A. Preuve obtenue par l'usage du détecteur de
mensonges ou polygraphe.
211. Définition du détecteur de mensonges
1222 . Le but essentiel de l'utilisation de 1223
polygraphe ou du détecteur de mensongesest de
vérifier la véracité et la crédibilité des
allégations d'une personne « le polygraphe est censé
indiquer si le sujet ment ou dit la
1220 V. en ce sens : J.-Y. Chevallier, «
La preuve en procédure pénale comparée (Rapport de
synthèse pour les pays d'Europe continentale) », in Revue
internationale de droit pénal, 1er-2e
trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé
par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à
Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.43-55, V. spec. p. 51 :
« De même, seront exclus, soit impérativement, soit en
fait tout simplement, les procédés qui permettent soit de
provoquer l'expression involontaire de la pensée (sérum de
vérité), soit de contrôler la véracité de
celle-ci, tel le détecteur de mensonge ».
1221 V. Atteintes légales à
l'intégrité physique : V. Lesclous, « Enquête
préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale,
Art. 75 à 78, Fasc. 20, n° 73 : « Les seules
atteintes qui sont reconnues légalement sont celles afférentes
aux analyses et examens médicaux cliniques et biologiques prévus
par la loi ».
1222 Cet appareil est appelé « la
polygraphe » ou « le détecteur de mensonges ».
1223 V. sur le polygraphe : J. Susini, «
Un chapitre nouveau de police scientifique La détection objective du
mensonge », in R.S.C., 1960, pp. 326-330 ; J. Susini, «
Place et portée du polygraphe dans la recherche judiciaire de la
vérité », in R.I.D.P., 1972. pp. 255-275 ; J.
Susini, « L'aveu : sa portée clinique », in R.S.C.,
1972, pp. 677684 ; J. Susini, « Psychologie policière :
aspects cliniques et techniques du mensonge et de l'aveu », in R.S.C.,
1981, pp. 909-925; J. Susini, « La polygraphie du mensonge en 1983
», in R.S.C., 1983, pp. 521-532.
1224
vérité » . Selon M. John J. Palmatier
« le polygraphe est censé indiquer si le sujet ment ou
12251226
dit la vérité » . Le détecteur
de mensonges
1227
utilise
est un appareil que l'enquêteur
1228
pour s'assurer de la justesse des propos de l'accusé
|
1229
et de leur véracité
|
. Pour Mme
|
Haritini Matsopoulou le détecteur de mensonges est
« un appareil qui enregistre les modifications de la pression
artérielle, du rythme respiratoire et de la sudation, si bien
qu'il
permet de mesurer le degré d'émotion d'une
personne »
|
1230
|
. M. Mohammed Ibrahim Zaid
|
298
définit le détecteur de mensonges comme
étant un appareil permettant d'enregistrer certains changements
« physiologiques » qui concernent la tension
artérielle, la respiration, la réaction psychologique de
l'individu lors de l'enquête, et en détectant ces changements et
en analysant les graphiques, l'on peut avoir un jugement approximatif que
l'individu, objet de l'expérience, ment ou dit la vérité
1231. Il peut aussi être défini1232 comme l'un des moyens qui
révèlent les réactions du corps et les changements
physiologiques chez l'homme lorsqu'une série définie de questions
lui est soumise avec un relevé précis de ses réactions au
moyen de l'appareil à chaque question 1233 , ce qui indique s'il ment ou
s'il dit la vérité à chaque fois qu'il répond
à
1224 C. Ambroise-Castérot, « Aveu
», in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 46,
p. 8.
1225 J. J. Palmatier, « Systèmes
d'analyse du stress dans la voix : vrais détecteurs de mensonges? Un
point de vue des États-Unis », in AJ Pénal, 2008,
p. 124.
1226 Polygraphe - plus connu sous le nom de
détecteur de mensonges.
1227 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 470, p. 418
: « Le détecteur de mensonge ou polygraphe peut tout au plus
donner des indications pour orienter l'enquête ».
1228 V. en ce sens : V. Antoine, Le
consentement en procédure pénale, Thèse de droit,
Université Montpellier 1, 2011, n° 466, p. 321 : Polygraphe :
« Cet appareil est censé indiquer si la personne
interrogée est en train de dire la vérité ou non
».
1229 V. C. Ambroise-Casterot, La
procédure pénale, 2e éd., Gualino
éditeur, Paris, 2009, n° 238, pp. 165-166 : « Le
polygraphe est censé indiquer si le sujet ment ou dit la
vérité.... L'appareil enregistre les réactions du corps.
Le résultat est donc très aléatoire. Il n'indique
nullement la vérité mais seulement l'émotivité ou
la nervosité du cobaye. ».
1230 H. Matsopoulou, Les enquêtes de
police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 893, pp.
721-722.
1231 M. Ibrahim Zaid, « Les aspects
historiques scientifiques des moyens techniques modernes», in Magazine
pénale nationale, troisième numéro, novembre 1967,
pp. 500-501.
1232 V. la définition de M. Laurent
Kennes : L. Kennes, La preuve en matière pénale,
Éditions Kluwer, Bruxelles, 2005, Vol. 1, n° 633, p. 330 :
« Le Polygraphe peut être considéré comme une
technique particulière d'audition, dès lors que l'objectif
essentiel de sa réalisation est d'obtenir des aveux à la suite de
la communication du résultat du test et non l'utilisation du
résultat du test en justice. Dès lors que ce test est souvent
présenté, à tort, comme une expertise, il sera
examiné séparément, avec une attention particulière
aux aveux obtenus par la suite ».
1233 V. B. Renard, « Quand l'expression
de la vérité est attribuée au corps - État des
lieux et quelques questionnements sur la légitimité de
l'utilisation du polygraphe en procédure pénale », in La
criminalistique : du mythe à la réalité quotidienne, sous
la direction d'Anne le Riche, Manuel de la Police, Éditions
Kluwer, Bruxelles, 2002, pp. 365 et s., V. spec. p. 365 : « Le
polygraphe est un appareil qui enregistre les modifications d'une série
de fonctions corporelles (rythme cardiaque, rythme respiratoire, pression
artérielle, sudation,
une question qui lui est posée 1234 . Il s'agit donc d'une
façon indirecte d'indiquer si l'accusé
ment ou dit la vérité quand il répond. C'est
donc un appareil qui relève les fluctuations et les réactions
psychologiques de la personne interrogée en stimulant les nerfs ou les
sens pour ensuite calculer des réactions comme la peur ou la honte ou le
sentiment de responsabilité ou
1235
.
la criminalité, et relever tous les changements
psychologiques et de tension artérielle
212. Nature de l'atteinte provoquée par l'usage du
détecteur de mensonges. La doctrine semble divisée, et les
avis divergent quant à la façon de répondre à
l'interrogation suivante : l'utilisation du détecteur de mensonges
porte-t-elle atteinte à l'intégrité physique de la
personne qui le subit ou non, en d'autres termes, est-ce que l'utilisation du
détecteur de mensonges nuit à celui qui le subit ou non ?
213. Avis favorable à l'utilisation du
détecteur de mensonges. Certains pensent que l'utilisation du
détecteur de mensonges est un moyen scientifique bénéfique
et nouveau, qui
peut s'avérer utile dans le domaine des enquêtes
criminelles
|
1236
|
, car il permet de s'assurer de
|
299
la véracité des dépositions des
accusés sans la moindre influence sur leur libre volonté.
L'utilisation de l'appareil ne créerait aucune pression ou contrainte
morale pour la personne qui le subit à cause de son sentiment de peur ou
d'intimidation par rapport à ce qui est en train d'avoir lieu, ou du
désagrément de l'appareil ou parce qu'elle n'a fait sa
déposition qu'après avoir été battue et ses secrets
dévoilés ; et ce parce que toute personne normale est
intimidée
tension, mouvements ...), échappant toutes plus ou
moins fortement au contrôle de la volonté, et permettant de
mesurer le degré d'émotion d'une personne ».
1234 V. B. Renard, « L'usage du
polygraphe en procédure pénale; analyse procédurale
», in Partie III de l'avis pour Monsieur le Ministre de la Justice et
le Collège des Procureurs généraux sur l'usage du
polygraphe en procédure pénale belge, Institut National de
Criminalistique et de Criminologie, Département de Criminologie,
Bruxelles, septembre 2000, pp. 59-80, V. spec, p. 60 : « La nature
même du test polygraphique vise la vérification de la
véracité des déclarations d'une personne. Au niveau des
questions qui sont adressées à la personne soumise au test,
l'expérience et la pratique du polygraphe s'orientent clairement vers
des questions portant sur des éléments de fait de l'infraction en
cause ».
1235 V. sur ce point : P. Bolze, Le droit
à la preuve contraire en procédure pénale,
Thèse de droit, 2010, Université Nancy 2, p. 365 : « Les
examens polygraphiques ou thermographiques reposent sur les réactions
psychosomatiques de l'individu : en effet, un changement dans les sentiments
consciemment contrôlés provoque chez le sujet des modifications
physiologiques de divers ordres imputables au stress ».
1236 V. en ce sens : M. Franchimont, A.
Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale,
3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1062 : « En
effet, il reste difficile d'évaluer les conditions d'utilisations de son
utilisation (polygraphe), sachant qu'un certain nombre de contre-indications
physiologiques et psychiques doivent être prises en considération
; de même, l'impact d'un tel procédé sur la psychologie du
sujet est malaisé à cerner ; enfin, il ne faut pas
négliger la part d'interprétation des résultats du test
par le polygraphiste, ce qui poussera le juge du fond, d'une part, à
être vigilant quant aux circonstances dans lesquelles l'accord du suspect
ou de l'inculpé a été obtenu et dans lesquelles le test
s'est déroulé et, d'autre part, à en apprécier les
résultats à l'instar de ceux d'une expertise psychologique, par
exemple. Rien ne semble faire obstacle à ce que le juge du fond autorise
lui-même le recours au polygraphe ».
300
devant tout acte juridique contre elle et elle est donc
affectée psychologiquement dès qu'elle est convoquée
devant l'enquêteur, et même dès son arrestation et sa mise
en détention
préventive 1237 . Dans le même état d'esprit,
certains disent que l'utilisation du détecteur de
1238
mensonges ne porte aucune atteinte à
l'intégrité physique de celui qui le subit, car il ne s'agit de
rien de plus que de connecter certaines parties de son corps à des fils
reliés à des appareils pour calculer les différents
changements du corps comme les pulsations et la tension
1239
.
artérielle et respiration. En fait c'est un appareil qui
ressemble à l'électro cardiogramme
214. Avis rejetant le recours au détecteur de
mensonges. Certains auteurs ont des doutes
1240
sérieux concernant la crédibilité et
l'efficacité des résultats du détecteur de mensonges
.
1241
Certains auteurs considèrent que le détecteur de
mensonges est un moyen qui menace les
1237 S. Nabrawy, L'interrogatoire de
l'accusé, Dar Al-Nahdha Al Arabiya (maison de la renaissance
arabe), le Caire, 1969, p. 497 ; I. El Ghemaz, Le témoignage comme
preuve en matière pénale, alem el kotob, 1980, p. 258 ; A.
Mohamed Khalifa, « le sérum de vérité et le
détecteur de mensonges », in magazine pénale
nationale, premier numéro-Mars 1958, p. 95 ; A. Salem Enouaissa,
Les garanties de l'accusé lors de l'enquête
préliminaire. Étude comparative de la législation
Égyptienne et Jordanienne, Thèse de droit, Université
Ain Chams (Égypte), 2000, p. 247.
