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La légalite des moyens de preuve dans le procès pénal en droit français et libanais


par Ali Ataya
Ecole doctorale 88 Pierre Couvrat (Poitiers) - Droit et Sciences Politique, Université du Maine - Thèse de doctorat en Droit privé 2013
  

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A. Principe d'origine constitutionnelle.

305. Principe intégré à la Constitution de la Vème République française de 1958. On peut remarquer que le principe de la légalité criminelle a été intégré à la Constitution du 4 octobre 1958 en vigueur qui est le texte fondateur de la Ve République française. L'art. 34 de la

Constitution française de 4 octobre 19581641 dispose : « la loi fixe les règles concernant : la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure

1638 V. sur La notion de principes supra-constitutionnels : M. Troper, « La notion de principes supra-constitutionnels », in R.I.D.C., Journées de la Société de législation comparée, 1993, vol. 15, n° spécial, pp. 337 - 355.

1639 L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, 2e éd., Ancienne libraire Fontemoing et Cie Editeurs, E. de Boccard, Paris, 1923, t. 2 La théorie générale de l'État, pp. 200-201.

1640 L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, Ancienne libraire Fontemoing et Cie Editeurs, E. de Boccard, Paris, 1923, t. 3 La théorie générale de l'État, p. 686.

1641 V. sur ce point: Ch. Claverie-Rousset, « La légalité criminelle », in Droit pénal, n° 9, Septembre 2011, étude 16, spec. n° 6 : « L'article 34 de la Constitution prévoit que la loi fixe les règles concernant la détermination des crimes et des délits ainsi que des peines qui leur sont applicables, et les règles concernant la procédure pénale... ».

pénale ; l'amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des

1642

magistrats »

. M. Raymond Gassin affirme que la prise de conscience en droit français de

l'existence d'un principe de légalité procédurale en matière pénale n'a véritablement commencé à se manifester qu'avec la Constitution de 1958, précisément sur la base de

l'article 34 de la Constitution

1643

. De même comme en droit libanais, l'article 34 de la

Constitution française a également affirmé la valeur constitutionnelle du principe de légalité

criminelle. Le principe de légalité criminelle figure à l'art. 8 de la DDHC

1644

, qui énonce que

404

« la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Le principe a été internationalisé (cf. l'art. 7 de la Convention européenne, la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques). Il a été répété aux articles 111-2 et 111-3 du Code pénal

français 1645 . Il demeure essentiel de trancher la question de la valeur juridique accordée au Préambule de la Constitution de 1958 en vigueur. Il est nécessaire de préciser la valeur

1646

juridique de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, d'autant plus que la reconnaissance de la valeur constitutionnelle du Préambule de la Constitution signifie que la légalité criminelle constitue un principe de valeur constitutionnelle, ce qui implique que le principe de la légalité de preuve est un principe à valeur constitutionnelle dans le système pénal français : « le principe de légalité des délits et des peines a donc valeur constitutionnelle

1647

et

en droit français. Il s'impose au législateur comme au juge. Dans ses décisions de 1973

1648

1982

, le Conseil constitutionnel estime en effet que le législateur est tenu de respecter les

éléments du bloc de constitutionnalité, parmi lesquels figure la Déclaration des droits de

1642 V. B. De Lamy, « Le principe de la légalité criminelle dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », in Cahiers du Conseil constitutionnel, Août 2009, n° 26.

1643 R. Gassin, « Le principe de la légalité et la procédure pénale », in R.P.D.P., avril-juin 2001, numéro spécial, pp. 300-334, V. spec. p. 301.

1644 La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

1645 V. en même sens : W. Benessiano, Légalité pénale et droits fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n° 22, p. 30 : « Les fondements législatifs. Il est réaffirmé par le Code pénal dans son article 111-2, ... ».

1646 V. en ce sens : W. Benessiano, Légalité pénale et droits fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n° 23, p. 30 : Principe de légalité : « Les fondements constitutionnels. Il est inscrit à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui est, cela va sans dire, l'un des éléments du boc de constitutionnalité ».

1647 V. Décision n° 73-51 DC du 27 décembre 1973 (Loi de finances). 1648.V. Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982 (Loi de nationalisation).

l'homme et du citoyen »

1649

. Ce qui précède est confirmé encore par le Conseil constitutionnel

dans la décision Sécurité et Liberté des 19 et 20 janvier 1981 où il rappelle qu' « aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée

1650

» .

B. Valeur constitutionnelle du Préambule de la Constitution française.

306. Principes fondamentaux. En France, les principes fondamentaux 1651 sont des principes dégagés, par le Conseil constitutionnel, du Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et particulièrement de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Il s'agit notamment des principes de la légalité des délits et des peines, de la liberté individuelle, de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère et de la rétroactivité de la loi nouvelle plus douce, de la nécessité de la proportionnalité des peines, de la responsabilité personnelle ainsi que la personnalité des peines. En procédure pénale, les principes des droits de la défense, de l'inviolabilité du domicile et de la présomption d'innocence sont des principes

fondamentaux

1652

, comme l'affirme le Conseil constitutionnel qui en a fait une énumération

quasi exhaustive dans une décision capitale du 22 janvier 1999 relative à la Cour pénale

internationale

1653

. Donc, à l'occasion de la ratification du traité portant statut de la Cour

405

pénale internationale signé à Rome le 18 juillet 1998 qui doit être précédée d'une révision de la Constitution, le Conseil Constitutionnel français a jugé que « considérant que l'article 66 affirme la présomption d'innocence dont bénéficie toute personne jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie devant la Cour ; qu'il incombe au procureur de prouver la culpabilité de l'accusé ; qu'en application de l'article 67, celui-ci bénéficie de la garantie de "ne pas se voir imposer le renversement du fardeau de la preuve ni la charge de la réfutation" ; que sont en

1649 W. Benessiano, Légalité pénale et droits fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n° 23, p. 30.

1650 V. Décision n° 80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981, (Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes) ; V. sur en ce sens: W. Benessiano, Légalité pénale et droits fondamentaux, Thèse de droit, Université Paul Cézanne-Aix-Marseille III, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2011, Préface Guy Canivet, n° 23, p. 31.

1651 V. T. Meindl, La Notion De Droit Fondamental Dans Les Jurisprudences Et Doctrines Constitutionnelles Françaises Et Allemandes, Thèse de droit, L.G.D.J., 2003, Préface de Dominique Rousseau.

1652 A. Beziz-Ayache, Dictionnaire de droit pénal général et procédure pénale, op. cit., p. 144.

1653 J. Pradel, « Les principes constitutionnels du procès pénal », in Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 14 (Dossier : La justice dans la constitution) - mai 2003.

1654

.

406

conséquence respectées les exigences qui découlent de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen »

307. Bloc de constitutionnalité. Selon M. Michel Lascombe l'apparition du contrôle de constitutionnalité a conduit très logiquement à la naissance d'un « bloc de constitutionnalité »

. Le

1655

regroupant l'ensemble des actes par rapport auxquels cette constitutionnalité s'apprécie

Conseil constitutionnel a donc commencé à apprécier la constitutionnalité des lois pénales en se basant sur le contenu du « bloc de constitutionnalité ». Cette expression a été forgée par le

doyen M. Louis Favoreu qui est considéré comme son père putatif1656 . Selon M. Bernard Chantebout, communément regroupées sous le nom de bloc de constitutionnalité, les normes à valeur constitutionnelle par rapport auxquelles le Conseil constitutionnel exerce son contrôle sur les lois et les traités, comportent trois éléments : la Constitution de 1958, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le Préambule de la Constitution de 1946 et la Charte de l'environnement de 2004, auxquels le Préambule de la Constitution de 1958 se réfère et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la république et déclarés tels par

le Conseil constitutionnel.

1657

Ce dernier n'établit pas de hiérarchie entre les principes à valeur

1658

constitutionnelle en fonction de leur origine.

308. Le Conseil constitutionnel garant de la suprématie de bloc de constitutionnalité. La suprématie du bloc de constitutionnalité sur les autres normes est assurée par le contrôle de constitutionnalité de ces dernières. Ce contrôle est exercé par le Conseil constitutionnel, mais

et

1659

uniquement, jusqu'en 2008, à la demande des personnalités habilitées à le saisir

seulement à condition qu'elles agissent dans le bref délai qui sépare le vote définitif de la loi de sa promulgation par le chef d'État. Depuis la révision de la Constitution française de juillet 2008 et l'instauration de la question prioritaire de constitutionnalité, la saisine du Conseil constitutionnel est également ouverte aux justiciables qui, par voie d'exception, invoquent l'inconstitutionnalité d'une loi qui leur est opposable. Mais ils ne peuvent d'eux-mêmes saisir

1654 Décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999, § 21.

1655 M. Lascombe, Le Droit Constitutionnel De La Ve République, L'harmattan, Paris, 2005, p. 339.

1656 V. sur le bloc de constitutionnalité : Ch. Denizeau, Existe-t-il un bloc de constitutionnalité ?, Mémoire de DEA Droit Public Interne, Université Paris 2, 1996, L.G.D.J., Paris, 1997.

