A. La liberté de la preuve limitée par la
légalité.
263. Une liberté encadrée par la
légalité dans la recherche des preuves. Il est coutumier de
dire que la preuve en matière pénale est libre et surtout que le
principe de la liberté de la preuve domine la procédure
pénale. En réalité, malgré cette grande
liberté, l'administration de la preuve reste soumise à de
nombreuses règles qui s'imposent à toute société
démocratique (respect de la dignité humaine, de l'intimité
de la vie privée, du principe de loyauté...), car cette
liberté dans l'administration de la preuve constitue le terrain
d'élection des droits de la défense et la chambre criminelle se
montre particulièrement vigilante quant aux principes qui
1452
la gouvernent . Selon MM. Philippe Conte et Patrick Maistre Du
Chambon, le principe de la légalité doit être
d'emblée bien compris, notamment en ce qu'il touche aux moyens non
aux
buts à atteindre
|
1453
|
. M. Jacques Buisson estime qu'« Il n'est pas sans
intérêt de rappeler
|
immédiatement que la liberté du juge en
matière de preuve, à l'instar de celle des parties, est
nécessairement bornée par la légalité de
l'administration de la preuve, comme elle l'est par
1454
la légalité du procès pénal
» . La recherche de la vérité dans le procès
pénal postule un équilibre entre les buts poursuivis et les
moyens pour les atteindre. Selon M. Henri Donnedieu de Vabres, il faut signaler
que si la loi n'impose au juge aucun critérium concernant
l'appréciation de la valeur des preuves, la recherche et la production
des preuves ne sont pas entièrement libres. Elles sont soumises à
des règles légales. La juge n'est pas maître de recourir
à tous les moyens d'investigation qui lui paraissent opportuns ; il ne
peut puiser sa conviction que dans des preuves légalement
examinées. Ces observations s'appliquent également à la
production des preuves dans la procédure de l'instruction
préparatoire et dans
celle de l'instruction définitive
|
1455
|
. Selon Mme Coralie Ambroise-Castérot, la liberté
de
|
358
preuve ne signifie pas que n'importe quel
procédé puisse être utilisé. Il n'est pas question
de torturer un individu pour qu'il avoue, par exemple. Il existe donc des
procédés interdits, parce
1452 D. Caron, « Les droits de la partie
civile dans le procès pénal », in Rapport annuel 2000 de
la Cour de cassation, Études sur le thème de la protection
de la personne, Cour de cassation française.
1453 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon,
Procédure pénale, 4e éd., Armand
Colin, Paris, 2002, n° 65, p. 40. 1454 J. Buisson,
«Preuve», in Rép. Pén. Dalloz, février
2003, n° 69, p. 15.
1455 H. Donnedieu De Vabres,
Traité élémentaire de droit criminel et de
législation comparée, 3e éd., Librairie
Sirey, Paris, 1947, n° 1242, p. 716.
359
1456
qu'illégaux. La liberté de preuve est une
liberté encadrée par la légalité. Comme l'affirme
M. Jacques Leroy, la liberté de preuve ne s'exerce pas sans
limite, elle ne saurait exister que
1457
.
dans un cadre légal
B. La nécessité d'un encadrement
légal pour chaque procédé de recherche de preuve qui porte
atteinte à la liberté individuelle et à la vie
privée.
264. Atteinte légale à la liberté
individuelle et à la vie privée. La recherche de preuve en
matière pénale comme acte de procédure peut constituer une
grave atteinte à la liberté individuelle. C'est pourquoi le
législateur a réglementé dans le Code de procédure
pénale les
différentes phases du procès pénal de
manière stricte 1458 . Selon MM. Philippe Conte et Patrick Maistre Du
Chambon « un système procédural ne peut organiser en
détail tous les types d'investigation concevables. Mais, dès
l'instant qu'un procédé de recherche porte atteinte à la
liberté individuelle par l'utilisation de la contrainte, il n'est licite
que si un texte de loi l'autorise : en matière procédurale, le
principe de la légalité signifie que tout ce qui n'est pas
autorisé est interdit. Ainsi s'explique la réglementation
minutieuse, au stade de l'enquête et de
l'instruction, des perquisitions et saisie ...
»
|
1459
|
. Donc, chaque fois que le procédé de
|
recherche de preuve suppose une atteinte à un droit
protégé, il y a une nécessité d'encadrer cette
atteinte par le législateur pour créer une base légale qui
légalise la preuve pénale. MM. Roger Merle et André Vitu
expliquent d'une façon claire et sans équivoque l'idée de
la réglementation du processus de recherche des preuves en
matière pénale : « la loi française ne fixe pas
la valeur de chaque preuve, elle en réglemente seulement la recherche,
la constatation, la production et la discussion ; c'est ce qu'on appelle le
principe de la légalité dans la recherche et l'utilisation des
preuves, prolongement du principe général de la
légalité criminelle. A mesure, en effet, le procès
pénal s'achemine vers sa solution définitive, la loi entoure de
plus de garanties la recherche et l'administration des preuves ; en même
temps, elle accroît les pouvoirs donnés aux autorités pour
cette recherche et cette production.
1456 C. Ambroise-Casterot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 245, p. 171. 1457 J.
Leroy, Procédure pénale, 3e édition,
L.G.D.J., 2013, n° 348, p. 186.
1458 V. sur ce point : M. Schwendener, «
L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence de
loyauté », in AJ Pénal, 2005, p. 267 : «
Le législateur a organisé la recherche de la preuve, notamment au
travers des cadres juridiques d'enquête constituant les moyens
d'accéder à celle-ci ».
1459 Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon,
Procédure pénale, 4e éd., Armand
Colin, Paris, 2002, n° 67, p. 42.
L'examen des divers phases du procès pénal
révèle ce double aspect »
1460
. De surcroît, tous
360
les procédés de recherche de preuve qui
constituent une atteinte à la vie privée doivent être
strictement règlementés et encadrés par le
législateur, ce qui prouve la nécessité d'appliquer le
principe de la légalité procédurale en matière de
preuve pénale, c'est-à-dire la reconnaissance de l'existence du
principe de la légalité de preuve pénale.
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