1238 V. en ce sens : F. Goossens, «
L'audition de suspects par la police en Belgique et le recours à la
narcoanalyse, à l'hypnose et au polygraphe: un état de la
question et quelques réflexions inspirées par la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales », in R.I.C.P.T.S., Editeur : Genève :
Polymedia Meichtry SA, Volume LX, octobre-décembre 2007, pp. 437 et s.,
V. spec. p. 445 : « Contrairement à l'hypnose ou à la
narcoanalyse, le test polygraphique ne prive pas l'intéressé de
son libre arbitre et lui permet de rester conscient: il peut ainsi
décider de se taire, de donner une réponse inexacte ou de mentir.
Il a même le loisir de mettre fin au test à tout moment. Nous
estimons, dès lors, qu'il n'est pas question de contrainte physique ou
d'atteinte à l'intégrité physique de la personne
interrogée ».
1239 S. Sadek El Malla, L'aveu de
l'accusé, éditions 1986, pp. 133-134
1240 V. C. Ambroise-Castérot, «
Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n°
46, p. 8 : « ...il est interdit non seulement en France, ... car on
considère qu'il révèle davantage l'émotivité
d'un sujet que sa culpabilité éventuelle et ne permet pas
d'obtenir la vérité matérielle. Le procédé
est donc rejeté » ; C. Ambroise-Castérot, « Aveu
», in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 48,
p. 8 : « De plus, de tels procédés ne permettent pas
d'atteindre sûrement la vérité. Les personnes ayant
reçu une piqûre de penthotal ou placées sous hypnose
peuvent se trouver plongées dans un état psychique capable de
conduire leur inconscient fragile ou troublé à inventer des
faits, sous l'effet de la drogue ou de la relaxation provoquée par
l'hypnotiseur ».
1241 V. Jean-Yves Mariller, « La preuve
pénale et le progrès scientifique ou la tentation
séduisante mais dangereuse d'établir scientifiquement le mensonge
», in Les enjeux de l'utilisation des outils des neuroscientifiques
dans le procès pénal, Vendredi 8 février 2008 Centre
Interfacultaire en Sciences Affectives à l'Université de
Genève : « Quelle valeur probante le juge peut il accorder aux
déclarations sous hypnose, aux tracés graphiques d'un polygraphe,
aux résultats d'un électroencéphalogramme ou de l'imagerie
médicale censés le renseigner sur la sincérité des
déclarations d'une personne quelle soit prévenue, témoin
ou victime ? En France notamment cette « lecture dans le cerveau des
autres » est pour le moment rejetée au nom des grands principes
mais la tentation d'y recourir reste forte surtout en matière de lutte
contre le terrorisme et la grande criminalité ».
1242
libertés individuelles . On tend à penser que
l'utilisation du détecteur de mensonges est une
301
forme de contrainte matérielle, car il comporte une
atteinte au droit de l'accusé de se taire et de se défendre, et
tout aveu obtenu avec cet appareil est considéré caduc, car
n'émanant pas d'une volonté libre 1243 . Le courant majoritaire
dans la doctrine refuse l'utilisation du détecteur de mensonges dans les
enquêtes criminelles, et certains pensent que l'utilisation de l'appareil
est une atteinte à la liberté intellectuelle de l'accusé
qui le subit même s'il est d'accord, car l'accord, dans ce cas, peut
être soit motivé par la peur de voir son refus utilisé
contre lui1244 ou par une tentative de démontrer l'innocence
à cause d'une position faible ou de l'absence d'une preuve concluante de
son innocence. Ceci constitue à notre avis une contrainte morale
indirecte. Un autre avis dit que l'utilisation du détecteur de mensonges
est une forme de contrainte matérielle de l'accusé qui le subit.
D'autres pensent que l'utilisation du dit appareil comporte deux types
d'atteintes : l'une physique et l'autre psychologique. Concernant l'atteinte
physique, l'utilisation de l'appareil relève d'une contrainte
matérielle, car il constitue une violation du droit de l'accusé
à se taire et son droit à l'autodéfense 1245 . Quant
à l'atteinte psychologique, l'utilisation du détecteur de
mensonges constitue une contrainte morale 1246 car elle porte sur des
changements physiologiques et la nervosité que détecte
l'appareil. La peur que ressent l'accusé lorsqu'il subit
l'expérience sous l'effet du détecteur de mensonges influe,
certainement, d'une façon directe sur lui. Ses battements de coeur
1242 V. en même sens l'avis de Mme
Coralie Ambroise-Castérot sur le détecteur de mensonges : C.
Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e
éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 238, p. 166 :
« C'est un procédé très dangereux pour les
libertés individuelles ».
1243 V. sur l'aveu et le consentement dans
l'administration de la preuve pénale : V. Antoine, Le consentement
en procédure pénale, Thèse de droit,
Université Montpellier 1, 2011, n° 359, p. 248 : « Le
consentement intervient également de façon croissante dans les
modes d'administration de la preuve en raison du fait qu'il est
étroitement lié à l'aveu ».
1244 V. en langue arabe : S. Sadek El Malla,
L'aveu de l'accusé, éditions 1986, pp. 133-134
1245 V. en ce sens : C.
Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén.
Dalloz., octobre 2006, n° 47, p. 8 : « l'aveu arraché
par narcose (ou par hypnose) et l'aveu censé apparaître à
la lecture des graphiques produits par le polygraphe sont en tous points
comparables à celui obtenu sous la torture physique. Ces
procédés ne respectent pas le principe, essentiel, de
liberté de l'aveu. f...] la personne se prêtant au jeu du
polygraphe n'est pas libre de contrôler les réactions des organes
servant de paramètres à la machine et que l'expert devra
interpréter. Il est, par conséquent, impossible d'accepter de
tels procédés de preuve ».
1246 V. F. Goossens, « L'audition de
suspects par la police en Belgique et le recours à la narcoanalyse,
à l'hypnose et au polygraphe: un état de la question et quelques
réflexions inspirées par la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales »,
in R.I.C.P.T.S., Editeur : Genève : Polymedia Meichtry SA,
Volume LX, octobre-décembre 2007, pp. 437 et s., V. spec. p. 447 :
« Nous estimons que le recours au détecteur de mensonge risque
de porter atteinte au droit à la protection de la vie privée
(notamment contenu à l'article 8 de la C.E.D.H.). En effet, le
polygraphe constate des signes qui ne sont pas toujours visibles à
l'oeil nu et sur base desquels l'on tente de contrôler la franchise de la
personne interrogée. Il entretient donc des rapports étroits avec
la vie privée, notion qui fait aujourd'hui l'objet d'une
interprétation très extensive de la part de la Cour
européenne des droits de l'homme ».
s'accélèrent et le taux de sucre dans le sang
augmente et ses symptômes aident à la sécrétion
1247
d' «adrénaline» par les glandes
surrénales
. Donc, on ne devrait pas se contenter d'interdire
302
l'utilisation du détecteur de mensonges et statuer sur
la nullité des preuves obtenues, mais il faut aussi que son usage soit
strictement interdit et incriminé car il constitue une forme
1248
.
d'atteinte à la liberté individuelle comme le crime
d'usage de force
215. Notre avis sur la légalité de
l'utilisation du détecteur de mensonges. D'abord, il faut
généraliser et affirmer péremptoirement que n'importe
quelle méthode ou moyen de collecte des preuves doit être
limitée et compatible avec le droit au respect de la dignité
humaine. De surcroît, le consentement de l'intéressé
à se soumettre à un test polygraphique ne justifie absolument
aucune sorte de dérogation à ce principe. Nous estimons que
l'utilisation du détecteur de mensonges porte un préjudice
matériel et moral à l'accusé. Le préjudice
matériel à l'accusé vient du fait que la façon de
l'utiliser exige de restreindre la liberté de celui qui le subit. Un
tube est placé sur sa poitrine pour enregistrer la respiration, et un
appareil pour enregistrer la tension artérielle est aussi attaché
à son bras, et les deux mains doivent être posées sur deux
plaques de métal pour enregistrer la sécrétion de sueur en
l'exposant à un
courant électrique faible 1249 . Nul doute que faire
subir de telles choses au prévenu constitue une nuisance
matérielle pour lui, et il ne devrait pas le subir même s'il est
minime et n'engendre pas de blessures. D'autre part, les effets néfastes
sur le prévenu, comme l'augmentation du rythme cardiaque et de la
tension artérielle et du taux de sucre dans le sang, constituent une
atteinte à l'intégrité physique du prévenu et lui
causent des lésions corporelles. L'appareil cause un préjudice
moral au prévenu qui le subit du fait que l'utilisation de l'appareil
crée une forte pression psychologique et conduit à une
augmentation des sentiments
1250
de peur et de troubles psychologiques pour celui qui le subit
. On ne devrait pas s'arrêter à une simple interdiction de
l'utilisation de l'appareil et statuer sur la nullité des preuves
obtenues en l'utilisant, mais il faut criminaliser son utilisation du fait
qu'il constitue une forme
1247 H. Essemny, Légalité
des preuves obtenues par des moyens scientifiques, Thèse de droit,
Université du Caire (Égypte), édition 1983, pp.
280-281.
1248 S. Hamad Salah, Garanties du droit
de l'accusé à se défendre devant la cour
pénal, Thèse de droit, Université Ain Chamss
(Égypte), 1997-1998, p. 328.
1249 V. en langue arabe : mode d'emploi de
l'appareil : A. Mourad, L'enquête pénale technique et la
recherche pénale, librairie universitaire moderne, Égypte,
édition 1991, p. 149.
1250 V. en langue arabe : O. Farouk El
Husseini, Torture de l'accusé pour avoir des aveux. L'infraction et
la responsabilité, Librairie arabe moderne, édition 1986, p.
149.
1251
d'atteinte à la liberté individuelle exactement
comme le crime avec usage de la force
|
. On
|
peut ajouter que l'utilisation du détecteur de
mensonges peut être considérée comme une contrainte morale
de dire la vérité sans aucun base juridique dans le droit
libanais et français puisque l'accusé ne prête pas serment
de dire la vérité et c'est sans doute une violation aux droits de
ne pas s'auto-incriminer, droit de se taire, droit de ne pas collaborer
à son accusation et une façon d'obliger l'accusé à
produire des preuves contre lui-même. Selon Mme Haritini Matsopoulou
« malgré ces précautions, il nous semble
préférable de condamner le recours à cette technique.
Puisque dans la procédure pénale française,
l'accusé n'est pas tenu de prêter serment et de dire la
vérité, on ne voit pas au nom de quoi on pourrait s'assurer de
la
sincérité de ses dires » 1252 . Le
droit libanais consacre le droit de ne pas participer à sa propre
incrimination en assurant le droit de se taire ou de garder le silence dans les
textes du Code de
procédure pénale
|
1253
|
. Il faut rappeler que le droit de ne pas participer à
sa propre incrimination
|
303
est expressément prévu par l'article 14 du Pacte
des Nations unies sur les droits civils et
1254
politiques du 16 décembre 1966. Ce droit est
également consacré encore par la
1255
jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'homme,
et est apparu dans le droit
1251 V. en langue arabe : S. Hamad Salah,
Garanties du droit de l'accusé à se défendre devant la
cour pénal, Thèse de droit, Université Ain Chamss
(Égypte), 1997-1998, p. 328.
1252 H. Matsopoulou, Les enquêtes de
police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 895, p.
724.
1253 V. en droit libanais : L'article 41 du
CPP libanais dispose : « Lorsqu'une infraction flagrante a lieu,
l'officier de police judiciaire ... [Il] peut interroger le suspect à
condition que celui-ci fasse sa déclaration volontairement, en
connaissance de cause, et librement, sans être soumis à quelque
forme de contrainte que ce soit. Si la personne interrogée choisit de
garder le silence, il ne peut la contraindre à parler » ;
l'article 47 du CPP libanais dispose : Mesures prises par la police judiciaire
en dehors des infractions flagrantes « En leur qualité
d'auxiliaires de justice, les officiers de police judiciaire ... effectuent des
recherches en vue d'en identifier les auteurs ou les participants criminels et
rassemblent des charges à leur encontre, ainsi que du recueil des
dépositions des témoins sans les soumettre au serment et des
déclarations de suspects et de personnes visées par des plaintes.
Lorsque ces personnes refusent de faire des déclarations ou choisissent
de garder le silence, mention en est portée sur le procès-verbal.
Les officiers de police judiciaire ne peuvent dans ce cas les contraindre
à parler ou les interroger, sous peine de nullité des
déclarations recueillies » ; l'article 77 du CPP libanais
dispose: « Il incombe au juge d'instruction de respecter le principe
de libre volonté du défendeur pendant son interrogatoire. Il
s'assure que celui-ci fait sa déposition en l'absence de toute influence
extérieure, qu'elle soit morale ou physique.
Si le défendeur refuse de répondre et
choisit de garder le silence, le juge d'instruction ne peut le contraindre
à parler » ; Procédure de jugement et
vérification de la preuve devant le juge unique, l'article 180 du CPP
libanais dispose : « Si le défendeur refuse de répondre
et garde le silence, le juge et la partie civile ne peuvent le contraindre
à parler. Le juge ne peut retenir son silence contre lui » ;
Devant la Cour criminelle, l'article 253 du CPP libanas dispose : « Si
l'accusé refuse de répondre et garde le silence, il ne peut
être contraint à parler ».
1254 L'article 14 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques dispose que: « 3. Toute
personne accusée d'une infraction pénale a droit, en pleine
égalité, au moins aux garanties suivantes:g) A ne pas être
forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer
coupable ».
1255 V. sur le droit de se taire et de ne pas
contribuer à sa propre incrimination : F. Fourment, Procédure
pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 63,
p. 48 : « Ce droit à été dégagé par
la Cour européenne des droits de l'homme
pénal français depuis la réforme faite
par l'innovation de la loi sur le renforcement de la présomption
d'innocence et les droits des victimes du 15 juin 2000. Dans l'affaire Funke
contre la France
|
1256
|
, la Cour européenne des droits de l'homme a
consacré pour la première
|
304
fois par sa jurisprudence d'une manière très
claire le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination :
« La Cour constate que les douanes provoquèrent la condamnation
de M. Funke pour obtenir certaines pièces, dont elles supposaient
l'existence sans en avoir la certitude. Faute de pouvoir ou vouloir se les
procurer par un autre moyen, elles tentèrent de contraindre le
requérant à fournir lui-même la preuve d'infractions qu'il
aurait commises. Les particularités du droit douanier (paragraphes 30-31
ci-dessus) ne sauraient justifier une telle atteinte au droit, pour tout
"accusé" au sens autonome que l'article 6 (art. 6) attribue à ce
terme, de se taire et de ne point contribuer à sa propre incrimination.
Partant, il y a eu
violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) »
|
1257
|
. Dans un arrêt récent, la Cour de Strasbourg
|
confirme sa consécration du droit de ne pas contribuer
à sa propre incrimination. « La Cour rappelle que même si
l'article 6 de la Convention ne les mentionne pas expressément, le droit
de garder le silence et le droit de ne pas contribuer à sa propre
incrimination sont des normes internationales généralement
reconnues qui sont au coeur de la notion de procès équitable
consacrée par l'article 6 § 1. En particulier, le droit de ne pas
contribuer à sa propre incrimination présuppose que les
autorités cherchent à fonder leur argumentation sans recourir
à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les
pressions, au mépris de la volonté de l'« accusé
» (voir Funke précité ; John Murray c. Royaume-Uni, 8
février 1996, § 45, Recueil 1996-I ; Saunders c. Royaume-Uni, 17
décembre 1996, §§ 68-69, Recueil 1996-VI ; Serves c. France,
20 octobre 1997, § 46, Recueil 1997-VI ; J.B. c. Suisse, no
31827/96,
1258
§§ 47-48, CEDH 2001-III, § 64) ».
216. L'utilisation du détecteur de mensonges au
Liban. Premièrement, d'un point de vue juridique, il n'existe aucun
texte dans le droit libanais permettant ou offrant la couverture du principe de
la légalité de preuve qui permet ou légalise l'usage de
cet appareil durant l'enquête ou l'enquête préliminaire dans
le domaine pénal. Il n'existe pas, non plus, de texte qui aborde
explicitement ce moyen ou en interdise l'usage explicitement, et devant une
telle situation, il convient de certifier que ce moyen est interdit d'usage
parce qu'il est incompatible avec le
de l'interprétation des §1er et
2e de l'article 6 de la Convention relatifs, respectivement, au
droit à un procès équitable et au droit au respect de la
présomption d'innocence ».
1256 CEDH 25 février1993, Funke c/
France.
1257 CEDH 25 février1993, Funke c/
France, requête 10828/84, V. spec. §44. 1258 CEDH 5
avril 2012, Chambaz c/ Suisse, requête 11663/04V. spec. § 52.
305
principe de la légalité de preuve pénale
et avec les droits fondamentaux de l'homme et qu'il constitue une atteinte
à son intégrité physique. Il est donc
considéré comme une forme de contrainte matérielle, et
donc en l'absence de base légale formelle légalisant
l'utilisation du détecteur de mensonges, il est interdit d'y avoir
recours dans le droit libanais. Toute preuve en émanant ne doit pas
être acceptée et ne doit avoir aucune valeur probante. La question
de l'utilisation du détecteur de mensonges n'occupe pas une place
très importante en droit libanais et la doctrine ne s'y intéresse
pas, préférant se concentrer sur la torture corporelle et la
violence. On estime que c'est un moyen moderne d'enquête alors que d'un
point de vue pratique, c'est une méthode ancienne dans les pays
européens. Mais malgré le silence du droit, toute preuve
émanant de ce moyen est un aveu nul et n'a aucun effet juridique, ni
aucune valeur vu l'illégalité de ce moyen d'obtention de preuves.
L'une des causes de l'illégalité de la preuve obtenue grâce
au détecteur de mensonges est que la simple utilisation de cet appareil
est en soi une contrainte pour l'accusé, et une complète
abrogation de son droit de mentir et de son droit fondamental de se taire. Ce
moyen comporte aussi une forte contrainte morale pour le prévenu ou
suspect, car il est surveillé lors de son interrogatoire, en plus il
s'agit de mettre l'accusé en situation d'examen devant le
détecteur de mensonges ce qui lui donnera des sentiments de confusion,
de panique et de peur de mentir, ce qui le rend nerveux et de volonté
précaire lors de son interrogatoire. Dans tous les cas, l'avis
scientifique n'est pas d'accord sur la légalité du recours au
détecteur de mensonges, donc on ne peut le considérer comme
une
1259
.
preuve convaincante qui peut être prise en
considération sans équivoque
217. Soumission volontaire au détecteur de
mensonges. En principe l'utilisation de cet appareil ne devrait pas
être autorisée même si le prévenu ou son avocat
demande à le subir, la première cause réside dans le fait
qu'il n'y a pas de texte juridique autorisant un tel acte dans le droit
libanais, et deuxièmement, dans le fait que le prévenu qui
accepte volontairement de subir l'appareil pour prouver son innocence fera que
ce moyen sera accepté davantage pour arriver, enfin, à une phase
où tout prévenu qui ne propose pas ou ne demande pas
volontairement de subir cet appareil formera une présomption retenue
contre lui qu'il a commis l'infraction. De façon graduelle, l'appareil
deviendrait une preuve obligatoire donnant une preuve forte influant sur la
conviction du juge sans qu'il ne soit consacré par aucune loi.
Toutefois, nous constatons que cette interdiction absolue de soumission
volontaire au détecteur de mensonges peut avoir une seule limite dans le
cas où le prévenu est incapable de présenter une preuve de
son innocence alors qu'il y a des preuves qui l'inculpent et plus
1259 V. en langue arabe : M. Awji,
Leçons de procédure pénale, 1er
éd., Éditions juridiques Halabi, Beyrouth (Liban), 2002, p.
195.
306
précisément des preuves susceptibles de le
condamner, la demande du prévenu de subir volontairement le
détecteur de mensonges peut être acceptée après
l'accord de son avocat. Il va de soi que cette technique de défense doit
être consacrée et organisée par un texte législatif
détaillé et clair, et nous sommes ici d'accord avec une telle
approche pour deux raisons. Premièrement, pour permettre à
l'accusé de prouver son innocence lorsque les circonstances du crime
sont telles qu'il ne peut avoir une preuve de son innocence, car ceci
s'avère impossible. C'est la raison pour laquelle nous proposons
l'autorisation partielle de l'utilisation de ce moyen de façon
très restreinte et c'est à la Cour en charge de l'affaire
d'évaluer cette impossibilité et le prévenu est soumis au
détecteur de mensonges devant la Cour du fond et le juge du fond
c'est-à-dire sous la surveillance et en présence de
l'autorité judiciaire qui juge le fait et non devant l'enquêteur
ou le juge d'instruction. Ceci représente une garantie importante, et
là on peut dire que ce moyen devient dans ce cas un moyen de
défense exceptionnel et contribue à se débarrasser de la
règle qui dit que le doute est expliqué en faveur de
l'accusé et ceci est un sujet de recherche sérieux que nous
proposons.
B. Recevabilité de la preuve acquise
d'identification par ADN.
218. L'utilisation de l'ADN à des fins juridiques.
Des années durant, la preuve pénale s'est appuyée sur
des méthodes traditionnelles diverses et des preuves pénales
communes dans les enquêtes relatives à la découverte des
acteurs et des victimes de crimes et des accidents de toutes sortes,
jusqu'à la découverte, par le généticien
britannique Alec Jeffreys de l'empreinte génétique, qui est
devenue l'une des meilleures preuves usitées pour identifier avec une
exactitude parfaite les personnes, qu'elles soient des criminels ou des
victimes. Par ailleurs,
l'empreinte génétique revêt une importance
capitale1260 dans l'identification de la descendance, mais nous
allons nous contenter dans notre étude du rôle que joue
l'empreinte
1261
génétique dans la preuve pénale.
1260 V. M.-A. Grimaud, « Les enjeux de
la recevabilité de la preuve d'identification par ADN dans le
système pénal canadien », in R.D.U.S., Canada,
1994, Vol. 24, n° 2, pp. 295-345, V. spec. p. 298 : « Cette
preuve biométrique, mise au point en 1985 par un
généticien britannique, Alec Jeffreys, fascine. C'est presqu'un
truisme de dire qu'elle est séduisante et particulièrement
prometteuse, non pas seulement parce qu'elle repose sur une biotechnologie de
pointe, la génétique, mais surtout parce qu'elle permet, soit de
désigner avec une quasi-certitude, de confirmer une identité sans
un besoin de témoignage, soit d'exclure une telle identité
».
1261 M.-A. Grimaud, « Les enjeux de la
recevabilité de la preuve d'identification par ADN dans le
système pénal canadien », in R.D.U.S., Canada,
1994, Vol. 24, n° 2, pp. 295-345, V. spec. p. 300 : « En
matière criminelle, cette preuve est particulièrement utile dans
les causes de meurtres, de viols ou d'agressions sexuelles,
219. 307
L'ADN en matière de preuve pénale.
L'utilisation de l'ADN à des fins judiciaires au
1262
cours de l'enquête judiciaire revêt une
importance particulière. La question qui se pose est donc de savoir
comment profiter de l'analyse génétique dans la recherche des
éléments de preuve afin de découvrir la
vérité dans le procès ? Mmes Geneviève
Giudicelli-Delage et Haritini Matsopoulou répondent à cette
question en écrivant : « l'analyse d'ADN permet d'identifier un
individu, par comparaison de son empreinte génétique avec les
substances prélevées sur la scène d'un crime. Le recours
à un tel moyen permet souvent de faire le lien entre plusieurs affaires
criminelles et d'aboutir à l'identification d'un criminel en
série. L'utilisation des techniques, mettant en oeuvre l'ADN, a
évolué depuis le début de leur emploi
dans le cadre de la criminalistique
»
|
1263
|
. Donc, il s'agit d'une comparaison entre
l'ADN de la
|
1264
trace trouvée sur le lieu du crime
|
ou sur la victime (sang, sperme, ...), et celui du
suspect
|
|
1265
.
comme affirme la doctrine pénale
220. Conditions d'approbation de l'empreinte
génétique dans la preuve pénale. L'importance
croissante de l'ADN en matière de preuve pénale est remarquable
mais soulève
de vols qualifiés, de crimes en série et de
crimes non résolus où il n'est pas facile de trouver des preuves
sur la base des méthodes traditionnelles ».
1262 V. en ce sens : Y. Padova, «
À la recherche de la preuve absolue. Réflexions sur l'utilisation
de l'ADN en procédure pénale et sur le développement des
fichiers d'empreintes génétiques», in Arch.pol.crim.,
Éditions A. Pédone, 2004/1 - n° 26, pp. 71-90, V. spec.
p. 72 : « Compte tenu de la force probatoire qui est désormais
attachée aux résultats de l'analyse d'ADN, celle-ci
possède de nombreux effets secondaires, sur l'opinion publique
notamment, qui tend à considérer la présence
d'échantillons génétiques comme la garantie
d'identification du délinquant et donc la certitude du prononcé
de la sanction pénale».
1263 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H.
Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations
de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées.
Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal,
Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /
décembre 2003, p. 5.
1264 V. en ce sens : G. A. Van Eikema Hommes
et P. Tak, « Le test ADN et la procédure pénale en Europe
», in R.S.C., 1993, p. 679 : « La méthode de
l'empreinte génétique ADN se fait par comparaison de la structure
ADN de la matière corporelle trouvée sur le lieu du délit
ou sur la victime, avec la structure du matériel corporel
prélevé sur le prévenu. C'est une méthode
extrêmement complexe qui est mise en oeuvre pour trouver le
résultat de cette comparaison ».
1265 V. en ce sens : M. Franchimont, A.
Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale,
3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1097 : «
L'analyse génétique en procédure pénale est une
technique d'identification reposant sur la comparaison entre, d'une part, les
profils génétiques de traces découvertes sur les lieux de
l'infraction et, d'autre part, les profils génétiques
d'échantillons prélevés sur une personne en cours
d'information ou d'instruction. La comparaison peut également porter sur
les profils de traces trouvées sur les lieux de l'infraction, d'une part
et, sur les profils de traces stockées dans des bases de données
ADN, d'autre part, ou sur le profil génétique
d'échantillons de cellules prélevés, d'une part, et les
données de la banque, d'autre part. La comparaison permet
d'établir, avec un degré de certitude élevé, que la
personne concernée par l'analyse se trouvait ou ne se trouvait pas sur
les lieux d'infraction. ».
308
1266
plusieurs interrogations à propos de la
légalité de ce moyen dans la recherche de preuve, ce
1267
qui ouvre le débat sur les conditions auxquelles doit
être soumis un prélèvement ADN. La certitude de la valeur
de l'analyse 1268 de l'empreinte génétique1269
dépend totalement de la qualité de la méthode de recherche
et de l'exactitude dans l'interprétation des résultats
découlant de cette analyse, ce qui nécessite la présence
d'un atelier hautement qualifié. L'approbation des preuves requiert que
les procédures adoptées pour son obtention soient conformes
à celles prévues par la loi, sinon les preuves n'ont aucune
valeur légale. Afin que la preuve soit approuvée, la condition de
légalité de la preuve est sans doute nécessaire. Ce qui
est sûr c'est que l'utilisation de la technique d'empreinte
génétique, comme l'une des preuves adoptées dans la preuve
pénale va ouvrir une question portant sur la légalité de
ce moyen de preuve, parce qu'il pose certains problèmes inhérents
aux principes généraux de la procédure pénale et
des droits et garanties prévus pour les accusés, dont l'ampleur
de l'atteinte à la sécurité corporelle de l'accusé
1270 afin de le contraindre à la prise d'un échantillon de son
1271
corps ou d'une cellule de son sang pour procéder à
l'examen
|
.
|
1266 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 470, p. 419
: « L'appel à l'ADN doit être possible pour la preuve de
toute infraction grave car la détermination du coupable va dans le sens
de l'intérêt général en permettant à la fois
d'éviter de la part de celui-ci la commission d'autres infractions et la
condamnation d'un innocent contre lequel il y aurait eu des indices à
charges. En clair, entre deux maux -l'atteinte (très réduite) aux
droits de l'homme d'un individu et l'atteinte à l'ordre social- il faut
choisir le moindre ».
1267 V. G. Guidicelli-Delage (dir.) et H.
Matsopoulou (coord.), « Synthèse », in Les transformations
de l'administration de la preuve pénale : perspectives comparées.
Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal,
Royaume-Uni, Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /
décembre 2003, p. 5 : « il est permis de s'interroger sur les
différentes conditions auxquelles doit être soumis un
prélèvement ADN, qui doit assurer toutes les garanties de
fiabilité et, assurer le respect du principe de la
légalité dans l'administration des preuves ».
1268 V. M. Franchimont, A. Jacobs et A.
Masset, Manuel de procédure pénale, 3e
éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1100 : « L'analyse
génétique présente un degré de fiabilité
suffisant ».
1269 V. sur ce point : J. Pradel,
Procédure pénale, 17e éd., Cujas,
2013, n° 470, p. 418 : « Ce procédé plus moderne
qu'est le prélèvement de cellules aux fins de
détermination de l'empreinte génétique d'un individu
(A.D.N.) est indéniablement d'une grande fiabilité dès
lors que les conditions de recueil des échantillons et leur degré
de pureté sont au-dessus de tout soupçon ».
1270 V. sur ce point : Ch. Byk, « Tests
génétiques et preuve pénale », in R.I.D.C.,
Vol. 50, n° 2, avril-juin 1998, pp. 683-709, V. spec. p. 684 :
« L'impératif de la recherche de la vérité semble
avoir prévalu sur celui du respect de l'inviolabilité corporelle,
jusque peut-être à avoir réussi à déplacer
l'équilibre précaire qui voulait qu'en droit français on
ne puisse imposer de force à une personne, fut-elle suspectée
d'un délit, une atteinte à son intégrité physique.
L'analyse montrera également que les atteintes potentielles à la
vie privée ne sont protégées que de façon
très lacunaire par le droit positif ».
1271 V. sur ce point : G. A. Van Eikema
Hommes et P. Tak, « Le test ADN et la procédure pénale en
Europe », in R.S.C., 1993, p. 679 : « Pour obtenir le
matériel corporel dont on a besoin pour effectuer un test ADN, on devra
avoir souvent recours à une ingérence dans
l'intégrité corporelle du prévenu, telle que celle-ci a
été garantie dans les Constitutions de beaucoup de pays. Le droit
à l'intégrité corporelle n'est pourtant pas un droit
absolu. Souvent les lois fondamentales déclarent que ce droit peut
être limité par les dispositions légales ».
221. Les problèmes soulevés par
l'utilisation de l'empreinte génétique dans la preuve
pénale. L'utilisation de l'empreinte génétique dans
la preuve pénale soulève de nombreux
1272
problèmes relatifs à la sécurité
corporelle et à l'inviolabilité de la vie privée
. S'agissant
tout d'abord de la sécurité corporelle,
l'analyse de l'empreinte génétique nécessite l'obtention
d'un échantillon du corps humain 1273 , car il n'est pas possible de
procéder à l'analyse dans le cadre scientifique actuel sauf sur
des échantillons de sang ou de sperme ou toute autre cellule issue ou
séparée du corps humain. Cette analyse fait la comparaison entre
les traces laissées dans la scène de crime et les
échantillons 1274 pris de l'accusé pour s'assurer s'ils
proviennent
de la même source ou non
|
1275
|
. Cette comparaison requiert la prise d'une partie du corps
|
309
humain (soit l'accusé) pour effectuer l'analyse
|
1276
|
, ce qui constitue une atteinte à la
sécurité
|
corporelle. De ce fait, elle peut être restreinte dans
certains cas prévus par la loi. Outre ce qui a été dit
concernant l'interdiction de prendre un échantillon du corps de
l'accusé dans le but d'y analyser l'empreinte génétique,
car ceci constitue une atteinte à l'inviolabilité du corps et
1272 V. sur ce point : M.-A. Grimaud, «
Les enjeux de la recevabilité de la preuve d'identification par ADN dans
le système pénal canadien », in R.D.U.S., Canada,
1994, Vol. 24, n° 2, pp. 295-345, V. spec. p. 328 : « La preuve
obtenue par analyse génétique semble être porteuse de
bénéfices notables pour la justice dans le domaine de
l'identification; mais il ne fait nul doute que l'utilisation de cette preuve
sans un contrôle efficace générera de nombreux
problèmes. Les risques et les atteintes à la dignité
humaine peuvent se multiplier (atteinte aux droits fondamentaux
renforcés par les problèmes liés à la collecte et
l'utilisation des échantillons, l'informatisation et la création
des banques de données, les questions de sécurité
génétique, les questions de coût, les questions de
répercussion familiale et sociale etc...)» ; V. sur un droit
fondamental qui serait en jeu au test d'identification ADN serait le droit
à la vie privée : G. A. Van Eikema Hommes et P. Tak, «
Le test ADN et la procédure pénale en Europe », in R.S.C.,
1993, p. 679 : « La question est dans quelle mesure le test
d'identification provoque-t-il une ingérence à ce droit et dans
quelle mesure y pourra-t-on trouver des données qui tombent sous la
protection des diverses Constitutions, ou de l'article 8 de la Convention
européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
ou bien encore de l'article 17 de la Convention internationale des droits
civils et politiques ? ».
1273 V. sur ce point : M.-A. Grimaud, «
Les enjeux de la recevabilité de la preuve d'identification par ADN dans
le système pénal canadien », in R.D.U.S., Canada,
1994, Vol. 24, n° 2, pp. 295-345, V. spec. p. 308 : « la source
de l'échantillon utilisé pour l'analyse peut être variable
(prélèvements frais, vieux, secs, congelés,
décomposés) car l'ADN est stable et est extrêmement
résistant aux effets de l'environnement ».
1274 V. en ce sens : La Mise en état
des affaires pénales : rapports / Ministère de la justice,
Commission justice pénale et droits de l'homme ; présidée
par Mireille Delmas-Marty ; Serge Lasvignes, (et al.), V. spec. p. 201 :
« En effet, toute technique d'identification repose sur une
comparaison entre un indice relevé sur les lieux de l'infraction et un
échantillon prélevé sur le suspect, qu'il s'agisse de
sang, de sperme... Or, le respect de l'intégrité corporelle de
l'inculpé constitue une exigence traditionnelle de la procédure
pénale : le droit qu'a la justice d'accéder à ce que la
personne possède de plus intime a pour borne infranchissable
l'intégrité physique de celle-ci ».
1275 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 477, p. 434
: « La preuve par empreintes génétiques ou A.D.N (acide
désoxyribonucléique) est souvent présentée
aujourd'hui comme la preuve parfaite permettant de confondre par exemple
l'auteur d'un viol ou d'un homicide volontaire dès lors qu'ils ont
laissé sur les lieux du crime ou sur le corps de la victime quelques
cellules de leur sang, salive, sperme... et qu'une comparaison pourra
être faite avec des cellules appartenant à leur propre corps s'ils
sont soupçonnés ».
1276 V. en ce sens : G. A. Van Eikema Hommes
et P. Tak, « Le test ADN et la procédure pénale en Europe
», in R.S.C., 1993, p. 679 : « Le matériel avec
lequel on procède dans un test ADN faisait partie du corps humain
».
une contradiction avec la liberté individuelle des
personnes, seule la personne (l'accusé) a la liberté totale de
soumettre son échantillon biologique à l'analyse biologique ou de
s'y
1277
objecter.
222. Possibilité de contraindre l'accusé
à l'analyse de l'empreinte génétique en cas de refus.
L'opération de prise d'échantillon ou de cellule du corps de
l'accusé est nécessaire pour la comparaison qui s'effectue sur la
trace de la scène de crime ou sur le corps de la victime. Mais, est-il
possible de contraindre l'accusé à se soumettre à
l'analyse de l'empreinte genetique ? En d'autres termes, que faut-il faire si
l'accusé refuse que l'on prenne un échantillon de son corps? Le
refus est-il un aspect du droit au silence du suspect ou de
l'inculpé
|
1278
|
? M. Jean Pradel pose encore la question : «
L'intéressé doit-il consentir au
|
1279
prélèvement ? », pour finir par
affirmer que la question est délicate. Pour répondre à
cette
question
|
1280
|
, il sied de distinguer entre les deux hypothèses
suivantes : première hypothèse :
|
310
dans le cas où l'on trouve des traces du criminel sur
la scène de crime, on n'a pas besoin d'un corps ou de contrainte pour
prendre un échantillon du corps pour l'analyse. S'il s'avère
nécessaire de prendre un échantillon du corps de l'accusé,
il est nécessaire d'obtenir sa
. Si l'accusé ou prévenu refuse de donner son
1281 1282
permissionou celle de son tuteur
1277 V. M.-A. Grimaud, « Les enjeux de
la recevabilité de la preuve d'identification par ADN dans le
système pénal canadien », in R.D.U.S., (Revue de
droit de l'Université de Sherbrooke) Canada, 1994, Vol. 24, n° 2,
pp. 295-345, V. spec. p. 328 : « Comme toute
autre technologie scientifique, la preuve d'identification par ADN pose le
dilemme suivant : le savoir et le pouvoir confrontés aux garanties des
droits de la personne et de la justice sociale. En effet, avec l'analyse
génétique, c'est la personne toute entière qui est l'enjeu
de pouvoirs; la personne dans sa dimension physique, dans sa dimension humaine
et sociale, la personne dans sa dimension cosmique ».
1278 V. sur ce point : M. Franchimont, A.
Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale,
3e éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1098 : « Le
prélèvement de cellules humaines effectué sous la
contrainte peut être ressenti par le suspect ou par l'inculpé
comme violant son droit au silence ». (Telle n'est pas la position de
la Cour européenne de l'homme voir arrêt Saunders c/Royaume-Uni le
17 décembre 1996).
1279 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p.
436.
1280 V. encore sur ce pont, la question
posée par Gertrud A. Van Eikema Hommes et Peter Tak : V. G. A. Van
Eikema Hommes et P. Tak, « Le test ADN et la procédure
pénale en Europe », in R.S.C., 1993, p. 679 : «
Quelle réaction s'impose lorsque le prévenu refuse de subir un
prélèvement du matériel corporel ou d'en procurer ?
»
1281 Selon l'article 16-1 C. Civ français
1 du 29 juillet 1994 « Le corps humain est inviolable ».
1282 La loi pénale française
incrimine la violation de l'intimité de la vie privée, sauf
consentement de l'intéressé, art 226-1 et suivant du Code
pénal français.
, alors, il faut se contenter de ce qui a été pris
ou d'en prendre des échantillons
1284
de la scène de crime.
échantillon
1283
311
Concernant la deuxième hypothèse: s'il faut
prendre un échantillon du corps de l'accusé, et si
l'accusé refuse, il y a alors trois options découlant de longs
débats se rapportant à l'utilisation de l'empreinte
génétique pour la preuve pénale, notamment l'analyse de
l'empreinte génétique.
Première option: Il s'agit d'imposer une
sanction à l'accusé s'il refuse qu'on prenne un
échantillon de son corps. Ceci n'est pas prévu par la loi
libanaise, donc, nous excluons l'application de cette option au Liban. Au
contraire, en droit français le fait de refuser de se soumettre à
un prélèvement ADN est sanctionné pénalement et par
amende.
Deuxième option : l'accusé ne fait pas
l'objet de sanction s'il refuse de se soumettre à
l'analyse 1285
, et dire que le refus est considéré comme une
preuve de la perpétration de
l'infraction par l'accusé ou non, dépend de
l'estimation par l'autorité du juge 1286 . Or sur la base du droit du
prévenu de ne pas s'auto-incriminer et du droit de ne pas contribuer
à sa propre incrimination, nous critiquons fortement cet avis car le
refus de l'accusé ne peut être considéré comme une
preuve concluante de sa responsabilité sauf si le résultat de
l'analyse confirme la compatibilité de l'échantillon pris de lui
avec l'échantillon trouvé sur la scène de
1287
crime ou sur le corps de la victime.
1283 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 470, p. 419
: « Des auteurs considèrent que le droit au silence inclut le
droit pour le prévenu de s'opposer de fournir à la justice des
informations tirées de son corps ».
1284 V. R. Coquoz, Preuve par l'ADN. La
génétique au service de la justice, 1er
éd., Presses polytechniques et universitaires romandes, 2003, p. 295:
« Avec le consentement de la personne, le prélèvement ne
soulève pas de problème particulier. Les choses se compliquent
lorsque la personne refuse le prélèvement. Et la loi doit bien
sûr déterminer s'il est possible d'effectuer un
prélèvement contre la volonté d'une personne, et dans
quels cas ».
1285 V. en ce sens : V. G. A. Van Eikema
Hommes et P. Tak, « Le test ADN et la procédure pénale en
Europe », in R.S.C., 1993, p. 679 : « Une
première option est de rendre le refus passible d'une peine, comme cela
s'est produit pour le refus d'une prise de sang lors d'une infraction à
la circulation routière prévue par le Code des débits de
boissons. Cependant cette réaction n'a pas l'air très
réaliste, puisque, pour se présenter au prévenu comme une
incitation à coopérer au test, la peine imposée pour le
refus de consentement devrait être identique à la peine encourue
à la suite d'un test positif ».
1286 V. en ce sens : V. G. A. Van Eikema
Hommes et P. Tak, « Le test ADN et la procédure pénale en
Europe », in R.S.C., 1993, p. 679 : « Une
deuxième possibilité est de ne pas rendre le refus passible d'une
peine, mais de laisser à la discrétion du juge de l'audience de
décider quelles conséquences en matière de preuve il veut
lier au refus. Cette réaction a été choisie par le
législateur d'Angleterre, du pays de Galles, d'Irlande du Nord et de la
République irlandaise ».
1287 V. critique concernant cette option : V.
G. A. Van Eikema Hommes et P. Tak, « Le test ADN et la procédure
pénale en Europe », in R.S.C., 1993, p. 679 : « A
notre avis, la deuxième possibilité n'est pas
Troisième option: Il s'agit de contraindre
l'accusé à se soumettre à l'analyse de l'empreinte
1288
génétique
|
. Cette option, proposée par certains auteurs
|
1289
|
, peut être considérée comme une
|
312
violation aux principes fondamentaux du droit de preuve.
Notamment à l'interdiction de la contrainte de la personne à
présenter une preuve à son encontre et au principe suivant lequel
la charge de la preuve pèse sur le demandeur. Cependant, ceci constitue
l'option usitée dans les pays européens et occidentaux qui ont
attribué au juge le pouvoir de contraindre l'accusé à
prendre un échantillon de son corps à condition que cet
échantillon soit dans la proportion nécessaire pour
procéder à l'analyse. Quant à nous, nous choisissons la
troisième option, car elle est la plus idoine. En effet, l'obtention
d'un échantillon du sang (ou salive, cheveux) de l'accusé peut
certes être douloureuse, mais cette douleur n'est pas telle qu'il ne peut
la
supporter puisque ce n'est qu'une petite piqûre 1290 .
En outre, la prise d'échantillon du sang de l'accusé dans
certains crimes où l'on trouve des preuves insuffisantes sur sa
perpétration de ces crimes est considérée comme une
procédure nécessaire pour la comparer avec les traces de sang, de
sperme ou autres traces humaines sur la scène de crime. La prise de cet
échantillon, même si elle est considérée comme une
violation à la sécurité corporelle, n'est pas comparable
avec le préjudice que le criminel a causé en commettant le crime,
à cet effet, la loi a permis de soumettre l'accusé à des
procédures susceptibles de porter légèrement atteinte
à sa sécurité corporelle afin d'atteindre un
intérêt d'une importance capitale, soit l'établissement de
la sécurité et de la justice, comme c'est le cas pour la preuve
pénale par rapport au conducteur de voiture en état d'ivresse.
Toutefois, la dernière option est considérée comme
étant illégale dans la loi libanaise à cause de la
clarté du texte de loi libanaise qui interdit cette méthode. Il
serait utile que le législateur libanais intervienne pour modifier la
présente loi de façon fondamentale afin d'être conforme
avec l'importance de cet examen dans les enquêtes
acceptable, puisque le prévenu peut avoir des
raisons valables motivant ce refus. Par ailleurs ce même refus ne peut
être considéré comme preuve tangible. En outre, cette
alternative est tout à fait contraire au système de la preuve
légale et négative, étant le système de preuve dans
divers pays européens continentaux. Ainsi un refus de coopération
ne peut jamais constituer une preuve positive pour la détermination de
l'imputabilité du prévenu. Pour argumenter la preuve il n'y a que
le résultat du test ».
1288 V. sur ce point : J. Pradel,
Procédure pénale, 17e éd., Cujas,
2013, n° 470, p. 419 : « En clair, entre deux maux -l'atteinte
(très réduite) aux droits de l'homme d'un individu et l'atteinte
à l'ordre social- il faut choisir le moindre ».
1289 V. G. A. Van Eikema Hommes et P. Tak,
« Le test ADN et la procédure pénale en Europe », in
R.S.C., 1993, p. 679 : « Une troisième
possibilité serait de passer outre le refus de coopération par
l'application de la contrainte ou de la force. C'est le choix du
législateur des pays scandinaves, de l'Ecosse, de l'Allemagne, des
États-Unis et de quelques États de l'Australie ».
1290 V. en ce sens sur ADN et droit à
l'intégrité corporelle de l'individu: M. Franchimont, A. Jacobs
et A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e
éd., Larcier, Bruxelles, 2009, p. 1099 : « Dans la mesure
où, dans la majorité des cas, l'analyse ADN de comparaison
suppose le prélèvement de cellules sur une personne, il s'agit
d'une atteinte- si limitée soit elle- au droit à
l'intégrité corporel de l'individu ».
313
pénales et des preuves ou de choisir une autre option
claire concernant le refus de soumettre à un prélèvement
d'ADN en limitant les infractions visées par cette option.
223. Position du législateur libanais
vis-à-vis de l'utilisation des profils d'ADN dans des procédures
pénales. Les législations modernes, y compris la
législation libanaise, permettent l'expertise technique pour la
recherche de la vérité. Cette considération transcende
toutes les autres considérations. Il convient de citer que M. Moustapha
Awji qui pense que l'accomplissement de cette expertise ne permet pas
l'utilisation de moyens agressifs ou de contrainte à cet effet, sauf si
la loi permet d'effectuer l'expertise en dépit de l'objection du
défendeur 1291 . De ce fait, l'ADN est
considéré comme faisant partie de l'expertise et non pas comme
moyen de preuve selon M. Moustapha Awji. Les textes de loi de la
procédure pénale libanaise ne comportent aucune mention de
l'empreinte génétique. Nous pensons que l'empreinte
héréditaire est considérée comme un acte
d'expertise lorsqu'elle est obtenue sur la scène de crime ou en tout
autre lieu, car le propriétaire de l'empreinte l'a laissée
derrière lui. Par conséquent, il n'y a pas besoin d'obtenir son
approbation ou de l'intervention d'une autre personne pour obtenir un
échantillon de son corps. Concernant le cas où l'obtention de
l'échantillon est impossible sans porter atteinte au corps de son
propriétaire ni à sa volonté, le sujet est alors
complètement différent et cela devient un moyen de preuve qui a
besoin d'approbation explicite et manuscrite de la personne concernant son
accord pour faire l'objet d'analyse car il s'agit ici de sa
sécurité corporelle et volontaire.
224. La partie qui autorise l'accomplissement de
l'analyse de l'empreinte héréditaire dans le droit libanais.
La question suivante se pose : la science peut-elle être toujours
infaillible dans l'identification du criminel devant les tribunaux ? En droit
libanais la loi n° 625 a été promulguée le 20/11/2004
sous le nom d'analyses génétiques humaines. L'article 4 de cette
loi confirme que « ni les considérations de recherche relative
au stock génétique, ni aucune de ses applications dans le domaine
biologique, génétique ou médical, ne doivent enfreindre
les droits de l'homme, ses libertés fondamentales, et la dignité
humaine de l'individu ou de la société ». Sur ce, est
formellement interdite toute utilisation de moyens ou toute conduite d'examens
qui transgressent la dignité de l'homme. L'article 5, à son tour,
confirme la confidentialité de ces informations et de leur protection :
« Il est impératif de respecter la confidentialité des
informations génétiques propres à tout individu ou tout
groupe. » Quant à l'article 9, il confirme la liberté
de l'individu en imposant la déclaration explicite manuscrite
1291 V. en langue arabe : M. Awji,
Leçons de procédure pénale, 1er
éd., Halabi Law Publisher, Beyrouth (Liban), 2002, p. 192.
314
de la soumission à cette analyse sans aucune contrainte
: est interdite la conduite directe de toute analyse génétique
sauf avec l'approbation explicite et manuscrite de la personne soumise à
l'analyse, l'approbation n'est considérée comme étant
explicite que si le donneur d'approbation avait suffisamment de temps de
réflexion avant de la donner. Est interdit tout exercice de pression ou
de tentation morale ou matérielle visant l'obtention de l'approbation de
la personne soumise à l'analyse. La personne ayant accepté de se
soumettre à l'analyse a le droit de changer d'avis ou de demander
l'arrêt de l'examen ou d'annuler les résultats après les
avoir consultés, conformément à l'article 11 qui
énonce que « la personne ayant fait l'objet d'examen est
habilitée à consulter les résultats de cet examen, de
même, elle est habilitée à arrêter cet examen ou
à annuler tout ce qui s'y rapporte à tout moment».
L'article 14 de cette même loi interdit le recours des
autorités générales ou toute autre personne au laboratoire
pour obtenir les résultats de l'examen sans le consentement
préalable par écrit de la personne ayant fait l'objet de
l'examen. Cet article sert de protection à la personne, sa
liberté et sa confidentialité dans les enquêtes
pénales, à savoir l'article 14 affirme qu'il est interdit de
communiquer les résultats de l'examen à la famille ou à
toute autre tierce personne, privée ou publique, sans le consentement
explicite par écrit de la personne objet d'examen. Concernant les
mineurs ou les personnes n'ayant pas la capacité pour donner leur
approbation explicite, les examens génétiques s'effectuent
conformément à la demande manuscrite du tuteur. L'article 16
affirme que « les examens des traits génétiques pour
confirmer la descendance et pour des raisons de médecine légale
(empreintes génétiques et recherches de paternités) et les
méthodes de son utilisation sont soumis au pouvoir judiciaire
compétent qui décide si la conduite d'examen est
légalement autorisée ». Ce texte est pauvre en terme de
structure et il est très vague ne donnant aucune signification,
excepté que le juge est habilité à décider s'il est
permis légalement d'effectuer l'examen ou non en vue de confirmer la
descendance ou en tant qu'expertise technique dans les procès.
Cependant, il ne propose aucun critère pour connaître la
façon dont le juge prend sa décision et comment il estime si
l'examen est légalement permis ou non. Le législateur doit
intervenir pour modifier le texte et expliquer la façon d'utilisation
dudit examen dans les procès et enquêtes et leurs
procédures, les garanties et les sanctions contre le non-maintien de
cette confidentialité qui doit être préservée vu
l'importance que revêt ce moyen dans la preuve et son utilisation
croissante et son rôle dans les enquêtes. Pour ce qui est des
laboratoires, l'article 21 dispose que « les activités des
laboratoires de l'ADN et la sauvegarde d'échantillons et leur insertion
sur les réseaux d'information doivent se plier à toutes les
règles adoptées et connues en matière de sauvegarde des
fichiers médicaux (articles 7 et 29 du Code de la déontologie
médicale). De même, elles sont soumises aux Codes civils et
pénaux en vigueur. » Quant à l'article 22, il
315
prévoit que « les registres et les
échantillons d'ADN sont préservés dans des centres qui
comportent toutes les garanties scientifiques et morales agréées
par le ministère de la santé ». Concernant l'article
23, il dispose que « toute personne concernée est mise au
courant de son droit à refuser de donner toute information
génétique préservée la concernant, ainsi que de son
droit d'obtenir ces informations à tout moment, ou à demander son
abrogation sur le registre, ou le retrait ou la destruction des
échantillons d'ADN propre à elle, à condition qu'elles ne
contredisent pas les dispositions de l'article 22 de la présente loi.
» Concernant la protection des informations, l'article 24 affirme que
« des mécanismes particuliers codés sont adoptés
dans les laboratoires d'ADN afin de protéger les informations et
interdire toute prise de connaissance privée ou publique y
afférente permettant l'identification de la personne concernée
par le registre, par ailleurs, toute demande de présentation de tout
document génétique aux personnes concernées est interdite
».
225. Position de la jurisprudence libanaise
vis-à-vis de l'utilisation de l'examen génétique. Au
Liban, la jurisprudence prend en considération l'empreinte
génétique en sa qualité d'indice et de preuve scientifique
dans la justice civile et pénale. C'est ce qui a été
confirmé par le juge d'instruction au mont Liban, dans la
décision du 05/02/1995 dans l'affaire du décès de l'enfant
(Nathali Dabbas), où le juge d'instruction considérait que «
l'analyse de l'ADN, dans le cas présent, prouve de façon
catégorique que (Nathalie) est la fille de (Wadii Dabbas), car l'analyse
a prouvé que les échantillons pris de (Natalie) après
être déterrée, se caractérisent par des mêmes
caractéristiques héréditaires, et correspondent aux
échantillons utilisés par le docteur lors de l'autopsie du
cadavre de Natalie, autrement dit, il n'y a aucun doute que la fille objet
d'autopsie est (Nathalie Dabbas)... Attendu que l'enquête a
concerné plusieurs aspects, et la tendance vers l'aspect médical
n'a pas exclu les autres aspects qui sont restés continuels, attendu que
nous avons écouté plusieurs témoins et médecins,
ainsi que la partie/ demanderesse et défenderesse, attendu que le
rapport d'expertise qui nous est parvenu de Washington, il échet donc de
dire qu'il n'y a eu aucun abus sexuel contre (Nathalie Dabbas) ».
Selon nous, beaucoup des questions problématiques n'ont pas
été évoquées par la doctrine et la jurisprudence
libanaises parce que rares sont les cas qui soulèvent la question du
prélèvement d'ADN présentés devant la justice
libanaise.
226. L'Admission de la preuve par ADN ou l'utilisation de
l'ADN en droit français. Longtemps, la France n'a eu aucune
disposition légale en la matière 1292 . Ce vide juridique en
1292 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 478, p.
434.
matière D'ADN est comblé partiellement par un
texte de loi civil qui est la loi du 29 juillet 1994 sur la bioéthique.
« Jusqu'aux années 1990, au questionnement
génétique répondait un immense vide juridique. C'est tout
d'abord la loi du 29 juillet 1994 sur la bioéthique qui a
introduit dans le Code civil une législation
spécifique. L'article 16-11, alinéa 1er, du Code civil
fut pendant plusieurs années la seule disposition à apporter un
début de solution à la
matière pénale »
|
1293
|
. Mme Coralie Ambroise-Castérot illustre parfaitement le
problème qui
|
entoure l'application de l'article 16-11, alinéa
1er du Code civil en matière pénale face aux exigences
du procès équitable comme une exigence incontournable :
« Ce texte prévoit en effet la possibilité d'une prise
d'empreintes génétiques dans le cadre d'une enquête ou
d'une information judiciaire. Cependant, les exigences du procès
équitable et de la protection des droits de la défense ne
pouvaient nullement se satisfaire d'un demi alinéa dans le Code civil
pour réglementer une méthode d'investigation pénale aussi
invasive, intrusive au regard de la protection de la vie privée, et
aussi dangereuse pour les libertés et les droits
fondamentaux » 1294 . Mais le vide juridique qui
continue a existait en matière pénale d'ADN en droit
français n'a pas empêché certains juges d'instruction de
recourir à ce procédé et on peut citer un arrêt du
14 août 1997 de la Cour d'appel de Rennes qui a mentionné que
« des prélèvements de sang ou de salive soient
systématiquement effectués avec accord préalable des
intéressés, sur tous les habitants de sexe masculin d'âge
adulte de la commune de Pleine-Fougères, et, dans l'hypothèse de
résultats négatifs, d'effectuer de semblables opérations
dans
les communes avoisinantes»
|
1295
|
. Pour combler ce vide juridique qui existait en
matière pénale
|
316
1296
en droit français, il faudra attendre jusqu'à la
loi n° 98-468 du 17 juin 1998sur les
1297 1298
infractions de nature sexuelleet la protection des mineurs
victimespour que soit
1293 C. Ambroise-Castérot, « La
personne soupçonnée ou condamnée face aux soins ou
vérifications sur sa personne », in Revue de droit sanitaire et
social, 2008, p. 66, V. spec. n° 6.
1294 C. Ambroise-Castérot, « La
personne soupçonnée ou condamnée face aux soins ou
vérifications sur sa personne », in Revue de droit sanitaire et
social, 2008, p. 66, V. spec. n° 6.
1295 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p. 436
: « Mais qu'en est-il en France ? Une décision (Rennes 14 aout
1997) a admis que le recours à l'A.D.N. suppose le consentement des
intéressées. Mais elle a été rendue avant la loi de
1998 qui, il est vrai, ne disait rien en cette question ».
1296 V. C. Ambroise-Castérot, «
La personne soupçonnée ou condamnée face aux soins ou
vérifications sur sa personne », in Revue de droit sanitaire et
social, 2008, p. 66, V. spec. n° 7 : « Le Parlement a
finalement adopté le 17 juin 1998 une législation
spécifique. Cette législation n'a pas introduit les empreintes
génétiques dans une section relative à la preuve, mais
dans une partie du Code de procédure pénale traitant du fichier
national automatisé des empreintes génétiques (dit FNAEG)
».