1657 B. Chantebout, Droit constitutionnel, 27e éd., Sirey, coll. Sirey Université, Paris, 2010, p. 597. 1658 B. Chantebout, Droit constitutionnel, 27e éd., Sirey, coll. Sirey Université, Paris, 2010, p. 597.

1659 Le président de la république, le premier ministre, les présidents des deux assemblées, et soixante sénateurs.

le juge constitutionnel. Ce sont le Conseil d'État ou la Cour de cassation qui le feront, s'ils

1660

jugent que leur requête a des chances de succès

.

407

309. Valeur constitutionnelle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1978. Le Conseil constitutionnel français confirme la valeur constitutionnelle du principe de la légalité consacré par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1978 dans deux décisions, une des 19 et 20 janvier 1981 1661 et l'autre du 11 octobre 1984 1662 . C'est toutefois une décision du 17 janvier 1989, du Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui est la plus prometteuse. Outre que le Conseil y prône l'application du principe de légalité à des sanctions administratives - ce qui montre qu'il faut avoir une vision compréhensive de son domaine -, il

1664

,

1663

en donne aussi une définition élargie: « considérant qu'il résulte de ces dispositions

comme des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, qu'une peine ne peut être infligée qu'à la condition que soient respectés le principe de nécessité des peines, le principe des droits de la défense ». Donc on peut affirmer de nouveau que le principe de

1665

,

légalité criminelle est un principe à valeur constitutionnelle dans le système pénal français

1660 B. Chantebout, Droit constitutionnel, 27e éd., Sirey, coll. Sirey Université, Paris, 2010, p. 599.

1661 Décision n° 802-127 DC des 19 et 20 janvier 1981, cons. n° 75: « 7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée ; qu'il en résulte la nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire ».

1662 Décision du Conseil constitutionnel n° 84-181 DC du 10 octobre 1984: « 8. Considérant que les députés auteurs de l'une des saisines soutiennent que les définitions ainsi énoncées présentent un caractère extensif et imprécis ; que, par suite, les dispositions pénales de la loi qui font référence, directement ou indirectement, à ces notions insuffisamment définies enfreignent le principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines proclamé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'en outre lesdites définitions permettent l'application de la loi aux partis politiques en violation de l'article 4 de la Constitution ; que les sénateurs auteurs de l'autre saisine reprennent ce dernier grief à propos de l'article 21 de la loi » ; « 19. Considérant que les députés auteurs de l'une des saisines font valoir que ni l'article 3 ni l'article 26 précités ne définissent les éléments constitutifs de l'infraction de prête-nom, notamment en ce qui concerne le domaine de l'interdiction, et sont ainsi contraires au principe de la légalité des délits et des peines proclamé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 » ; « 20. Considérant, d'une part, que les éléments constitutifs de l'infraction ressortent des termes mêmes de l'article 3 dont il reviendrait aux juridictions compétentes de faire application dans les espèces qui leur seraient soumises ; que, d'autre part, il résulte nécessairement de la place de ces dispositions dans une loi tendant à assurer la transparence financière des entreprises de presse que l'interdiction de prête-nom visée par ces dispositions ne concerne, sans préjudice de semblable interdiction en d'autres matières, que les actes de prête-nom pouvant porter atteinte aux règles de transparence financière intéressant les entreprises de presse ; qu'ainsi les articles 3 et 26 de la loi ne sont pas contraires à la Constitution »;

1663 M. Herzog-Evans, Procédure pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009, n° 143, p. 52.

1664 Le Conseil visait ici les articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et 34 de la Constitution de 1958.

1665 V. F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 51, p. 43 : « Associés à des garanties puisées dans le bloc de constitutionnalité et dans la Convention européenne des droits de l'homme, ils forment

408

ce qui nous conduit à admettre la valeur constitutionnelle du principe de légalité de preuve en matière pénale pour la même raison que celle déjà indiquée en droit libanais.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery