1779 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière de la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, p. 92.

442

procédures qui visent seulement à guider et à diriger la bonne organisation du déroulement du dossier pénal, elles ne sont pas considérées comme indispensables. Une partie de la jurisprudence a choisi de déterminer le type de nullité qui suit la règle procédurale violée selon le type d'intérêt protégé ou voulu par cette règle. En d'autres termes, si cet intérêt est particulier, la nullité qui émane de sa violation est une nullité relative, et reste à la justice le pouvoir d'évaluer si la procédure fondamentale contraire influe sur l'intérêt particulier des parties du procès pénal. Par conséquent, il émane du préjudice qui a touché à cet intérêt une nullité relative. Cette partie de la doctrine a cherché à se concentrer sur le type de l'intérêt alors qu'une autre partie de la doctrine considère que cela n'est pas un critère déterminant pour la distinction entre les deux nullités, mais plutôt pour l'importance de l'intérêt protégé. En effet, la nullité absolue provient de la violation de toute règle procédurale que le juge considère viser un intérêt important, sans prendre en compte que cet intérêt soit public (tels que les restrictions du déclenchement du procès pénal et les cas de non-compétence du juge de prononcer sur le procès) ou que cet intérêt particulier important est relatif à l'accusé ou à l'un des justiciables (tels que le droit de défense ou la présomption de l'innocence). Par conséquent, tous les autres intérêts dont le juge estime que leur importance ne se compare pas avec les intérêts publics et particuliers précédents, la violation des règles qui décident ces intérêts ne provoque que la nullité relative. Il est donc clair que cette partie ne distingue pas entre l'intérêt lié à l'individu ou à la société, mais plutôt au degré d'importance de cet intérêt. En effet, quand l'importance est grande, la nullité est absolue. Par contre, si cette importance est minime ou futile, la nullité est donc relative.

345. L'idée des normes. Une partie de la doctrine croit que le critère précédent ne suffit pas, d'où le choix de l'idée des normes, qui se résume comme suit : 1 - Norme de l'intérêt public dans le bon déroulement des institutions judiciaires ; 2 - Norme de l'intérêt des parties ; 3 - Norme du respect des droits de la défense ; 4 - Norme de l'objectif de la procédure. Par conséquent, dès l'existence de l'une des normes citées ci-dessus, la procédure est donc substantielle, et la nullité est une conséquence de sa violation.

346. Le critère de l'ordre public. En général, la doctrine et la jurisprudence au Liban et France ont essayé de déterminer la notion d'ordre public. Cependant, elles ne sont pas arrivées à une formule unique à cause de l'ambiguïté, la relativité et la flexibilité de cette idée. En effet, ce qui est considéré dans l'ordre public aujourd'hui peut ne pas l'être demain. Également, ce qui est considéré dans l'ordre public dans un lieu donné pourra ne pas l'être dans un autre endroit. Par conséquent, les diverses législations se sont abstenues de donner

une définition précise. C'est le cas de la législation libanaise et française. M. Sulayman Abdel Mouniim qui a traité le sujet en droits français, libanais et égyptien, préfère l'idée du bon déroulement de la justice au détriment de l'idée de l'ordre public à cause de l'ambiguïté de cette dernière, étant donné que le but du système des règles procédurales pénales est la découverte de la vérité réaliste en ce qui concerne l'infraction faite, et le degré de sa relation à l'accusé. En outre, la considération du bon déroulement de la justice ne signifie pas seulement l'alignement sur des règles procédurales liées à l'intérêt de la société, mais englobe aussi les

. L'idée de

1780

règles qui garantissent la liberté individuelle ainsi que le droit de la défense

l'ordre public est une idée vague. En effet, cette idée est non limitable et non déterminable. Cependant, cette ambiguïté donne à l'ordre public son importance et sa grandeur. Dès lors,

tous les efforts échouent à en trouver un concept bien précis 1781 . En France, M. Édouard Verny confirme que la conception de l'ordre public dans le domaine des nullités est à peu près indéfinissable « il est particulièrement difficile de proposer une définition de l'ordre public et il semble plus aisé de relever des aspects fondamentaux de l'ordre public comme le rapport avec un élément majeur de notre système juridique ou une règle indispensable pour le

fonctionnement de la justice »

1782

. M. Jean Danet constate que « les nullités d'ordre public

443

recouvrent traditionnellement les règles touchant à l'organisation et à la composition des juridictions, à leur compétence, à l'exercice des pouvoirs des juridictions et de leurs auxiliaires, ou aux formes substantielles des actes de procédure. C'est ici l'intérêt d'une bonne administration de la justice qui est en cause. Globalement la catégorie ne s'étend pas, bien au contraire. La qualification de nullité d'ordre public donnée ou refusée par la jurisprudence

1783

.

aux nullités soulevées mérite évidemment la plus grande attention »

347. La nullité liée aux intérêts des justiciables. Il s'agit de toute nullité qui émane de la violation d'une règle procédurale substantielle qui fait perdre l'un des droits ou intérêts individuels qui ne profite qu'à celui qui la soulève, soit que le législateur ait stipulé la détermination de ces procédures substantielle ou qu'il l'ait laissée au pouvoir d'évaluation ou

1780 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la nouvelle université, Egypte, 2002, pp. 89-91.

