B. Conditions de recevabilité de l'aveu comme moyen
de preuve en justice.
168. Les règles régissant l'aveu. La
doctrine pénale au Liban et la doctrine pénale en France ont
élaboré des règles et restrictions qui concernent la
recevabilite de l'aveu. Au Liban , selon M. Atef Nakkib, il n'est pas permis au
cours de l'interrogatoire du défendeur ou prévenu, d'utiliser des
moyens illégaux comme la contrainte physique ou morale, ou encore de
recourir à la tromperie ou à des moyens suspects pour affaiblir
sa volonté ou sa
998
conscience. Lorsque l'officier de police judiciaire interroge
l'accusé pour l'infraction présumée, il ne doit pas
utiliser des méthodes incompatibles avec le caractère
sacré des droits de l'homme. Selon M. Atef Nakkib, s'il a
été prouvé que les aveux ont été obtenus par
des moyens de tromperie, de violence ou de torture, cet aveu peut alors perdre
de sa valeur au vu du doute que les moyens illégaux peuvent
évoquer chez le juge, qui hésite à le prendre en
considération s'il n'est pas appuyé par d'autres
preuves
|
999
|
. Contrairement à l'avis de M. Atef
|
236
Nakkib, nous considérons que la violation des droits de
l'homme et des droits fondamentaux pendant la recherche de preuve est
suffisante pour entraîner la nullité de cette preuve qui est
entachée d'une illégalité et pour détruire la force
probante de l'aveu sans nécessité d'évoquer l'idée
du doute. En d'autres termes, l'illégalité de la preuve doit
être considérée comme une cause suffisante en soi pour
exclure la preuve et qui a pour effet direct l'inadmissibilité de la
preuve obtenue illégalement. La doctrine pénale française
est stricte et claire dans sa position qui prohibe l'utilisation des
procédés illégaux pour obtenir l'aveu. Mme Haritini
Matsopoulou affirme que « les procédés destinés
à obtenir son aveu sous la contrainte, fût-elle morale,
doivent être prohibés »
1000
. Mme Michèle-Laure Rassat affirme que « l'aveu
ne peut être
.
1001
obtenu par aucune espèce ni de pression ni de fraude
ou de mensonge..»
169. La reconnaissance des conditions de validité
de l'aveu. Il est à noter qu'on peut relever des différences
dans l'identification et le recensement de ces conditions par les juristes,
à tel point que certains n'abordent pas ces conditions dans les livres
d'explication de la loi de procédure pénale dans le droit
libanais et français. Aussi, il convient de souligner une condition
initiale et évidente pour l'aveu, c'est que sa validité requiert
qu'il soit émis par le
998 V. en langue arabe : A. Nakkib, Les
principes des procès pénaux. Étude
comparative, Dar Al Manchourat Al Houkoukia, Beyrouth, pp. 334-335.
999 V. en langue arabe : A. Nakkib, Les
principes des procès pénaux. Étude comparative,
Dar Al Manchourat Al Houkoukia, Beyrouth, p. 335.
1000 H. Matsopoulou, Les enquêtes de
police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 888, p. 718.
1001 M-L. Rassat, Procédure pénale,
2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n°
304, p. 322.
suspect ou l'accusé lui-même. Cela signifie qu'on
ne peut pas discerner implicitement un aveu d'une déclaration de
l'accusé et la décrire dans le procès comme l'aveu d'un
accusé contre un
autre accusé
|
1002
|
. Les conditions de validité de l'aveu en matière
pénale sont la conséquence
|
des avis doctrinaux libanais, arabes, français et
parfois des restrictions jurisprudentielles des Cours de cassation libanaise et
française. La Cour européenne des droits de l'homme dans
l'arrêt Jalloh c. Allemagne du 11 juillet 2006 précise que
« des éléments à charge - qu'il s'agisse d'aveux
ou d'éléments matériels - rassemblés au moyen
d'actes de violence ou de brutalité ou d'autres formes de traitements
pouvant être qualifiés de torture - ne doivent jamais, quelle
qu'en soit la valeur probante, être invoqués pour prouver la
culpabilité de la
victime » (la victime des actes de torture)1003
. Mme Coralie Amcroise-Castérot affirme que « les garanties
entourant l'aveu doivent donc être importantes, tant au regard de la
protection des droits et des libertés des individus qu'au regard de
l'intérêt de la justice et de la
recherche de la vérité »
|
1004
|
. Les conditions pour la recevabilité de l'aveu sont
décrites par un
|
arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de
cassation libanaise, qui soutient et approuve cette notion d'une manière
indirecte, mais explicite. En effet le texte de l'arrêt spécifie
que: « l'aveu est la reine des preuves à condition qu'il soit
délivré par une volonté
libre et consciente, et qu'il soit appuyé par les
faits du procès»
|
1005
|
. