Conclusion du Chapitre II
229. La liberté de preuve ne signifie pas la recherche
de la preuve pénale avec une liberté absolue et extrême,
sans aucune restriction. En effet, il est inadmissible de permettre la
recherche de la preuve pénale et sa production, sans prêter
attention à la légalité des moyens à travers
lesquels la preuve est accessible. En réalité, le respect des
droits de la défense et la protection de la dignité humaine
exigent que l'accès à la preuve, ou plus
précisément la méthode de l'obtention de la preuve
pénale, soit en conformité avec les moyens juridiques
légaux. Il est devenu naturel de baser les moyens de preuve dans les
enquêtes criminelles sur la science moderne, mais afin de valider la
preuve, ils doivent être exercés dans le cadre de la
légalité et dans les limites tracées par la loi. En effet,
il est interdit d'inclure les attaques sur l'immunité du corps de
l'individu, sur sa liberté et sur sa vie privée, exception faite
dans la mesure nécessaire, et dans les limites fixées par la loi.
Toutefois, il est inacceptable d'exagérer dans l'établissement
des restrictions qui entraveraient le déroulement de la justice. Cela
signifie que si les méthodes et les moyens modernes occupent une
importance particulière dans la recherche et l'administration de la
preuve pénale, il est nécessaire que l'utilisation de ces moyens
de preuve modernes soit strictement encadrés par le législateur.
Cependant, la preuve scientifique doit être conforme aux règles
prévues par le Code de procédure pénale afin de respecter
la légalité, ou en d'autres termes la primauté de la loi.
A ce propos, les moyens traditionnels illégaux pour chercher la preuve
sont nombreux et variés. Il suffit de mentionner, en tant qu'exemples
non limitatifs, l'utilisation de la torture et de la coercition physique et
morale, les interrogatoires longs et épuisants de la force de
l'accusé et influant sur la liberté de sa volonté, la
convocation de l'accusé pour un interrogatoire d'une façon
avec celles que la personne subissait ou celles
prononcées pour l'infraction ayant fait l'objet de la procédure
à l'occasion de laquelle les prélèvements devaient
être effectués ».
1327 L'article 706-56 du CPP français
dispose: « Le fait, pour une personne faisant l'objet d'un
prélèvement, de commettre ou de tenter de commettre des
manoeuvres destinées à substituer à son propre
matériel biologique le matériel biologique d'une tierce personne,
avec ou sans son accord, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000
euros d'amende ».
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répétitive à une heure tardive dans la
nuit ou aux premières heures du matin, l'extension de l'enquête
pendant de longues durées insupportables. Ces moyens épuisent le
prévenu et l'accusé en général, influant ainsi sur
sa volonté. La situation actuelle au Liban en termes d'application
pratique exige une intervention législative pour mettre fin à une
jurisprudence non humaniste et illégale qui admet le recours à
des preuves obtenues illégalement comme preuve de culpabilité
dans un procès pénal. Bien que certaines pratiques de la police
soient contraires à la légalité de la preuve, certaines
décisions judiciaires ont accepté l'aveu forcé ou les
traitements inhumains. Un nombre important d'organisations non gouvernementales
ont dénoncé dans leurs rapports l'existence de cas de torture
exercés dans les lieux de détention au Liban.
En outre, est considérée comme illégale
l'utilisation de certains moyens non traditionnels, en particulier
l'anesthésie, l'hypnose, le détecteur de mensonges. En relation
avec le détecteur de mensonges, les juristes ainsi que le pouvoir
judiciaire se sont accordés à le considérer parmi les
moyens de contrainte, de la torture, et de la recherche dans les profondeurs de
l'âme. Quant au sérum de vérité, il est reconnu sans
désaccord que son utilisation est absolument rejetée. A propos de
l'hypnose, son utilisation avec l'accusé, pour l'endormir est un moyen
rejeté et inacceptable, car l'endormi reste sous les effets hypnotiques,
lui faisant perdre ainsi sa volonté et sa liberté. L'utilisation
du détecteur de mensonges, de l'analyse d'anesthésie, d'hypnose
ou de l'interrogatoire prolongé, épuisant ainsi l'accusé
peut donc constituer un comportement criminel. Il convient de souligner
explicitement l'exclusion de toute valeur probante de la preuve produite par
ces moyens, étant donné qu'il s'agit d'une preuve contraire au
principe de la légalité de la preuve pénale.
Il est interdit d'invoquer le principe de la liberté de
la preuve pour avoir recours à des moyens violant la sainteté de
la vie privée ou encore la sécurité du corps de l'individu
sans autorisation judiciaire préalable du législateur. Celui-ci
permettra juridiquement certaines atteintes dans les cas où il estime
que leur utilité à protéger l'intérêt public,
à révéler la vérité sur l'infraction et
à détecter les criminels est supérieure à
l'intérêt de l'individu et nécessite un certain sacrifice
de la liberté et de garanties de l'individu.
Dans ce cas, étant donné leur gravité et
l'atteinte aux libertés que ces moyens provoquent, les
législateurs doit en limiter le recours par des dispositions
légales explicites afin de fournir certaines garanties et un
contrôle judiciaire permettant l'annulation de la procédure faite
contrairement aux dispositions de la loi et permettant la non-prise en compte
de la preuve en résultant, en raison de son manque de
légitimité. On peut citer les tests ADN permis par les
législateurs libanais et français.
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230. La légalité de la preuve pénale
signifie que la preuve doit être conforme à l'ensemble du
système juridique et pas seulement le respect d'une règle
spécifique prévue par le législateur. Par
conséquent, il est inacceptable d'appliquer le principe de la
liberté de la recherche de la preuve pénale indépendamment
de toute restriction légale fournissant les principes
généraux du respect de la liberté, de la
sécurité des droits de l'homme dans le procès
pénal, et de la notion de la légalité procédurale
dans la recherche de la preuve pénale. Il est également
inadmissible de considérer que tout moyen qui crée la certitude
sert de moyen preuve, sans égard à la légalité de
la méthode utilisée pour obtenir la preuve. En outre, il est
impossible de reconnaître le principe selon lequel « la fin
justifie les moyens » en tant que principe légal, et par
conséquent de l'appliquer dans la recherche de la preuve pénale,
étant donné qu'il entraîne la perte de la règle de
la légalité de la preuve pénale. En général,
il est convenable de dire que la règle de la légalité de
la preuve doit être prise en compte dans toutes les phases du
procès pénal étant donné qu'elle représente
un filtre qui affine les procédures d'une étape à l'autre,
et qu'elle nécessite l'accord entre la preuve pénale et la
règle écrite ou en d'autres termes le principe de la
légalité de la procédure pénale (« pas de
procédure sans texte») et par conséquent la
règle de la légalité de la preuve pénale.
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