1297 V. sur la comparaison d'empreintes
génétiques en droit français: P.-Y. Marot et G. Roussel,
« La fabrique des populations problématiques par la suspicion
policière », in Colloque international, Nantes, 13, 14 et
15 juin 2007, p. 6 : « D'abord instrument spécifique
dédié à la lutte contre la délinquance sexuelle, il
est devenu un outil plus général au service de
l'élucidation des affaires ».
1299
. La
consacrée cette technique, sur amendement de
parlementaires de l'opposition d'ailleurs matière est traitée
à l'article 706-54 du CPP français, complété par
une circulaire du 14 décembre 1998 et par un décret d'application
en date du 18 mai 2000 relatif au fichier national
automatisé des empreintes génétiques
(F.N.A.E.G)
|
1300
|
et au service central de préservation des
|
prélèvements biologiques. Les lois des 15
novembre 2001, 18 mars 2003, 9 mars 2004, 4 avril 2006, 10 mars 2010 et 14 mars
2011 « d'orientation et de programmation pour la performance sur la
sécurité intérieure » (dite loi LOPSI II)
apportent quelques retouches
comme le souligne M. Jean Pradel
|
1301
|
. Au début, la liste des infractions était
limitée à certaines
|
317
infractions relatives aux infractions sexuelles qui figuraient
dans la loi du 18 juin 1998. Mais survinrent trois lois postérieures
prévoyant d'étendre la liste des infractions (loi 15 novembre
2001, loi 18 mars 2003 et loi 9 mars 2004). Aujourd'hui, la liste des
infractions selon l'article 706-55 du CPP français est «
énorme » selon l'expression de M. Jean Pradel1302 . En fait,
dans le futur, il est possible que le législateur français
abandonne un jour le système de la liste des
1303
.
infractions pour utiliser un critère différent en
se basant sur le montant de la peine
227. Les hypothèses autorisant le recours aux
analyses d'ADN en droit français. Est-il permis pour une personne
objet d'une procédure pénale de refuser de se soumettre à
des prélèvements d'ADN ? De la même manière, est-il
possible légalement de contraindre une personne dans une
procédure pénale à se soumettre à un
prélèvement biologique destiné à la manifestation
de la vérité ? Refuser de se soumettre à un
prélèvement biologique est-il contraire à la loi ? Est-ce
punissable ? Mme Coralie Ambroise-Casterot répond à cette
question d'une manière générale en soulignant que
« le droit français oscille entre la préservation du
droit de ne pas s'auto-incriminer, le droit à la protection de
l'intégrité corporelle, et la recherche de la preuve
nécessaire à la résolution de l'affaire. Autrement
dit,
1298 V. A. Giudicelli, « Sur la
distinction du prélèvement et de l'analyse concernant les
empreintes génétiques (Cass. crim., 30 avr. 1998), in
R.S.C., 2001, p. 607 : « avec la loi du 17 juin 1998 relative
à la prévention et à la répression des infractions
sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, a été
ajouté dans ce même code un article 706-54 qui crée un
fichier national automatisé de données génétiques
».
1299 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 478, p.
435.
1300 V. sur le Fichier national
automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) : F.
Christine, Le fichier national des empreintes génétiques,
DEA droit et justice année 2001-2002, Université de Lille
2.
1301 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 478, p.
435. 1302 J. Pradel, Procédure pénale,
17e éd., Cujas, 2013, n° 478, p. 435.
1303 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 478, p. 435
: « viendra sans doute le jour où le législateur
abandonnera le système de la liste et décidera que sont
concernées toutes infractions passibles par exemple de trois ans
d'emprisonnement ».
le premier enjeu est d'examiner le corps face aux
impératifs de vérité »
1304
. En droit français,
il y a plusieurs hypothèses concernant le
prélèvement biologique. Le premier concerne le
prélèvement biologique afin de conserver dans le fichier national
automatisé des empreintes génétiques concernant les
auteurs qui sont déclarés coupable par la Cour d'avoir commis
certaines infractions sélectionnées par le législateur ou
qui ont fait l'objet d'une décision d'irresponsabilité
pénale en application des articles 706-120, 706-125, 706-129, 706-133
ou
706-134 (les infractions sont énumérées
dans l'article 706-55 du CPP français)
|
1305
|
. Quelles
|
sont les infractions qui nécessitent le
prélèvement biologique pour conserver les empreintes
génétiques des personnes condamnées et qui ont fait
l'objet d'une décision d'irresponsabilité pénale ? En
droit français « toute personne condamnée pour une des
infractions mentionnées à l'article 706-55 du Code de
procédure pénale verra ses empreintes génétiques
centralisées
dans le fichier »
|
1306
|
. L'article 706-55 du CPP français énumère
les infractions qui permettent
|
318
de recueillir les empreintes génétiques des
personnes déclarées coupables de l'une des infractions
mentionnées à l'article 706-55 du CPP ; sont les infractions de
nature sexuelle, autres infractions contre les personnes, infractions contre
les biens, certaines infractions contre
la sûreté de l'État...1307 Le
législateur français a exagéré avec cette longue
liste d'infractions qui élargit le domaine de cet article qui permet de
prélever l'ADN des personnes déclarées
1304 C. Ambroise-Castérot, « La
personne soupçonnée ou condamnée face aux soins ou
vérifications sur sa personne », in Revue de droit sanitaire et
social, 2008, p. 66.
1305 L'article 706-54 dispose que «
Le fichier national automatisé des empreintes génétiques,
placé sous le contrôle d'un magistrat, est destiné à
centraliser les empreintes génétiques issues des traces
biologiques ainsi que les empreintes génétiques des personnes
déclarées coupables de l'une des infractions mentionnées
à l'article 706-55 en vue de faciliter l'identification et la recherche
des auteurs de ces infractions. Sont conservées dans les mêmes
conditions les empreintes génétiques des personnes poursuivies
pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 ayant
fait l'objet d'une décision d'irresponsabilité pénale en
application des articles 706-120, 706-125, 706-129, 706-133 ou 706-134
».
1306 C. Ambroise-Castérot, « La
personne soupçonnée ou condamnée face aux soins ou
vérifications sur sa personne », in Revue de droit sanitaire et
social, 2008, p. 66.
1307 L'article 706-55 du CPP français:
« Le fichier national automatisé des empreintes
génétiques centralise les traces et empreintes
génétiques concernant les infractions suivantes: 1° Les
infractions de nature sexuelle visées à l'article 706-47 du
présent code ainsi que le délit prévu par l'article 222-32
du code pénal; 2° Les crimes contre l'humanité et les crimes
et délits d'atteintes volontaires à la vie de la personne, de
torture et actes de barbarie, de violences volontaires, de menaces d'atteintes
aux personnes, de trafic de stupéfiants, d'atteintes aux libertés
de la personne, de traite des êtres humains, de
proxénétisme, d'exploitation de la mendicité et de mise en
péril des mineurs, prévus par les articles 221-1 à 221-5,
222-1 à 222-18, 222-34 à 222-40, 224-1 à 224-8, 225-41
à 225-4-4, 225-5 à 225-10, 225-12-1 à 225-12-3, 225-12-5
à 225-12-7 et 227-18 à 227-21 du code pénal; 3° Les
crimes et délits de vols, d'extorsions, d'escroqueries, de destructions,
de dégradations, de détériorations et de menaces
d'atteintes aux biens prévus par les articles 311-1 à 311-13,
312-1 à 312-9, 313-2 et 322-1 à 322-14 du code pénal;
4° Les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, les
actes de terrorisme, la fausse monnaie et l'association de malfaiteurs
prévus par les articles 410-1 à 413-12, 421-1 à 421-4,
442-1 à 442-5 et 450-1 du code pénal; 5° Les délits
prévus par les articles L. 2353-4 et L. 2339-1 à L. 2339-11 du
code de la défense; 6° Les infractions de recel ou de blanchiment
du produit de l'une des infractions mentionnées aux 1° à
5°, prévues par les articles 321-1 à 321-7 et 324-1 à
324-6 du code pénal ».
319
coupable et les personnes poursuivies pour l'une des
infractions mentionnées à l'article 706-55 ayant fait l'objet
d'une décision d'irresponsabilité pénale. Il est
souhaitable que le législateur français abandonne cette longue
liste d'infractions pour n'énumérer que les crimes
qualifiés de graves et dont la détection des auteurs est
très compliquée. D'autre part, dans l'alinéa 2 de
l'article 706-54 du CPP français 1308 , on trouve le fondement
légal qui permet de recueillir l'empreinte génétique des
personnes soupçonnées « à l'encontre desquelles
il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles
aient commis l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55
». De surcroît, l'alinéa 3 de l'article 706-54 du CPP
français permet aux officiers de police judiciaire d'effectuer d'office
(ou à la demande du procureur de la République ou du juge
d'instruction) une procédure de rapprochement avec les données
qui sont incluse dans le Fichier national automatisé1309 des
empreintes génétiques1310. Il est donc possible de
« faire procéder à un rapprochement de l'empreinte de
toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs
raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis l'une des infractions
mentionnées à l'article 706-55 avec les données incluses
au
1311
.
fichier, sans toutefois que cette empreinte puisse y
être conservée »
228. Argument contre le fait de procéder à
un prélèvement par la contrainte. Il existait en faveur de
l'emploi de la contrainte certains arguments : dans toutes les
hypothèses se pose le
1308 L'alinéa 2 de l'article 706-54 du
CPP français dispose: « Les empreintes génétiques
des personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou
concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis l'une des infractions
mentionnées à l'article 706-55 sont également
conservées dans ce fichier sur décision d'un officier de police
judiciaire agissant soit d'office, soit à la demande du procureur de la
République ou du juge d'instruction ; il est fait mention de cette
décision au dossier de la procédure. Ces empreintes sont
effacées sur instruction du procureur de la République agissant
soit d'office, soit à la demande de l'intéressé, lorsque
leur conservation n'apparaît plus nécessaire compte tenu de la
finalité du fichier. Lorsqu'il est saisi par l'intéressé,
le procureur de la République informe celui-ci de la suite qui a
été réservée à sa demande ; s'il n'a pas
ordonné l'effacement, cette personne peut saisir à cette fin le
juge des libertés et de la détention, dont la décision
peut être contestée devant le président de la chambre de
l'instruction ».
1309 V. « Commentaire de la
décision n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010 », in Les
Cahiers du Conseil constitutionnel, Cahier n° 30: « Dans
tous les cas, seules les infractions énumérées par
l'article 706-55 permettront donc un prélèvement biologique.
L'enregistrement est possible en cas de condamnation (article 70654, al. 1er)
ou en cas d'« indices graves ou concordants rendant vraisemblable»
que l'intéressé ait commis l'une de ces infractions (article
706-54, al. 2) ; l'enregistrement n'est pas possible, en revanche, s'il existe
simplement « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner
» que l'intéressé a commis l'une de ces mêmes
infractions énumérées par l'article 706-55 (article
706-54, al. 3) ».
1310 V. sur ce point: É. Mathias,
Procédure pénale, 3e éd.,
Bréal, 2007, p. 77: « les officiers de police judiciaire
peuvent non seulement procéder à un rapprochement des
échantillons prélevés sur la victime ou sur les lieux de
l'infraction avec les données stockées dans le fichier, mais
aussi comparer l'ADN d'un suspect avec les traces et empreintes
génétiques déjà fichées ».
1311 L'alinéa 3 de l'article 706-54 du
CPP français.
1312
problème du consentement de l'intéressé qui
est sans doute une question fondamentale
.
L'article 16-11, C. civ., prévoit trois applications de
l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques :
en matière civile (filiation notamment) où « le
consentement de l'intéressé doit être préalablement
et expressément recueilli », et en matière
pénale où cette exigence ne figure pas, d'où l'on peut
déduire que le consentement n'est pas nécessaire
comme affirme M. Jean Pradel
|
1313
|
. Contrairement à l'avis précédent de M.
