B. La légalité procédurale, pierre
angulaire de l'État de droit.
252. L'État de droit nécessite le respect de
la légalité procédurale. Selon M. Bertrand de Lamy
« le principe de la légalité criminelle est un excellent
révélateur de l'évolution et de l'État du droit
pénal français »1413. M.
Léon Duguit considère que le principe de la
légalité est un principe fondamental et essentiel de
l'État de droit « le principe de légalité
matérielle, sans lequel il n'y a pas d'État de droit
»1414. L'État de droit est
communément défini comme l'« État dans lequel les
pouvoirs publics sont soumis de manière effective au respect de la
légalité
par voie de contrôle juridictionnel »
|
1415
|
. L'État de droit peut être défini
encore selon une
|
approche spécifiquement juridique comme une «
situation résultant, pour une société, de sa
soumission à un ordre juridique excluant l'anarchie
et la justice privée »
|
1416
|
. Dans un sens
|
plus restreint, le « nom que mérite seul un ordre
juridique dans lequel le respect du Droit est
réellement garanti aux sujets de droit, notamment
contre l'arbitraire »
|
1417
|
. Donc, toutes ces
|
348
définitions concordent sur une caractéristique
de l'État de droit : la supériorité du droit sur
l'État, autrement dit la prééminence du droit ou le
règne du droit et l'autorité de la loi1418. En
1411 B. De Lamy, « Le principe de la
légalité criminelle dans la jurisprudence du Conseil
constitutionnel », in Cahiers du Conseil constitutionnel, Dalloz,
n° 26, août 2009, p. 16
1412 R. Gassin, « Le principe de la
légalité et la procédure pénale », in
R.P.D.P., 2001, pp. 300 et s., V. spéc. pp. 326-327.
1413 B. de Lamy, « Dérives et
évolution du principe de la légalité en droit pénal
français : contribution à l'étude des sources du droit
pénal français », in Les Cahiers de Droit, vol. 50,
n° 3-4, sept.-déc. 2009, p. 585-609, v. Spec. p. 586.
1414 L. Duguit, Traité de droit
constitutionnel, Ancienne libraire Fontemoing et Cie Editeurs, E. de
Boccard, Paris, 1923, t. 3 La théorie générale de
l'État, p. 686
1415 V. Le Petit Larousse
illustré, Paris, 2006.
1416 G. Cornu (dir.), Vocabulaire
juridique, 6e éd., P.U.F., Paris, 2004, p. 368.
1417 G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique,
6e éd., P.U.F., Paris, 2004, p. 368.
1418 E. Déal, La garantie
juridictionnelle des droits fondamentaux communautaires : La Cour de justice
face à la Communauté de droit, Thèse de droit,
Université Paul Cézanne (Aix-Marseille), 2006, p. 46.
résumé l'État de droit exprime
l'excellence du droit1419. En droit positif, l'État de droit
exprime le règne du principe de la légalité dans tous les
domaines de droit, surtout en droit pénal de fond et de forme.
253. Nécessité d'assurer et de
préserver la sécurité juridique. La
sécurité juridique prend la
forme du principe de la légalité dite
criminelle
|
1420
|
. Bien évidemment, le principe de
légalité
|
349
procédurale répond à la
nécessité de garantir la sécurité juridique des
victimes et des personnes mises en causes qui doivent tout simplement pouvoir
connaître les règles
1421
applicables à la conduite de la procédure les
concernant . Il commande en effet que chaque acte de procédure soit
expressément prévu par un texte de loi clair et précis. La
bonne administration de la justice commande également que soit toujours
recherchée la vérité des faits : seule une
procédure strictement encadrée par des textes, ayant à la
fois souci de protéger le justiciable contre l'arbitraire et de frapper
juste, est de nature à satisfaire cette
. Le principe de légalité contribue à une
meilleure sécurité juridique parce qu'il
1423
permet de garantir l'effectivité du droit à chacun
des échelons de la hiérarchie normative
.
1422
exigence
Au cours du procès pénal, il peut être
porté atteinte par la police judiciaire ou par l'autorité
judiciaire au droit à la liberté d'un individu ou au droit au
respect de la vie privée d'un individu. Dans une conception large, le
principe de légalité correspond, en matière
procédurale comme en toute autre, à une exigence de
sécurité juridique qui constitue une condition du procès
équitable selon les termes de M. Frédéric Desportes et Mme
Laurence
1424
Lazerges-Cousquer . Il n'est pas concevable que soient
incertaines les règles de procédure pénale, car cela
affecterait le droit fondamental que constitue l'accès au juge, et
plus
.
1425
globalement, l'exigence d'un procès équitable
1419 E. Déal, La garantie
juridictionnelle des droits fondamentaux communautaires : La Cour de justice
face à la Communauté de droit, Thèse de droit,
Université Paul Cézanne (Aix-Marseille), 2006, p. 46.
1420 C. Pomart, La magistrature
familiale: vers une consécration légale du nouveau visage de
l'office du juge de la famille, L'Harmattan, Paris, 2003, p. 208.
1421 F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer,
Traité de procédure pénale, 3e
éd., Economica, 2013, n° 257, p. 160 : « le principe de
légalité procédurale répond, beaucoup plus
largement, à la nécessité de garantir la
sécurité juridique des victimes et des personnes mises en causes
qui doivent tout simplement pouvoir connaître les règles
applicables à la conduite de la procédure les concernant
».
1422 M. Herzog-Evans, Procédure
pénale, 2e éd., Vuibert, 2009, n° 148, p.
55.
1423 A.-L. Valembois, La
constitutionnalisation de l'exigence de sécurité juridique en
droit français, L.G.D.J., 2005, Préface de Bertrand Mathieu,
p. 68.
1424 F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer,
Traité de procédure pénale, 3e
éd., Economica, 2013, n° 253, p. 156. 1425 F.
Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure
pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 257, p.
160.
254.
350
La légalité constitue l'unique garantie
contre tout arbitraire dans un État de droit. Le principe de
légalité procédurale constitue le principal et l'unique
garantie contre tout arbitraire dans un État de droit. La
procédure pénale est caractérisée par
l'intervention des autorités étatiques surtout dans la recherche
des preuves. Au Liban et en France, le principe fondamental en droit
pénal est : « pas d'infraction sans texte ». C'est un
principe fondamental qui constitue un aspect de la garantie des droits de
l'homme : en droit pénal ni le juge ni l'administration n'ont le pouvoir
d'inventer des infractions. Le droit pénal participe donc aussi, de
cette manière, à la lutte contre l'arbitraire de l'État ou
du pouvoir judiciaire dans un État de droit. Selon Mme Christine
Lazerges, la relation du système pénal aux instances
législatives
1426
.
en France se traduit par le principe de la légalité
des délits et des peines et ses corollaires
255. Les procédures portant atteinte aux
libertés individuelles doivent être strictement encadrées
par la loi. Pendant et avant le procès pénal, les mesures de
nature à porter atteinte à la liberté individuelle doivent
être strictement encadrées par la loi afin de protéger les
libertés individuelles de l'arbitraire. Pour M. Ahmad Fathi Srour,
l'intérêt de la société peut imposer
1427
des limites à notre liberté individuelle . Le
législateur vise à protéger les intérêts
privés et ceux de la société en précisant les
éléments constitutifs des faits punissables. Les infractions
pénales sont incriminées par le législateur, la
procédure pénale peut légaliser un acte attentatoire
à la liberté individuelle, qui sert à appliquer le droit
pénal. La procédure pénale permet la mise en oeuvre du
droit pénal et comprend l'ensemble des règles qui organisent la
recherche de l'auteur d'une infraction. L'application du Code de
procédure pénale va poser des questions essentielles de
libertés individuelles d'où la nécessité de
l'intervention du législateur pour encadrer légalement les
limites de la liberté individuelle et pour légaliser
minutieusement
les atteintes légales à la liberté 1428 .
La procédure pénale, par nature, porte atteinte à la
liberté individuelle, seul le législateur est compétent
pour décider ou déterminer les limites d'atteinte aux
libertés de la personne conformément aux nécessités
de la procédure, ce qui prouve l'application du principe de la
légalité procédurale comme une garantie contre
l'arbitraire pour les mêmes raisons que celles qui ont conduit à
l'adoption du principe de légalité des délits et
1426 Ch. Lazerges, Introduction à la
politique criminelle, L'Harmattan, Paris, 2000, p. 38.
1427 V. en langue arabe: A. Fathi Srour,
Le code pénal constitutionnel, la légalité
constitutionnelle dans le code pénal, la légalité
constitutionnelle dans le code de procédure pénale,
2e éd., maison Chorouk, Le Caire (Égypte), 2002,
pp. 71 et s.
1428 V. sur ce point : C. Copain,
L'encadrement de la contrainte probatoire en procédure pénale
française, Thèse de droit, Université Lyon 3, 2011,
n° 107, p. 58 : « En vertu du principe de légalité,
le législateur a, en principe, une compétence exclusive pour
créer une mesure de contrainte ».
des peines 1429 . C'est comme un rempart contre l'arbitraire,
afin d'exclure tout arbitraire que «
351
le principe de la liberté de la preuve pénale
[...] apparaît finalement d'une application
1430
.
256. Aspect particulier de la légalité
générale. Mme Emmanuelle Lemoine considère que
1431
le principe de la légalité criminelle est un
dogme . La légalité criminelle est un aspect particulier de la
légalité en général, qui fait de l'État un
« État de droit ». Il s'agit de chercher en
permanence l'équilibre entre État de droit et efficacité
de la répression. Selon MM. Serge Guinchard et Jacques Buisson, «
.... la légalité, dans un État de droit,
imprègne forcément la matière de la preuve pénale,
comme toutes les autres, que ce soit dans la production des preuves ou, en
amont, dans l'administration de la preuve, au cours des phases de police
judiciaire, de la poursuite et de l'instruction, c'est-à-dire dans la
recherche ou le recueil des indices, à peine de nullité voire de
condamnation civile ou pénale de l'enquêteur responsable
1432
... ».
1429 V. en langue arabe : A. Fathi Srour,
Le code pénal constitutionnel, la légalité
constitutionnelle dans le code pénal, la légalité
constitutionnelle dans le code de procédure pénale,
2e éd., maison Chorouk, Le Caire (Egypte), 2002, pp. 71
et s.
1430 S. Guinchard et J. Buisson,
Procédure pénale, 9e édition, LEXIS
NEXIS/LITEC, 2013, n° 552, p. 572.
1431 E. Lemoine, La répression de
l'indifférence sociale en droit pénal français,
L'Harmattan, Paris, 2002, p. 161.
1432 S. Guinchard et J. Buisson,
Procédure pénale, 9e édition, LEXIS
NEXIS/LITEC, 2013, n° 552, p. 572.
352
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