1781 V. en droit français: M. Guerrin, « Les principales causes de nullité de l'audience pénale », in AJ Pénal, 2008, p. 181 : « la règle violée à l'audience est généralement qualifiée par la Cour de cassation de substantielle - ou d'ordre public - sans qu'il soit besoin de démontrer un grief subi par les parties ».

1782 É. Verny, Procédure pénale, 3e ed., Dalloz, 2012, n° 385, p. 217.

1783 J. Danet, « Brèves remarques sur la typologie et la mise en oeuvre des nullités », in AJ Pénal, 2005, p. 133.

d'appréciation du juge du fond selon les critères objectifs précédemment déterminés par le

1784

législateur, et qui assure le non-abus des juges

.

348. Exigence du grief en nullité en droit français. Le grief symbolise qu'il y a eu atteinte

directe aux droits d'une partie au procès

1785

. Les nullités procédurales n'ont pas pour unique

objectif de protéger les parties 1786 , certaines règles ont pour vocation de soutenir l'institution

1787

judiciaire dans sa mission. Pour cette raison, l'exigence d'un grief peut être écartée lorsque

. L'article 802 du CPP

1788

sont en cause des questions qui relèvent de l'ordre public

1789

françaisexige la preuve de l'existence d'un grief pour juger un acte de procédure pénale nulle : « la nullité considérée entre dans la catégorie des nullités textuelles ou dans celle des nullités substantielles, elle ne peut, en application de ce texte, être prononcée que lorsqu'elle

a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne »

1790

. Donc, on

444

peut conclure qu'en droit français il y a une exigence de grief en nullité substantielle et

1791

textuelle . « Au plan des conditions de leur prononcé, il convient de souligner que les deux causes de nullité ont une vocation égale à être soumises à l'exigence du grief. En bref, par

1784V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière de la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, p. 93 ; F. Wali, Théorie de la nullité dans la procédure, Thèse de droit, Université de Caire, 1959, Le Caire (Egypte), p. 487.

1785 E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 417, p. 409.

1786 E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 417, p. 409.

1787 E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 417, p. 409.

1788 E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 417, p. 409.

1789 L'article 802 du CPP français dispose : « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ».

1790 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 332, p. 144.

1791 V. en droit français : J.-P. Brouillaud, « Les nullités de procédure : des procédures pénales et civiles comparées », in Recueil Dalloz, 1996, p. 98, V. spec. n°14 : « La distinction entre nullités d'ordre public et nullités d'intérêt privé permet la mise en place d'un système cohérent quant à la preuve d'un grief, qui ne peut être exigée que dans le second cas. Nous avons décelé les inconvénients résultant cependant d'une application stricte de cette exigence : la nécessité pour le demandeur d'établir l'existence d'un préjudice subi effectivement fait souvent obstacle au prononcé de la nullité, ce qui permet la violation en toute impunité de règles de procédure prévues par la loi, et que l'on met finalement de côté ».

1792

.

nullité textuelle, il ne faut pas entendre nullité de jure, c'est-à-dire nullité de plein droit » La jurisprudence de la Cour de cassation française applique cette règle d'une manière stricte en considérant qu'« il résulte des articles 171 et 802 du Code de procédure pénale qu'en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge saisi d'une demande d'annulation ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle

1793

concerne ». M. Henri Angevin souligne que « c'est la consécration en procédure pénale

de la maxime pas de nullité sans grief »

1794

. Selon la Cour de cassation, si le législateur a

décidé que la méconnaissance ou la violation d'une forme procédurale entraînait sa nullité, ça ne signifie pas qu'il y aura application automatique de la nullité par le juge, « le juge saisi d'une demande d'annulation ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet

de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne »

1795

. Ces nullités sont donc

445

subordonnées à l'existence d'un grief1796 ou, selon le vieil adage, « pas de nullité sans grief », ce qui signifie pas de nullités sans un préjudice, dont la preuve pèse sur celui qui réclame l'annulation. Mais cette solution restrictive ne vise que les « formes » et les « formalités ». Qu'en est-il alors des violations de garanties de fond, par exemple la durée maximale de garde à vue ? Leur non respect devrait conduire à la nullité indépendamment de tout préjudice prouvé. Il y aurait alors « nullité sans grief », ou, comme on dit parfois, « nullité péremptoire ». La jurisprudence pénale française, jusqu'à présent, est loin d'avoir accepté cette solution puisqu'en l'absence d'un « grief » démontré, elle réduit les nullités péremptoires à quelques rares violations affectant la justice pénale dans son aspect d'ordre public. Cette jurisprudence est en général critiquée, notamment en raison de l'incertitude qu'elle entretient. 1797 La chambre d'instruction n'est pas souveraine lorsqu'elle apprécie si l'atteinte invoquée porte réellement atteinte aux intérêts de la partie, la chambre criminelle de la Cour de cassation contrôle cette appréciation « et c'est elle qui, en dernière analyse apprécie s'il y

1792 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 85, p. 63.

