WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La légalite des moyens de preuve dans le procès pénal en droit français et libanais


par Ali Ataya
Ecole doctorale 88 Pierre Couvrat (Poitiers) - Droit et Sciences Politique, Université du Maine - Thèse de doctorat en Droit privé 2013
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre I

La multiplication des sanctions des preuves illégales

313. Le sort de la preuve illégale. Si nous avons pu aboutir à un concept clair de la notion d'illégalité de la preuve pénale ou de la preuve illégale, il faut ajouter que toute preuve illégale ne doit pas être exclue et considérée comme caduque, car il n'existe pas de mécanisme juridique excluant automatiquement toute preuve pénale illégale. Ainsi, il est nécessaire de chercher quel sera le sort de la preuve pénale illégale en fonction de l'application de la théorie de la nullité par la jurisprudence libanaise et française et la position de la doctrine pénale sur ce point. Cette recherche permettra d'appréhender de façon claire le sort de la preuve pénale dans le procès, qui se traduira soit par une acceptation totale ou partielle, soit par un rejet. Ceci reflète l'importance de l'application du principe de légalité pénale, mais aussi la défaillance des mécanismes juridiques disponibles en droit libanais et français à garantir la bonne application de ce principe du moins à un niveau permettant d'affirmer qu'il garantit la préservation des droits des individus dans l'action pénale, sans empêcher d'élucider efficacement les infractions pénales. Pourtant, c'est ce que requiert, en pratique, l'État de droit. En effet, on ne peut pas accepter l'idée d'un État de droit qui négligerait les droits et libertés individuels au profit de l'obtention illégale de preuves. Le Code de procédure pénale a été rédigé précisément pour régir la méthode d'obtention de la preuve pénale dans le respect de certains droits des individus et toute autre méthode reviendrait à consacrer un État de police qui s'oppose complètement avec l'État de droit1669. Dans l'État de police, tous les moyens sont bons pour l'obtention de la preuve pénale sans égard aux droits fondamentaux

1669 V. A. Saad, La nullité de l'acte d'instruction, Thèse de droit, Université Jean Moulin (Lyon) et Université de Tunis, 2011. Spec. le résumé : « La lecture des règles procédurales régissant l'information judiciaire révèle qu'elles obéissent à deux objectifs majeurs. Certaines règles entendent protéger les intérêts des justiciables; d'autres, en parallèle, tendent à garantir un véritable fonctionnement de la justice et un bon déroulement du procès pénal. Elles mettent respectivement la lumière sur le respect d'un certain formalisme indispensable, dont l'inobservation doit être sanctionnée. En clair, la nullité constitue une sanction nécessaire et un moyen efficace contre les dérives et "l'arbitraire" de certains magistrats instructeur afin de garantir le respect de certains principes d'ordre public et préserver les droits élémentaires de la défense. La nullité de l'acte d'instruction irrégulièrement accompli présente une garantie procédurale fondamentale accordée aux justiciables. La pratique judiciaire a mis l'accent sur les inégalités des armes entre les autorités investigatrices qui bénéficient de larges moyens pour remplir leur mission et les justiciables qui subissent les résultats de preuves recueillies à leur encontre; or la détermination des causes des nullités de preuves est problématique non seulement au regard du domaine étroit des nullités textuelles, mais aussi et surtout de la nature incertaine des nullités substantielles. En fait, l'efficacité des investigations doit nourrir l'intention de parvenir à la vérité objective et elle ne doit pas répondre à l'objectif d'une répression aveugle. ».

412

des individus, et cela serait le modèle effectif si l'obtention de la preuve pénale se faisait au détriment du respect du principe de légalité de la preuve.

314. La nullité et la légalité de la preuve pénale. Quel est le rapport entre la nullité en tant que système procédural et la légalité de la preuve pénale ? La nullité est un outil juridique

pour contrôler la légalité des procédures

1670

et la sanction du non-respect des formalités

imposées par la loi expressément ou reconnues par la jurisprudence. M. Jean Pradel a bien exprimé le rapport entre la nullité et la preuve qui est la sanction de la preuve illégale : « que la preuve présentée soit irrecevable par sa nature même ou qu'elle soit irrecevable par son mode d'administration, un problème de sanction se pose. Partout existent des sanctions disciplinaires et civiles et surtout procédurales. À ce dernier point de vue, le plus intéressant et le seul qui nous retiendra, l'idée est partout la même : on n'excluera la preuve qu'en cas de

.

1671

faute grave ou assez grave. Cela étant, l'habillage technique n'est pas toujours le même »

Il est bien connu que dans le procès pénal, l'ensemble des actes et formalités qui concourent et visent aux constats des infractions, à la recherche de leurs auteurs ainsi qu'à leur répression est enserré dans un formalisme dont le législateur a bien pris conscience de la nécessité afin

d'encadrer très précisément ces procédures et d'éviter l'arbitraire 1672 . Les procédures de recherche des preuves varient lors des différentes étapes depuis la perpétration de l'infraction jusqu'au prononcé du jugement pénal en passant par la phase de jugement, car la question de nullité est soulevée à chaque occasion de l'accomplissement d'un acte de procédure pénale visant à la recherche des éléments de preuve pénale. Une question relative à l'impact de la preuve issue d'une procédure nulle vient à l'esprit. La théorie de nullité est l'une des principales théories dans le domaine de la procédure pénale, car son champ est vaste et ses applications multiples. L'importance de la définition du rôle de la théorie de la nullité consiste en la consécration du principe de légalité procédurale, en général, et la légalité de la preuve pénale, en particulier, en vue d'établir un équilibre entre la lutte contre l'infraction et

1670 G. Clément, « L'appel voie de nullité en procédure pénale », in R.S.C., 1990, p. 260 : « Soucieuse des droits de la défense et des libertés fondamentales de l'individu, notre procédure pénale est dense en dispositions de détails qui ont pour but de garantir une justice impartiale. Ces règles rassurantes mais aussi contraignantes sont nécessaires et utiles. Leur efficacité n'est toutefois assurée que si leur violation est susceptible d'être sanctionnée par la nullité »

1671 J. Pradel, « La preuve en procédure pénale comparée (Rapport général) », in Revue internationale de droit pénal, 1er-2em trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.13-32. V. spec. p. 27.

1672 V. sur la légalité du recueil des preuves par les enquêteurs : Y. Capdepon, Essai d'une théorie générale des droits de la défense, Thèse de droit, Université Montesquieu - Bordeaux, 2011, n° 49, p. 13: « Les enquêteurs sont tenus au respect des principes fondamentaux et des textes notamment ceux qui organisent le respect de la vie privée ou encore les droits de la défense ».

l'élucidation de ses auteurs, d'une part, et la nécessité de garantir la mise en oeuvre de la légalité procédurale, d'autre part, dans le but d'assurer et garantir à toute personne le droit à un procès équitable et juste dans les affaires pénales. La recherche des preuves est susceptible

1673

d'être entachée d'irrégularités et illégalités

que la loi sanctionne par les différentes causes

413

et catégories de nullités. A cet effet, le législateur a organisé un ensemble de règles qui

1674

constitue l'encadrement légal des nullités.

315. Définition de la nullité. La plupart des législations ne s'étaient pas intéressées à donner une définition précise à la nullité. Or, du point de vue doctrinal, les définitions sont variées. Elle a été définie comme: l'une des formes de sanctions qui surviennent à la procédure défaillante, c'est-à-dire à l'acte procédural dans le cadre du procès pénal ou dans l'étape précédente et préliminaire, qui est l'étape d'investigation, lorsque cet acte manque de l'une de ses composantes objectives ou est privé de ses conditions de forme. Il en résulte sa nullité et l'empêchement des effets juridiques qui auraient existé si l'acte de procédure avait été justement accompli1675 . La nullité a été également définie comme : une sanction procédurale résultant de la non-considération des dispositions de la loi relative à toute procédure substantielle. Il est important que les dispositions relatives à la procédure substantielle soient liées au contenu et à l'essence de la procédure, ou à la forme dans laquelle elles sont formulées. De même, il est important qu'elles soient incluses dans le Code de procédure pénale ou dans le Code pénal1676. Selon M. Dimitrios Giannoulopoulos, la nullité est « la sanction qui s'attache aux actes irréguliers de la procédure, autrement dit des actes

1677

. La

commis sans respecter les règles et les formes fixées par la procédure pénale ... »

nullité est considérée par M. Ahmed Fathi Srour comme un outil de contrôle judiciaire sur la

1673 Y. Capdepon, Essai d'une théorie générale des droits de la défense, Thèse de droit, Université Montesquieu - Bordeaux, 2011, n° 45, p. 13 : « l'administration de la preuve, notamment par l'autorité publique, est soumise à un principe de légalité soit par un formalisme particulier à un acte soit à raison d'un principe général (respect de l'intimité de la vie privée et des droits de la défense par exemple). Cet encadrement s'est développé au fur et à mesure de l'apparition de modalités nouvelles d'investigations coercitives dans le cadre préliminaire... ».

