Chapitre I
La multiplication des sanctions des preuves
illégales
313. Le sort de la preuve illégale. Si nous
avons pu aboutir à un concept clair de la notion
d'illégalité de la preuve pénale ou de la preuve
illégale, il faut ajouter que toute preuve illégale ne doit pas
être exclue et considérée comme caduque, car il n'existe
pas de mécanisme juridique excluant automatiquement toute preuve
pénale illégale. Ainsi, il est nécessaire de chercher quel
sera le sort de la preuve pénale illégale en fonction de
l'application de la théorie de la nullité par la jurisprudence
libanaise et française et la position de la doctrine pénale sur
ce point. Cette recherche permettra d'appréhender de façon claire
le sort de la preuve pénale dans le procès, qui se traduira soit
par une acceptation totale ou partielle, soit par un rejet. Ceci reflète
l'importance de l'application du principe de légalité
pénale, mais aussi la défaillance des mécanismes
juridiques disponibles en droit libanais et français à garantir
la bonne application de ce principe du moins à un niveau permettant
d'affirmer qu'il garantit la préservation des droits des individus dans
l'action pénale, sans empêcher d'élucider efficacement les
infractions pénales. Pourtant, c'est ce que requiert, en pratique,
l'État de droit. En effet, on ne peut pas accepter l'idée d'un
État de droit qui négligerait les droits et libertés
individuels au profit de l'obtention illégale de preuves. Le Code de
procédure pénale a été rédigé
précisément pour régir la méthode d'obtention de la
preuve pénale dans le respect de certains droits des individus et toute
autre méthode reviendrait à consacrer un État de police
qui s'oppose complètement avec l'État de droit1669.
Dans l'État de police, tous les moyens sont bons pour l'obtention de la
preuve pénale sans égard aux droits fondamentaux
1669 V. A. Saad, La nullité de
l'acte d'instruction, Thèse de droit, Université Jean Moulin
(Lyon) et Université de Tunis, 2011. Spec. le résumé :
« La lecture des règles procédurales régissant
l'information judiciaire révèle qu'elles obéissent
à deux objectifs majeurs. Certaines règles entendent
protéger les intérêts des justiciables; d'autres, en
parallèle, tendent à garantir un véritable fonctionnement
de la justice et un bon déroulement du procès pénal. Elles
mettent respectivement la lumière sur le respect d'un certain formalisme
indispensable, dont l'inobservation doit être sanctionnée. En
clair, la nullité constitue une sanction nécessaire et un moyen
efficace contre les dérives et "l'arbitraire" de certains magistrats
instructeur afin de garantir le respect de certains principes d'ordre public et
préserver les droits élémentaires de la défense. La
nullité de l'acte d'instruction irrégulièrement accompli
présente une garantie procédurale fondamentale accordée
aux justiciables. La pratique judiciaire a mis l'accent sur les
inégalités des armes entre les autorités investigatrices
qui bénéficient de larges moyens pour remplir leur mission et les
justiciables qui subissent les résultats de preuves recueillies à
leur encontre; or la détermination des causes des nullités de
preuves est problématique non seulement au regard du domaine
étroit des nullités textuelles, mais aussi et surtout de la
nature incertaine des nullités substantielles. En fait,
l'efficacité des investigations doit nourrir l'intention de parvenir
à la vérité objective et elle ne doit pas répondre
à l'objectif d'une répression aveugle. ».
412
des individus, et cela serait le modèle effectif si
l'obtention de la preuve pénale se faisait au détriment du
respect du principe de légalité de la preuve.
314. La nullité et la légalité de la
preuve pénale. Quel est le rapport entre la nullité en tant
que système procédural et la légalité de la preuve
pénale ? La nullité est un outil juridique
pour contrôler la légalité des
procédures
|
1670
|
et la sanction du non-respect des formalités
|
imposées par la loi expressément ou reconnues
par la jurisprudence. M. Jean Pradel a bien exprimé le rapport entre la
nullité et la preuve qui est la sanction de la preuve illégale :
« que la preuve présentée soit irrecevable par sa nature
même ou qu'elle soit irrecevable par son mode d'administration, un
problème de sanction se pose. Partout existent des sanctions
disciplinaires et civiles et surtout procédurales. À ce dernier
point de vue, le plus intéressant et le seul qui nous retiendra,
l'idée est partout la même : on n'excluera la preuve qu'en cas
de
.
1671
faute grave ou assez grave. Cela étant, l'habillage
technique n'est pas toujours le même »
Il est bien connu que dans le procès pénal,
l'ensemble des actes et formalités qui concourent et visent aux constats
des infractions, à la recherche de leurs auteurs ainsi qu'à leur
répression est enserré dans un formalisme dont le
législateur a bien pris conscience de la nécessité afin
d'encadrer très précisément ces
procédures et d'éviter l'arbitraire 1672 . Les procédures
de recherche des preuves varient lors des différentes étapes
depuis la perpétration de l'infraction jusqu'au prononcé du
jugement pénal en passant par la phase de jugement, car la question de
nullité est soulevée à chaque occasion de
l'accomplissement d'un acte de procédure pénale visant à
la recherche des éléments de preuve pénale. Une question
relative à l'impact de la preuve issue d'une procédure nulle
vient à l'esprit. La théorie de nullité est l'une des
principales théories dans le domaine de la procédure
pénale, car son champ est vaste et ses applications multiples.
L'importance de la définition du rôle de la théorie de la
nullité consiste en la consécration du principe de
légalité procédurale, en général, et la
légalité de la preuve pénale, en particulier, en vue
d'établir un équilibre entre la lutte contre l'infraction et
1670 G. Clément, « L'appel voie
de nullité en procédure pénale », in R.S.C.,
1990, p. 260 : « Soucieuse des droits de la défense et des
libertés fondamentales de l'individu, notre procédure
pénale est dense en dispositions de détails qui ont pour but de
garantir une justice impartiale. Ces règles rassurantes mais aussi
contraignantes sont nécessaires et utiles. Leur efficacité n'est
toutefois assurée que si leur violation est susceptible d'être
sanctionnée par la nullité »
1671 J. Pradel, « La preuve en
procédure pénale comparée (Rapport général)
», in Revue internationale de droit pénal,
1er-2em trimestre1992, vol. 63, Actes du
Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur
International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25
janvier 1992, pp.13-32. V. spec. p. 27.
1672 V. sur la légalité du
recueil des preuves par les enquêteurs : Y. Capdepon,
Essai d'une théorie générale des droits de la
défense, Thèse de droit, Université Montesquieu -
Bordeaux, 2011, n° 49, p. 13: « Les
enquêteurs sont tenus au respect des principes fondamentaux et des textes
notamment ceux qui organisent le respect de la vie privée ou encore les
droits de la défense ».
l'élucidation de ses auteurs, d'une part, et la
nécessité de garantir la mise en oeuvre de la
légalité procédurale, d'autre part, dans le but d'assurer
et garantir à toute personne le droit à un procès
équitable et juste dans les affaires pénales. La recherche des
preuves est susceptible
1673
d'être entachée d'irrégularités et
illégalités
que la loi sanctionne par les différentes causes
413
et catégories de nullités. A cet
effet, le législateur a organisé un ensemble de règles
qui
1674
constitue l'encadrement légal des nullités.
315. Définition de la nullité. La
plupart des législations ne s'étaient pas
intéressées à donner une définition précise
à la nullité. Or, du point de vue doctrinal, les
définitions sont variées. Elle a été définie
comme: l'une des formes de sanctions qui surviennent à la
procédure défaillante, c'est-à-dire à l'acte
procédural dans le cadre du procès pénal ou dans
l'étape précédente et préliminaire, qui est
l'étape d'investigation, lorsque cet acte manque de l'une de ses
composantes objectives ou est privé de ses conditions de forme. Il en
résulte sa nullité et l'empêchement des effets juridiques
qui auraient existé si l'acte de procédure avait
été justement accompli1675 . La nullité a
été également définie comme : une sanction
procédurale résultant de la non-considération des
dispositions de la loi relative à toute procédure substantielle.
Il est important que les dispositions relatives à la procédure
substantielle soient liées au contenu et à l'essence de la
procédure, ou à la forme dans laquelle elles sont
formulées. De même, il est important qu'elles soient incluses dans
le Code de procédure pénale ou dans le Code
pénal1676. Selon M. Dimitrios Giannoulopoulos, la
nullité est « la sanction qui s'attache aux actes
irréguliers de la procédure, autrement dit des actes
1677
. La
commis sans respecter les règles et les formes
fixées par la procédure pénale ... »
nullité est considérée par M. Ahmed Fathi
Srour comme un outil de contrôle judiciaire sur la
1673 Y. Capdepon, Essai d'une
théorie générale des droits de la défense,
Thèse de droit, Université Montesquieu - Bordeaux, 2011, n°
45, p. 13 : « l'administration de la preuve, notamment par
l'autorité publique, est soumise à un principe de
légalité soit par un formalisme particulier à un acte soit
à raison d'un principe général (respect de
l'intimité de la vie privée et des droits de la défense
par exemple). Cet encadrement s'est développé au fur et à
mesure de l'apparition de modalités nouvelles d'investigations
coercitives dans le cadre préliminaire... ».
