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La légalite des moyens de preuve dans le procès pénal en droit français et libanais


par Ali Ataya
Ecole doctorale 88 Pierre Couvrat (Poitiers) - Droit et Sciences Politique, Université du Maine - Thèse de doctorat en Droit privé 2013
  

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Section II

La question de la légalité des procédés scientifiques

195. Recevabilité des méthodes scientifiques de preuve. Le fabuleux progrès scientifique et technique du monde moderne a apporté un changement impressionnant dans plusieurs

domaines 1114 et a laissé des traces dans la façon d'élucider des crimes, de les prouver et de retrouver les coupables, et ce en utilisant des moyens techniques et scientifiques révélés par le

monde moderne

1115

. Le développement des moyens de crimes s'est ponctué aussi par le

274

développement des moyens de les élucider. Les moyens classiques et traditionnels connus, comme la perquisition ou l'interrogatoire 1116 , ne sont plus les seuls utilisés dans les enquêtes criminelles et la recherche de preuves 1117 . Les techniques modernes sont devenus des moyens des plus importants pour élucider les crimes 1118 et trouver les preuves irréfutables de la

culpabilité de l'auteur du crime 1119 « et sous l'angle de la procédure, et de la procédure pénale en particulier, on se pose la question de savoir si le recours à certaines techniques n'autoriserait pas une meilleure approche de la vérité et bien sûr la découverte de

1114 V. sur ce point : M.-N. Georges, « La preuve de la paternité et le progrès de la science », in R.I.D.C., Vol. 9, n° 1, Janvier-mars 1957, pp. 43-55, V. spec. p. 44 : « Pour bien estimer l'influence que les progrès de la science ont eus sur le droit, on doit savoir dans les grandes lignes quelles sont la nature et la portée de ces progrès ».

1115 A. Diaa Eddine, « La preuve scientifique et son rôle dans la preuve pénale », in Magazine de la sécurité publique, n° 150, année 37, Juillet 1995, p. 62.

1116 V. sur ce point l'avis de M. Roger Houin : R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. pp. 69-70 : « Il ne semble pas, non plus, que ces méthodes puissent fournir de nouvelles catégories juridiques de preuve » ; M. R. Houin continue à dire : R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 6975, V. spec. p. 70 : « Il s'agira toujours de recueillir ou bien la volonté, la pensée, l'opinion des parties (c'est l'aveu, le serment, les titres préconstitués), ou bien de recevoir les témoignages des tiers, ou bien de réunir des indices matériels au moyen notamment d'expertises ».

1117 V. sur ce point : V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 435, p. 294 : « L'aveu serait désormais concurrencé par les preuves scientifiques et médicales ».

1118 V. sur ce point : V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 433, p. 293 : « La conception classique du droit de la preuve prônait l'aveu, qui s'oppose à la conception moderne se fondant sur le support scientifique et technique ».

1119 V. en ce sens : J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. pp. 523-524 : « En dehors des procédés abusifs de la police, que l'on ne peut que réprouver, d'autres moyens peuvent être appliqués pour obtenir l'aveu au cours de l'interrogatoire. Ils sont la conséquence de découvertes scientifiques ou psychologiques qui permettent d'explorer le subconscient de l'inculpé ».

coupable »

. Sans doute les progrès scientifiques peuvent contribuer au développement

1121

dans la manifestation de la vérité

275

1120

surtout dans la progression de la qualité de la preuve,

. Mais l'utilisation

1123

de ces moyens et techniques modernes dans la preuve pénale pose certains problèmes

1122

c'est-à-dire développer la satisfaction de critères de vérité dans la preuve

.

Quel est le problème essentiel ? C'est le problème de la légalité des méthodes scientifiques de preuve qui se résume par le problème de la recevabilité des preuves résultant des méthodes

1124

scientifiques . La recevabilité de ces méthodes connaît des obstacles qui peuvent surgir pour écarter ces méthodes scientifiques: les principes généraux de l'ordre public, le respect

. Il est donc nécessaire et

1126

indispensable que le législateur encadre strictement l'utilisation de la preuve scientifique

1125

des droits de la personnalité humaine et enfin le pouvoir du juge

.

M. Mustapha Awji pense, à ce propos, qu'il n'y a pas d'inconvénient juridique à utiliser ces

1120 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 880, p. 712.

1121 V. C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 8, p. 3 : « Les procédés scientifiques de preuve ont largement modifié la recherche de la vérité dans le procès pénal ».

1122 V. sur ce point : R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. p. 70 : « Qu'est-ce donc que la science peut fournir dans cette recherche des preuves ? Essentiellement une plus grande précision, une plus grande certitude, en un mot la vérité. Car le but de la preuve est de persuader le juge de la réalité d'un fait ou d'un état psychologique. Or, la science, par définition même, tend à la découverte de cette réalité. L'utilisation des méthodes scientifiques permettra donc d'approcher cette vérité de plus près sinon même de l'atteindre ».

1123 M. Roger Houin aborde le problème : R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. p. 70 : « On reconnaît là les deux aspects traditionnels du droit de la preuve : la recevabilité et la valeur probante. Logiquement, les méthodes scientifiques devraient toujours être recevables et les preuves scientifiques toujours irréfragables. Telle n'est cependant pas la réalité juridique et il faut rechercher les limites qui peuvent s'opposer à la recevabilité des méthodes scientifiques ou qui peuvent limiter la valeur probante des preuves scientifiques. Il n'y a nul illogisme à le faire. Le droit n'est pas seulement ni même principalement une science ; c'est un art politique qui doit tenir compte des moeurs et des valeurs humaines. Il existe des vérités immorales qui ne sont pas bonnes à dire ni à imposer ; il existe en tout cas des droits supérieurs de la personnalité humaine devant lesquels la recherche de la vérité scientifique peut avoir à s'arrêter ».

1124 V. Intervention de M. Marc Ancel, « L'aveu dans la procédure pénale », in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V. spec. l'intervention de M. Marc Ancel p. 5 41: « Je dirai même que la question qui se pose est peut-être moins de savoir absolument si un individu a commis une infraction, que comment il a pu y arriver ; la question n'est pas d'apporter une preuve irréfutable, une preuve légale de la matérialité du fait, elle consiste à expliquer le fait ; c'est à cet égard qu'une procédure plus largement comprise pourrait s'approprier des moyens d'investigation nouveaux sans danger pour le respect de la personnalité humaine. Seulement, c'est là un très grand problème ».

1125 R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. pp. 70-71.

1126 V. en ce sens : P. Hennion-Jacquet, « L'encadrement relatif de la liberté de la preuve par la Convention européenne des droits de l'homme », in D., 2005, p. 2575 et s., V. spec n° 3: « Les sciences et techniques étant en constante évolution, il serait inconcevable que leur progrès ne serve pas la justice criminelle. Cependant, à l'instar de la science, la justice doit demeurer au service des hommes et assurer le respect de leurs droits fondamentaux. Il est donc nécessaire que les conditions d'obtention de la preuve soient encadrées par la loi ».

moyens modernes dans la recherche de vérité tant que ceux-ci ne constituent pas une violation des droits consacrés par la loi, le plus important étant la liberté de volonté (libre arbitre) et la

1127

non-ingérence dans la vie privée des personnes

. Cette utilisation doit être faite dans les

276

limites autorisées par la loi et d'une façon qui ne porte pas atteinte à l'humanité de l'individu, à sa dignité, à ses affaires privées et à ses correspondances privées à caractère confidentiel dans les limites de ce qui est nécessaire pour élucider un crime et prouver la relation de la personne avec ce crime 1128 . Contrairement à l'avis de M. Mustapha Awji, nous pensons que l'application du principe de légalité de la preuve pénale nécessite forcément une intervention

et techniques

1129

du législateur pour qu'il légifère sur la légalité du recours à ces moyens

modernes dans l'enquête car la liberté de rechercher une preuve n'est limitée que par le

1130

principe de légalité de preuve, vu que le législateur libanais adopte le principe de liberté de la preuve pénale. Mais elle est limitée aux moyens et procédures reconnues et légalisées par la loi. De surcroît, le recours à certains procédés scientifiques pour obtenir des preuves va

1131

s'opposer aux limites résultant de l'ordre public et des droits de la personnalité humaine

.

Le problème essentiel du recours aux procédés scientifiques ou plus exactement la prohibition

1127 M. Awji, Leçons de procédure pénale, 1er éd., Éditions juridiques Halabi, Beyrouth (Liban), 2002, p. 184. 1128 M. Awji, Leçons de procédure pénale, 1er éd., Éditions juridiques Halabi, Beyrouth (Liban), 2002, p. 184.

1129 V. R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. p. 72 : « Ce premier obstacle à la recevabilité des méthodes scientifiques est donc avant tout un problème législatif ; le juge ne semble pas avoir les moyens de le résoudre. S'il apparaît que certains procédés scientifiques sont utiles et ne heurtent pas les moeurs, c'est au législateur d'intervenir ».

1130 V. sur ce point et sur aveu involontaire en droit français: V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n°463, p. 319 : « Si la recherche de la preuve est au coeur de l'investigation policière, comme le rappelle l'article 14 du Code de procédure pénale, elle est gouvernée par le principe de la légalité qui interdit l'utilisation de certains procédés, largement attentatoires à certains droits et libertés fondamentaux de l'individu concerné. Les procédés comme l'hypnose, la narcose, le détecteur de mensonges sont des techniques qui permettent d'agir sur le consentement à parler de la personne en annihilant sa volonté »

1131 V. sur ce point : R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. p. 72 : « En dehors des textes précis, les principes généraux du droit fournissent d'autres limites à la recevabilité des méthodes scientifiques de preuve et ce sont, sans doute, les limites les plus graves. Certains procédés scientifiques intéressent en effet l'homme dans sa personne physique ou psychique ... Ce sont les procédés psychologiques ou physiologiques destinés à vérifier la véracité d'un aveu ou d'un témoignage ou même destinés à provoquer cet aveu ou ce témoignage, tel l'emploi des « sérums de vérité », scopolamine, penthotal, etc. Peut-on contraindre une partie au procès, un prévenu, un témoin à subir de tels examens, de tels traitements ? N'est-ce pas une atteinte aux droits de la personne humaine ? Question ardemment discutée qui a déjà été portée dans les enceintes judiciaires. Aux droits de l'individu on oppose les droits de la société, plus énergiques d'ailleurs en droit pénal qu'en droit privé. A la recherche de la vérité absolue on oppose le droit de l'accusé de mentir pour se défendre. Aux nécessités de la justice on oppose la crainte que des atteintes successives à la personnalité finissent par faire disparaître cette personnalité ».

de l'aveu provoqué par des procédés scientifiques est dû aux conditions nécessaires de l'aveu

1132

comme l'indique Mme Coralie Ambroise-Castérot

.

§ 1. Moyens d'obtenir la preuve qui vise à affaiblir et anéantir la volonté.

196. Procédé de preuve et volonté. Mme Coralie Amboise-Casterot affirme que « le procès pénal doit être conduit selon le respect de principes fondamentaux : respect de la dignité de l'individu et aussi de la justice, mais aussi respect du procès équitable. De plus, la procédure pénale doit répondre à l'exigence selon laquelle nul ne peut être contraint de participer à sa propre incrimination. Par conséquent, les policiers, le juge ou le Ministère public sont tenus

de rechercher la preuve loyalement. »

1133

. La preuve pénale, spécialement l'aveu, doit être

277

volontaire, ce qui désigne le rejet de tout moyen qui peut menacer la volonté de l'individu. L'usage des procédés scientifiques porte un risque considérable sur la volonté de l'individu

afin d'obtenir des éléments de preuve 1134 . Certains procédés scientifiques présentés comme de nouveaux outils pour produire des preuves probantes peuvent affaiblir la volonté individuelle de façon efficace, et peuvent même anéantir la volonté. Ce qui précède ouvre le débat sur la légalité des procédés utilisés et certainement sur la légalité d'un élément de preuve résultant

1135

.

d'un procédé scientifique qui a affaibli ou anéanti la volonté de l'individu qui a avoué

A. Preuve obtenue de l'emploi de la narco-analyse (sérum de vérité).

197. Que signifie le sérum de vérité. Il s'agit d'un anesthésique utilisé afin de produire une certaine réduction ou un dysfonctionnement sur le contrôle volontaire de la personne, ainsi que la suppression des entraves posées par son inconscient de façon qu'on puisse obtenir des

1132 V. C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 35, p. 7 : « L'individu doit avoir la possibilité de se défendre comme il l'entend. Le droit au silence, qui lui est aujourd'hui reconnu constitue l'expression de cette liberté de choix dans sa défense. Provoquer son aveu en altérant ou en annihilant sa volonté et sa conscience contreviendrait à ses droits fondamentaux ».

1133 C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 246-1, p. 173.

1134 V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 433, p. 293.

1135 V. Lesclous, « Enquête préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale, Art. 75 à 78, Fasc. 20, n° 71 : « Des procédés tels que l'hypnotisme, l'injection de narcotiques ou l'emploi de détecteur de mensonges, même avec le consentement de la personne concernée ou le concours d'un expert, sont nécessairement attentatoires à la dignité humaine ».

informations emmagasinées dans son inconscient, ce qui induit un état de sommeil ou de relaxation pour un certain temps où la volonté de la personne est anéantie sans que sa

1136

conscience ne soit affectée

. Or, sa résistance à dissimuler ce qu'elle ne veut pas divulguer

s'affaiblit. Ainsi, il sera facile de la pousser à faire des aveux car elle développe une volonté d'exprimer ses sentiments internes, le contrôle par l'accusé de sa volonté et de son choix est alors objet de dysfonctionnement, par conséquent, il avoue des propos qu'il ne veut pas divulguer grâce à ce procédé. On peut dire alors que l'utilisation du sérum de vérité dans l'interrogatoire et l'audition de l'accusé ou du suspect constitue à la fois une contrainte matérielle et morale à cause de l'injection de ce sérum dans le corps de l'accusé, l'exposant,

ainsi, au danger et exerçant indubitablement une pression morale sur sa volonté

1137

. De ce fait,

278

tout aveu résultant de l'utilisation de ce procédé ou de son effet est considéré comme aveu obtenu sous contrainte, ce qui est inacceptable et ne peut être pris pour une preuve pénale car incompatible avec le principe de la légalité des preuves et parce que dans un État de droit, la question de la preuve est nécessairement soumise au principe de légalité et au respect des droits fondamentaux qui gouvernent la recherche et la production des preuves. Concernant l'utilisation des anesthésiques, qui consiste à injecter au suspect un anesthésique appelé Penthotal ou sérum de vérité, une substance pouvant faire perdre à l'accusé le contrôle de sa volonté et l'induisant à parler sans contrôler les informations ni les aveux qu'il divulgue volontairement ou involontairement, il s'agit de l'évacuation involontaire des informations contenues dans l'esprit de l'accusé sans qu'il puisse les contrôler. Ainsi, la majorité de la doctrine considère que ce procédé transgresse le principe d'intégrité, loyauté et légalité dans la recherche, ainsi que les droits de l'accusé, notamment son droit à la défense, à la sécurité de son corps et d'avouer ce qu'il veut en toute liberté fondé sur le respect de son droit inné au silence et à l'utilisation de l'aubaine de conscience.

198. Nature de l'atteinte induite par l'utilisation de la narco-analyse. Au Liban, ce sujet ne revêt aucune importance d'un point de vue doctrinal, et est complètement négligé dans les ouvrages juridiques libanais. Le droit libanais n'y fait référence dans aucun texte juridique, et si nous le recherchons dans les livres libanais, nous ne pourrons que rarement trouver

1136 V. en ce sens : V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 464, p. 319 : Narcose: « Il s'agit de provoquer un sommeil artificiel à l'aide de médicaments. L'utilisation de ce procédé est interdite car il vise à briser les résistances de l'individu à l'aide de la science, afin de l'obliger à avouer ».

1137 V. R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. p. 70 : « Pour l'aveu ou le témoignage, des procédés psychologiques ou chimiques permettront d'en apprécier la véracité ou même de les obtenir par la contrainte ».

quelques idées traduites en arabe à partir de quelques avis de la doctrine française. Il est important de signaler qu'à ce jour, aucun système de sécurité libanais ou police judiciaire n'a avoué avoir utilisé le sérum de vérité dans une quelconque enquête judiciaire et aucun accusé

1138

n'a proclamé avoir subi un interrogatoire ou une audition avec le sérum de vérité

.

279

La position de la doctrine se divise, concernant la légalité de l'utilisation des anesthésiques dans les enquêtes criminelles, en deux courants :

Premier courant qui admet l'utilisation des anesthésiques. Ce courant doctrinal appuie le recours aux anesthésiques, mais cet appui n'est pas total et les partisans de ce courant ont émis des réserves. Certains d'entre eux pensent que ce recours ne doit être autorisé que dans certains crimes dangereux, comme les meurtres, incendies, obstructions de voies publiques, et les crimes qui menacent la sûreté et la sécurité de l'État1139, qu'il ne doit se faire que sur arrêt motivé pouvant faire l'objet de recours devant les juges, et que la procédure doit avoir lieu en

1140

présence de l'avocat de l'accusé. Nous leur répondons à ce propos que le principe fondamental de la preuve pénale est la liberté de choisir le moyen de preuve, et donc, il est illogique de consacrer des moyens de preuves spécifiques à certaines infractions car il s'agit d'une transgression de la règle de liberté de la preuve pénale, et il n'y a aucun motif justifiant de l'ajouter aux exceptions citées dans les Codes libanais et français dans le domaine de la liberté de la preuve. De plus, la gravité d'un crime ne justifie pas de sacrifier tous les principes juridiques généraux consacrés qui protègent les droits de l'homme, sa liberté et ses droits fondamentaux lorsqu'il fait l'objet d'une enquête pénale. D'autres avis et opinions doctrinaux ont exigé de ne pas avoir recours à cette méthode pour avoir des aveux de l'accusé ou connaître des données générales sur le crime, mais plutôt pour la recherche psychologique, c'est-à-dire pour démontrer la personnalité de l'accusé et dévoiler les différents mobiles

1138 V. sur la prohibition de l'interrogatoire sous penthotal : C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 37, p. 7 : « La narco- analyse, par emploi du penthotal ou sérum de vérité, duquel on doit rapprocher le procédé de recours à l'hypnose, vise à briser les résistances de l'individu à l'aide de la science, afin de l'obliger à avouer ».

1139 V. en ce sens : J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 528 : « La narco-analyse, écrit M. Graven à la fin de son étude précitée sur le problème des nouvelles techniques d'investigation au procès pénal, où il résume à ce point de vue l'opinion générale, ne devrait pouvoir être décidée que dans l'instruction judiciaire poursuivie sur des crimes graves de droit commun, comme le meurtre et l'assassinat, l'incendie et l'explosion, le brigandage, le viol, etc., et à l'encontre d'inculpés sur lesquels pèsent des charges sérieuses ne pouvant être infirmées ou confirmées par les procédés ordinaires ».

1140 J. Graven, « Le problème des nouvelles techniques d'investigation au procès pénal », in R.S.C., 1950, n° 3, pp. 312-357, V. spec. p. 326.