1793 Cass. crim 25 février 2003, B.C., n° 50.

1794 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 332, p. 144. 1795 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 335, p. 146.

1796 V. H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 335, p. 146: « Il résulte des dispositions des articles 171 et 802 du Code de procédure pénale que, hormis celles qui entrent dans la catégorie des nullités dites d'ordre public, les nullités, qu'elles soient textuelles ou substantielles, ne peuvent être prononcées que lorsque l'irrégularité qu'elles sanctionnent a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie concernée ».

1797 J.-C. Soyer, Droit pénal et procédure pénale, 21e éd., L.G.D.J., 2012, n° 877, p. 387.

a eu ou non atteinte auxdits intérêts »

1798

. Par exemple, la Cour de cassation n'exclut pas les

formalités prévues en matière de perquisitions et de saisies du champ d'application de l'article 802 du CPP français et refuse donc de prononcer la nullité si leur inobservation n'a pas porté

atteinte aux intérêts de la partie concernée

1799

: « les formalités prévues en matière de

perquisitions et de saisies par les articles 56 et suivants du Code de procédure pénale, bien qu'assorties d'une nullité textuelle (CPP, art. 59), ne sont pas, estime la Cour de cassation, exclues du champ d'application de l'article 802, en sorte que leur inobservation ne saurait entraîner de nullité de procédure lorsque aucune atteinte n'a été portée aux intérêts de la

partie concernée » 1800 . Quoi qu'il en soit, le principe « pas de nullité sans grief » reste une exigence relative et non absolue comme l'affirme M. Francois Fourment : « aux termes communs des articles 802 et 171 du Code de procédure pénale, le grief s'entend d'une cause de nullité qui a pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie concernée par l'irrégularité de procédure. Les nullités de procédure pénale paraissent donc répondre au principe pas de nullité sans grief. Le caractère absolu de ce principe est un leurre. Il faut distinguer entre les causes de nullités, textuelles comme substantielles, celles qui sont d'ordre public, c'est-à-dire dispensées de grief, et celles qui sont d'ordre privé, soumises à l'exigence

du grief »

1801

. Ainsi, on peut dire qu'en droit français la nullité d'ordre privé est soumise à une

condition de preuve de l'existence d'un grief. « Une nullité est d'ordre privé à défaut de pouvoir être qualifiée d'ordre public. Il ne suffit pas qu'un grief soit causé à une partie. Il faut

1802

.

encore que ce grief soit invoqué par la partie que l'irrégularité de procédure concerne »

En ce sens, la chambre criminelle de la Cour de cassation française a jugé qu' « un accusé ne saurait se prévaloir de ce qu'un témoin régulièrement cité par un co-accusé n'a pas été

entendu, cette irrégularité ne faisant pas grief à ses intérêts »

1803

. Au contraire, les nullités

446

d'ordre public en droit français sont dispensées de la condition de grief pour être susceptibles d'encourir la nullité. Notons que la jurisprudence classe les nullités d'ordre public en deux catégories, d'une part les nullités d'ordre public au sens strict, d'autre part les nullités « assimilées » aux nullités d'ordre public. La première catégorie concerne principalement les

1798 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 335, p. 146.

1799 V. en ce sens: Cass. crim. 17 septembre 1996, B.C., n° 316: « Les formalités prévues par les dispositions du Code de procédure pénale en matière de perquisition et de saisie ne sont pas exclues du champ d'application de l'article 802 du même Code. Dès lors, leur inobservation ne saurait entraîner de nullité de procédure lorsqu'aucune atteinte n'a été portée aux intérêts de la partie concernée ».

1800 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 335, p. 146.

1801 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 87, p. 64. 1802 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 89, p. 65. 1803 Cass. crim., 27 mai 1981, B.C., n° 175.

violations des dispositions concernant la compétence des juridictions, leur organisation et composition, les formes et délais des voies de recours. La deuxième catégorie vise les garanties de procédure dont la violation porte atteinte aux droits de la défense. C'est le cas par exemple d'une atteinte au principe selon lequel la personne poursuivie doit avoir la parole en dernier à l'audience ou de la violation des dispositions légales relatives au mode

1804

.

d'administration des preuves

447

1804 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 88, p. 64.

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