1674 V. sur la nullité en droit
français : M. Guerrin, Les irrégularités de
procédure sanctionnées par la nullité dans la phase
préalable au jugement pénal, Thèse de droit,
Université Strasbourg III (Robert Schuman), 1999.
1675 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière de
la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la
nouvelle université, Egypte, 2002, p. 17.
1676 V. en langue arabe : A. Chawarbi,
Nullité pénale : Théorie de nullité,
nullité d'enquête, nullité du procès, nullité
du jugement, Maison de connaissance, Egypte, 1990, p. 24.
1677 D. Giannoulopoulos, L'exclusion de
preuves pénales déloyales : une étude comparée des
droits américain, anglais, français et hellénique,
Thèse droit, Université Paris I, 2009, p. 226.
légalité de la procédure pénale.
Il ajoute que comme les procédures pénales sont la source des
preuves sur lesquelles le tribunal appuie sa conviction de condamnation, la
recevabilité de ces preuves est tributaire de la légalité
des procédures qui en résultent. Ainsi, la sanction de
nullité consiste à déclarer l'illégalité de
la preuve et la nullité de l'effet en résultant. Cette
nullité interviendra en cas de contradiction entre la procédure
et les garanties énumérées dans la Constitution et la loi,
faisant jouer à la nullité un rôle décisif dans la
protection constitutionnelle des droits et libertés 1678 . M. Ahmed
Chafii considère que la nullité est la sanction découlant
de toute procédure qui viole ou néglige la règle
substantielle dans la procédure, ce qui donne lieu à la
non-production d'effet juridique 1679 . La définition de nullité
comporte toute lacune ayant affecté toute procédure de l'action
publique, à compter de l'enquête préliminaire
effectuée par la police judiciaire, en passant par l'instruction
préparatoire jusqu'à l'enquête définitive accomplie
par le tribunal. La nullité est une description jurdique ou
légale touchant l'acte procédural en cas de sa violation du
modèle
légal décidé
|
1680
|
. La nullité est une sanction décidée et
prévue par la loi des procédures pénales
|
pour le non-respect de ses dispositions établies, pour
que sa considération ou son application permette d'atteindre la
vérité en réalisation de l'intérêt de
sanction et en assurance des garanties que les autorités s'engagent
à respecter vis-à-vis des parties en litige au regard des
libertés fondamentales et de l'intérêt des
parties en litiges 1681 . Selon M. Abdelhamid Chouarbi, la nullité est
une procédure arrangée par le législateur ou
décidée par le tribunal sans texte si l'acte procédural
est privé de l'une des conditions de forme requises pour sa justesse
conformément à la loi. Cette procédure conduit à
l'inefficacité de l'acte procédural et
1682
la perte de la valeur légale prévue dans le cas
de sa justesse . M. François Fourment considère que « la
nullité est la sanction de l'inobservation d'une condition de
validité d'un
acte juridique »
|
1683
|
. Nous avons tendance à définir la nullité
comme une sanction procédurale
|
414
visant le non-arrangement de l'effet juridique ordinaire
prévu par l'acte procédural, car l'acte
1678 V. en langue arabe : A. Fathi Srour,
Le code pénal constitutionnel, la légalité
constitutionnelle dans le code pénal, la légalité
constitutionnelle dans le code de procédure pénale,
2e éd., maison Chorouk, le Caire (Egypte), 2002, p.
531.
1679 V. en langue arabe : A Chafii, La
nullité dans le code de procédure pénale. Etude
comparative, 2e éd., maison Houma, Algérie, 2005,
p. 11.
1680 V. en langue arabe : Gh. Benmelha,
Le code judiciaire algérien, office des publications
universitaires, Algérie, 1995, p. 265.
1681 V. en langue arabe : M. Mohamed Hocini,
La nullité dans les articles pénaux, maison de
publications universitaires, Alexandrie (Égypte), 1993, p.
17
1682 V. en langue arabe : A. Chawarbi, La
nullité civile procédurale et du fond, Maison de la
connaissance, Alexandrie (Egypte), 1991, p. 9.
1683 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 80,
p. 61.
415
procédural réalisé sur cette base n'a pas
parachevé les conditions de sa justesse ou sa forme, sa formulation ou
la façon prévue par la loi.
La première section de ce chapitre porte sur
l'interaction des nullités des actes de procédure avec les
règles de l'exclusion de la preuve. La deuxième section de ce
chapitre porte sur les règles variables de la recevabilite de la preuve
en fonction de l'auteur de la preuve.
416
Section I
L'interaction des nullités des actes de
procédure avec les règles de l'exclusion de la
preuve
316. Efficacité du système de
nullité dans la garantie de l'application judicieuse du principe de
légalité de la preuve. Sans doute, le régime
juridique des nullités en matière pénale a
été établi dans le but d'assurer la
régularité du procès et notamment contribue à
assurer le respect des droits de la défense. C'est pourquoi
l'efficacité de la nullité en tant que sanction
procédurale des illégalités et irrégularités
commises participe indéniablement du contrôle de la
légalité des procédures pénales et va contribuer
à ce titre à l'application du principe de la
légalité de preuve pénale. Il est important de garantir
l'application effective de tout principe légal grâce à un
outil juridique efficace qui assure l'application pratique de façon
effective conforme à la valeur réelle du principe juridique et
son rôle en termes de protection des droits et libertés des
individus dans l'État de droit. D'où l'importance de lier le
système de nullité pénale au principe de la
légalité de preuve pénale. Les violations du principe de
légalité de la preuve oscillent entre les transgressions
relatives à la forme ou à l'exemple légal exigé par
le législateur lorsqu'on entame les procédures pénales. De
même, il y a des violations du principe de la légalité de
la preuve pénale chaque fois qu'il y a une violation des principes
dominants de la preuve pénale lors de la phase du jugement. Ces
principes dominants tournent autour de la nécessité d'introduire
la preuve dans une audience publique et de donner l'opportunité à
l'accusé de la débattre et de se justifier devant le tribunal,
car ceci constitue l'un de ses droits de défense et des principes du
procès équitable. Il existe d'autres violations du principe de
légalité de la preuve résultant du moyen de recherche de
la preuve qui enfreint la liberté de l'individu, sa
sécurité corporelle ou l'intimité de la vie privée
de l'accusé, du défendeur ou du suspect. Ceci donnera lieu
à l'évaluation de la théorie de nullité des
procédures pénales, considérées comme l'ossature de
nullité de la preuve pénale illégale. Cette
évaluation de la théorie de nullité au Liban et en France,
s'articule autour de l'étude du rôle joué par cette
théorie dans la mise en oeuvre du principe de légalité de
la preuve et de l'efficacité et des garanties attribuées par la
théorie de la nullité, afin que le principe de nullité de
la preuve puisse assumer le rôle qui lui est dévolu.
317. La nullité protège la
légalité de preuve. L'un des principaux outils juridiques
qui protègent le principe de la légalité de preuve
pénale et sanctionnent de façon procédurale toute
procédure illégale de recherche de la preuve pénale, est
la théorie de nullité. Il est important
417
de lier les règles de nullité et leurs
dispositions ainsi que l'avis de la doctrine et la jurisprudence au Liban et en
France avec le principe de légalité de la preuve pénale
afin de savoir à quel point le système de nullité en
vigueur constitue une application judicieuse et suffisante du principe de
légalité de la preuve pénale et si ce système de
nullité est suffisant pour garantir ce principe ou s'il a besoin
d'être optimisé afin que la légalité des preuves
atteigne son but qui est de conserver les droits des individus dans l'action
pénale et sans affaiblir l'efficacité de la sanction à
travers la collecte de preuves conformément à la loi. Par
ailleurs, la liaison du système de nullité avec le principe de
légalité de la preuve pénale nous invitera si
nécessaire à réfléchir à de nouveaux
mécanismes juridiques aidant la consécration effective du
principe de légalité de la preuve dans le cas où les
systèmes de nullité s'avèrent inutiles et incapables
d'aller de pair avec le principe de légalité de la preuve du
point de vue pratique. Ceci donnera lieu à la réflexion sur des
mécanismes autres que la nullité pour contribuer à
l'exclusion de la preuve illégale. Il s'agit ici de
l'illégalité en fonction de la façon dont la preuve a
été obtenue et non pas en fonction de sa justesse, de sa valeur
ou de sa force probante puisque leur appréciation est soumise à
la conviction du juge. A partir de là, il s'agira de l'exclusion de la
preuve pénale illégale du dossier sur lequel le juge mettra sa
main afin d'éviter toute opposition entre la liberté du juge dans
l'appréciation de la preuve où domine l'intime conviction du juge
et la règle d'exclusion de la preuve illégale. Ici, la principale
problématique qui s'impose est de savoir si le système de
nullité pénale au Liban et en France est à même
d'assurer efficacement la mise en oeuvre du principe de légalité
de la preuve pénale ou si nous avons besoin d'une méthode et
d'une technique juridique nouvelle évoluée pour assurer
l'application pratique effective du principe de légalité de la
preuve pénale. Concernant la nullité des moyens de preuve devant
la justice pénale, elles varient à cause de la prise en
considération du principe de liberté de la preuve pénale.