Jean Pradel, nous
|
croyons qu'il n'est pas logique de déduire que le
consentement préalable de l'intéressé n'est pas
nécessaire en matière pénale parce que cette exigence ne
se trouve pas explicitement dans un texte de loi. Le consentement est toujours
nécessaire en cas d'atteinte légale sur le corps sauf en cas
d'exception lorsque le législateur exige de façon explicite qu'il
faut appliquer cette atteinte légale sans consentement de
l'intéressé. De surcroît, l'avis de M. Jean Pradel n'est
pas compatible avec le principe qui garantit à toute personne le droit
de ne pas s'auto incriminer et
1314
son droit au silence . Dans la fameuse «
décision bioéthique » n° 94-343/344 du 27 juillet
1994, qui vient juste avant la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du
corps humain, créant l'article 16-11, C. civ., on n'a pas
considéré que l'inviolabilité et l'intégrité
du corps humain
avait une valeur constitutionnelle
|
1315
|
. Donc, le Conseil constitutionnel refuse de donner à
|
l'inviolabilité de l'intégrité du corps
humain une valeur constitutionnelle
|
1316
|
. Dans la décision
|
320
1312 V. A. Giudicelli, « Sur la
distinction du prélèvement et de l'analyse concernant les
empreintes génétiques (Cass. crim., 30 avr. 1998), in
R.S.C., 2001, p. 607 : « Dans tous les cas, se pose la
question du consentement de l'intéressé. L'article 16-11 du Code
civil se contente d'exiger le recueil du consentement dans le cadre d'une
procédure judiciaire civile. Le silence du texte concernant la
procédure pénale signifie-t-il que le consentement,
préalablement au prélèvement nécessaire à
l'analyse, n'est pas requis ? ».
1313 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p. 437
: « L'article 16-11, C. civ., prévoit trois applications de
l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques :
1° dans le cadre des mesures d'enquête ou d'instruction
déligentées lors d'une procédure judiciaire ; 2°
À des fins médicales ou de recherche scientifique ; 3° Aux
fins d'établir, lorsqu'elle est inconnue, l'identité de personnes
décédées. Or ce texte ajoute « qu'en matière
civile ( le consentement de l'intéressé doit être
préalablement et expressément recueilli », et il en va de
même dans le cas des recherches médicales ou scientifiques alors
que rien de tel n'est prévu pour les mesures d'enquête ou
d'instruction. ».
1314 V. en ce sens : A. Giudicelli,
« Sur la distinction du prélèvement et de l'analyse
concernant les empreintes génétiques (Cass. crim., 30 avr. 1998),
in R.S.C., 2001, p. 607 : « En droit français, au
regard du principe de l'inviolabilité de la personne humaine
consacré aux articles 16-1 et 16-3 du Code civil, il n'est pas possible
d'admettre une atteinte au corps d'autrui qui ne serait pas consentie. Par la
combinaison du principe de l'inviolabilité et des règles qui
gouvernent la charge de la preuve, notamment celle qui veut que le
défendeur n'ait pas à collaborer avec la partie poursuivante, il
ne paraît pas concevable de soumettre à des
prélèvements forcés, fussent-ils de salive, les personnes
en cause ».
1315 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p.
437.
1316 DC n° 94-343/344 du 27 juillet
1994, spec. §18: « Considérant que lesdites lois
énoncent un ensemble de principes au nombre desquels figurent la
primauté de la personne humaine, le respect de l'être humain
dès le commencement de sa vie, l'inviolabilité,
l'intégrité et l'absence de caractère patrimonial du corps
humain ainsi que l'intégrité de l'espèce humaine ; que les
principes ainsi affirmés tendent à assurer le respect du principe
constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine
».
n° 2003-467 du 13 mars 2003, le Conseil constitutionnel a
affirmé : « Considérant, ainsi qu'il ressort de ses
termes mêmes, éclairés par les débats
parlementaires, que l'expression "prélèvement externe" fait
référence à un prélèvement n'impliquant
aucune intervention corporelle interne ; qu'il ne comportera donc aucun
procédé douloureux, intrusif ou attentatoire à la
dignité des intéressés ; que manque dès lors en
fait le moyen tiré de l'atteinte à l'inviolabilité du
corps humain ; que le prélèvement externe n'affecte pas davantage
la liberté individuelle de l'intéressé ; qu'enfin, le
prélèvement étant effectué dans le cadre de
l'enquête et en vue de la manifestation de la vérité, il
n'impose à la "personne à l'encontre de laquelle il existe une ou
plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou
tenté
de commettre l'infraction" aucune rigueur qui ne serait pas
nécessaire »
|
1317
|
. M. Jean Pradel
|
321
ajoute encore « que face à l'impérieuse
nécessité de rechercher la vérité dans les affaires
graves, en faisant appel à l'A.D.N., la collecte de quelques cheveux ou
gouttes de salive ne
porte guère atteinte aux droits de l'homme
»
|
1318
|
. Dans sa décision n° 2010-25 QPC du 17
|
septembre 2010, le Conseil constitutionnel a
déclaré que l'utilisation de la contrainte afin d'effectuer une
prélèvement biologique sans l'accord de l'intéressé
est conforme à la Constitution : « Considérant, en
deuxième lieu, que le prélèvement biologique visé
aux deuxième et troisième alinéas de l'article 706-54 ne
peut être effectué sans l'accord de l'intéressé ;
que, selon le quatrième alinéa du paragraphe I de l'article
706-56, lorsqu'il n'est pas possible de procéder à un
prélèvement biologique sur une personne, l'identification de son
empreinte génétique peut être réalisée
à partir de matériel biologique qui se serait naturellement
détaché de son corps ; qu'en tout état de cause, le
prélèvement n'implique aucune intervention corporelle interne ;
qu'il ne comporte aucun procédé douloureux, intrusif
ou attentatoire à la dignité des personnes
»
|
1319
|
. La jurisprudence européenne enfin, peut être
|
interprétée comme étant favorable
à l'usage de la contrainte, si besoin est. Une décision de
l'ancienne Commission E.D.H du 13 décembre 1979 rappelle que
l'ingérence constituée par un prélèvement corporel
obligatoire peut être justifiée, dès lors qu'elle est
prévue par la loi,
nécessaire dans une société
démocratique et proportionnée au but recherché 1320 .
Encore, un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme rendu
le 17 décembre 1996 dans l'affaire
Saunders c/ Royaume-Uni ouvre explicitement la
possibilité de l'état d'user de contrainte1321
1317 DC n° 2003-467 du 13 mars 2003, spec.
§55.
1318 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p.
437. 1319 DC n° 2010-25 QPC du 17 septembre 2010, spec.
§13.
1320 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p.
437.
1321 V. arrêt de 17 décembre
1996 de CEDH, Saunders c/ Royaume-Uni, V. spec. n° 69 :
«Toutefois, le droit de ne pas s'incriminer soi-même concerne en
premier lieu le respect de la détermination d'un accusé de garder
le
en précisant d'une manière très claire
que le droit au silence en faveur du suspect et accusé ne s'étend
pas aux procédés coercitifs tels le prélèvement de
sang ou de tissus corporels en vue
1322
d'une analyse coercitive
. On ne s'étonnera donc pas que finalement le
législateur français
ait adopté l'article 706-56 du CPP français (loi
15 novembre 2001, 18 mars 2003 et 9 mars 2004) qui a notamment pour objet
d'incriminer le refus des personnes condamnées ou
soupçonnées de se soumettre au prélèvement
biologique et qui pose les règles suivantes : 1° Le
prélèvement peut être effectué « sans
l'accord de l'intéressé», donc de force à
l'égard des
personnes condamnées 1323 pour crime ou délit
puni de dix ans d'emprisonnement1324 (CEDH 4
décembre 2008 Marper c/ Royaume-Uni
numéro 125)
|
1325
|
. 2° Dans les autres cas, le refus de
|
se soumettre au prélèvement biologique est puni
d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros
d'amende, sans cependant que les enquêteurs puissent agir
coercitivement
|
1326
|
. 3° Le fait de
|
322
silence. Tel qu'il s'entend communément dans les
systèmes juridiques des Parties contractantes à la Convention et
ailleurs, il ne s'étend pas à l'usage, dans une procédure
pénale, de données que l'on peut obtenir de l'accusé en
recourant à des pouvoirs coercitifs mais qui existent
indépendamment de la volonté du suspect, par exemple les
documents recueillis en vertu d'un mandat, les prélèvements
d'haleine, de sang et d'urine ainsi que de tissus corporels en vue d'une
analyse de l'ADN.»
1322 J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 479, p.
437.
1323 V. CEDH 4 décembre 2008, Marper
c/ Royaume-Uni, Requêtes n° 30562/04 et 30566/04, spec. § 125:
« la Cour estime que le caractère général et
indifférencié du pouvoir de conservation des empreintes
digitales, échantillons biologiques et profils ADN des personnes
soupçonnées d'avoir commis des infractions mais non
condamnées, tel qu'il a été appliqué aux
requérants en l'espèce, ne traduit pas un juste équilibre
entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu, et
que l'État défendeur a outrepassé toute marge
d'appréciation acceptable en la matière. Dès lors, la
conservation litigieuse s'analyse en une atteinte disproportionnée au
droit des requérants au respect de leur vie privée et ne peut
passer pour nécessaire dans une société
démocratique. Cette conclusion dispense la Cour d'examiner les critiques
formulées par les requérants à l'encontre de certains
points précis du régime de conservation des données
litigieuses, tels l'accès, trop large selon eux, à ces
données et la protection, insuffisante à leurs yeux, offerte
contre les usages impropres ou abusifs de ces données ».
1324 L'article 706-56 du CPP français
dispose: « Lorsqu'il s'agit d'une personne condamnée pour crime
ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement, le
prélèvement peut être effectué sans l'accord de
l'intéressé sur réquisitions écrites du procureur
de la République ».
1325 V. sur ce point : CEDH, 4
décembre 2008, Marper c/ Royaume-Uni, Requêtes n° 30562/04 et
30566/04,, V. spec. § 112 :La Cour européenne observe que :
« ... la protection offerte par l'article 8 de la Convention serait
affaiblie de manière inacceptable si l'usage des techniques
scientifiques modernes dans le système de la justice pénale
était autorisé à n'importe quel prix et sans une mise en
balance attentive des avantages pouvant résulter d'un large recours
à ces techniques, d'une part, et des intérêts essentiels
s'attachant à la protection de la vie privée, d'autre part. Pour
la Cour, le fort consensus qui existe à cet égard au sein des
États contractants revêt une importance considérable et
réduit la marge d'appréciation dont l'État
défendeur dispose pour déterminer jusqu'où peut aller
l'ingérence dans la vie privée permise dans ce domaine. La Cour
considère que tout État qui revendique un rôle de pionnier
dans l'évolution de nouvelles technologies porte la
responsabilité particulière de trouver le juste équilibre
en la matière ».
1326 L'article 706-56 du CPP français
dispose: « II. - Le fait de refuser de se soumettre au
prélèvement biologique prévu au premier alinéa du I
est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Lorsque ces
faits sont commis par une personne condamnée pour crime, la peine est de
deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.Nonobstant les
dispositions des articles 132-2 à 132-5 du code pénal, les peines
prononcées pour les délits prévus au présent
article se cumulent, sans possibilité de confusion,
commettre ou de tenter de commettre des manoeuvres visant
à substituer à son propre matériel biologique celui d'un
tiers, avec ou sans son accord, est puni de trois ans d'emprisonnement et
1327
de 45000 euros d'amende
. Il faut que le législateur libanais prenne en compte
cette idée du
323
législateur français.
|
|