1674 V. sur la nullité en droit français : M. Guerrin, Les irrégularités de procédure sanctionnées par la nullité dans la phase préalable au jugement pénal, Thèse de droit, Université Strasbourg III (Robert Schuman), 1999.

1675 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière de la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la nouvelle université, Egypte, 2002, p. 17.

1676 V. en langue arabe : A. Chawarbi, Nullité pénale : Théorie de nullité, nullité d'enquête, nullité du procès, nullité du jugement, Maison de connaissance, Egypte, 1990, p. 24.

1677 D. Giannoulopoulos, L'exclusion de preuves pénales déloyales : une étude comparée des droits américain, anglais, français et hellénique, Thèse droit, Université Paris I, 2009, p. 226.

légalité de la procédure pénale. Il ajoute que comme les procédures pénales sont la source des preuves sur lesquelles le tribunal appuie sa conviction de condamnation, la recevabilité de ces preuves est tributaire de la légalité des procédures qui en résultent. Ainsi, la sanction de nullité consiste à déclarer l'illégalité de la preuve et la nullité de l'effet en résultant. Cette nullité interviendra en cas de contradiction entre la procédure et les garanties énumérées dans la Constitution et la loi, faisant jouer à la nullité un rôle décisif dans la protection constitutionnelle des droits et libertés 1678 . M. Ahmed Chafii considère que la nullité est la sanction découlant de toute procédure qui viole ou néglige la règle substantielle dans la procédure, ce qui donne lieu à la non-production d'effet juridique 1679 . La définition de nullité comporte toute lacune ayant affecté toute procédure de l'action publique, à compter de l'enquête préliminaire effectuée par la police judiciaire, en passant par l'instruction préparatoire jusqu'à l'enquête définitive accomplie par le tribunal. La nullité est une description jurdique ou légale touchant l'acte procédural en cas de sa violation du modèle

légal décidé

1680

. La nullité est une sanction décidée et prévue par la loi des procédures pénales

pour le non-respect de ses dispositions établies, pour que sa considération ou son application permette d'atteindre la vérité en réalisation de l'intérêt de sanction et en assurance des garanties que les autorités s'engagent à respecter vis-à-vis des parties en litige au regard des

libertés fondamentales et de l'intérêt des parties en litiges 1681 . Selon M. Abdelhamid Chouarbi, la nullité est une procédure arrangée par le législateur ou décidée par le tribunal sans texte si l'acte procédural est privé de l'une des conditions de forme requises pour sa justesse conformément à la loi. Cette procédure conduit à l'inefficacité de l'acte procédural et

1682

la perte de la valeur légale prévue dans le cas de sa justesse . M. François Fourment considère que « la nullité est la sanction de l'inobservation d'une condition de validité d'un

acte juridique »

1683

. Nous avons tendance à définir la nullité comme une sanction procédurale

414

visant le non-arrangement de l'effet juridique ordinaire prévu par l'acte procédural, car l'acte

1678 V. en langue arabe : A. Fathi Srour, Le code pénal constitutionnel, la légalité constitutionnelle dans le code pénal, la légalité constitutionnelle dans le code de procédure pénale, 2e éd., maison Chorouk, le Caire (Egypte), 2002, p. 531.

1679 V. en langue arabe : A Chafii, La nullité dans le code de procédure pénale. Etude comparative, 2e éd., maison Houma, Algérie, 2005, p. 11.

1680 V. en langue arabe : Gh. Benmelha, Le code judiciaire algérien, office des publications universitaires, Algérie, 1995, p. 265.

1681 V. en langue arabe : M. Mohamed Hocini, La nullité dans les articles pénaux, maison de publications universitaires, Alexandrie (Égypte), 1993, p. 17

1682 V. en langue arabe : A. Chawarbi, La nullité civile procédurale et du fond, Maison de la connaissance, Alexandrie (Egypte), 1991, p. 9.

1683 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 80, p. 61.

415

procédural réalisé sur cette base n'a pas parachevé les conditions de sa justesse ou sa forme, sa formulation ou la façon prévue par la loi.

La première section de ce chapitre porte sur l'interaction des nullités des actes de procédure avec les règles de l'exclusion de la preuve. La deuxième section de ce chapitre porte sur les règles variables de la recevabilite de la preuve en fonction de l'auteur de la preuve.

416

Section I

L'interaction des nullités des actes de procédure avec les
règles de l'exclusion de la preuve

316. Efficacité du système de nullité dans la garantie de l'application judicieuse du principe de légalité de la preuve. Sans doute, le régime juridique des nullités en matière pénale a été établi dans le but d'assurer la régularité du procès et notamment contribue à assurer le respect des droits de la défense. C'est pourquoi l'efficacité de la nullité en tant que sanction procédurale des illégalités et irrégularités commises participe indéniablement du contrôle de la légalité des procédures pénales et va contribuer à ce titre à l'application du principe de la légalité de preuve pénale. Il est important de garantir l'application effective de tout principe légal grâce à un outil juridique efficace qui assure l'application pratique de façon effective conforme à la valeur réelle du principe juridique et son rôle en termes de protection des droits et libertés des individus dans l'État de droit. D'où l'importance de lier le système de nullité pénale au principe de la légalité de preuve pénale. Les violations du principe de légalité de la preuve oscillent entre les transgressions relatives à la forme ou à l'exemple légal exigé par le législateur lorsqu'on entame les procédures pénales. De même, il y a des violations du principe de la légalité de la preuve pénale chaque fois qu'il y a une violation des principes dominants de la preuve pénale lors de la phase du jugement. Ces principes dominants tournent autour de la nécessité d'introduire la preuve dans une audience publique et de donner l'opportunité à l'accusé de la débattre et de se justifier devant le tribunal, car ceci constitue l'un de ses droits de défense et des principes du procès équitable. Il existe d'autres violations du principe de légalité de la preuve résultant du moyen de recherche de la preuve qui enfreint la liberté de l'individu, sa sécurité corporelle ou l'intimité de la vie privée de l'accusé, du défendeur ou du suspect. Ceci donnera lieu à l'évaluation de la théorie de nullité des procédures pénales, considérées comme l'ossature de nullité de la preuve pénale illégale. Cette évaluation de la théorie de nullité au Liban et en France, s'articule autour de l'étude du rôle joué par cette théorie dans la mise en oeuvre du principe de légalité de la preuve et de l'efficacité et des garanties attribuées par la théorie de la nullité, afin que le principe de nullité de la preuve puisse assumer le rôle qui lui est dévolu.

317. La nullité protège la légalité de preuve. L'un des principaux outils juridiques qui protègent le principe de la légalité de preuve pénale et sanctionnent de façon procédurale toute procédure illégale de recherche de la preuve pénale, est la théorie de nullité. Il est important

417

de lier les règles de nullité et leurs dispositions ainsi que l'avis de la doctrine et la jurisprudence au Liban et en France avec le principe de légalité de la preuve pénale afin de savoir à quel point le système de nullité en vigueur constitue une application judicieuse et suffisante du principe de légalité de la preuve pénale et si ce système de nullité est suffisant pour garantir ce principe ou s'il a besoin d'être optimisé afin que la légalité des preuves atteigne son but qui est de conserver les droits des individus dans l'action pénale et sans affaiblir l'efficacité de la sanction à travers la collecte de preuves conformément à la loi. Par ailleurs, la liaison du système de nullité avec le principe de légalité de la preuve pénale nous invitera si nécessaire à réfléchir à de nouveaux mécanismes juridiques aidant la consécration effective du principe de légalité de la preuve dans le cas où les systèmes de nullité s'avèrent inutiles et incapables d'aller de pair avec le principe de légalité de la preuve du point de vue pratique. Ceci donnera lieu à la réflexion sur des mécanismes autres que la nullité pour contribuer à l'exclusion de la preuve illégale. Il s'agit ici de l'illégalité en fonction de la façon dont la preuve a été obtenue et non pas en fonction de sa justesse, de sa valeur ou de sa force probante puisque leur appréciation est soumise à la conviction du juge. A partir de là, il s'agira de l'exclusion de la preuve pénale illégale du dossier sur lequel le juge mettra sa main afin d'éviter toute opposition entre la liberté du juge dans l'appréciation de la preuve où domine l'intime conviction du juge et la règle d'exclusion de la preuve illégale. Ici, la principale problématique qui s'impose est de savoir si le système de nullité pénale au Liban et en France est à même d'assurer efficacement la mise en oeuvre du principe de légalité de la preuve pénale ou si nous avons besoin d'une méthode et d'une technique juridique nouvelle évoluée pour assurer l'application pratique effective du principe de légalité de la preuve pénale. Concernant la nullité des moyens de preuve devant la justice pénale, elles varient à cause de la prise en considération du principe de liberté de la preuve pénale. La loi donne au juge pénal toute la liberté d'apprécier la valeur des preuves présentées dans le procès pénal, son poids et la primauté des unes par rapport aux autres, en application du principe de liberté de la preuve conformément à l'intime conviction du juge sauf dans des cas exceptionnels limités. Or, l'appréciation des moyens de preuve pose plusieurs problématiques concernant les formalités et le contenu des moyens de preuve.

§ 1. Les règles variables de l'exclusion de la preuve illégale en fonction de la détermination du type de nullité.

318. Les catégories de la nullité dans la procédure pénale. La doctrine pénale fait une distinction traditionnelle entre les nullités textuelles qui sont celles expressément prévues par

le législateur dans le Code de procédure pénale et les nullités substantielles 1684 qui ne sont pas expressément prévues par un texte, 1685 mais qui sont destinées à sanctionner la violation des

règles touchant à l'ordre public procédural

1686

ou aux droits de la défense

1687

. Il y a deux

418

théories qui régissent la théorie procédurale de la nullité 1688 , en général, et à travers ces deux théories et dans leur cadre, d'innombrables doctrines pénales sont apparues dans les

législations procédurales pour déterminer les cas de nullité 1689 . La politique législative en

1684 V. J.-P. Brouillaud, « Les nullités de procédure : des procédures pénales et civiles comparées », in D., 1996, p. 98, V. spec. n° 3 : « Nullités d'ordre public, textuelles, substantielles, automatiques ou subordonnées à la preuve d'un grief, vices de fond, vices de forme... : les notions qui régissent les différentes catégories de nullités sont nombreuses, disparates, et utilisées de manière différente en procédure civile et en procédure pénale... ».

1685 V. sur cette distinction en droit français: P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en matière pénale », in D., 2004, p. 1265, v. spec. n° 2 :« la distinction entre nullités textuelle et virtuelle est inutile, toutes les nullités concernant les actes ou pièces de la phase préalable et nécessitant la preuve d'un grief( Art. 170, 171 et 802 c. pr. pén.). L'art. 171 c. pr. pén. est explicite en ce sens : il ne dissocie pas les deux types de nullité, mais subordonne l'annulation à la qualité de la règle violée, qui doit être substantielle, d'intérêt privé ou d'ordre public ».

1686 V. sur l'importance de la distinction entre nullités textuelles et nullités substantielles en droit francais : D. Giannoulopoulos, L'exclusion de preuves pénales déloyales : une étude comparée des droits américain, anglais, français et hellénique, Thèse droit, Université Paris I, 2009, p. 233 : « ... jusqu'à la réforme du régime des nullités avec la loi du 24 août 1993, la distinction entre nullités textuelles et nullités substantielles était significative. Les premières étaient des nullités automatiques, alors que les dernières étaient prononcées soit de manière automatique, quand il y avait violation de formalités d'ordre public, soit de manière non-automatique, quand il y avait violation de formalités relative à l'intérêt privé, les formalités relatives aux droits de la défense étant traditionnellement considérées comme d'intérêt prive. Or, après la loi du 24 août, la distinction entre nullités textuelles et substantielles ne présente plus d'intérêt. Le critère de la nullité prescrite ou non prescrite n'a qu'une valeur académique ».

1687 V. C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 415, p. 276: « Il existe plusieurs variétés de nullités qui se classent en différentes catégories : nullités d'ordre public et nullités d'ordre privée, typologie qui doit elle-même se combiner avec la distinction entre nullités textuelles et substantielles ou virtuelles. ».

1688 V. sur ce point : J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 781, p. 715 : Les cas de nullités au point de vue théorique : « Rationnellement, deux systèmes sont concevables : celui des nullités textuelles en vertu duquel la loi qui prévoit une formalité indique qu'elle est requise à peine de nullité ; celui des nullités substantielles (ou virtuelles) selon lequel la nullité peut être encourue, même si la loi est muette, à la condition que l'irrégularité soit grave ou ait nui à la défense. ».

1689 V. J.-P. Brouillaud, « Les nullités de procédure : des procédures pénales et civiles comparées », in D., 1996, p. 98, V. spec. n° 6 : « La procédure pénale met en place une division différente, en opposant les nullités

1690

. Le

419

termes d'organisation de la nullité de procédure pénale révèle deux avis opposés premier concerne la nullité textuelle ou légale, décidant qu'aucune nullité de sanction n'est décidée sur la violation d'une règle ou procédure sauf si la loi en fait mention explicite. La deuxième théorie est celle des nullités dites substantielles ou encore virtuelles, selon laquelle la nullité doit être prononcée en cas de violation des règles procédurales importantes uniquement ou substantielles, ce qui tolère la violation des règles moins importantes ;

1691

autrement dit, il n'y a pas de nullité dans ce cas-là. Cet avis s'appuie sur le fait que la nullité substantielle (ou virtuelle) garantit une concordance entre l'importance de la règle

1692

procédurale qui a été enfreinte et la sanction de sa violation. Cette théorie (la nullité substantielle ou virtuelle) s'articule autour du fait que la nullité doit résulter uniquement de la violation de la règle procédurale importante, ce qui signifie la restriction des cas de nullité au cadre défini par le juge par rapport à la violation de la règle ou de l'acte procédural substantiel. Il sied de dire ici que la nullité de la preuve pénale, qui constitue le rudiment de la procédure pénale, est influencée par le type de théorie de la nullité adopté par le législateur. Nous étudions la nullité textuelle (A), puis la nullité substantielle (B).

A. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la nullité textuelle.

319. La violation sanctionnée par la nullité textuelle. M. Henri Angevin considère que « les nullités textuelles ou formelles sont celles qui sont expressément prévues par un texte de loi...» 1693 . M. Sulaiman Abdelmonim définit la nullité textuelle comme suit : il n'y a pas de nullité sans texte juridique la décidant. C'est au législateur lui-même et à personne d'autre de décider de la nullité de l'acte procédural en fonction des considérations constatées, et des

textuelles et substantielles, que nous pouvons regrouper sous le terme de nullités d'intérêt privé, aux nullités d'ordre public ».

1690 V. Sur Nullités textuelles et nullités substantielles : H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 329, p. 142 : « Dans le domaine des nullités de procédure, on distingue traditionnellement deux catégories de nullités: les nullités textuelles et les nullités substantielles ».

1691 V. sur la distinction entre nullité textuelle et nullités dites substantielles ou encore virtuelles: J. Danet, « Brèves remarques sur la typologie et la mise en oeuvre des nullités », in AJ Pénal, 2005, p. 133 : « La distinction entre des nullités textuelles, expressément visées par le code de procédure, et d'autres qui ne le sont pas mais qui existeraient en puissance et sont donc virtuelles, est née de la nécessité, relevée très tôt par la jurisprudence, d'élargir le champ des annulations aux formalités jugées substantielles même si elles n'ont pas été prescrites par le législateur à peine de nullité ».

1692 V. en langue arabe : M. Najib Housni, Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n° 370, p. 338.

1693 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 329, p. 143.

1694

objectifs visés à travers la procédure . La nullité textuelle est également appelée la théorie «

1695

pas de nullité sans texte ». Elle prévoit que c'est le législateur qui détermine les cas de nullité de façon explicite et claire sans ambiguïté. Il n'entre pas dans les prérogatives du juge de décider la nullité dans les cas autres que ceux décidés par le législateur en exclusivité, quels que soient les circonstances ou les faits. Cette théorie est soutenue par certains, car elle est cohérente par rapport aux principes juridiques. Elle s'articule autour du principe « pas de nullité sans texte », qui constitue un exemple semblable de la règle de la légalité criminelle en

droit pénal « pas de sanction sans loi »

1696

. Parmi les caractéristiques de cette théorie, le fait

qu'elle facilite, au préalable, la distinction entre les procédures correctes et les procédures nulles. De même, elle empêche les juges de monopoliser le sort de la procédure illégale et élimine le pouvoir discrétionnaire du juge dans l'appréciation de la nullité. La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a appliqué cette théorie de nullité textuelle dans l'une de ses décisions anciennes, jugeant que « parmi les principes établis le fait qu'il n'y a

1697

pas de nullité sans texte ». L'idée de cette théorie de nullité textuelle consiste à dire que c'est le législateur qui s'occupe de la détermination des cas de nullité, et le juge n'a pas le droit de décider la nullité en dehors de cas qui ont été définis par le législateur.

320. Caractéristiques de la nullité textuelle. La nullité textuelle signifie que c'est la loi, seule et exclusive, qui s'occupe de déterminer les cas de nullité préalablement, comme la sanction du non-respect des règles procédurales qu'elle a imposées. Le juge n'a pas le droit de décider la nullité sauf dans les cas prévus par la loi, à titre limitatif, car son pouvoir est

restreint par la règle de « pas de nullité sans texte»

1698

. Nous pensons que les nullités

420

textuelles empêchent toutes les possibilités d'interprétation et d'appréciation du juge et donc

1694 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : Tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la nouvelle université, Egypte, 2002, pp. 46-47.

1695 V. J.-C. Soyer, Droit pénal et procédure pénale, 21e éd., L.G.D.J., 2012, n° 876, p. 386: « Dans certains cas, un texte prévoit expressément la nullité de tel ou tel acte irrégulièrement accompli. On parle alors de nullités textuelles ».

1696 V. en langue arabe : S. Alia et H. Alia, Théorie générale des procédures pénales et repères de la nouvelle loi de 2001, Entreprise universitaire des études, publication et édition, Beyrouth, 2004, p. 120.

1697 Décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise au Liban, décision n° 481 du 3/12/1964, publiée dans l'encyclopédie Samir Alia des jurisprudences de cassation n° 304, p. 84.

1698 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : Tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la nouvelle université, Egypte, 1999, p. 43.

tout arbitraire possible de sa part

1699

. L'utilité de l'adoption de la théorie de la nullité textuelle

est double. D'une part, elle permet d'éviter les lacunes de l'adoption de la théorie de la nullité substantielle, qui peut avoir pour effet de sanctionner n'importe quelle violation de forme ou de procédure. Au contraire, la nullité textuelle les possibilités de nullité aux cas jugés importants par le législateur. D'autre part, elle permet d'éviter les lacunes de la théorie de la nullité substantielle, en ne laissant au juge aucune liberté d'appréciation, autrement dit, elle assure le non-abus par les juges de leur pouvoir discrétionnaire, ce qui garantit le respect du principe de légalité pénale.

321. La nullité textuelle nécessite une législation rigoureuse. En dépit des avantages précités, l'on reproche à cette théorie de la nullité textuelle ce point faible : qu'elle suppose l'existence d'une loi hautement rigoureuse et claire. La loi doit prendre en compte l'ensemble des règles procédurales et formelles afin de déterminer explicitement les règles importantes dont la violation nécessite la nullité. Cela n'est pas évident, car l'importance de certaines règles ne peut être perçue qu'à travers l'application pratique, c'est ce qui ne pourrait être connu par le législateur que par l'assistance des juristes pratiquant le métier d'avocat et des juges répressifs ainsi que par des études doctrinales. Autrement dit, le législateur se doit de recourir à des personnes d'une haute compétence spécialisées dans le domaine de la procédure pénale.

322. Les conséquences de l'adoption de la théorie de la nullité textuelle. D'abord, il ne suffit pas d'une violation d'un texte de procédure pénale pour que la nullité en résulte. Mais il faut que le législateur impose cette sanction en cas de sa violation. Autrement dit, est interdit tout jugement de nullité sans texte explicite décidant la nullité de toute procédure lors du non-respect des règles y afférentes. Deuxièmement, le juge n'a aucun pouvoir discrétionnaire à cet égard, donc, il n'a pas à décider la nullité tant que le législateur ne l'a pas mentionnée. En d'autres termes, le juge n'est pas habilité à s'abstenir de décider la nullité alors que le

législateur l'avait décidée

1700

. Cette théorie se caractérise par l'exactitude et la détermination :

421

car elle ne donne lieu à aucune divergence d'opinions concernant la justesse ou la nullité de la procédure. Le législateur a exclu le pouvoir discrétionnaire y afférent. Cependant, l'on reproche à cette théorie, selon M. Mahmoud Najib Hosni et la majorité de la doctrine arabe,

1699 V. sur ce point : J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 781, p. 715 : les nullités textuelles : « Le premier système présente l'avantage que l'on sait à l'avance ce que la loi considère comme essentiel, il exclut toute interprétation du juge et donc tout arbitraire de sa part. ».

1700 V. en langue arabe : M. Najib Housni, Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n° 371, p. 388.

l'impossibilité pour le législateur de délimiter tous les cas qui nécessitent la nullité

1701

. Il serait

422

exagéré de dire qu'il est impossible pour le législateur de délimiter les cas de nullité exposés notamment à la lumière de l'existence de plusieurs études se rapportant aux cas de nullité soulevés dans la doctrine comparative, que ce soit en langue arabe ou française. Ce qui signifie qu'il est devenu possible pour le législateur de délimiter tous les cas de nullité et de déterminer au préalable explicitement et clairement le sort de la procédure objet de violation du modèle prévu par la loi que ce soit la nullité ou la non-nullité sur la base des études juridiques dans ce domaine dans les universités nationales, arabes et françaises. Cela garantit le non-abus par le juge de son droit à l'appréciation de la qualité de la procédure et sa substance met les parties du procès au courant préalablement du sort de la procédure qui enfreint le modèle prévu par la loi. Pour conclure, cette théorie se caractérise par la privation du juge de son pouvoir discrétionnaire dans le domaine de la nullité, en garantissant ainsi son non-abus, et comporte une définition claire des cas de nullité de la procédure, assurant ainsi le respect du principe de la légalité procédurale.

323. Critique de la théorie de nullité textuelle. La doctrine reproche à cette théorie de ne pas toujours assurer la préservation totale des droits de défense. En effet, elle repose sur la prévision préalable du législateur des cas de nullité en dépit du fait qu'il est impossible pour le législateur, malgré tous les efforts consentis, de délimiter les cas de nullité en une liste précise et exacte. Ici, nous pouvons constater que cette faille est citée par la doctrine dans les livres et les ouvrages juridiques libanais. De même, en France la doctrine utilise toujours le même argument classique pour dire qu'il n'est pas possible de délimiter tous les cas de nullités textuelles. Cet avis doit être critiqué pour la simple raison que lorsque la doctrine disait que le législateur ne pouvait pas prévoir ou décider au préalable tous les cas de nullité, ceci était normal à l'époque de l'apparition et l'émergence de la théorie de nullité. Mais, après l'écoulement de nombreuses années sur les études de nullité et d'application juridique, tous ces cas sont devenus limités aux avis de la doctrine. Il est donc devenu facile à tout législateur de collecter tous ces cas dans des textes globaux.

1701 V. en langue arabe : M. Najib Housni, Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n° 371, p. 389.

423

B. La position des législateurs libanais et français vis-à-vis des théories de nullité textuelle.

. Il

1702

324. Position du droit libanais des théories de nullité. Le Code de procédure pénale libanais n'a pas réservé un titre important à la théorie de nullité des procédures pénales

n'a pas cité la nullité à titre limitatif pour l'ensemble des instances et tribunaux libanais, même s'il l'a abordé à travers ses différents textes, incitant ainsi certains à dire qu'il y a une difficulté réelle empêchant de savoir la position du législateur libanais vis-à-vis des théories

1703

exposées à propos du sujet de la nullité . M. Abdelkader Kahwaji estime que le législateur libanais n'a pas établi dans le Code de procédure pénale libanais une théorie générale de nullité. Il n'a pas mentionné ces cas à titre limitatif, mais s'est contenté de citer certains cas. Il a prévu que la violation d'une procédure donnée mène à sa nullité, dans d'autres cas, cette sanction est exclue malgré la violation de la loi, et dans plusieurs cas, il n'a pas déterminé sa

position lors de la violation de la loi1704. Toutefois, le Code de procédure pénale libanais n'a pas inséré une théorie générale de la nullité parmi ses articles et s'est contenté de consacrer la nullité explicite de certaines violations procédurales, ce qui laisse certains croire que le

. En fait, le Code de

1705

législateur libanais n'a pas adopté une théorie précise de la nullité

procédure pénale libanais a établi des textes explicites révélant l'existence de la théorie de la nullité, même si ces textes sont éparpillés et non inclus sous un même titre clair sur la nullité, c'est-à-dire qu'on peut connaître la position du législateur libanais indirectement, en voyant que sa position est critiquée et non judicieuse, car il n'a pas déclaré clairement quelle théorie il adoptait. De même, le Code de procédure pénale libanais consacre la nullité substantielle en attribuant au juge le pouvoir de décider la nullité en cas de violation des procédures pénales adoptées et jugées substantielles. Nous critiquons le législateur libanais parce que le législateur doit viser l'exactitude et la clarté dans l'établissement de la législation afin de

1702 V. sur la situation de la théorie des nullités pénales en droit français: P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en matière pénale », in D., 2004, p. 1265, v. spec. n° 2 : « Le code de procédure pénale ne contient aucune théorie approfondie des nullités » ... L'article 802 du CPP français « est confus et mal rédigé ».

1703 V. en langue arabe : S. Alia et H. Alia, Théorie générale des procédures pénales et repères de la nouvelle loi de 2001, Entreprise universitaire des études, publication et édition, Beyrouth, 2004, p. 122.

1704 V. en langue arabe : A. Abdelkader Kahwaji, Interprétation du code des procédures pénales. Etude comparative, 1er éd., Éditions Manchourat al. Halabi al Qanounya (Éditions Juridiques Halabi), Beyrouth (Liban), 2002, Vol. 2, p. 434.

1705 V. en langue arabe : S. Alia et H. Alia, Théorie générale des procédures pénales et repères de la nouvelle loi de 2001, Entreprise universitaire des études, publication et édition, Beyrouth, 2004, p. 122.

424

faciliter l'application des lois et de les rendre claires et non controversées en pratique. En dépit des textes clairs sur la nullité dans l'étape d'enquête préliminaire et l'instruction préparatoire et dans la phase de jugement, il apparaît à la lecture minutieuse des textes de loi que le législateur libanais n'a pas voulu se contenter dans le domaine de nullité des textes clairs (qui reflètent les avantages de la théorie de nullité textuelle), mais qu'il a voulu adopter la théorie de nullité substantielle individuelle, à travers des textes clairs qui traitent des violations des règles substantielles procédurales survenues devant les tribunaux de première instance, les tribunaux d'appel et les chambres d'accusation. Cela reflète explicitement la volonté du législateur libanais d'adopter la théorie de la nullité substantielle individuelle outre

1706

la théorie de la nullité textuelle en principe . MM. Samir et Hayssam Aliya se basent

17071708

juridiquement sur les articles 230, 296

, et l'alinéa 2 de l'article 3061709 du Code de CPP

libanais. Nous soutenons l'avis de MM. Samir et Hayssam Aliya à ce propos. Ainsi, à travers la collecte des textes consacrés à la nullité de façon explicite dans le Code de procédure pénale libanais, et les textes relatifs au manquement des juges d'instruction et des jugements des règles substantielles, on peut dire que le Code de procédure pénale libanais appuie explicitement la théorie globale de la nullité sur la base de la théorie de la nullité textuelle et

de la théorie de la nullité substantielle 1710 . Nous avons tendance à nommer cette théorie mixte des nullités parce qu'elle englobe ces deux théories apparemment opposées.

325. La nullité textuelle en droit français. Quelles sont les causes de nullité textuelles en droit français? L'article 802 du CPP français définit la cause de nullité textuelle comme suit: «

1706 V. en langue arabe : S. Alia et H. Alia, Théorie générale des procédures pénales et repères de la nouvelle loi de 2001, Entreprise universitaire des études, publication et édition, Beyrouth, 2004, p. 123.

1707 L'article 230 du CPP libanais dispose : « Lorsque la Cour d'appel annule le jugement attaqué pour non-respect de la loi ou violation des règles fondamentales de procédure, elle évoque le fond et statue sur l'affaire ».

1708 L'alinéa D de l'article 296 du CPP libanais dispose : « Les jugements rendus par les cours criminelles sont susceptibles de cassation sur la base de l'un des moyens suivants : omission de la procédure prévue sous sanction de nullité ou violation des règles fondamentales de conduite des débats ».

1709 L'alinéa 2 de l'article 306 du CPP libanais dispose : « Exception faite du cas des décisions rendues par des formations composées de manière non conforme à la loi, et des décisions relatives à la compétence et à l'extinction de l'action publique pour des raisons de prescription, d'amnistie ou d'exception d'agir en justice pour la force de l'autorité de la chose jugée, les pourvois formés contre des décisions définitives de la chambre d'accusation ne sont recevables qu'à condition qu'il existe une différence entre la qualification juridique donnée aux faits par le juge d'instruction et celle donnée par la chambre d'accusation, et qu'ils soient formés sur la base d'un des moyens suivants : 2. Omission de la procédure prévue sous sanction de nullité ou violation des règles fondamentales d'instruction».

1710 V. en langue arabe : S. Alia et H. Alia, Théorie générale des procédures pénales et repères de la nouvelle loi de 2001, Entreprise universitaire des études, publication et édition, Beyrouth, 2004, p. 123.

1711

violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité » . Il faut prendre en compte le

425

rôle important de la présence d'un grief pour prononcer la nullité en droit français: « que la nullité soit textuelle ou substantielle, son régime est identique : elle est subordonnée à la

. La

1712

preuve d'un grief, sauf si les juges estiment que la règle violée est d'ordre public »

notion de grief en matière de nullité n'est pas claire et certains points d'obscurité existent: « il est difficile de donner à la notion de grief un contenu tangible et elle se confond souvent avec

la gravité de l'irrégularité en cause »

1713

. La nullité textuelle est expressément prévue par un texte, principalement par le Code de procédure pénale. En droit français 1714 , il y a très peu de

nullités textuelles dans le Code de procédure pénale 1715 . Il s'agit de dispositions techniques dont certaines sont inspirées par le respect de la liberté individuelle ou encore de l'intimité de

la vie privée 1716 . L'article 76 du CPP français constitue la pierre angulaire des cas de nullités textuelles 1717 : « l'article 76 du Code de procédure pénale, complété par un alinéa prévoyant

1711 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 82, p. 62.

1712 M. Guerrin, « Nullités de procédure », in Rép. pén. Dalloz, octobre 2005, n° 30, p. 6. 1713 M. Guerrin, « Nullités de procédure », in Rép. pén. Dalloz, octobre 2005, n° 16, p. 4.

1714 V. sur les nullités en droit pénal français: F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 80, p. 61 : « Le Code de procédure pénale ne réserve que quelques dispositions aux nullités de procédure: essentiellement les articles 802 et 170 et suivants. Alors que l'article 802 est général à la théorie des nullités, les articles 170 et suivants sont particuliers aux nullités soulevées au cours de l'instruction ».

1715 V. sur les nullités textuelles en droit français: H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 1213, p. 582 : « Les nullités textuelles, rares dans notre matière comme dans l'ensemble de la procédure pénale ... » ; H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 330, p. 143: « Il ne reste donc de nullités textuelles que celles qui sont expressément édictées par quelques articles disséminés dans le Code de procédure pénale : articles 59, étendant la nullité aux articles 56, 56-1, 57, 95 et 96, 706-24, 706-24-1, 706-28 et 706-35 en matière de perquisitions et de saisies, 78-3, dernier alinéa, en matière de rétention en vue de vérification d'identité, 100-7, en matière d'interceptions téléphoniques. Il faut y ajouter, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000, l'article 80-1 tendant à restreindre les mises en examen. La loi du 9 mars 2004 y a aussi ajouté les articles 706-81 et 706-83 en matière d'infiltrations et 706-92 et 706-93 en matière de perquisitions ».

1716 E. Verges, Les principes directeurs du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique, Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 403, p. 394.

1717 L'article 76 du CPP français dispose: « Les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ou de biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du Code pénal ne peuvent être effectuées sans l'assentiment exprès de la personne chez laquelle l'opération a lieu. Cet assentiment doit faire l'objet d'une déclaration écrite de la main de l'intéressé ou, si celui-ci ne sait écrire, il en est fait mention au procès verbal ainsi que de son assentiment. Les dispositions prévues par les articles 56 et 59 (premier alinéa) du présent Code sont applicables. Si les nécessités de l'enquête relative à un crime ou à un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans l'exigent ou si la recherche de biens dont la confiscation est prévue à l' article 131-21 du Code pénal le justifie, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, décider, par une décision écrite et motivée, que les opérations prévues au présent article seront effectuées sans l'assentiment de la personne chez qui elles ont lieu. A peine de nullité, la décision du juge des libertés et de la détention précise la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels ces opérations peuvent être effectuées ; cette décision est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations

dans certains cas, en enquête préliminaire, la possibilité de procéder à une perquisition sans l'assentiment de l'intéressé, mais avec l'autorisation du juge des libertés et de la détention, crée deux nullités textuelles : la première sanctionne expressément le défaut de motivation de la décision du magistrat, la seconde les détournements de procédure si c'est, en réalité, une autre infraction que celle mentionnée dans la décision du juge que les enquêteurs avaient

pour objectif de constater »

1718

. Il existe encore d'autres cas de nullité textuelle qui ont été

426

introduits par le législateur français en 2004 qui a institué de nouvelles nullités textuelles, pour la plupart applicables à la criminalité organisée. En matière d'infiltration, les articles

706-81 du CPP français

17191720 1721

, 706-83et 706-92

1722

et 706-93

du CPP français imposent la

sanction de la nullité en cas de détournement de procédure. L'article 706-95 prévoit que la nullité textuelle de l'article 100-7 est étendue aux écoutes téléphoniques, désormais exceptionnellement autorisées au stade de l'enquête. L'article 495-14 du CPP français prescrit à peine de nullité la rédaction d'un procès-verbal en matière de comparution sur

reconnaissance préalable de culpabilité 1723 . Dans les nullités textuelles, comme le souligne M.

sont nécessaires. Les opérations sont effectuées sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, et qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales. Ces opérations ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans la décision du juge des libertés et de la détention ou la saisie des biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du Code pénal. Toutefois, le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes ».

1718 M. Guerrin, « Nullités de procédure », in Rép. pén. Dalloz, octobre 2005, n° 29, p. 6.

1719 L'article 707-81 du CPP français dispose : « L'infiltration consiste, pour un officier ou un agent de police judiciaire spécialement habilité dans des conditions fixées par décret et agissant sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire chargé de coordonner l'opération, à surveiller des personnes suspectées de commettre un crime ou un délit en se faisant passer, auprès de ces personnes, comme un de leurs coauteurs, complices ou receleurs. L'officier ou l'agent de police judiciaire est à cette fin autorisé à faire usage d'une identité d'emprunt et à commettre si nécessaire les actes mentionnés à l'article 706-82. A peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre des infractions ».

1720 L'article 706-83 du CPP français dispose: « A peine de nullité, l'autorisation donnée en application de l'article 706-81 est délivrée par écrit et doit être spécialement motivée ».

1721 L'article 706-92 du CPP français dispose: «A peine de nullité, les autorisations prévues par les articles 706-89 à 706-91 sont données pour des perquisitions déterminées et font l'objet d'une ordonnance écrite, précisant la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels les visites, perquisitions et saisies peuvent être faites ; cette ordonnance, qui n'est pas susceptible d'appel, est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Les opérations sont faites sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, et qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales ».

1722 L'article 706-93 du CPP français dispose: «Les opérations prévues aux articles 706-89 à 706-91 ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans la décision du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction. Le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidents ».

1723 L'article 495-14 du CPP français dispose : « A peine de nullité de la procédure, il est dressé procès-verbal des formalités accomplies en application des articles 495-8 à 495-13. Lorsque la personne n'a pas accepté la ou

Henri Angevin « il ne faudrait toutefois pas croire que la méconnaissance de l'une des

1724

dispositions précitées oblige le juge à prononcer la nullité de l'acte qui en est entaché »

.

427

C. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la nullité substantielle.

326. La nullité substantielle, une théorie instituée par la doctrine et la jurisprudence française. Selon M. Henri Angevin « ni la loi ni la jurisprudence ne donnent de définition des nullités substantielles. On s'accorde généralement à considérer comme telles, ce qui est bien vague, celles qui, bien que non expressément édictées par un texte (c'est pourquoi on les

.

1725

qualifie aussi de virtuelles), sanctionnent l'inobservation d'une formalité substantielle »

La délimitation des cas de nullité par le législateur a eu pour effet d'empêcher de prononcer la nullité de certaines irrégularités de procédures au cours de l'enquête qui auraient mérité

l'annulation, mais qui ne faisaient pas partie des cas prévus par la loi. 1726 . C'est cela qui a incité la doctrine et la jurisprudence française à chercher un moyen de couvrir l'ensemble des cas de nullité qui pourraient toucher les procédures pénales. C'est ce qui a donné lieu à l'apparition de la théorie de nullité substantielle. La nullité substantielle est une nullité adoptée par la jurisprudence en tant que sanction résultant des violations dangereuses des procédures, en dépit du fait que la loi ne l'a pas mentionnée explicitement. Les atteintes aux règles procédurales résultent soit de la négligence ou de la violation des formes essentielles et substantielles, soit de l'exercice des droits de l'action publique, ou de l'exercice des droits de défense. Contrairement à la nullité textuelle, la nullité substantielle se caractérise par l'attribution du pouvoir discrétionnaire au juge dans la décision de la nullité, de statuer, même si la loi ne la mentionne pas explicitement, en cas de violation d'une règle ou substantielle

1727.

dans les procédures

les peines proposées ou lorsque le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui n'a pas homologué la proposition du procureur de la République, le procès-verbal ne peut être transmis à la juridiction d'instruction ou de jugement, et ni le ministère public ni les parties ne peuvent faire état devant cette juridiction des déclarations faites ou des documents remis au cours de la procédure ».

1724 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 330, p. 143. 1725 H. Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 329, p. 143.

1726 V. sur les nullités substantielles : J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 781, p. 715 : « Mais le second a pour lui l'avantage à la fois de pallier les lacunes éventuelles d'une liste légale des nullités indispensables et surtout d'apporter une grande souplesse en une matière où, très souvent, il n'y aurait que des inconvénients à annuler des actes porteurs d'irrégularités n'ayant fait grief à personne. ».

1727 V. J.-C. Soyer, Droit pénal et procédure pénale, 21e éd., L.G.D.J., 2012, n° 876, p. 386 : « Dans d'autres cas, le texte ne prévoit pas de nullité, mais les exigences qu'il énonce paraissent essentielles, c'est-à-dire d'une importance telle que leur irrespect n'est pas acceptable. On parle alors de nullités virtuelles, ou plus

327. Théorie de la nullité substantielle. Conformément à cette théorie, M. Raouf Obayd affirme que la décision de nullité d'une procédure donnée ne dépend pas forcément d'un texte de loi qui décide sa nullité, mais que le juge a le pouvoir discrétionnaire de décider la nullité de la procédure défaillante ou illégale si elle porte sur le non-respect ou l'inobservance de règles substantielles, plus particulièrement sur tout ce qui concerne l'atteinte à la liberté individuelle et la violation des droits de défense. Elle est également dite la nullité essentielle

ou individuelle par la doctrine arabe

1728

. En outre, elle est appelée par M. Sulaiman

428

Abdelmoniim la nullité menaçante, car elle constitue un outil de menace utilisé par le juge en vue de respecter les formalités prévues et les règles des procédures. La nullité, au sens de cette théorie de nullité, est sélective: les règles procédurales n'ont pas toutes le même degré d'importance. Elle distingue plutôt d'une part, entre ce qui est substantiel et nécessite que la jurisprudence statue par la nullité, et d'autre part, entre ce qui n'est pas substantiel et dont la jurisprudence s'abstient alors de statuer la nullité 1729 . Cette théorie de nullité substantielle s'articule autour du fait qu'il n'est pas toujours indispensable ou nécessaire, pour décider la nullité, que le texte la cite explicitement. Donc, les juges peuvent décider la nullité lors d'une violation ou de l'inobservation des règles procédurales substantielles outre les cas stipulés explicitement par le législateur. Ce principe vise à la reconnaissance au juge, par le législateur, du pouvoir discrétionnaire dans la détermination des règles dont la violation nécessite la nullité, et sa distinction des autres règles dont la violation ne nécessite pas la nullité. Le législateur établit une norme abstraite sur laquelle le juge peut se baser dans cette distinction. Cependant, l'application de cette norme exige un critère permettant au juge de détecter soigneusement la règle substantielle, et sur la base duquel il peut distinguer entre la règle substantielle et la règle non substantielle. Un tel critère doit être objectif vu la

1730

divergence des avis de la doctrine et les solutions juridiques . La théorie de la nullité substantielle se caractérise par la flexibilité et la mesure de la sanction sur la base de l'importance de la règle et l'ampleur de la violation et la reconnaissance du pouvoir

évocatoirement de nullités substantielles. Leur existence est consacrée par un texte général (art. 171 CPP). Les causes de nullité sont donc nombreuses. Néanmoins, la nullité ne s'ensuit qu'assez rarement. Cela tient à sa mise en oeuvre. ».

1728 V. en langue arabe : R. Obayd, Problèmes scientifiques importants dans les procédures pénales, Dar Al-Fikir Al-Arabi (Maison de la pensée arabe), le Caire (Egypte), 1973, p. 365.

1729 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière de la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la nouvelle université, Egypte, 2002, p. 49.

1730 V. en langue arabe : M. Najib Housni, Explication du Code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Égypte), 1988, n° 372, p. 339.

discrétionnaire, ce qui constitue une preuve de confiance en la jurisprudence. Quant à la faille de cette théorie, il s'agit de la difficulté de distinction entre les règles substantielles et les

1731

règles non substantielles

. Dans la doctrine française, M. Édouard Verny souligne que « la

reconnaissance des cas de nullité conduit à distinguer les nullités textuelles d'une part qui sont par définition prévues expressément par la loi et les nullités substantielles d'autre part

1732

. M.

dont le principe est consacré par la loi et qui sont dégagées par la jurisprudence »

Édouard Verny constate que parmi les caractéristiques de la théorie de nullités substantielles se trouve « la possibilité offerte au juge de sanctionner des irrégularités graves par une nullité qui n'est pourtant pas en l'occurrence expressément prévue par la loi apporte en la

matière une certaine souplesse »

1733

. À son tour, M. Étienne Vergès trouve que

traditionnellement on a recours à la distinction entre nullités textuelles et substantielles « on distingue traditionnellement les nullités textuelles, qui sont prévus par un texte spécial, et les nullités substantielles, qui ne sont pas prévues par un texte, mais sanctionnent la violation

1734

.

d'une formalité substantielle de la procédure »

328. Causes de nullité substantielles ou virtuelles en droit français. M. Édouard Verny souligne que « les nullités substantielles, dites aussi virtuelles, sont annoncées par l'article

171 du Code de procédure pénale ...»

1735

. Pour savoir ce qu'est une nullité substantielle ou

429

virtuelle, il faut faire application à la fois de l'article 802 du Code de procédure pénale, qui décrit cette nullité comme l'inobservation des formalités substantielles, et de l'article 171 du même Code, qui précise que lesdites formalités doivent être « prévues par une disposition du présent Code ou toute autre disposition de procédure pénale ». On ne retrouve nulle part dans le Code de procédure pénale d'exemple formel de nullités substantielles, comme c'est le cas pour les nullités textuelles 1736 . On doit donc examiner les formalités, qu'elles soient prévues par le Code de procédure pénale ou par toute autre disposition de procédure pénale, et tenter

1731 V. en langue arabe : M. Najib Housni, Explication du Code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n° 372, p.339.

1732 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 380, p. 216. 1733 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 382, pp. 216-217. 1734 É. Vergès, Procédure pénale, 2e éd., Litec, 2007, n° 401, p. 253. 1735 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 382, p. 216.

1736 V. M. Guerrin, « Les principales causes de nullité de l'audience pénale », in AJ Pénal, 2008, p. 181 : « la règle violée à l'audience est généralement qualifiée par la Cour de cassation de substantielle - ou d'ordre public - sans qu'il soit besoin de démontrer un grief subi par les parties » et « c'est le juge qui analyse la règle violée et décide, selon l'atteinte portée d'une part, selon le caractère substantiel ou non de la règle d'autre part, s'il faut annuler ou valider la procédure ».

de rechercher leur caractère substantiel ou fondamental

1737

. M. Édouard Verny résume les

conditions requises en droit français pour entraîner la nullité « pour qu'une irrégularité entraîne la nullité de l'acte, il faut d'une part qu'elle corresponde à une hypothèse de nullité et d'autre part qu'elle fasse grief à celui qui l'invoque ou encore qu'elle relève de l'ordre

1738

public ».

329. Position du législateur libanais vis-à-vis des théories de nullité substantielle. Bien que le législateur libanais ait prévu la sanction de nullité en cas de transgression de certaines règles procédurales et ait exclu la nullité pour les autres cas, il ne s'est pas prononcé sur sa position dans certains autres cas, dont la formule utilisée comporte l'importance d'accomplir la procédure requise, ou l'abstention d'accomplir une certaine procédure, ou la détermination d'un délai minimal ou maximal pour accomplir la procédure. Il faut s'interroger sur l'impact de ce fait sur la procédure, par rapport à sa nullité. Parmi les expressions révélatrices de ce fait, on peut remarquer que le législateur libanais utilise les termes « il faut » mentionné dans les articles 42, 27, 35 et 107 alinéa 2,131 et 194 du CPP libanais. Le législateur libanais utilise le terme « doit » qui porte en principe le sens de « la personne doit » dans les articles 8, 16,

28, 31, 32, 36 et 37 du CPP libanais

1739

. Parmi les exemples révélateurs de l'abstention d'un

acte, les termes « ne s'applique pas » dans l'article 20, les termes « n'est pas accepté » dans l'article 27, les termes « il n'a pas le droit » dans les articles 34 alinéa 4 et 44 alinéa 2 et 50 alinéa 2 et 100 et 305, et les termes « il n'est pas permis » dans les articles 33 alinéa 5 et 52 et 84 alinéa 2 et 102 alinéa 3, 108 et 152 dernier alinéa et 213, 219, 243 E alinéa 3 du CPP libanais. Parmi les exemples des délais minimum et maximum dont la sanction due à son inobservation, on cite les articles 32 alinéa 2, 42 et 47 alinéa 3 clause 4, 69 et 78, alinéa 2, 82, alinéa 2, 83, 86 alinéa 3, 107, 108, 121 alinéa 1, 136, 149, 152 alinéa 2, 156 alinéa 2, 157,

244, 272 alinéa 2 du CPP libanais

1740

. M. Samir Aliya estime qu'en dépit du silence du

430

législateur libanais quant à la nullité ou la non nullité comme sanction procédurale dans les cas cités et qui n'ont fait l'objet d'aucune mention dans le Code de procédure pénale libanais,

1737 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 83, p. 62 : « Contrairement à ce qui est le cas pour les nullités textuelles, aucune disposition du Code de procédure pénale ne donne donc d'exemple formel de ces nullités substantielles. Pour les formalités prévues au Code de procédure pénale, il faut donc s'interroger, matériellement, sur leur caractère substantiel, c'est-à-dire fondamental. ».

1738 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 379, p. 216.

1739 S. Alye et H. Alye, La théorie générale de la procédure pénale et les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, Entreprise Universitaire d'Études et de Publication (MAJD), Beyrouth, 2004, p. 128.

1740 S. Alye et H. Alye, La théorie générale de la procédure pénale et les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, Entreprise Universitaire d'Études et de Publication (MAJD), Beyrouth, 2004, p. 129.

431

le législateur libanais a laissé, quand même, à la doctrine et à la jurisprudence la détermination du degré de violation de la règle substantielle qui peut entraîner la nullité, ou au contraire d'estimer qu'il s'agit d'une règle d'orientation ou directive qui n'est pas sanctionnée par la nullité. M. Samir Alya s'appuie dans son avis sur le fait que le législateur libanais a adopté la théorie de la nullité globale de la théorie de nullité textuelle avec la nullité substantielle. Lorsque la loi prévoit clairement la nullité, elle doit être appliquée, mais en cas de silence quant à la sanction, il faut s'en remettre à l'appréciation de la doctrine et la jurisprudence pour

1741

.

savoir si la règle procédurale qui a été enfreinte, était de nature substantielle ou directive

La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a statué que dès que la règle procédurale est substantielle, sa violation conduit à sa nullité, même si le texte du Code de procédure pénale ne le précise pas, puisque le critère consiste en la nature de la procédure et

1742

son rapport aux règles substantielles . Comment déterminer si la règle est substantielle ? Selon Mme Fawzi Abdel-Sattar, la règle procédurale est substantielle si son but consiste à atteindre un intérêt général ou l'intérêt de l'une des parties dans le procès pénal, ou si elle se rapporte aux droits de défense et aux libertés des individus. Au contraire, la règle n'est pas considérée comme substantielle si son but consiste à orienter ou guider les instances chargées de l'investigation, la poursuite, l'enquête et le procès vu la nécessité d'organiser le

1743

.

fonctionnement de la justice procédurale

330. Les critères de nullité substantielle. La problématique posée ici est : quelles sont les dispositions substantielles dont la violation exige la nullité ? La réponse n'est pas du tout simple, mais plutôt très délicate. Effectivement, il existe de nombreuses normes préconisées par la doctrine pénale, mais elles ne sont pas toutes rigoureuses. Pour décider la nullité, on a besoin d'une norme rigoureuse afin d'ancrer les droits et les garanties substantielles et sans donner au juge un trop grand pouvoir. En somme, il n'existe pas de norme, ni critère rigoureux pour déterminer les critères de nullité substantielle. Cependant, la doctrine a tenté d'établir des normes ou critères pour déterminer des procédures substantielles. Mais quel est le critère permettant de distinguer la règle substantielle de la règle non substantielle ? Autrement dit, quel est le critère de distinction entre les procédures substantielles, dont la violation conduit à la décision de sa nullité et les procédures non substantielles, dont la

1741 S. Alye et H. Alye, La théorie générale de la procédure pénale et les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, Entreprise Universitaire d'Études et de Publication (MAJD), Beyrouth, 2004, p. 129.

1742 Cassation pénale libanaise n° 48, datée du 9/03/1953, et l'ordonnance n° 52 du 12/03/1953 et l'ordonnance n°135 du 11/05/1953, encyclopédie de Samir Aliya/jurisprudence de la Cour de cassation, n° 306, p. 85.

1743 F. Abdel-Sattar, Interprétation du Code de procédure pénale libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Beyrouth, 1975, n° 35, p. 34.

432

violation n'a aucun effet ? La doctrine a établi trois normes ou critères de distinction entre les règles substantielles et non substantielles.

331. Premièrement : la norme du but derrière l'acte procédural. Il s'agit là du fait que si le but derrière l'acte n'est pas atteint, cet acte est alors nul et n'a pas d'effet juridique. Et si le but de l'acte est atteint, il sera alors juste et produira des effets juridiques. En d'autres termes, la nullité affecte toute procédure dont le but n'a pas été atteint. Or, il n'y a pas de nullité en cas de procédures qui ne visent pas à atteindre un objectif, telles que les procédures organisationnelles ou ordinatrices qui visent à servir d'autres procédures plus importantes et suprêmes.

332. Deuxièmement : la norme d'intérêt général. La règle procédurale, selon cette norme, est substantielle si elle se rapporte à l'intérêt général, ou si elle assure le bon fonctionnement du système juridique. Les règles procédurales relatives à l'intérêt général ou d'ordre public sont: 1-Les règles qui assurent les garanties de liberté individuelle de l'accusé se basant sur le principe selon lequel l'accusé est présumé innocent, le principe de la présomption d'innocence. 2-Les règles relatives à la supervision de l'autorité judiciaire sur les procédures pénales visant au respect de la liberté individuelle de l'accusé, parce que ces règles revêtent la qualité d'autorité judiciaire sur le système procédural.

333. Troisièmement : la norme des droits de défense. Toute violation d'une règle

1744

procédurale qui protège les droits de défense doit être sanctionnée par la nullité. Donc, la nullité est imposée à toute procédure qui porte atteinte à l'un des droits de défense ou constitue un affaiblissement des droits de la défense. En général, les normes précédentes sont intégrées à l'ensemble quant à la décision de la nullité d'un acte procédural parce qu'il n'est pas possible d'adopter une norme parmi celles-ci et la considérer seule suffisante pour ancrer la théorie la nullité. Il convient de signaler que ces normes interfèrent entre elles, c'est-à-dire que la règle procédurale peut exprimer dans ses dispositions ces trois normes à la foi. D'autre part, ces normes ne semblent pas rigoureuses et absolues, car il n'y a pas de détermination législative y afférente, la doctrine et la jurisprudence ne sont pas parvenues à lui trouver une

1744 V. sur ce point : J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 782, p. 716 : « Sur la base de l'ancienne jurisprudence et de ces textes, on distingue aujourd'hui deux sortes de nullités substantielles : 1° celles qui tiennent à la méconnaissance des principes touchant à l'ordre public et qui doivent être relevées même s'il n'y a pas atteinte aux droits de la défense ; 2° celles qui portent atteinte aux droits de la défense. Le nouvel article 171 ne paraît rien changer sur ce plan. ».

433

définition ou détermination globale exhaustive par rapport à l'ordre public ou aux droits de défense.

334. Les avantages de la théorie de la nullité substantielle. Cette théorie se caractérise par sa flexibilité, en ne déterminant pas les causes de nullité à l'avance. C'est au juge d'évaluer le rapport entre l'ampleur de la violation et l'intérêt général au lieu qu'il soit mesuré en fonction de textes figés qui ne permettraient peut-être pas l'annulation de certaines procédures pourtant entachées de faille grave, mais qui ne sont pas mentionnées dans la loi1745 . Elle assure donc la protection suffisante des règles procédurales en laissant à la jurisprudence la liberté d'apprécier l'opportunité de la nullité. Elle a également pour effet d'empêcher que des coupables échappent à la sanction uniquement parce que la violation de la procédure ne concernerait pas une règle de procédure substantielle et ne puisse par conséquent pas être

1746

sanctionnée par une annulation.

335. Les inconvénients de la théorie de nullité substantielle. En général, les dangers de cette théorie consistent en sa flexibilité excessive, car il n'est pas souhaitable de laisser la décision du sort d'un acte procédural dont pourrait dépendre le résultat du procès à l'appréciation absolue du juge et à sa volonté seule sans aucun critère stable et objectif. Le fait de laisser la détermination des cas de nullité au juge amène la situation à l'incertitude, par conséquent, sa violation à la garantie substantielle dans l'une des actions devient relative, et dans d'autres cas, devient sans effet. Si la sanction procédurale est incertaine, cela porte atteinte au principe de légalité qui impose la certitude. Cela porte également atteinte au principe d'égalité entre les parties dans le procès, puisque la nullité peut profiter à certains et pas à d'autres dans des conditions de fait semblables, ce qui fait reposer une lourde

. De

1747

responsabilité sur les épaules de la Cour de cassation pour contrôler les cas de nullités

même, en droit français, cette théorie présente les mêmes inconvénients parce que « les

1745 V. en langue arabe : A. Fathi Srour, Le code pénal constitutionnel, la légalité constitutionnelle dans le code pénal, la légalité constitutionnelle dans le code de procédure pénale, 2e éd., Maison Chorouk, le Caire (Egypte), 2002, p. 536.

1746 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim, Nullité de la procédure pénale : tentative de réadaptation des causes de nullité à la lumière de la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la nouvelle université, Egypte, 2002, p. 49.

1747 V. en langue arabe : A. Fathi Srour, Le code pénal constitutionnel, la légalité constitutionnelle dans le code pénal, la légalité constitutionnelle dans le code de procédure pénale, 2e éd., Maison Chorouk, le Caire (Egypte), 2002, p. 536.

nullités substantielles ne sont pas définies par le Code ou par la jurisprudence. C'est donc la

1748.

Cour de cassation qui les relève au fil des arrêts »

§ 2. Les règles variables de l'exclusion de la preuve illégale en fonction de la détermination de la nature de nullité.

336. Les types de nullité. Des divisions multiples ont été données à la nullité, mais celle-là plus importante selon la jurisprudence et la doctrine reste la répartition de la nullité entre une nullité absolue ou liée à l'ordre public, et une nullité relative ou liée aux intérêts des

parties 1749 . D'ailleurs, la question de la distinction entre les deux types de nullité reste d'une grande importance, en raison de la modification des dispositions et des effets de chaque type

de nullité conformément au changement de la description qui lui est attribuée

1750

. Cette

434

division a une importance essentielle dans le domaine pratique en raison de ses conséquences dans le procès pénal en termes de résultats et d'effets.

précédent sommaire suivant










Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy



"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King