La loi donne au juge pénal toute la liberté d'apprécier la
valeur des preuves présentées dans le procès pénal,
son poids et la primauté des unes par rapport aux autres, en application
du principe de liberté de la preuve conformément à
l'intime conviction du juge sauf dans des cas exceptionnels limités. Or,
l'appréciation des moyens de preuve pose plusieurs problématiques
concernant les formalités et le contenu des moyens de preuve.
§ 1. Les règles variables de l'exclusion de
la preuve illégale en fonction de la détermination du type de
nullité.
318. Les catégories de la nullité dans la
procédure pénale. La doctrine pénale fait une
distinction traditionnelle entre les nullités textuelles qui sont celles
expressément prévues par
le législateur dans le Code de procédure
pénale et les nullités substantielles 1684 qui ne sont pas
expressément prévues par un texte, 1685 mais qui sont
destinées à sanctionner la violation des
règles touchant à l'ordre public
procédural
|
1686
|
ou aux droits de la défense
|
1687
|
. Il y a deux
|
418
théories qui régissent la théorie
procédurale de la nullité 1688 , en général, et
à travers ces deux théories et dans leur cadre, d'innombrables
doctrines pénales sont apparues dans les
législations procédurales pour déterminer
les cas de nullité 1689 . La politique législative en
1684 V. J.-P. Brouillaud, « Les
nullités de procédure : des procédures pénales et
civiles comparées », in D., 1996, p. 98, V. spec.
n° 3 : « Nullités d'ordre public, textuelles,
substantielles, automatiques ou subordonnées à la preuve d'un
grief, vices de fond, vices de forme... : les notions qui régissent les
différentes catégories de nullités sont nombreuses,
disparates, et utilisées de manière différente en
procédure civile et en procédure pénale... ».
1685 V. sur cette distinction en droit
français: P. Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des
nullités en matière pénale », in D., 2004,
p. 1265, v. spec. n° 2 :« la distinction entre nullités
textuelle et virtuelle est inutile, toutes les nullités concernant les
actes ou pièces de la phase préalable et nécessitant la
preuve d'un grief( Art. 170, 171 et 802 c. pr. pén.). L'art. 171 c. pr.
pén. est explicite en ce sens : il ne dissocie pas les deux types de
nullité, mais subordonne l'annulation à la qualité de la
règle violée, qui doit être substantielle,
d'intérêt privé ou d'ordre public ».
1686 V. sur l'importance de la distinction
entre nullités textuelles et nullités substantielles en droit
francais : D. Giannoulopoulos, L'exclusion de preuves pénales
déloyales : une étude comparée des droits
américain, anglais, français et hellénique,
Thèse droit, Université Paris I, 2009, p. 233 : «
... jusqu'à la réforme du régime des nullités avec
la loi du 24 août 1993, la distinction entre nullités textuelles
et nullités substantielles était significative. Les
premières étaient des nullités automatiques, alors que les
dernières étaient prononcées soit de manière
automatique, quand il y avait violation de formalités d'ordre public,
soit de manière non-automatique, quand il y avait violation de
formalités relative à l'intérêt privé, les
formalités relatives aux droits de la défense étant
traditionnellement considérées comme d'intérêt
prive. Or, après la loi du 24 août, la distinction entre
nullités textuelles et substantielles ne présente plus
d'intérêt. Le critère de la nullité prescrite ou non
prescrite n'a qu'une valeur académique ».
1687 V. C. Ambroise-Casterot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 415, p. 276: « Il existe
plusieurs variétés de nullités qui se classent en
différentes catégories : nullités d'ordre public et
nullités d'ordre privée, typologie qui doit elle-même se
combiner avec la distinction entre nullités textuelles et substantielles
ou virtuelles. ».
1688 V. sur ce point : J. Pradel,
Procédure pénale, 17e éd., Cujas,
2013, n° 781, p. 715 : Les cas de nullités au point de vue
théorique : « Rationnellement, deux systèmes sont
concevables : celui des nullités textuelles en vertu duquel la loi qui
prévoit une formalité indique qu'elle est requise à peine
de nullité ; celui des nullités substantielles (ou virtuelles)
selon lequel la nullité peut être encourue, même si la loi
est muette, à la condition que l'irrégularité soit grave
ou ait nui à la défense. ».
1689 V. J.-P. Brouillaud, « Les
nullités de procédure : des procédures pénales et
civiles comparées », in D., 1996, p. 98, V. spec.
n° 6 : « La procédure pénale met en place une
division différente, en opposant les nullités
1690
. Le
419
termes d'organisation de la nullité de procédure
pénale révèle deux avis opposés premier concerne la
nullité textuelle ou légale, décidant qu'aucune
nullité de sanction n'est décidée sur la violation d'une
règle ou procédure sauf si la loi en fait mention explicite. La
deuxième théorie est celle des nullités dites
substantielles ou encore virtuelles, selon laquelle la nullité doit
être prononcée en cas de violation des règles
procédurales importantes uniquement ou substantielles, ce qui
tolère la violation des règles moins importantes ;
1691
autrement dit, il n'y a pas de nullité dans ce
cas-là. Cet avis s'appuie sur le fait que la nullité
substantielle (ou virtuelle) garantit une concordance entre l'importance de la
règle
1692
procédurale qui a été enfreinte et la
sanction de sa violation. Cette théorie (la nullité substantielle
ou virtuelle) s'articule autour du fait que la nullité doit
résulter uniquement de la violation de la règle
procédurale importante, ce qui signifie la restriction des cas de
nullité au cadre défini par le juge par rapport à la
violation de la règle ou de l'acte procédural substantiel. Il
sied de dire ici que la nullité de la preuve pénale, qui
constitue le rudiment de la procédure pénale, est
influencée par le type de théorie de la nullité
adopté par le législateur. Nous étudions la nullité
textuelle (A), puis la nullité substantielle (B).
A. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la
nullité textuelle.
319. La violation sanctionnée par la nullité
textuelle. M. Henri Angevin considère que « les
nullités textuelles ou formelles sont celles qui sont
expressément prévues par un texte de loi...» 1693 . M.
Sulaiman Abdelmonim définit la nullité textuelle comme suit : il
n'y a pas de nullité sans texte juridique la décidant. C'est au
législateur lui-même et à personne d'autre de
décider de la nullité de l'acte procédural en fonction des
considérations constatées, et des
textuelles et substantielles, que nous pouvons regrouper
sous le terme de nullités d'intérêt privé, aux
nullités d'ordre public ».
1690 V. Sur Nullités textuelles et
nullités substantielles : H. Angevin, La pratique de la chambre
d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 329, p. 142 :
« Dans le domaine des nullités de procédure, on
distingue traditionnellement deux catégories de nullités: les
nullités textuelles et les nullités substantielles
».
1691 V. sur la distinction entre
nullité textuelle et nullités dites substantielles ou encore
virtuelles: J. Danet, « Brèves remarques sur la typologie et la
mise en oeuvre des nullités », in AJ Pénal, 2005,
p. 133 : « La distinction entre des nullités textuelles,
expressément visées par le code de procédure, et d'autres
qui ne le sont pas mais qui existeraient en puissance et sont donc virtuelles,
est née de la nécessité, relevée très
tôt par la jurisprudence, d'élargir le champ des annulations aux
formalités jugées substantielles même si elles n'ont pas
été prescrites par le législateur à peine de
nullité ».
1692 V. en langue arabe : M. Najib Housni,
Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda
Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n°
370, p. 338.
1693 H. Angevin, La pratique de la chambre
d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 329, p.
143.
1694
objectifs visés à travers la procédure . La
nullité textuelle est également appelée la théorie
«
1695
pas de nullité sans texte ». Elle
prévoit que c'est le législateur qui détermine les cas de
nullité de façon explicite et claire sans ambiguïté.
Il n'entre pas dans les prérogatives du juge de décider la
nullité dans les cas autres que ceux décidés par le
législateur en exclusivité, quels que soient les circonstances ou
les faits. Cette théorie est soutenue par certains, car elle est
cohérente par rapport aux principes juridiques. Elle s'articule autour
du principe « pas de nullité sans texte », qui
constitue un exemple semblable de la règle de la légalité
criminelle en
droit pénal « pas de sanction sans loi
»
|
1696
|
. Parmi les caractéristiques de cette théorie, le
fait
|
qu'elle facilite, au préalable, la distinction entre
les procédures correctes et les procédures nulles. De même,
elle empêche les juges de monopoliser le sort de la procédure
illégale et élimine le pouvoir discrétionnaire du juge
dans l'appréciation de la nullité. La chambre criminelle de la
Cour de cassation libanaise a appliqué cette théorie de
nullité textuelle dans l'une de ses décisions anciennes, jugeant
que « parmi les principes établis le fait qu'il n'y a
1697
pas de nullité sans texte ».
L'idée de cette théorie de nullité textuelle consiste
à dire que c'est le législateur qui s'occupe de la
détermination des cas de nullité, et le juge n'a pas le droit de
décider la nullité en dehors de cas qui ont été
définis par le législateur.