1141

intimes . Là aussi, cet argument paraît peu convaincant car la condamnation dans le

280

domaine pénal s'appuie sur la conviction du juge que l'accusé a commis le crime appuyé en cela par la preuve pénale, la pierre angulaire de cette conviction étant la preuve pénale correcte capable de convaincre le juge, c'est-à-dire que le juge focalise son jugement sur la conviction, elle-même basée sur la preuve et non sur des motifs psychologiques ou sur les études de criminologie ou de pénologie (science pénitentiaire). La doctrine pénale s'est arrêtée à ce que le motif amenant à commettre le crime ne soit pas pris en compte car il fait partie des mobiles qui n'influent pas sur la vérité de la perpétration du crime et sa sanction. Ainsi, utiliser cet argument pour justifier le recours au sérum de vérité est réfuté et inadmissible car il ne revêt aucune conviction rationnelle.

Deuxième courant qui n'admet pas l'utilisation des anesthésiques. Ce courant doctrinal refuse le recours à la narco-analyse 1142 dans les enquêtes criminelles 1143 , et ce courant est celui

1144

de la majorité de la doctrine française et de la doctrine égyptienne en général auxquelles on

a eu recours puisque la doctrine libanaise n'accorde pas autant d'importance à cette

vu qu'il respecte les droits de l'homme et

11451146

question. Nous le soutenons sans hésitation

1141 P. Bouzat, « Les procédés modernes d'investigation et la protection des droits de la défense », Cinquième Congrès international de droit comparé, Bruxelles, 4-9 août 1958, in R.S.C., 1958, n° 2, avril-juin, Supplément, p. 3-15, V. spec. p. 12.

1142 V. J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 525 : « Le deuxième Congrès international de défense sociale, tenu à Liège en octobre 1949, a voté à la majorité la résolution suivante : Le Congrès condamne la narco-analyse sous toutes ses formes, de même que toutes les méthodes provoquant une modification de l'état de conscience comme moyen d'investigation judiciaire », tout en l'admettant « comme moyen thérapeutique employé par le médecin traitant lié par le secret professionnel ».

1143 V. sur ce point : Intervention de M. Alfredo Molinario, « L'aveu dans la procédure pénale », in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V. spec. l'intervention de M. Alfredo Molinario précisément p. 533 : « Je m'oppose formellement à l'emploi de ce sérum comme moyen d'investigation de la procédure pénale parce qu'il ne faut pas oublier, au point de vue juridique, que si l'aveu est un fait, lorsque la loi reconnaît ce fait pour lui accorder un effet juridique, ce fait se transforme en un acte juridique, et cet acte juridique ne peut avoir de valeur que lorsque la partie, qui l'a fait, a agi en pleine conscience et pleine liberté. La règle sur la théorie générale des actes juridiques est, applicable à l'aveu de l'inculpé. Son aveu est un acte juridique comme n'importe quel autre : dès lors pour qu'il ait une valeur légale, il faut absolument qu'il soit conscient et libre comme tous les actes juridiques ».

1144 V. J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 525 : « L'Académie de médecine de chez nous s'est prononcée à l'unanimité le 22 mars 1949 contre l'emploi du prétendu « sérum de la vérité » dans les expertises judiciaires (Bulletin de l'Académie, 1949, p., 266). De même le Conseil de l'Ordre des avocats de Paris s'est élevé contre l'emploi de la narco-analyse comme moyen d'obtenir l'aveu dans le procès pénal, sur le rapport de Me Coulhac-Mazérieux, le 13 juillet 1948 {Gaz. Pal., 21-23 juillet 1948) ».

1145 V. l'avis de la doctrine égyptienne en langue arabe : M. Mustapha, Explication de la procédure pénale, 12e éd., imprimerie de l'université du Caire, 1988, p. 303 ; A. Fathi Srour, L'intermédiaire dans la procédure pénale, imprimerie de l'université du Caire, édition 1979, tome 1, pp. 524-425 ; A. Abdarrahim Othmane, L'expertise

ses libertés fondamentales consacrés par la loi et les conventions internationales. Le recours à la narco-analyse ou au sérum de vérité est refusé par la doctrine française. Mme Haritini Matsopoulou considère que l'emploi de la narco-analyse comme moyen d'obtenir l'aveu dans le procès pénal est « incompatible avec les droits de la défense - qui impliquent un droit au silence, ainsi qu'un droit au mensonge et à la simulation -, et même il constitue une atteinte à

l'intégrité corporelle, puisqu'il faut administrer une piqûre à l'intéressé »

1147

. Mme Michèle-

281

Laure Rassat souligne que l'utilisation de la narco-analyse dans la recherche de la preuve est

inadmissible parce que le suspect ou l'accusé a le droit de mentir 1148 . Les principes de liberté et de légalité sont le fruit du développement des sociétés modernes et il faut y rester attaché

1149

car elles sont inviolables sous quelque prétexte ou raison que se soit . Certains partisans de ce courant ont considéré le recours à cette méthode comme une forme de contrainte matérielle pour l'accusé qui la subit, et certains l'ont considéré comme une contrainte matérielle et

1150

morale à la fois.

dans les affaires pénales. Etude comparative, Thèse de droit, le Caire 1964, p. 167 ; M. Najib Hosni, Explication de la procédure pénale, 3e éd., Dar Ennahda el arabia, 1998, p. 585 ; S. Sadek El Malla, L'aveu de l'accusé, édition 1986, pp. 177-178 ; H. Sadek El Merssafaoui, L'enquêteur pénal, Dar manchaat el maaref, édition 1996, p. 78 et s. ; A. Khalil, L'aveu de l'accusé doctrinalement et juridiquement, Dar el kotob el kanounia, 2004, p. 98 ; I. El Ghemaz, Le témoignage comme preuve en matière pénale, alem el kotob, 1980, p. 258 ; A. Mohamed Khalifa, « Le sérum de vérité et le détecteur de mensonges », in Magazine pénale nationale, Egypte, premier numéro-Mars 1958, p. 95.

1146 V. J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 525 : « D'une façon générale la narco-analyse, la narco-enquête comme on l'a appelée quelquefois, est repoussée dans l'instruction judiciaire en tant que procédé d'interrogatoire à l'effet d'obtenir des aveux ».

1147 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 890, p. 720.

1148 V. M-L. Rassat, Procédure pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n° 254, p. 263 : « C'est ainsi que le droit français a toujours refusé d'utiliser le polygraphe ou prétendu détecteur de mensonge. Cet appareil d'enregistrer les modifications subies par diverses fonctions physiologiques de l'individu interrogé. Il serait censé signaler les mensonges commis qui seraient la source d'une agitation du sujet perceptible par l'appareil... Même fiable, au surplus, l'appareil aurait l'inconvénient de révéler des signes qui ne sont pas sous la domination de la volonté du sujet interrogé ce qui est contraire au droit élémentaire de se défendre et même de mentir pour assurer sa défense. C'est la même idée qui conduit à repousser l'utilisation de la narcose pour procéder à un interrogatoire. Abolissant la volonté du sujet celle-ci aurait pour effet de le priver de la faculté de mentir ce qui est, en soi inacceptable surtout combiné avec la remarque que ce prétendu « sérum de vérité » apparaît parfois comme un « sérum de déballage » où l'individu révèle des choses ne correspondant par forcément à ce qui est exact. ... Il nous paraît certain, en tout hypothèse, que ce n'est pas le procédé de l'hypnose, lui-même qui est, en soi, condamnable, mais son utilisation pour rechercher des preuves pénales spécifiquement identifiées (interrogatoire et, selon la jurisprudence témoignage)».

1149 V. en ce sens : V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 467, p. 321 : « En ce qui concerne ces procédés scientifiques, le polygraphe et le « sérum de vérité » : L'utilisation de ces procédés porterait atteinte à la dignité de la personne humaine et au principe de loyauté dans la recherche des preuves, en annihilant sa volonté par le biais de son consentement à parler et le contrôle de soi. L'aveu pour être exploitable doit être libre. Le suspect ne doit pas devenir un simple instrument destiné à livrer des aveux par des méthodes censées agir directement sur sa volonté, sur son consentement à parler »

1150 V. sur ce point : W. P. J. Pompe, « La preuve en procédure pénale », in R.S.C., 1961, p. 274. : « Même si la

199. Les critiques juridiques de cette méthode. M. Alec Mellor soulève une critique immanente qui nous semble assez complète et ferme « c'est en dehors de l'accusé qu'il faut

1151

découvrir les preuves »

. Le consentement préalable et libre de la personne concernée pour

282

être soumise à l'utilisation de sérum de vérité ne peut plus être une excuse pour violer les

droits humains et fondamentaux 1152 . Cette méthode ne respecte pas la personnalité1153 de l'être

1154

humain, et comprime sa liberté d'exprimer sa volonté. La personne peut réfuter l'accusation qui lui est reprochée ou se justifier ou se défendre, étant dans un état où il lui est difficile de se concentrer et d'avoir les idées claires pour choisir volontairement ce qu'elle veut dire pouvant influer sur la justesse de ses aveux et anéantir ses garanties à choisir et présenter sa défense. Et ceci constitue une atteinte inadmissible à la liberté personnelle de l'individu qui est sous l'effet de cette méthode, et une atteinte à sa dignité, du fait que cette méthode vise à lui soutirer des informations confidentielles au lieu que celles-ci émanent de lui volontairement dans les situations normales de l'enquête. En plus, l'utilisation de cette méthode renferme une contrainte matérielle qui gène la liberté de l'accusé pour se défendre et organiser cette défense comme d'utiliser son droit de citation qu'il doit exercer lors de son interrogatoire. Les aveux et informations qu'il fait sous l'effet de cette méthode doivent être considérés comme nuls et il ne faut pas leur donner la moindre valeur juridique ni les

contrainte envisagée n'implique aucune torture physique, elle enlève à l'inculpé sa liberté humaine. Ainsi, cette trouvaille de la science moderne, la narco-analyse, le soi-disant sérum de vérité, est interdit. Le "détecteur de mensonge" me paraît également interdit : cette détection du mensonge implique un quasi-cambriolage dans le for intérieur de l'inculpé. En dépit de leur aspect scientifique, ces méthodes modernes présentent les mêmes inconvénients que le banc de torture de jadis. Elles ne respectent pas la dignité de l'homme qui y est considéré comme un objet, et elles n'offrent aucune garantie quant à la véracité de l'aveu [...] » ; V. en langue arabe : S. Hamad Salah, Les garanties du droit de l'accusé à se défendre devant la cour pénale, Thèse de droit, Université Ain chams (Egypte), 1997-1998, p. 338 ; A. Abdarrahim Othmane, L'expertise dans les affaires pénales. Etude comparative, Thèse de droit, le Caire (Egypte), 1964, p. 167.

1151 A. Mellor, Les grands problèmes contemporains de l'instruction criminelle, Domat-Montchrestien, 1952, p. 75.

1152 V. sur en ce sens sur le consentement de la personne concernée sur l'utilisation de Penthotal ou sérum de vérité: C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 38, p. 7 : « Le consentement d'un individu en situation de faiblesse, puisqu'il est le sujet de la procédure, ne saurait être regardé comme excusant une telle violation des libertés et droits fondamentaux de l'individu (dans le cas contraire, pourquoi ne pas admettre un consentement à la torture ?). Il est des droits et libertés qui ne se négocient pas et qui ne sauraient souffrir la moindre violation ».

1153 V. Intervention de M. René de Sola, « L'aveu dans la procédure pénale », in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V. spec. l'intervention de M. René de Sola p. 535 : « on doit considérer, d'une part, l'aspect de protection de la société, d'autre part, l'aspect de protection de la personnalité humaine »

1154 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 466, p. 414 : «... est à rejeter l'emploi de procédés scientifiques pouvant porter atteinte à l'intégrité de la personne ».

1155

considérer comme des preuves dans la citation. Ces aveux doivent être écartés de

283

l'évaluation de l'autorité des juges du fond, et le principe de la liberté du juge pénal de construire sa conviction pour juger l'affaire ne peut justifier leur admission. Il ne faut pas

davantage autoriser l'utilisation de cette méthode même si l'accusé la demande 1156 dans une tentative de prouver son innocence, car cela touche aux valeurs humaines de l'individu. Son

utilisation dans les enquêtes, même sur demande de l'accusé ou du suspect 1157 , en ferait

1158

graduellement une méthode acceptable pour certains, et à force de répéter son utilisation, elle deviendrait acceptable de façon indirecte car elle créerait la présomption que tout accusé qui ne proposerait pas spontanément ou volontairement d'y être soumis aurait peur qu'on

découvre qu'il a commis le crime 1159 . Cette présomption serait le coup de grâce porte au droit de défense comme concept et qui est un droit consacré dans sa forme actuelle, et constituerait

1155 J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 525 : « les aveux obtenus à l'aide de la narcose me paraissent dépourvus de valeur légale et ne peuvent être retenus comme preuve judiciaire, pas plus que ne peuvent l'être les aveux extorqués à l'aide de la torture. Non pas que l'application de ces substances à l'aide d'une piqûre provoque une souffrance physique appréciable et de très loin comparable à celle résultant de la torture, mais parce que dans l'un et l'autre cas l'aveu ne résulte pas d'une volonté consciente et libre ».

1156 V. sur ce point : Intervention de M. Alfredo Molinario, « L'aveu dans la procédure pénale », in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V. précisément p. 532 :« Je crois que tout ce qu'on dit à propos du consentement de l'inculpé pour l'application de ce sérum de vérité n'a aucune valeur juridique parce que l'inculpé ne peut pas disposer des garanties constitutionnelles qui doivent entourer sa défense. Ces garanties appartiennent à la société tout entière et non pas à lui seul ; il n'a pas le droit de renoncer à ses immunités .... Je crois que la législation procédurale doit s'orienter sur cette ligne générale ; il faut cependant diminuer le rôle de l'aveu sans arriver à le supprimer totalement. Je crois qu'un aveu sincère, spontané, rehausse la dignité humaine ».

1157 V. J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 525 : « On est à peu près d'accord pour reconnaître qu'il n'existe pas de « sérum de la vérité » et qu'il faut se garder d'avoir recours à ce prétendu sérum, même du consentement de l'inculpé ».

1158 V. Intervention de M. René de Sola, « L'aveu dans la procédure pénale », in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V. spec. l'intervention de M. René de Sola p. 535 : « il était très délicat de fixer, de façon satisfaisante, les véritables limites de ces deux protections, protection de la société et protection de la personnalité humaine ; lorsqu'on soumet l'individu à des interrogatoires, à des moyens contraires à la dignité humaine, on peut bien, ce faisant, croire protéger la société, mais il est indigne de la société elle-même de recourir à de tels moyens ».

1159 V. sur ce point : J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. pp. 528-529 : « On exigerait le consentement de l'inculpé. Mais puisque le procédé est bénin, sans souffrance appréciable et sans entraîner de suites fâcheuses pour la santé, comment pourrait-il dépendre de cet inculpé de son application étant donné le droit supérieur de la Société à établir sa culpabilité ? Que si l'inculpé refusait, avec le système de l'intime conviction du juge, ne pourra-t-il pas entraîner dans l'esprit de ce dernier une certaine présomption de culpabilité et ne sera-t-il pas porté à voir dans ce refus une sorte d'aveu tacite ? ».

200.

un passage spontané d'un système qui glorifie le droit de défense à un système qui oblige

1160

l'accusé à témoigner contre sa propre personne

.

284

L'aveu résultant de l'effet des anesthésiques. L'utilisation de cette méthode fait perdre à la personne sa capacité de choisir et son contrôle volontaire, ce qui la rend plus encline à l'insinuation et à vouloir avouer et exprimer ses sentiments. Et vu que ces substances diminuent le contrôle de la personne sur sa volonté, et gênent la faculté d'attention chez elle, la poussant à parler sans retenue et involontairement contrariant sa libre volonté, le désaccord naît de l'illégalité de cette contrainte matérielle... donc les aveux qui en résultent sont inacceptables, car ils ne sont pas faits de façon libre 1161 et sont involontaires 1162 . La majorité de la doctrine considère que l'aveu de l'accusé sous l'effet du sérum de vérité n'est pas accepté comme preuve. A partir de là, nous réalisons que cette méthode ne peut absolument pas être utilisée dans le droit libanais : premièrement, parce qu'elle est en contradiction avec tous les principes juridiques reconnus dans le droit libanais, et deuxièmement : parce qu'elle constitue une contrainte matérielle et morale, annulant ainsi toute preuve qui en découlerait directement ou sous son effet et qui sera en contradiction avec le principe de la légalité de la preuve pénale. On ne peut compter sur cette preuve comme preuve productive et ayant une valeur probante dans la preuve pénale et bien entendu parce que le droit libanais ne contient aucun texte juridique garantissant une couverture légale qui légalise ou autorisant l'utilisation du sérum de vérité.

201. Notre avis sur la question. Il faut d'abord commencer à dire que des questions sur la

1163

certitude

et la fiabilité1164 de preuves résultantes1165 de l'utilisation de la narco-analyse1166,

1160 V. en ce sens : V. Antoine, Le consentement en procédure pénale, Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 464, p. 319 : « L'aveu, pour être pris en compte, doit avoir été librement consenti, l'individu doit être en pleine possession de ses moyens intellectuels ».

1161 V. Intervention de Mlle Lila Prati, (avocat à Montevideo), « L'aveu dans la procédure pénale », in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V. spec. l'intervention de Mlle Lila Prati p. 538 : « Les sérums de vérité, le penthotal, le nesdonal, la narco-analyse, ou toute autre méthode ayant pour but de faciliter l'aveu ou de le provoquer et ayant effet sur l'esprit de l'accusé, limitant la plénitude de sa liberté morale par l'affaiblissement de sa volonté, ne peuvent pas être admis dans le système de notre procédure criminelle parce qu'ils sont contraires aux règles et aux principes exposés sur l'aveu. Un aveu, ainsi obtenu, n'aurait pas de valeur légale parce qu'il n'est ni libre ni volontaire ».

1162 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, n° 25, pp. 360-380, V. spec. p. 379.

1163 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 470, p. 418 : « Le narco-interrogatoire (narco-audition), qui tend à l'obtention d'aveux est d'une efficacité réduite : l'aveu ne peut être obtenu avec certitude et celui qui est obtenu n'est pas forcément vrai si l'on songe à l'existence d'un phénomène d'auto-accusation ».

ce qui marque un manque de confiance 1167 concernant l'utilisation de cette moyenne 1168 . Nous

pensons que l'utilisation de la narco-analyse sur l'accusé afin d'obtenir l'aveu est

condamnée

1169

car elle constitue en même temps une agression matérielle et morale à son

285

encontre. Cette méthode constitue une agression matérielle pour celui qui la subit, à savoir que l'injection laisse une cicatrice à cause de l'aiguille de l'injection, et il ne fait aucun doute que cette blessure touche à l'intégrité physique de l'accusé, et lui inflige un mal corporel, et ceci est suffisant pour considérer l'utilisation du sérum de vérité comme une contrainte matérielle

qui pousse l'accusé à avouer 1170 . D'autre part, injecter des anesthésiques à l'accusé perturbe le bon fonctionnement des organes du corps, car l'utilisation de substances induit au changement de la tension artérielle, des battements de coeur, dilatation des pupilles, et d'autres effets néfastes. En outre, il lève, ou au moins affaiblit la barrière entre le conscient et l'inconscient et

la personne se retrouve dans un état oscillant entre le conscient et l'inconscient, 1171 bien loin

1164 V. C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 236, p. 164 : « Il faut convenir qu'un éventuel aveu fait sous penthotal ne constitue nullement la garantie d'obtention de la vérité. ».

1165 V. C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 39, p. 7 : « il faut convenir que la reconnaissance des faits obtenue par narcose n'est en aucun cas une garantie d'obtention de la vérité matérielle ».

1166 V. Rapport de M. Christo P. Yotis, « L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n° 4, Octobre-décembre 1952, pp. 788-789, V. spec. p. 789 : « Les progrès des sciences positives ont apporté récemment un nouveau procédé d'investigation, la narco-analyse. Sans entrer ici dans la discussion de l'admissibilité de ce procédé en matière répressive, je me demande : ce procédé peut-il permettre d'obtenir un « aveu » au sens généralement connu du mot ? ».

1167 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 470, p. 418 : L'obtention scientifique d'indices : « Le premier obstacle touche à la fiabilité des moyens scientifiques. Tous les procédés modernes sont-ils susceptibles d'une égale et totale confiance ? Certes non ».

1168 V. R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953. pp. 69-75, V. spec. pp. 74-75 : « il semble douteux que les procédés de narco-diagnostic ou de narco-analyse permettent de découvrir de façon absolue -- dans l'état actuel de la science -- la véritable pensée d'un témoin ou d'un prévenu. Leurs résultats, pour précieux qu'ils soient, ne s'imposent donc pas au juge ».

1169 V. en même sens : J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 525 : « La narco-analyse en tant que narco-enquête à l'effet d'obtenir l'aveu de la culpabilité paraît donc généralement condamnée et c'est ce qui nous intéresse dans la question de l'aveu en procédure pénale ».

1170 V. en ce sens: J. Pradel, « La preuve en procédure pénale comparée (Rapport général) », in Revue internationale de droit pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.13-32. V. spec. p. 26 : « La loyauté implique également toute exclusion de procédés attentant à la liberté (narco-analyse, torture, interrogatoires captieux...) ».

1171 V. Rapport de M. Alfredo Molinario, « L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n° 4, octobre-décembre 1952, pp. 769-776, V. spec. p. 77 6: « On ne peut pas dire, en effet, que l'aveu est conscient à travers l'emploi de substances, comme le penthotal, qui, en dissociant la zone corticale du cerveau des centres inférieurs, rendent physiologiquement et psychiquement impossible l'exercice de ces fonctions d'attention et

du contrôle intellectuel individuel conscient, ce qui lui cause un handicap momentané durant

1172

toute la période d'anesthésie

. Ceci signifie que l'accusé avoue involontairement sous

286

l'effet du sérum de vérité et ceci constitue une atteinte à la liberté de choisir de l'accusé des termes de sa déposition lors de l'enquête ou de l'interrogatoire 1173 , et donc son aveu ne peut

être considéré comme légitime ou acceptable comme preuve correcte et productive 1174 . Quant au préjudice moral causé par l'injection d'anesthésiques à l'accusé, il réside à notre avis dans ce qu'induit la narco-analyse de privation de l'accusé qui la subit de sa volonté. En outre, elle lui fait perdre le contrôle sur son cerveau et sa conscience et gêne sa faculté de concentration, il se met donc à parler sans se contrôler, et il ne fait aucun doute que ceci constitue une humiliation et une atteinte à la dignité de l'homme car ceci est, sans nul doute, une violation de la volonté de la personne interrogée et une infiltration de ses pensées et de son inconscient d'une façon inacceptable humainement. Le moins que l'on puisse en dire est que c'est un mode de preuve illégitime que les hommes ne sauraient utiliser et qui est inacceptable. Voire plus, car la narco-analyse constitue une atteinte à l'intégrité des personnes 1175 , mais aussi une atteinte à l'homme, car elle pénètre au plus profond de lui, dans une partie de sa personne qui ne devrait concerner que lui et ne devrait sortir que conformément à sa propre volonté directe et spontanément. L'utilisation de cette méthode peut être considérée comme une ingérence

1176

dans les hautes fonctions du cerveau humain . On peut ainsi conclure que ce n'est pas

d'inhibition qui constituent précisément la conscience psychologique. On ne peut pas dire non plus que soit libre, juridiquement parlant, l'aveu provoqué au moyen de tels procédés ou substances ».

1172 V. sur ce point en langue arabe (doctrine égyptienne) : H. Mahmoud Ibrahim, Les moyens scientifiques modernes dans la preuve pénale, Dar Ennahda El arabia, 1981, pp. 147-148.

1173 V. sur ce point : C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 39, p. 7 : « L'aveu doit toujours être librement consenti : il doit être donné alors que l'individu est en pleine possession de ses moyens intellectuels ».

1174 V. Rapport de M. Alfredo Molinario, « L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n° 4, octobre-décembre 1952, pp. 769-776, V. spec. p. 775 : « Donc, raisons juridiques et motifs d'ordre pratique nous décident à nous prononcer catégoriquement contre remploi de procédés hypnotiques de narcotiques ou de stupéfiants pour capter l'aveu des inculpés. Il semble inutile d'ajouter que, dans notre opinion, un aveu obtenu grâce à l'emploi de tels procédés et substances manque de toute valeur probatoire ».

1175 V. J. Magnol, « L'aveu dans la procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 525 : « en dehors de leur incertitude, ces procédés abolissent à peu près complètement chez l'individu qui y est soumis sa personnalité consciente, même parfois après le réveil ; ils portent atteinte à l'intégrité de la conscience et de la volonté. On a ainsi pu parler, d'une façon peut-être exagérée, de l'effraction des consciences ».

1176 V. R. Houin, « Le progrès de la science et le droit de la preuve », in R.I.D.C., Vol. 5, n° 1, janvier-mars 1953, pp. 69-75, V. spec. p. 75 : « En conclusion, il apparaît que les juristes se doivent d'utiliser, en principe, toutes les méthodes scientifiques de preuve qui leur permettent, de se rapprocher, sinon toujours d'atteindre, la réalité, la vérité. Mais ils doivent le faire avec circonspection. Non seulement parce que la science n'aboutit pas du premier coup ni toujours à des résultats absolument certains, mais aussi parce que ces résultats doivent être écartés lorsqu'ils risquent de porter atteinte à des principes supérieurs de morale ou d'ordre social, notamment

possible de considérer la narco-analyse comme un moyen de recherche de preuve car elle appartient aux procédés illégaux non compatibles avec le principe de la légalité des moyens de preuve pénale.

B. Éléments de preuve obtenus sous hypnose.

202. Que signifie l'hypnose? C'est une opération artificielle de provocation de sommeil de certaines facultés apparentes du cerveau. C'est une opération suggestive utilisée par l'hypnotiseur pour donner des ordres à la personne endormie, pour la priver de sa volonté et son autocontrôle, sous l'effet de sa domination par l'hypnotiseur qui prend le contrôle de son inconscient pour accéder, ainsi, à ses contenus. En d'autres termes, les aveux de l'hypnotisé émanent de son inconscient, et donc, l'interrogatoire de l'accusé pour l'inciter à faire des aveux est une sorte de contrainte matérielle contre lui. L'hypnotiseur devient le dominateur de l'hypnotisé, car ce dernier est souvent soumis à l'exécution des ordres donnés par l'hypnotiseur. Les réponses de l'hypnotisé ne sont que l'écho de la suggestion de l'hypnotiseur. L'hypnose a un passé historique, en effet, les prêtres traitaient les malades mentaux à l'époque à travers la suggestion et la longue invocation des dieux, cette méthode était appelée « le sommeil de la chapelle ». Le savant anglais James Braid est le premier à

1177

.

avoir utilisé le mot hypnose en 1843

203. Définition de l'hypnose. L'hypnose

1178

est une sorte de sommeil de certaines facultés

1179

.

287

apparentes du cerveau. Elle se fait artificiellement par la suggestion du sommeil L'hypnose s'effectue à travers les réflexes conditionnels concernant le sommeil qui sont ancrés dans l'esprit de l'homme depuis son enfance, en dormant sur le dos avec la suppression de toutes les causes de souci avant son hypnose. Par la suite, son hypnotiseur commence à lui insinuer de dormir de façon graduelle, alors, il répond effectivement et il devient

aux droits les plus élevés de l'homme. Le droit a pour mission de protéger l'individu avant même de rechercher la vérité. Le juriste doit donc conserver tout son esprit critique et apprécier en toute liberté les résultats que lui fournissent les méthodes scientifiques ».

1177 V. en langue arabe : A. Elkadi, « L'interrogatoire inconscient », in Revue de la sécurité publique, Égypt, 8 juillet 1965, numéro 30.

1178 V. sur l'hypnose : V. J. Susini, « L'hypnose d'investigation : des faits troublants ou prodromatiques? (les contenus nouveaux de l'enquête spécifique de police)», in R.S.C., 1986, pp. 915-920.

1179 A. Mellor, «Vers un renouveau du problème de l'hypnose en droit criminel?», in R.S.C., n° 2 avril - juin 1958, pp. 373 et s.

288

1180

hypnotisé. Selon Mme Haritini Matsopoulou, « en ce qui concerne les méthodes utilisées pour l'interrogatoire, une chose est certaine : ni le juge ni les policiers ne sauraient procéder sous la suggestion de l'hypnose. Ce que l'on cherche, grâce à cette technique, c'est à sonder

1181

le for intérieur de l'interrogé. ».

204. L'utilisation de l'hypnose dans l'enquête pénale. Comme résultat de l'hypnose, la personne devient incapable de contrôler sa volonté de façon que l'inconscient la prédomine. Alors, l'hypnotiseur lui pose n'importe quelle question et elle répond sans aucune discrétion 1182 . Quant à l'hypnose qui consiste à la provocation du sommeil chez le conscient de l'accusé ou du suspect de façon qu'ils répondent aux questions posées par l'hypnotiseur, l'avis répandu parmi la doctrine et de la jurisprudence tend à refuser l'utilisation de cette méthode en vue d'élucider l'infraction, car elle constitue une atteinte aux droits de l'homme en général et aux droits de l'accusé à l'autodéfense en particulier ; de même, c'est une méthode de contrainte qui prive l'homme de sa libre volonté 1183 . Dans une affaire américaine, cette méthode a été utilisée auprès d'une personne accusée d'avoir assassiné son père et sa mère avec un marteau, et qui, lors de son interrogatoire, a insisté sur sa non-perpétration du crime. Alors, la police a convoqué un psychologue qui est resté avec l'accusé dans une pièce équipée de microphones, le psychologue a hypnotisé l'accusé, puis lui a insinué qu'il avait tué

1184

.

son père et sa mère avec un marteau, l'accusé a reconnu avoir commis son crime

205. Nature de l'atteinte causée par l'utilisation de cette méthode. La doctrine semble être unanime quant au rejet de l'utilisation de l'hypnose auprès des accusés lors de l'interrogatoire, le Professeur Graven s'oppose à l'idée de recourir à cette méthode pour obtenir des aveux des

accusés 1185 , car l'hypnose est un acte illicite qui prive l'accusé de sa volonté et constitue une

1180 V. en langue arabe : A. Mohamed Salem Enouaissa, Les garanties de l'accusé lors de l'enquête préliminaire. Étude comparative de la législation Égyptienne et Jordanienne, Thèse de droit, Université Ain Chams (Égypt.), 2000, p. 244.

1181 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 883, p. 714.

1182 V. en langue arabe : A. Mohamed Salem Enouaissa, Les garanties de l'accusé lors de l'enquête préliminaire. Étude comparative de la législation Égyptienne et Jordanienne, Thèse de droit, Université Ain Chams (Égypt.), 2000, p. 244

1183 V. Rapport de M. Alfredo Molinario, « L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C., Vol. 4, n° 4, octobre-décembre 1952. pp. 769-776, V. spec. p. 77 6: « Dans l'aveu obtenu par des moyens d'hypnose ou par des stupéfiants, la conscience et la liberté de l'inculpé brillent par leur absence ».

1184 V. en langue arabe : S. Sadek El-Malla, L'aveu de l'accusé, édition 1986, pp. 166-167.

1185 J. Graven, « Le problème des nouvelles techniques d'investigation au procès pénal [aveu, narco-analyse] », in R.S.C., 1950, n° 3, pp. 312-357, V. spec. pp. 314 et s.

1186

atteinte à son droit à la défense tout comme la torture . Certains juristes considèrent

289

l'hypnose comme une contrainte matérielle contre l'accusé, car l'hypnotisé est assujetti à la

1187

.

domination et à la merci de son hypnotiseur. Sa réponse est l'écho de ce qui lui est insinué

En outre, l'hypnose est un moyen pour subjuguer la volonté et pour la désactiver, et constitue

. D'autres

1188

une agression contre la sécurité du système nerveux et sensoriel lui étant soumis

estiment que l'hypnose implique, en fait, l'atteinte à la liberté psychique et la sécurité

1189

.

corporelle de l'hypnotisé à l'instar des anesthésiques

206. Impact de l'hypnose sur la volonté. L'hypnose est considérée comme une contrainte morale de l'hypnotisé. L'hypnose de l'accusé pour son interrogatoire à ce moment-là en vue d'obtenir des aveux est une procédure illégale, car l'accusé est soumis à l'effet de son hypnotiseur, alors sa réponse est l'écho de ce dernier, et l'hypnotisé est contraint matériellement à ses actes. A cet effet, il est interdit tout recours à l'hypnose lors de l'interrogatoire. L'enquêteur ou le juge n'ont pas le droit d'hypnotiser l'accusé pour obtenir de cette façon des aveux que l'accusé aurait refusé de révéler dans son état naturel lorsqu'il jouit de sa libre volonté et du contrôle de toutes ses facultés mentales. Les propos et les aveux émanant de l'accusé par le biais de l'hypnose ne revêtent aucune valeur et ne peuvent pas être pris en considération, car l'hypnose figure parmi les actes illicites exactement comme la torture qui lui ôte sa volonté et enfreint la liberté d'autodéfense. Dans une affaire judiciaire en Italie, l'accusé fut hypnotisé lors de l'interrogatoire de la police à Milan en 1947, et avait

1190

.

reconnu avoir commis le crime. Or, le tribunal n'avait pas pris cet aveu en compte

207. Impact de l'approbation de l'accusé de se soumettre à l'hypnose. Parmi les questions qui ont fait couler beaucoup d'encre, le cas du consentement de l'accusé ou du suspect à être

1186 A. Mellor, « Vers un renouveau du problème de l'hypnose en droit criminel? », in R.S.C., Paris, Nouvelle série n° 2 (avr.-juin 1958), pp.371-378, v. spec. p. 373.

1187 V. en langue arabe : M. Mostafa, Explication du code de procédures pénales, Dar Al-Nahda Al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1988, p. 303 ; M. Najib Housni, Explication du code de procédure pénale, Dar Al-Nahda Al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Le Caire (Egypte), 1998, p. 585 ; A. Mohamed Salem Enouaissa, Les garanties de l'accusé lors de l'enquête préliminaire. Étude comparative de la législation Égyptienne et Jordanienne, Thèse de droit, Université Ain Chams (Égypte), 2000, p. 344.

1188 V. en langue arabe : H. Essmni, Légalité des preuves prises de moyens scientifiques, Thèse de droit, Université du Caire (Égypte), édition 1983, p. 356.

1189 V. en langue arabe : A. Fathi Srour, L'intermédiaire dans le code de procédures pénales, imprimerie de l'université du Caire, édition 1996, p. 425.

1190 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, numéro 25, pp. 360380, V. spec. p. 377.

interrogé sous l'effet de l'hypnose. D'aucuns pensent qu'il n'y a aucune objection légale contre l'hypnose de l'accusé pour le soumettre à l'interrogatoire, s'il accepte ou la demande lui-même librement. Il serait plutôt injuste de refuser la demande de l'accusé qui pourrait être

1191

en sa faveur

, d'autant plus s'il peut prouver son innocence via l'hypnose. Dans un

290

jugement prononcé par le tribunal allemand de Hamn, le tribunal a jugé que les aveux ou les simples propos émanant de l'accusé sous l'effet de l'hypnose ne peuvent pas être admis dans les procédures du jugement visant à l'établissement de la vérité, même si c'est l'accusé qui l'avait réclamée, sinon le moindre échec de cette méthode pour obtenir des aveux concernant sa perpétration du crime serait une preuve de son innocence. L'accusé a le droit de faire ses

. M. Jean

1192

aveux en toute liberté sans être contraint par la force de ces méthodes coercitives

1193

.

Pradel affirme clairement qu' « une preuve ne peut être obtenue au moyen d'une atteinte à l'intégrité physique ou morale de la personne, même si celle-ci donne son consentement »

Enfin, M. Jamal Moustapha estime qu'il est interdit d'utiliser l'hypnose lors des procédures pénales, même avec le consentement de l'accusé ou du suspect car son consentement pourrait être dû à sa crainte qu'on considère son refus de se soumettre à cette méthode comme une preuve de sa culpabilité. Ajouté à cela que le consentement de l'accusé n'a aucune valeur légale puisque l'accusé ne peut pas renoncer aux garanties constitutionnelles qui protègent son exercice des droits de la défense. Ces garanties ne le concernent pas lui seul mais concernent également la société. La société a le droit de garantir la sécurité du corps de l'être humain, du fait que ce dernier en est membre. Cela dit, il ne faut pas considérer son refus comme une raison pour autoriser l'atteinte à son corps. Par ailleurs, le consentement préalable de la personne objet d'interrogatoire ne peut pas être pris en considération, car elle ignore sur quoi elle a consenti du moment qu'elle ne l'avait pas expérimenté avant son consentement. De plus, elle ne pourra pas prévoir ses sentiments sous l'effet de l'hypnose, et ne pourra, donc,

pas garder ses secrets personnels qui doivent être respectés 1194 . On devrait oeuvrer pour appuyer ces droits afin d'assurer un procès équitable et loyal pour l'accusé, car le fait

1191 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, n° 25, pp. 360-380, V. spec. p. 378.

1192 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, n° 25, pp. 360-380, V. spec. p. 378.

1193 J. Pradel, « La preuve en procédure pénale comparée (Rapport général) », in Revue internationale de droit pénal, 1er-2e trimestre1992, vol. 63, Actes du Séminaire International organisé par l'Institut Supérieur International de Sciences Criminelles à Syracuse (Italie) du 20 au 25 janvier 1992, pp.13-32. V. spec. p. 26.

1194 V. en langue arabe : J. Mohammed Mostapha, « Les aveux de l'accusé, aveux résultant de l'utilisation des moyens de tromperie et de duperie », in La revue arabe de jurisprudence et de magistrature, n° 25, pp. 360-380, V. spec. p. 378-379.

291

d'accepter d'exercer cette méthode anormale qui s'oppose à la nature humaine et sa dignité signifie que nous soutenons la violation des droits de l'homme et du principe de la légalité de la preuve pénale, chose que nous refusons catégoriquement.

208. L'utilisation de l'hypnose en droit libanais et français. En droit libanais, la question ne s'est pas encore posée dans la jurisprudence libanaise. En droit français, Mme Coralie Ambroise-Castérot se montre ferme vis-à-vis de l'utilisation de l'hypnose « l'hypnose, pas

. L'utilisation de

1195

plus que le penthotal, ne saurait être un moyen légal d'investigation »

l'hypnose en procédure pénale pose un problème : d'une part, en ce qu'elle met un individu dans une situation dont il n'a plus aucune maîtrise et, d'autre part, en ce qu'elle est un moyen encore expérimental et incertain de remémoration. Elle soulève donc des difficultés, aussi bien par rapport à l'impératif de respect des droits des personnes que par rapport à l'objectif de

recherche de la vérité, qui sont, l'un et l'autre, inhérents à la preuve pénale 1196 . La question qui se pose est alors la suivante : le fait de soumettre une personne à l'hypnose lors d'une enquête

1197

pénale est-il qualifié d'illégal par la jurisprudence française? Un arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation française a considéré que « si le juge d'instruction peut, en application de l'article 81 du Code de procédure pénale, procéder ou faire procéder à tous actes d'information utiles à la manifestation de la vérité, encore faut-il qu'il se conforme aux dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves. Viole les dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves et compromet ainsi l'exercice des droits de la défense l'audition effectuée par les gendarmes, sur commission rogatoire, d'un témoin placé, avec son consentement, sous hypnose, par un expert désigné par le juge

1198

d'instruction »

. La chambre criminelle française considère implicitement que l'hypnose en

1199

.

tant que moyen de preuve dépasse la frontière de la légalité de la recherche des preuves

1195 C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 237, p. 165.

1196 D. Mayer et J.-F. Chassaing, « Y a-t-il une place pour l'hypnose en procédure pénale ? », in D., 2001, p. 1340.

1197 V. sur ce point : C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 44, p. 8 : « En matière d'hypnose, on est confronté à la même difficulté que pour la narcose. L'hypnose peut-elle être utilisée comme moyen d'investigation lors d'une enquête pénale ? En transposant la jurisprudence relative au penthotal, la réponse s'impose d'elle-même. Si un expert, désigné par le juge, utilise l'hypnose afin de réaliser sa mission (par ex., vérifier si le sujet est réellement aphasique ou non), le procédé ne saurait être banni. En revanche, s'il est requis du professionnel la réalisation d'un interrogatoire, les frontières de la légalité sont franchies ».

1198 Cass crim., 12 décembre 2000, B.C., n° 369, p. 113.

1199 V. A. Giudicelli, « Témoignage sous hypnose ou expertise hypnotique ? (Cass. crim., 12 déc. 2000)», in R.S.C., 2001, p. 610 : « Concernant le principe affirmé par la Cour de cassation, il est une parfaite illustration de ce que la théorie de la preuve pénale combine, en ce qui concerne les moyens de preuve, liberté et légalité. Si les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve, si plus particulièrement le juge d'instruction peut

L'arrêt précédent montre que la Cour de cassation française n'accepte pas l'hypnose comme procédé afin de rechercher la vérité en matière pénale parce qu'il n'est pas conforme aux

dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves

1200

et il est incompatible

avec l'exercice des droits de défense 1201 . Selon Mme Catherine Puigelier, dans cet arrêt, « pour les juges suprêmes, le recours à l'hypnose est irrégulier parce qu'il ne se conforme pas aux dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves et compromet les

droits de la défense » 1202 . Sans hésitation la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré dans cet arrêt que l'article 81 de CPP français ne peut servir de base pour fonder une audition sous hypnose pour accomplir un acte nécessaire à la manifestation de la vérité dans le procès pénal. « Par arrêt en date du 12 décembre 2000 (Crim. 12 déc. 2000, Wisse et a., Juris-Data n° 007696), la Cour de cassation avait d'abord censuré une audition opérée sous hypnose en exécution de la commission rogatoire, en rappelant que la liberté laissée au juge d'instruction d'accomplir tous actes utiles à la manifestation de la vérité en application de l'article 81 du Code de procédure pénale ne peut se concevoir que dans le respect de la

légalité »

1203

. M. Jean Pradel considère que cette décision « a annulé l'audition d'un témoin

292

sous hypnose pour réactiver sa mémoire sur des détails précis : quoique l'audition ait été menée avec l'aide d'un hypnologue et que le témoin ait été d'accord, la Cour de cassation y a vu une atteinte aux dispositions légales sur les modes d'administration des preuves et à

l'exercice des droits de la défense » 1204 . À son tour M. Jacques Buisson considère que cet arrêt vient de rappeler que le juge d'instruction ne jouit pas d'une liberté totale et absolue dans la recherche de preuve parce que l'article 81 du CPP français apporte une limite à la liberté de la

procéder ou faire procéder à tous les actes utiles à la manifestation de la vérité (c. pr. pén., art. 81, al. 1er), encore faut-il que les preuves soient légalement rapportées ».

1200 V. A. Giudicelli, « Témoignage sous hypnose ou expertise hypnotique ? (Cass. crim., 12 déc. 2000)», in R.S.C., 2001, p. 610 :« L'utilisation de l'hypnose à des fins probatoires en procédure pénale, qui pourrait certes s'appuyer sur le principe de la liberté de la preuve, vient buter sur l'exigence de la légalité qui somme tous ceux qui contribuent à la recherche de la vérité de respecter le texte et la substance des normes de procédure pénale ».

1201 V. C. Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 45, p. 8 : « En l'occurrence, l'expert avait hypnotisé un témoin afin que les enquêteurs puissent ensuite interroger celui- ci. Ce mélange des genres entre expertise et audition a été clairement sanctionné par la Cour de cassation. La solution peut être transposée à l'interrogatoire. Un accusé, même consentant, ne saurait valablement se soumettre à ce type d'opération médicale détournée et dont le cadre légal (expertise ? interrogatoire ?) demeure flou ».

1202 C. Puigelier, « Impossibilité pour un juge d'instruction de recourir à l'hypnose », in JCP G., n° 12, 21 Mars 2001, II 10495.

1203 J. Buisson, « Sonorisation illégale du parloir d'une maison d'arrêt : constitue une ingérence étatique au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH 20 décembre 2005, Wisse c/ France, n° 71611/01) », in R.S.C., 2007, p. 607.

1204 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 470, p. 419.

preuve qui se caractérise par le principe de la légalité applicable dans la procédure pénale d'où l'accord ou le consentement libre et préalable de l'intéressé de se mettre volontairement dans un état hypnotique (à l'hypnose) ne rend pas l'acte conforme à la légalité : « C'est précisément ce que la Cour de cassation vient de rappeler. Même le juge instruction n'a pas la faculté d'administrer librement la preuve pénale ; car après avoir prévu la liberté de ce magistrat de choisir le mode de preuve utile, l'article 81 du Code de procédure pénale précise normalement le principe de la légalité qui lui interdit de sortir des règles régissant l'administration de la preuve et de concevoir en quelque sorte ex nihilo un acte d'administration de la preuve. Sous ce regard, on comprend que l'accord de la personne

1205

. Par

concernée est juridiquement indifférent, puisqu'il aboutit à la violation de la légalité »

contre, certains auteurs font une distinction entre l'utilisation de l'hypnose comme expertise et

l'audition de témoin sous hypnose.

1206

Il nous semble que cette distinction n'existe pas en

pratique parce qu'on parle toujours des éléments de preuve qui restent sous l'appréciation libre du juge de fond en vertu de son intime conviction qui ne distingue pas en fait entre audition de témoin sous hypnose et expertise sous hypnose pour forger son opinion malgré les

forts arguments proposés par MM. Daniel Mayer et de Jean-François Chassaing 1207 . En ce qui concerne l'effet du consentement de la personne soumises à l'hypnose, Mme Catherine Puigelier considère que «le consentement de l'intéressé hypnotisé par un expert désigné par un juge d'instruction est, à cet égard, indifférent. Seul le fait de porter atteinte aux intérêts des

personnes mises en examen l'emporte»

1208

. Même avec le consentement de la personne placée

293

sous hypnose, nous considérons que l'usage de l'hypnose dans la procédure pénale est toujours contraire à l'ordre public contrairement à l'avis de MM. Daniel Mayer et de Jean-François Chassaing qui considèrent qu'« en effet, dès lors que celle-ci a consenti à être placée sous hypnose, elle a exercé son libre arbitre pour abandonner d'elle-même les possibilités de

1205 J. Buisson, « L'audition sous hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches », in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70.

1206 D. Mayer et J.-F. Chassaing, « Y a-t-il une place pour l'hypnose en procédure pénale ? », in D., 2001, p. 1340 : « Ce procédé est-il irréductible aux règles actuelles de la procédure pénale ? Nous ne le pensons pas. L'expertise semble de nature à permettre l'utilisation de cette technique à condition de distinguer très clairement l'audition du témoin et l'expertise de son discours sous hypnose. Il nous semble envisageable de charger un expert d'entendre le témoin sous hypnose et de faire état des propos tenus dans son rapport ».

1207 D. Mayer et J.-F. Chassaing, « Y a-t-il une place pour l'hypnose en procédure pénale ? », in D., 2001, p. 1340 : « Le refus de toute utilisation de l'hypnose nous paraît même contraire aux droits de la défense lorsque la demande d'investigation sous hypnose concernant la personne poursuivie émane d'elle-même : est-il légitime, sous un régime de liberté de la preuve, de priver le mis en examen d'une possibilité de faire avancer la recherche de la vérité ? N'est-ce pas amputer le droit des parties de participer à cette recherche qui se trouve pourtant consacré par les réformes législatives des dix dernières années ».

1208 C. Puigelier, « Impossibilité pour un juge d'instruction de recourir à l'hypnose », in JCP G., n° 12, 21 Mars 2001, II 10495.

contrôler sa parole. Il est difficile de soutenir qu'une telle renonciation serait contraire à

l'ordre public... »

1209

. Il faut rappeler que certains législateurs énoncent très clairement dans

un article du Code de procédure pénale que l'utilisation de l'hypnose est strictement prohibée dans l'audition et l'interrogatoire en matière pénale. Il serait préférable que les législateurs français et libanais précisent cette interdication en prévoyant expressément que l'usage de l'hypnose dans l'administration de la preuve pénale est prohibé par un texte de loi

suffisamment clair, en suivant le modèle de certains législateurs

1210

. Pour conclure, nous

294

approuvons la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui vient de juger irrecevable un témoignage sous hypnose et nous soutenons entièrement l'avis de M. Jacques

1211

Buisson favorable à la position de la Cour de cassation : « Une telle position ne peut

qu'être approuvée. L'acte consistant dans une audition sous hypnose n'obéissait ni aux règles de la légalité matérielle puisqu'il méconnaissait le principe du respect de la dignité humaine, ni à celles de la légalité formelle dès lors qu'il n'était pas prévu par la loi. Contrairement à une vision sommaire de la preuve en matière pénale, le principe de la liberté a, dans un État de droit, un empire nécessairement limité par le principe de la légalité, particulièrement

1212

. La

lorsque l'administration de la preuve est le fait des agents de l'autorité publique »

chambre criminelle de la Cour de cassation française a confirmé sa position précédente dans un nouvel arrêt rendu le 28 novembre 2001 en affirmant que le recours à l'hypnose dans le procès pénal n'est pas conforme aux dispositions légales relatives au mode d'administration

1213

des preuves en matière pénale :« Attendu que, d'autre part, par application des articles 81,

1209 D. Mayer et J.-F. Chassaing, « Y a-t-il une place pour l'hypnose en procédure pénale ? », in D., 2001, p. 1340.

1210 V. par exemple le legislateur allemand: Aux termes de l'article 136a du Code de procédure pénale, concernant les méthodes d'interrogatoire prohibées (verbotene Vernehmungsmethoden) :« 1. Il ne doit pas être porté atteinte à la liberté de décision de l'inculpé et à sa liberté de manifester sa volonté par des sévices, par l'épuisement, par quelque forme de contrainte physique que ce soit, par l'administration de médicaments, par la torture, par la tromperie ou par l'hypnose. La contrainte ne peut être employée que lorsqu'elle est admise par les règles de procédure pénale. La menace d'appliquer une mesure prohibée par les règles de procédure pénale et la promesse d'un avantage non prévu par la loi sont interdites. 2. Est interdite toute mesure portant atteinte à la mémoire ou aux facultés de raisonnement et au libre arbitre de l'inculpé (Einsichtsfähigkeit). 3. Les interdictions visées aux paragraphes 1 et 2 sont applicables même si l'inculpé a consenti [à la mesure envisagée]. En cas de manquement à ces règles, les dépositions ne peuvent être versées [comme preuves], même avec l'accord de l'inculpé ».

1211 V. encore l'avis de Mme Catherine Puigelier : C. Puigelier, « Impossibilité pour un juge d'instruction de recourir à l'hypnose », in JCP G., n° 12, 21 Mars 2001, II 10495 : « La solution adoptée par la Cour de cassation mérite pleinement l'approbation ».

1212 J. Buisson, « L'audition sous hypnose est interdite. Est permis l'enregistrement, au parloir d'une maison d'arrêt, de propos tenus entre des mis en examen et leurs proches », in Procédures, n° 3, Mars 2001, comm. 70.

1213 V. sur les deux arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation française concernant l'hypnose : P. Lemoine, « La loyauté de la preuve (à travers quelques arrêts récents de la chambre criminelle », in Rapport

295

101 à 109 du Code de procédure pénale, si le juge d'instruction peut procéder ou faire procéder à tous actes d'information utiles à la manifestation de la vérité, encore faut-il qu'il se conforme aux dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves ;Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le juge d'instruction a fait procéder à l'audition de X... qui avait été placé sous hypnose par un expert désigné par ce magistrat ; que ce même juge d'instruction a ordonné ensuite une expertise "en matière de profilage psychologique", confiée à un psychologue conseil et lui enjoignant, notamment, de procéder "à une préparation technique d'audition aux fins de garde à vue ultérieurement" ; que cet expert, au cours des auditions de X..., effectuées sur commission rogatoire par les gendarmes, après son placement en garde à vue, est intervenu à plusieurs reprises pour poser des questions à l'intéressé, lequel a avoué à cette occasion et pour la première fois le meurtre de son épouse et le dépeçage de son corps ; Attendu qu'après avoir annulé l'audition de X... effectuée sous hypnose, la chambre de l'instruction a écarté de l'annulation, notamment, le rapport déposé le 28 décembre 2000 par l'expert qui avait procédé au placement sous hypnose et le rapport de "profilage psychologique" déposé le 15 décembre 2000 qui se référaient, tous deux, en en rapportant la teneur, à l'audition sous hypnose de X... ; qu'elle a également refusé d'annuler les auditions au cours desquelles les enquêteurs ont recueilli, en présence du psychologue conseil désigné par le magistrat, les aveux de X... lors de sa garde à vue ;Mais attendu qu'en cet état, alors que le rapport d'expertise relative aux opérations de placement sous hypnose et celui "de profilage psychologique" avaient pour support nécessaire l'audition sous hypnose de X... et alors que le procédé consistant à faire entendre sur commission rogatoire, délivrée à des officiers de police judiciaire, une personne suspectée, placée en garde à vue, et à la faire, dans ces conditions, interroger par un psychologue conseil, sous couvert d'une mission d'expertise, viole les dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves et compromet l'exercice des droits de la

1214

défense, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et principes ci-dessus rappelés ».

annuel de la Cour de Cassation 2004, (Deuxième partie): « Dans les deux premières affaires, qui ont fait l'objet d'arrêts rendu les 12 décembre 2000 et 28 novembre 2001, la chambre s'est prononcée sur la validité d'une audition effectuée sous hypnose ; il s'agissait, dans le premier cas, de l'audition d'un témoin et, dans le second, de celle d'une personne placée en garde à vue qui, l'un et l'autre, avaient exprimé leur consentement pour être entendus selon ces modalités et dont l'audition avait été recueillie avec l'assistance d'un expert désigné par le juge d'instruction. Dans ces deux cas, la chambre a jugé que l'audition réalisée dans ces conditions était irrégulière et qu'elle avait compromis l'exercice des droits de la défense ; la raison réside vraisemblablement dans le fait que cette forme d'audition neutralise la volonté et l'on peut donc légitimement se demander dans quelle mesure elle demeure compatible avec le serment que la personne concernée a prêté ».

1214 Cass. crim., 28 novembre 2001, B.C., n° 248, p. 823.

209. Notre avis sur l'utilisation de l'hypnose dans l'enquête pénale. Avant tout, il faut préciser que la preuve résultant de l'hypnose ne peut pas être considérée comme une vérité

1215

intouchable

. Mme Haritini Matsopoulou souligne qu' « une telle technique ne saurait être

mise en oeuvre par les services de police, quand bien même l'enquête effectuée par ces derniers n'est pas l'instruction judiciaire. De plus et surtout, la valeur scientifique du procédé

est des plus discutables »

1216

. A notre avis, l'utilisation de l'hypnose dans l'enquête auprès de

296

l'accusé dans le but de l'inciter à faire des aveux, est un moyen qui pourrait porter une atteinte matérielle et morale à l'accusé objet d'interrogatoire. Le préjudice matériel découlant de ce moyen consiste en un dysfonctionnement et des troubles affectant les organes du corps, car cela produit la désactivation de la fonction principale du cerveau de l'hypnotisé. Par ailleurs, l'hypnose induit un changement physiologique et psychologique qui pourrait porter préjudice à la sécurité corporelle, à l'image de changements clairs et directs sur le système respiratoire et la réduction du champ de vision, ainsi que le contrôle de l'inconscient de l'hypnotisé pour le guider selon la volonté de l'hypnotiseur. Ceci constitue la raison principale qui nous pousse à rejeter ce moyen et le considérer comme illégal, outre le fait que le législateur libanais ne l'a autorisé explicitement dans aucun des textes de loi, et vu que nous soutenons la limitation du principe de la liberté de preuve pénale aux moyens permis par la loi. Quant au préjudice moral affectant l'accusé lors de son hypnose, il consiste en l'utilisation de ce moyen qui pourrait conduire à la perte par l'hypnotisé de son autocontrôle, car il affaiblit la barrière entre son inconscient et son conscient exactement comme l'anesthésie 1217 la personne devient alors un outil et une marionnette entre les mains de son hypnotiseur qui le guide à sa guise, en lui faisant perdre le contrôle de sa volonté et répondre à ses questions sans autocontrôle ni autocensure 1218 . De surcroît, l'audition effectuée sous hypnose constitue une violation flagrante du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination qui est une norme internationale reconnue par le droit interne libanais et français et indirectement dans le texte de l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme : « L'hypnose prive la personne interrogée de tout discernement. Cette personne est donc amenée, le cas échéant, à

1219

.

contribuer à sa propre incrimination»

1215 C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 237, p. 165. 1216 H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 883, p. 714.

1217 V. en langue arabe : H. Essmni, Légalité des preuves prises de moyens scientifiques, Thèse de droit, Université du Caire (Egypte), édition 1983, pp. 358-348-349.

1218 V. en langue arabe : H. Elmarsafawi, « modes modernes dans l'enquête pénale », in Revue nationale, Egypte, Vol. 10, n° 1, mars 1967, p. 45.

1219 F. Fourment, Procédure pénale, 14e édition, Larcier, 2013, n° 75, p. 57.

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§ 2. Preuve attentatoire à l'inviolabilité du corps humain et à l'inviolabilité de la pensée.

210. Le respect de la dignité humaine et la collecte des preuves. Le respect de l'inviolabilité du corps humain est imposé dans la recherche et la production des preuves qui suppose naturellement qu'aucune atteinte ne peut être faite à l'intégrité du corps humain. Certains procédés de preuve constituent une atteinte à l'inviolabilité du corps humain. Il s'agit plus précisément des procédés scientifiques destinés à obtenir un aveu en matière pénale comme le détecteur de mensonges connu sous le nom de polygraphe qui constitue une double

atteinte concernant l'inviolabilité de la pensée 1220 et en même temps l'inviolabilité du corps humain. Il y a également des procédés scientifiques portant atteinte à l'inviolabilité du corps à propos des prélèvements ou l'utilisation de l'ADN comme preuve c'est-à-dire la technologie ADN dans la justice pénale. En effet, le pouvoir d'ordonner un test d'ADN n'est pas

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absolu.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984