320. Caractéristiques de la nullité
textuelle. La nullité textuelle signifie que c'est la loi, seule et
exclusive, qui s'occupe de déterminer les cas de nullité
préalablement, comme la sanction du non-respect des règles
procédurales qu'elle a imposées. Le juge n'a pas le droit de
décider la nullité sauf dans les cas prévus par la loi,
à titre limitatif, car son pouvoir est
restreint par la règle de « pas de
nullité sans texte»
|
1698
|
. Nous pensons que les nullités
|
420
textuelles empêchent toutes les possibilités
d'interprétation et d'appréciation du juge et donc
1694 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : Tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière la
justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la
nouvelle université, Egypte, 2002, pp. 46-47.
1695 V. J.-C. Soyer, Droit pénal
et procédure pénale, 21e éd., L.G.D.J.,
2012, n° 876, p. 386: « Dans certains cas, un texte
prévoit expressément la nullité de tel ou tel acte
irrégulièrement accompli. On parle alors de nullités
textuelles ».
1696 V. en langue arabe : S. Alia et H. Alia,
Théorie générale des procédures pénales
et repères de la nouvelle loi de 2001, Entreprise universitaire des
études, publication et édition, Beyrouth, 2004, p. 120.
1697 Décision de la chambre criminelle
de la Cour de cassation libanaise au Liban, décision n° 481 du
3/12/1964, publiée dans l'encyclopédie Samir Alia des
jurisprudences de cassation n° 304, p. 84.
1698 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : Tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière la
justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la
nouvelle université, Egypte, 1999, p. 43.
tout arbitraire possible de sa part
1699
. L'utilité de l'adoption de la
théorie de la nullité textuelle
est double. D'une part, elle permet d'éviter les
lacunes de l'adoption de la théorie de la nullité substantielle,
qui peut avoir pour effet de sanctionner n'importe quelle violation de forme ou
de procédure. Au contraire, la nullité textuelle les
possibilités de nullité aux cas jugés importants par le
législateur. D'autre part, elle permet d'éviter les lacunes de la
théorie de la nullité substantielle, en ne laissant au juge
aucune liberté d'appréciation, autrement dit, elle assure le
non-abus par les juges de leur pouvoir discrétionnaire, ce qui garantit
le respect du principe de légalité pénale.
321. La nullité textuelle nécessite une
législation rigoureuse. En dépit des avantages
précités, l'on reproche à cette théorie de la
nullité textuelle ce point faible : qu'elle suppose l'existence d'une
loi hautement rigoureuse et claire. La loi doit prendre en compte l'ensemble
des règles procédurales et formelles afin de déterminer
explicitement les règles importantes dont la violation nécessite
la nullité. Cela n'est pas évident, car l'importance de certaines
règles ne peut être perçue qu'à travers
l'application pratique, c'est ce qui ne pourrait être connu par le
législateur que par l'assistance des juristes pratiquant le
métier d'avocat et des juges répressifs ainsi que par des
études doctrinales. Autrement dit, le législateur se doit de
recourir à des personnes d'une haute compétence
spécialisées dans le domaine de la procédure
pénale.
322. Les conséquences de l'adoption de la
théorie de la nullité textuelle. D'abord, il ne suffit pas
d'une violation d'un texte de procédure pénale pour que la
nullité en résulte. Mais il faut que le législateur impose
cette sanction en cas de sa violation. Autrement dit, est interdit tout
jugement de nullité sans texte explicite décidant la
nullité de toute procédure lors du non-respect des règles
y afférentes. Deuxièmement, le juge n'a aucun pouvoir
discrétionnaire à cet égard, donc, il n'a pas à
décider la nullité tant que le législateur ne l'a pas
mentionnée. En d'autres termes, le juge n'est pas habilité
à s'abstenir de décider la nullité alors que le
législateur l'avait décidée
|
1700
|
. Cette théorie se caractérise par l'exactitude
et la détermination :
|
421
car elle ne donne lieu à aucune divergence d'opinions
concernant la justesse ou la nullité de la procédure. Le
législateur a exclu le pouvoir discrétionnaire y afférent.
Cependant, l'on reproche à cette théorie, selon M. Mahmoud Najib
Hosni et la majorité de la doctrine arabe,
1699 V. sur ce point : J. Pradel,
Procédure pénale, 17e éd., Cujas,
2013, n° 781, p. 715 : les nullités textuelles : « Le
premier système présente l'avantage que l'on sait à
l'avance ce que la loi considère comme essentiel, il exclut toute
interprétation du juge et donc tout arbitraire de sa part.
».
1700 V. en langue arabe : M. Najib Housni,
Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda
Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n°
371, p. 388.
l'impossibilité pour le législateur de
délimiter tous les cas qui nécessitent la nullité
1701
. Il serait
422
exagéré de dire qu'il est impossible pour le
législateur de délimiter les cas de nullité exposés
notamment à la lumière de l'existence de plusieurs études
se rapportant aux cas de nullité soulevés dans la doctrine
comparative, que ce soit en langue arabe ou française. Ce qui signifie
qu'il est devenu possible pour le législateur de délimiter tous
les cas de nullité et de déterminer au préalable
explicitement et clairement le sort de la procédure objet de violation
du modèle prévu par la loi que ce soit la nullité ou la
non-nullité sur la base des études juridiques dans ce domaine
dans les universités nationales, arabes et françaises. Cela
garantit le non-abus par le juge de son droit à l'appréciation de
la qualité de la procédure et sa substance met les parties du
procès au courant préalablement du sort de la procédure
qui enfreint le modèle prévu par la loi. Pour conclure, cette
théorie se caractérise par la privation du juge de son pouvoir
discrétionnaire dans le domaine de la nullité, en garantissant
ainsi son non-abus, et comporte une définition claire des cas de
nullité de la procédure, assurant ainsi le respect du principe de
la légalité procédurale.
323. Critique de la théorie de nullité
textuelle. La doctrine reproche à cette théorie de ne pas
toujours assurer la préservation totale des droits de défense. En
effet, elle repose sur la prévision préalable du
législateur des cas de nullité en dépit du fait qu'il est
impossible pour le législateur, malgré tous les efforts
consentis, de délimiter les cas de nullité en une liste
précise et exacte. Ici, nous pouvons constater que cette faille est
citée par la doctrine dans les livres et les ouvrages juridiques
libanais. De même, en France la doctrine utilise toujours le même
argument classique pour dire qu'il n'est pas possible de délimiter tous
les cas de nullités textuelles. Cet avis doit être critiqué
pour la simple raison que lorsque la doctrine disait que le législateur
ne pouvait pas prévoir ou décider au préalable tous les
cas de nullité, ceci était normal à l'époque de
l'apparition et l'émergence de la théorie de nullité.
Mais, après l'écoulement de nombreuses années sur les
études de nullité et d'application juridique, tous ces cas sont
devenus limités aux avis de la doctrine. Il est donc devenu facile
à tout législateur de collecter tous ces cas dans des textes
globaux.
1701 V. en langue arabe : M. Najib Housni,
Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda
Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n°
371, p. 389.
423
B. La position des législateurs libanais et
français vis-à-vis des théories de nullité
textuelle.
. Il
1702
324. Position du droit libanais des théories de
nullité. Le Code de procédure pénale libanais n'a pas
réservé un titre important à la théorie de
nullité des procédures pénales
n'a pas cité la nullité à titre limitatif
pour l'ensemble des instances et tribunaux libanais, même s'il l'a
abordé à travers ses différents textes, incitant ainsi
certains à dire qu'il y a une difficulté réelle
empêchant de savoir la position du législateur libanais
vis-à-vis des théories
1703
exposées à propos du sujet de la nullité
. M. Abdelkader Kahwaji estime que le législateur libanais n'a pas
établi dans le Code de procédure pénale libanais une
théorie générale de nullité. Il n'a pas
mentionné ces cas à titre limitatif, mais s'est contenté
de citer certains cas. Il a prévu que la violation d'une
procédure donnée mène à sa nullité, dans
d'autres cas, cette sanction est exclue malgré la violation de la loi,
et dans plusieurs cas, il n'a pas déterminé sa
position lors de la violation de la loi1704.
Toutefois, le Code de procédure pénale libanais n'a pas
inséré une théorie générale de la
nullité parmi ses articles et s'est contenté de consacrer la
nullité explicite de certaines violations procédurales, ce qui
laisse certains croire que le
. En fait, le Code de
1705
législateur libanais n'a pas adopté une
théorie précise de la nullité
procédure pénale libanais a établi des
textes explicites révélant l'existence de la théorie de la
nullité, même si ces textes sont éparpillés et non
inclus sous un même titre clair sur la nullité,
c'est-à-dire qu'on peut connaître la position du
législateur libanais indirectement, en voyant que sa position est
critiquée et non judicieuse, car il n'a pas déclaré
clairement quelle théorie il adoptait. De même, le Code de
procédure pénale libanais consacre la nullité
substantielle en attribuant au juge le pouvoir de décider la
nullité en cas de violation des procédures pénales
adoptées et jugées substantielles. Nous critiquons le
législateur libanais parce que le législateur doit viser
l'exactitude et la clarté dans l'établissement de la
législation afin de
1702 V. sur la situation de la théorie
des nullités pénales en droit français: P.
Hennion-Jacquet, « La double dénaturation des nullités en
matière pénale », in D., 2004, p. 1265, v. spec.
n° 2 : « Le code de procédure pénale ne contient
aucune théorie approfondie des nullités » ... L'article
802 du CPP français « est confus et mal rédigé
».
1703 V. en langue arabe : S. Alia et H. Alia,
Théorie générale des procédures pénales
et repères de la nouvelle loi de 2001, Entreprise universitaire des
études, publication et édition, Beyrouth, 2004, p. 122.
1704 V. en langue arabe : A. Abdelkader
Kahwaji, Interprétation du code des procédures
pénales. Etude comparative, 1er éd.,
Éditions Manchourat al. Halabi al Qanounya (Éditions Juridiques
Halabi), Beyrouth (Liban), 2002, Vol. 2, p. 434.
1705 V. en langue arabe : S. Alia et H. Alia,
Théorie générale des procédures pénales
et repères de la nouvelle loi de 2001, Entreprise universitaire des
études, publication et édition, Beyrouth, 2004, p. 122.
424
faciliter l'application des lois et de les rendre claires et
non controversées en pratique. En dépit des textes clairs sur la
nullité dans l'étape d'enquête préliminaire et
l'instruction préparatoire et dans la phase de jugement, il
apparaît à la lecture minutieuse des textes de loi que le
législateur libanais n'a pas voulu se contenter dans le domaine de
nullité des textes clairs (qui reflètent les avantages de la
théorie de nullité textuelle), mais qu'il a voulu adopter la
théorie de nullité substantielle individuelle, à travers
des textes clairs qui traitent des violations des règles substantielles
procédurales survenues devant les tribunaux de première instance,
les tribunaux d'appel et les chambres d'accusation. Cela reflète
explicitement la volonté du législateur libanais d'adopter la
théorie de la nullité substantielle individuelle outre
1706
la théorie de la nullité textuelle en principe .
MM. Samir et Hayssam Aliya se basent
17071708
juridiquement sur les articles 230, 296
|
, et l'alinéa 2 de l'article 3061709 du Code
de CPP
|
libanais. Nous soutenons l'avis de MM. Samir et Hayssam Aliya
à ce propos. Ainsi, à travers la collecte des textes
consacrés à la nullité de façon explicite dans le
Code de procédure pénale libanais, et les textes relatifs au
manquement des juges d'instruction et des jugements des règles
substantielles, on peut dire que le Code de procédure pénale
libanais appuie explicitement la théorie globale de la nullité
sur la base de la théorie de la nullité textuelle et
de la théorie de la nullité substantielle 1710 .
Nous avons tendance à nommer cette théorie mixte des
nullités parce qu'elle englobe ces deux théories apparemment
opposées.
325. La nullité textuelle en droit français.
Quelles sont les causes de nullité textuelles en droit
français? L'article 802 du CPP français définit la cause
de nullité textuelle comme suit: «
1706 V. en langue arabe : S. Alia et H. Alia,
Théorie générale des procédures pénales
et repères de la nouvelle loi de 2001, Entreprise universitaire des
études, publication et édition, Beyrouth, 2004, p. 123.
1707 L'article 230 du CPP libanais dispose :
« Lorsque la Cour d'appel annule le jugement attaqué pour
non-respect de la loi ou violation des règles fondamentales de
procédure, elle évoque le fond et statue sur l'affaire
».
1708 L'alinéa D de l'article 296 du
CPP libanais dispose : « Les jugements rendus par les cours
criminelles sont susceptibles de cassation sur la base de l'un des moyens
suivants : omission de la procédure prévue sous sanction de
nullité ou violation des règles fondamentales de conduite des
débats ».
1709 L'alinéa 2 de l'article 306 du
CPP libanais dispose : « Exception faite du cas des décisions
rendues par des formations composées de manière non conforme
à la loi, et des décisions relatives à la
compétence et à l'extinction de l'action publique pour des
raisons de prescription, d'amnistie ou d'exception d'agir en justice pour la
force de l'autorité de la chose jugée, les pourvois formés
contre des décisions définitives de la chambre d'accusation ne
sont recevables qu'à condition qu'il existe une différence entre
la qualification juridique donnée aux faits par le juge d'instruction et
celle donnée par la chambre d'accusation, et qu'ils soient formés
sur la base d'un des moyens suivants : 2. Omission de la procédure
prévue sous sanction de nullité ou violation des règles
fondamentales d'instruction».
1710 V. en langue arabe : S. Alia et H. Alia,
Théorie générale des procédures pénales
et repères de la nouvelle loi de 2001, Entreprise universitaire des
études, publication et édition, Beyrouth, 2004, p. 123.
1711
violation des formes prescrites par la loi à peine de
nullité » . Il faut prendre en compte le
425
rôle important de la présence d'un grief pour
prononcer la nullité en droit français: « que la
nullité soit textuelle ou substantielle, son régime est identique
: elle est subordonnée à la
. La
1712
preuve d'un grief, sauf si les juges estiment que la
règle violée est d'ordre public »
notion de grief en matière de nullité n'est pas
claire et certains points d'obscurité existent: « il est
difficile de donner à la notion de grief un contenu tangible et elle se
confond souvent avec
la gravité de l'irrégularité en cause
»
1713
. La nullité textuelle est expressément
prévue par un texte, principalement par le Code de procédure
pénale. En droit français 1714 , il y a très peu de
nullités textuelles dans le Code de procédure
pénale 1715 . Il s'agit de dispositions techniques dont certaines sont
inspirées par le respect de la liberté individuelle ou encore de
l'intimité de
la vie privée 1716 . L'article 76 du CPP
français constitue la pierre angulaire des cas de nullités
textuelles 1717 : « l'article 76 du Code de procédure
pénale, complété par un alinéa
prévoyant
1711 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 82,
p. 62.
1712 M. Guerrin, « Nullités de
procédure », in Rép. pén. Dalloz, octobre
2005, n° 30, p. 6. 1713 M. Guerrin, «
Nullités de procédure », in Rép. pén.
Dalloz, octobre 2005, n° 16, p. 4.
1714 V. sur les nullités en droit
pénal français: F. Fourment, Procédure pénale,
14e édition, Larcier, 2013, n° 80, p. 61 :
« Le Code de procédure pénale ne réserve que
quelques dispositions aux nullités de procédure: essentiellement
les articles 802 et 170 et suivants. Alors que l'article 802 est
général à la théorie des nullités, les
articles 170 et suivants sont particuliers aux nullités soulevées
au cours de l'instruction ».
1715 V. sur les nullités textuelles en
droit français: H. Matsopoulou, Les enquêtes de police,
Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 1213, p. 582 :
« Les nullités textuelles, rares dans notre matière
comme dans l'ensemble de la procédure pénale ... » ; H.
Angevin, La pratique de la chambre d'instruction, 2e
éd., LexisNexis, 2004, n° 330, p. 143: « Il ne reste donc
de nullités textuelles que celles qui sont expressément
édictées par quelques articles disséminés dans le
Code de procédure pénale : articles 59, étendant la
nullité aux articles 56, 56-1, 57, 95 et 96, 706-24, 706-24-1, 706-28 et
706-35 en matière de perquisitions et de saisies, 78-3, dernier
alinéa, en matière de rétention en vue de
vérification d'identité, 100-7, en matière d'interceptions
téléphoniques. Il faut y ajouter, depuis l'entrée en
vigueur de la loi du 15 juin 2000, l'article 80-1 tendant à restreindre
les mises en examen. La loi du 9 mars 2004 y a aussi ajouté les articles
706-81 et 706-83 en matière d'infiltrations et 706-92 et 706-93 en
matière de perquisitions ».
1716 E. Verges, Les principes directeurs
du procès judiciaire. Etude d'une catégorie juridique,
Thèse de droit, Université D'Aix-Marseille, 2000, n° 403, p.
394.
1717 L'article 76 du CPP français
dispose: « Les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de
pièces à conviction ou de biens dont la confiscation est
prévue à l'article 131-21 du Code pénal ne peuvent
être effectuées sans l'assentiment exprès de la personne
chez laquelle l'opération a lieu. Cet assentiment doit faire l'objet
d'une déclaration écrite de la main de l'intéressé
ou, si celui-ci ne sait écrire, il en est fait mention au procès
verbal ainsi que de son assentiment. Les dispositions prévues par les
articles 56 et 59 (premier alinéa) du présent Code sont
applicables. Si les nécessités de l'enquête relative
à un crime ou à un délit puni d'une peine d'emprisonnement
d'une durée égale ou supérieure à cinq ans
l'exigent ou si la recherche de biens dont la confiscation est prévue
à l' article 131-21 du Code pénal le justifie, le juge des
libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut,
à la requête du procureur de la République, décider,
par une décision écrite et motivée, que les
opérations prévues au présent article seront
effectuées sans l'assentiment de la personne chez qui elles ont lieu. A
peine de nullité, la décision du juge des libertés et de
la détention précise la qualification de l'infraction dont la
preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels ces
opérations peuvent être effectuées ; cette décision
est motivée par référence aux éléments de
fait et de droit justifiant que ces opérations
dans certains cas, en enquête préliminaire,
la possibilité de procéder à une perquisition sans
l'assentiment de l'intéressé, mais avec l'autorisation du juge
des libertés et de la détention, crée deux nullités
textuelles : la première sanctionne expressément le défaut
de motivation de la décision du magistrat, la seconde les
détournements de procédure si c'est, en réalité,
une autre infraction que celle mentionnée dans la décision du
juge que les enquêteurs avaient
pour objectif de constater »
|
1718
|
. Il existe encore d'autres cas de nullité
textuelle qui ont été
|
426
introduits par le législateur français en 2004
qui a institué de nouvelles nullités textuelles, pour la plupart
applicables à la criminalité organisée. En matière
d'infiltration, les articles
706-81 du CPP français
|
17191720 1721
, 706-83et 706-92
|
1722
et 706-93
|
du CPP français imposent la
|
sanction de la nullité en cas de détournement de
procédure. L'article 706-95 prévoit que la nullité
textuelle de l'article 100-7 est étendue aux écoutes
téléphoniques, désormais exceptionnellement
autorisées au stade de l'enquête. L'article 495-14 du CPP
français prescrit à peine de nullité la rédaction
d'un procès-verbal en matière de comparution sur
reconnaissance préalable de culpabilité 1723 .
Dans les nullités textuelles, comme le souligne M.
sont nécessaires. Les opérations sont
effectuées sous le contrôle du magistrat qui les a
autorisées, et qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au
respect des dispositions légales. Ces opérations ne peuvent,
à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la
constatation des infractions visées dans la décision du juge des
libertés et de la détention ou la saisie des biens dont la
confiscation est prévue à l'article 131-21 du Code pénal.
Toutefois, le fait que ces opérations révèlent des
infractions autres que celles visées dans la décision ne
constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes
».
1718 M. Guerrin, « Nullités de
procédure », in Rép. pén. Dalloz, octobre
2005, n° 29, p. 6.
1719 L'article 707-81 du CPP français
dispose : « L'infiltration consiste, pour un officier ou un agent de
police judiciaire spécialement habilité dans des conditions
fixées par décret et agissant sous la responsabilité d'un
officier de police judiciaire chargé de coordonner l'opération,
à surveiller des personnes suspectées de commettre un crime ou un
délit en se faisant passer, auprès de ces personnes, comme un de
leurs coauteurs, complices ou receleurs. L'officier ou l'agent de police
judiciaire est à cette fin autorisé à faire usage d'une
identité d'emprunt et à commettre si nécessaire les actes
mentionnés à l'article 706-82. A peine de nullité, ces
actes ne peuvent constituer une incitation à commettre des infractions
».
1720 L'article 706-83 du CPP français
dispose: « A peine de nullité, l'autorisation donnée en
application de l'article 706-81 est délivrée par écrit et
doit être spécialement motivée ».
1721 L'article 706-92 du CPP français
dispose: «A peine de nullité, les autorisations prévues
par les articles 706-89 à 706-91 sont données pour des
perquisitions déterminées et font l'objet d'une ordonnance
écrite, précisant la qualification de l'infraction dont la preuve
est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels les visites,
perquisitions et saisies peuvent être faites ; cette ordonnance, qui
n'est pas susceptible d'appel, est motivée par référence
aux éléments de fait et de droit justifiant que ces
opérations sont nécessaires. Les opérations sont faites
sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, et qui peut se
déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions
légales ».
1722 L'article 706-93 du CPP français
dispose: «Les opérations prévues aux articles 706-89
à 706-91 ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre
objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans la
décision du juge des libertés et de la détention ou du
juge d'instruction. Le fait que ces opérations révèlent
des infractions autres que celles visées dans la décision du juge
des libertés et de la détention ou du juge d'instruction ne
constitue pas une cause de nullité des procédures incidents
».
1723 L'article 495-14 du CPP français
dispose : « A peine de nullité de la procédure, il est
dressé procès-verbal des formalités accomplies en
application des articles 495-8 à 495-13. Lorsque la personne n'a pas
accepté la ou
Henri Angevin « il ne faudrait toutefois pas croire que
la méconnaissance de l'une des
1724
dispositions précitées oblige le juge à
prononcer la nullité de l'acte qui en est entaché »
.
427
C. L'exclusion de la preuve sanctionnée par la
nullité substantielle.
326. La nullité substantielle, une théorie
instituée par la doctrine et la jurisprudence française.
Selon M. Henri Angevin « ni la loi ni la jurisprudence ne donnent
de définition des nullités substantielles. On s'accorde
généralement à considérer comme telles, ce qui est
bien vague, celles qui, bien que non expressément édictées
par un texte (c'est pourquoi on les
.
1725
qualifie aussi de virtuelles), sanctionnent l'inobservation
d'une formalité substantielle »
La délimitation des cas de nullité par le
législateur a eu pour effet d'empêcher de prononcer la
nullité de certaines irrégularités de procédures au
cours de l'enquête qui auraient mérité
l'annulation, mais qui ne faisaient pas partie des cas
prévus par la loi. 1726 . C'est cela qui a incité la doctrine et
la jurisprudence française à chercher un moyen de couvrir
l'ensemble des cas de nullité qui pourraient toucher les
procédures pénales. C'est ce qui a donné lieu à
l'apparition de la théorie de nullité substantielle. La
nullité substantielle est une nullité adoptée par la
jurisprudence en tant que sanction résultant des violations dangereuses
des procédures, en dépit du fait que la loi ne l'a pas
mentionnée explicitement. Les atteintes aux règles
procédurales résultent soit de la négligence ou de la
violation des formes essentielles et substantielles, soit de l'exercice des
droits de l'action publique, ou de l'exercice des droits de défense.
Contrairement à la nullité textuelle, la nullité
substantielle se caractérise par l'attribution du pouvoir
discrétionnaire au juge dans la décision de la nullité, de
statuer, même si la loi ne la mentionne pas explicitement, en cas de
violation d'une règle ou substantielle
1727.
dans les procédures
les peines proposées ou lorsque le président
du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui
n'a pas homologué la proposition du procureur de la République,
le procès-verbal ne peut être transmis à la juridiction
d'instruction ou de jugement, et ni le ministère public ni les parties
ne peuvent faire état devant cette juridiction des déclarations
faites ou des documents remis au cours de la procédure ».
1724 H. Angevin, La pratique de la
chambre d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n°
330, p. 143. 1725 H. Angevin, La pratique de la chambre
d'instruction, 2e éd., LexisNexis, 2004, n° 329, p.
143.
1726 V. sur les nullités
substantielles : J. Pradel, Procédure pénale,
17e éd., Cujas, 2013, n° 781, p. 715 : «
Mais le second a pour lui l'avantage à la fois de pallier les lacunes
éventuelles d'une liste légale des nullités indispensables
et surtout d'apporter une grande souplesse en une matière où,
très souvent, il n'y aurait que des inconvénients à
annuler des actes porteurs d'irrégularités n'ayant fait grief
à personne. ».
1727 V. J.-C. Soyer, Droit pénal
et procédure pénale, 21e éd., L.G.D.J.,
2012, n° 876, p. 386 : « Dans d'autres cas, le texte ne
prévoit pas de nullité, mais les exigences qu'il énonce
paraissent essentielles, c'est-à-dire d'une importance telle que leur
irrespect n'est pas acceptable. On parle alors de nullités virtuelles,
ou plus
327. Théorie de la nullité substantielle.
Conformément à cette théorie, M. Raouf Obayd affirme
que la décision de nullité d'une procédure donnée
ne dépend pas forcément d'un texte de loi qui décide sa
nullité, mais que le juge a le pouvoir discrétionnaire de
décider la nullité de la procédure défaillante ou
illégale si elle porte sur le non-respect ou l'inobservance de
règles substantielles, plus particulièrement sur tout ce qui
concerne l'atteinte à la liberté individuelle et la violation des
droits de défense. Elle est également dite la nullité
essentielle
ou individuelle par la doctrine arabe
|
1728
|
. En outre, elle est appelée par M. Sulaiman
|
428
Abdelmoniim la nullité menaçante, car elle
constitue un outil de menace utilisé par le juge en vue de respecter les
formalités prévues et les règles des procédures. La
nullité, au sens de cette théorie de nullité, est
sélective: les règles procédurales n'ont pas toutes le
même degré d'importance. Elle distingue plutôt d'une part,
entre ce qui est substantiel et nécessite que la jurisprudence statue
par la nullité, et d'autre part, entre ce qui n'est pas substantiel et
dont la jurisprudence s'abstient alors de statuer la nullité 1729 .
Cette théorie de nullité substantielle s'articule autour du fait
qu'il n'est pas toujours indispensable ou nécessaire, pour
décider la nullité, que le texte la cite explicitement. Donc, les
juges peuvent décider la nullité lors d'une violation ou de
l'inobservation des règles procédurales substantielles outre les
cas stipulés explicitement par le législateur. Ce principe vise
à la reconnaissance au juge, par le législateur, du pouvoir
discrétionnaire dans la détermination des règles dont la
violation nécessite la nullité, et sa distinction des autres
règles dont la violation ne nécessite pas la nullité. Le
législateur établit une norme abstraite sur laquelle le juge peut
se baser dans cette distinction. Cependant, l'application de cette norme exige
un critère permettant au juge de détecter soigneusement la
règle substantielle, et sur la base duquel il peut distinguer entre la
règle substantielle et la règle non substantielle. Un tel
critère doit être objectif vu la
1730
divergence des avis de la doctrine et les solutions juridiques
. La théorie de la nullité substantielle se caractérise
par la flexibilité et la mesure de la sanction sur la base de
l'importance de la règle et l'ampleur de la violation et la
reconnaissance du pouvoir
évocatoirement de nullités substantielles.
Leur existence est consacrée par un texte général (art.
171 CPP). Les causes de nullité sont donc nombreuses. Néanmoins,
la nullité ne s'ensuit qu'assez rarement. Cela tient à sa mise en
oeuvre. ».
1728 V. en langue arabe : R. Obayd,
Problèmes scientifiques importants dans les procédures
pénales, Dar Al-Fikir Al-Arabi (Maison de la pensée arabe),
le Caire (Egypte), 1973, p. 365.
1729 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière de
la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la
nouvelle université, Egypte, 2002, p. 49.
1730 V. en langue arabe : M. Najib Housni,
Explication du Code de procédure pénale, Dar Al-Nahda
Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Égypte), 1988,
n° 372, p. 339.
discrétionnaire, ce qui constitue une preuve de
confiance en la jurisprudence. Quant à la faille de cette
théorie, il s'agit de la difficulté de distinction entre les
règles substantielles et les
1731
règles non substantielles
. Dans la doctrine française, M. Édouard Verny
souligne que « la
reconnaissance des cas de nullité conduit à
distinguer les nullités textuelles d'une part qui sont par
définition prévues expressément par la loi et les
nullités substantielles d'autre part
1732
. M.
dont le principe est consacré par la loi et qui
sont dégagées par la jurisprudence »
Édouard Verny constate que parmi les
caractéristiques de la théorie de nullités substantielles
se trouve « la possibilité offerte au juge de sanctionner des
irrégularités graves par une nullité qui n'est pourtant
pas en l'occurrence expressément prévue par la loi apporte en
la
matière une certaine souplesse »
|
1733
|
. À son tour, M. Étienne Vergès trouve
que
|
traditionnellement on a recours à la distinction entre
nullités textuelles et substantielles « on distingue
traditionnellement les nullités textuelles, qui sont prévus par
un texte spécial, et les nullités substantielles, qui ne sont pas
prévues par un texte, mais sanctionnent la violation
1734
.
d'une formalité substantielle de la
procédure »
328. Causes de nullité substantielles ou virtuelles
en droit français. M. Édouard Verny souligne que «
les nullités substantielles, dites aussi virtuelles, sont
annoncées par l'article
171 du Code de procédure pénale
...»
|
1735
|
. Pour savoir ce qu'est une nullité substantielle ou
|
429
virtuelle, il faut faire application à la fois de
l'article 802 du Code de procédure pénale, qui décrit
cette nullité comme l'inobservation des formalités
substantielles, et de l'article 171 du même Code, qui précise que
lesdites formalités doivent être « prévues par une
disposition du présent Code ou toute autre disposition de
procédure pénale ». On ne retrouve nulle part dans le
Code de procédure pénale d'exemple formel de nullités
substantielles, comme c'est le cas pour les nullités textuelles 1736 .
On doit donc examiner les formalités, qu'elles soient prévues par
le Code de procédure pénale ou par toute autre disposition de
procédure pénale, et tenter
1731 V. en langue arabe : M. Najib Housni,
Explication du Code de procédure pénale, Dar Al-Nahda
Al-Arabia (Maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, n°
372, p.339.
1732 É. Verny, Procédure
pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 380, p.
216. 1733 É. Verny, Procédure pénale,
3e éd., Dalloz, 2012, n° 382, pp. 216-217.
1734 É. Vergès, Procédure
pénale, 2e éd., Litec, 2007, n° 401, p. 253.
1735 É. Verny, Procédure pénale,
3e éd., Dalloz, 2012, n° 382, p. 216.
1736 V. M. Guerrin, « Les principales
causes de nullité de l'audience pénale », in AJ
Pénal, 2008, p. 181 : « la règle violée
à l'audience est généralement qualifiée par la Cour
de cassation de substantielle - ou d'ordre public - sans qu'il soit besoin de
démontrer un grief subi par les parties » et « c'est le juge
qui analyse la règle violée et décide, selon l'atteinte
portée d'une part, selon le caractère substantiel ou non de la
règle d'autre part, s'il faut annuler ou valider la procédure
».
de rechercher leur caractère substantiel ou fondamental
1737
. M. Édouard Verny résume les
conditions requises en droit français pour
entraîner la nullité « pour qu'une
irrégularité entraîne la nullité de l'acte, il faut
d'une part qu'elle corresponde à une hypothèse de nullité
et d'autre part qu'elle fasse grief à celui qui l'invoque ou encore
qu'elle relève de l'ordre
1738
public ».
329. Position du législateur libanais
vis-à-vis des théories de nullité substantielle. Bien
que le législateur libanais ait prévu la sanction de
nullité en cas de transgression de certaines règles
procédurales et ait exclu la nullité pour les autres cas, il ne
s'est pas prononcé sur sa position dans certains autres cas, dont la
formule utilisée comporte l'importance d'accomplir la procédure
requise, ou l'abstention d'accomplir une certaine procédure, ou la
détermination d'un délai minimal ou maximal pour accomplir la
procédure. Il faut s'interroger sur l'impact de ce fait sur la
procédure, par rapport à sa nullité. Parmi les expressions
révélatrices de ce fait, on peut remarquer que le
législateur libanais utilise les termes « il faut »
mentionné dans les articles 42, 27, 35 et 107 alinéa 2,131
et 194 du CPP libanais. Le législateur libanais utilise le terme
« doit » qui porte en principe le sens de « la
personne doit » dans les articles 8, 16,
28, 31, 32, 36 et 37 du CPP libanais
|
1739
|
. Parmi les exemples révélateurs de l'abstention
d'un
|
acte, les termes « ne s'applique pas » dans
l'article 20, les termes « n'est pas accepté » dans
l'article 27, les termes « il n'a pas le droit » dans les
articles 34 alinéa 4 et 44 alinéa 2 et 50 alinéa 2 et 100
et 305, et les termes « il n'est pas permis » dans les
articles 33 alinéa 5 et 52 et 84 alinéa 2 et 102 alinéa 3,
108 et 152 dernier alinéa et 213, 219, 243 E alinéa 3 du CPP
libanais. Parmi les exemples des délais minimum et maximum dont la
sanction due à son inobservation, on cite les articles 32 alinéa
2, 42 et 47 alinéa 3 clause 4, 69 et 78, alinéa 2, 82,
alinéa 2, 83, 86 alinéa 3, 107, 108, 121 alinéa 1, 136,
149, 152 alinéa 2, 156 alinéa 2, 157,
244, 272 alinéa 2 du CPP libanais
|
1740
|
. M. Samir Aliya estime qu'en dépit du silence du
|
430
législateur libanais quant à la nullité
ou la non nullité comme sanction procédurale dans les cas
cités et qui n'ont fait l'objet d'aucune mention dans le Code de
procédure pénale libanais,
1737 F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 83,
p. 62 : « Contrairement à ce qui est le cas pour les
nullités textuelles, aucune disposition du Code de procédure
pénale ne donne donc d'exemple formel de ces nullités
substantielles. Pour les formalités prévues au Code de
procédure pénale, il faut donc s'interroger,
matériellement, sur leur caractère substantiel,
c'est-à-dire fondamental. ».
1738 É. Verny, Procédure
pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 379, p.
216.
1739 S. Alye et H. Alye, La
théorie générale de la procédure pénale et
les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, Entreprise
Universitaire d'Études et de Publication (MAJD), Beyrouth, 2004, p.
128.
1740 S. Alye et H. Alye, La
théorie générale de la procédure pénale et
les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, Entreprise
Universitaire d'Études et de Publication (MAJD), Beyrouth, 2004, p.
129.
431
le législateur libanais a laissé, quand
même, à la doctrine et à la jurisprudence la
détermination du degré de violation de la règle
substantielle qui peut entraîner la nullité, ou au contraire
d'estimer qu'il s'agit d'une règle d'orientation ou directive qui n'est
pas sanctionnée par la nullité. M. Samir Alya s'appuie dans son
avis sur le fait que le législateur libanais a adopté la
théorie de la nullité globale de la théorie de
nullité textuelle avec la nullité substantielle. Lorsque la loi
prévoit clairement la nullité, elle doit être
appliquée, mais en cas de silence quant à la sanction, il faut
s'en remettre à l'appréciation de la doctrine et la jurisprudence
pour
1741
.
savoir si la règle procédurale qui a
été enfreinte, était de nature substantielle ou
directive
La chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a
statué que dès que la règle procédurale est
substantielle, sa violation conduit à sa nullité, même si
le texte du Code de procédure pénale ne le précise pas,
puisque le critère consiste en la nature de la procédure et
1742
son rapport aux règles substantielles . Comment
déterminer si la règle est substantielle ? Selon Mme Fawzi
Abdel-Sattar, la règle procédurale est substantielle si son but
consiste à atteindre un intérêt général ou
l'intérêt de l'une des parties dans le procès pénal,
ou si elle se rapporte aux droits de défense et aux libertés des
individus. Au contraire, la règle n'est pas considérée
comme substantielle si son but consiste à orienter ou guider les
instances chargées de l'investigation, la poursuite, l'enquête et
le procès vu la nécessité d'organiser le
1743
.
fonctionnement de la justice procédurale
330. Les critères de nullité substantielle.
La problématique posée ici est : quelles sont les
dispositions substantielles dont la violation exige la nullité ? La
réponse n'est pas du tout simple, mais plutôt très
délicate. Effectivement, il existe de nombreuses normes
préconisées par la doctrine pénale, mais elles ne sont pas
toutes rigoureuses. Pour décider la nullité, on a besoin d'une
norme rigoureuse afin d'ancrer les droits et les garanties substantielles et
sans donner au juge un trop grand pouvoir. En somme, il n'existe pas de norme,
ni critère rigoureux pour déterminer les critères de
nullité substantielle. Cependant, la doctrine a tenté
d'établir des normes ou critères pour déterminer des
procédures substantielles. Mais quel est le critère permettant de
distinguer la règle substantielle de la règle non substantielle ?
Autrement dit, quel est le critère de distinction entre les
procédures substantielles, dont la violation conduit à la
décision de sa nullité et les procédures non
substantielles, dont la
1741 S. Alye et H. Alye, La
théorie générale de la procédure pénale et
les caractéristiques de la nouvelle loi 2001, Entreprise
Universitaire d'Études et de Publication (MAJD), Beyrouth, 2004, p.
129.
1742 Cassation pénale libanaise
n° 48, datée du 9/03/1953, et l'ordonnance n° 52 du 12/03/1953
et l'ordonnance n°135 du 11/05/1953, encyclopédie de Samir
Aliya/jurisprudence de la Cour de cassation, n° 306, p. 85.
1743 F. Abdel-Sattar,
Interprétation du Code de procédure pénale
libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (maison de la renaissance arabe),
Beyrouth, 1975, n° 35, p. 34.
432
violation n'a aucun effet ? La doctrine a établi trois
normes ou critères de distinction entre les règles substantielles
et non substantielles.
331. Premièrement : la norme du but
derrière l'acte procédural. Il s'agit là du fait que
si le but derrière l'acte n'est pas atteint, cet acte est alors nul et
n'a pas d'effet juridique. Et si le but de l'acte est atteint, il sera alors
juste et produira des effets juridiques. En d'autres termes, la nullité
affecte toute procédure dont le but n'a pas été atteint.
Or, il n'y a pas de nullité en cas de procédures qui ne visent
pas à atteindre un objectif, telles que les procédures
organisationnelles ou ordinatrices qui visent à servir d'autres
procédures plus importantes et suprêmes.
332. Deuxièmement : la norme
d'intérêt général. La règle
procédurale, selon cette norme, est substantielle si elle se rapporte
à l'intérêt général, ou si elle assure le bon
fonctionnement du système juridique. Les règles
procédurales relatives à l'intérêt
général ou d'ordre public sont: 1-Les règles qui assurent
les garanties de liberté individuelle de l'accusé se basant sur
le principe selon lequel l'accusé est présumé innocent, le
principe de la présomption d'innocence. 2-Les règles relatives
à la supervision de l'autorité judiciaire sur les
procédures pénales visant au respect de la liberté
individuelle de l'accusé, parce que ces règles revêtent la
qualité d'autorité judiciaire sur le système
procédural.
333. Troisièmement : la norme des droits de
défense. Toute violation d'une règle
1744
procédurale qui protège les droits de
défense doit être sanctionnée par la nullité. Donc,
la nullité est imposée à toute procédure qui porte
atteinte à l'un des droits de défense ou constitue un
affaiblissement des droits de la défense. En général, les
normes précédentes sont intégrées à
l'ensemble quant à la décision de la nullité d'un acte
procédural parce qu'il n'est pas possible d'adopter une norme parmi
celles-ci et la considérer seule suffisante pour ancrer la
théorie la nullité. Il convient de signaler que ces normes
interfèrent entre elles, c'est-à-dire que la règle
procédurale peut exprimer dans ses dispositions ces trois normes
à la foi. D'autre part, ces normes ne semblent pas rigoureuses et
absolues, car il n'y a pas de détermination législative y
afférente, la doctrine et la jurisprudence ne sont pas parvenues
à lui trouver une
1744 V. sur ce point : J. Pradel,
Procédure pénale, 17e éd., Cujas,
2013, n° 782, p. 716 : « Sur la base de l'ancienne jurisprudence
et de ces textes, on distingue aujourd'hui deux sortes de nullités
substantielles : 1° celles qui tiennent à la méconnaissance
des principes touchant à l'ordre public et qui doivent être
relevées même s'il n'y a pas atteinte aux droits de la
défense ; 2° celles qui portent atteinte aux droits de la
défense. Le nouvel article 171 ne paraît rien changer sur ce plan.
».
433
définition ou détermination globale exhaustive
par rapport à l'ordre public ou aux droits de défense.
334. Les avantages de la théorie de la
nullité substantielle. Cette théorie se caractérise
par sa flexibilité, en ne déterminant pas les causes de
nullité à l'avance. C'est au juge d'évaluer le rapport
entre l'ampleur de la violation et l'intérêt général
au lieu qu'il soit mesuré en fonction de textes figés qui ne
permettraient peut-être pas l'annulation de certaines procédures
pourtant entachées de faille grave, mais qui ne sont pas
mentionnées dans la loi1745 . Elle assure donc la protection
suffisante des règles procédurales en laissant à la
jurisprudence la liberté d'apprécier l'opportunité de la
nullité. Elle a également pour effet d'empêcher que des
coupables échappent à la sanction uniquement parce que la
violation de la procédure ne concernerait pas une règle de
procédure substantielle et ne puisse par conséquent pas
être
1746
sanctionnée par une annulation.
335. Les inconvénients de la théorie de
nullité substantielle. En général, les dangers de
cette théorie consistent en sa flexibilité excessive, car il
n'est pas souhaitable de laisser la décision du sort d'un acte
procédural dont pourrait dépendre le résultat du
procès à l'appréciation absolue du juge et à sa
volonté seule sans aucun critère stable et objectif. Le fait de
laisser la détermination des cas de nullité au juge amène
la situation à l'incertitude, par conséquent, sa violation
à la garantie substantielle dans l'une des actions devient relative, et
dans d'autres cas, devient sans effet. Si la sanction procédurale est
incertaine, cela porte atteinte au principe de légalité qui
impose la certitude. Cela porte également atteinte au principe
d'égalité entre les parties dans le procès, puisque la
nullité peut profiter à certains et pas à d'autres dans
des conditions de fait semblables, ce qui fait reposer une lourde
. De
1747
responsabilité sur les épaules de la Cour de
cassation pour contrôler les cas de nullités
même, en droit français, cette théorie
présente les mêmes inconvénients parce que «
les
1745 V. en langue arabe : A. Fathi Srour,
Le code pénal constitutionnel, la légalité
constitutionnelle dans le code pénal, la légalité
constitutionnelle dans le code de procédure pénale,
2e éd., Maison Chorouk, le Caire (Egypte), 2002, p.
536.
1746 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière de
la justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, Maison de la
nouvelle université, Egypte, 2002, p. 49.
1747 V. en langue arabe : A. Fathi Srour,
Le code pénal constitutionnel, la légalité
constitutionnelle dans le code pénal, la légalité
constitutionnelle dans le code de procédure pénale,
2e éd., Maison Chorouk, le Caire (Egypte), 2002, p.
536.
nullités substantielles ne sont pas définies
par le Code ou par la jurisprudence. C'est donc la
1748.
Cour de cassation qui les relève au fil des
arrêts »
§ 2. Les règles variables de l'exclusion de
la preuve illégale en fonction de la détermination de la nature
de nullité.
336. Les types de nullité. Des divisions
multiples ont été données à la nullité, mais
celle-là plus importante selon la jurisprudence et la doctrine reste la
répartition de la nullité entre une nullité absolue ou
liée à l'ordre public, et une nullité relative ou
liée aux intérêts des
parties 1749 . D'ailleurs, la question de la distinction entre
les deux types de nullité reste d'une grande importance, en raison de la
modification des dispositions et des effets de chaque type
de nullité conformément au changement de la
description qui lui est attribuée
|
1750
|
. Cette
|
434
division a une importance essentielle dans le domaine pratique
en raison de ses conséquences dans le procès pénal en
termes de résultats et d'effets.
|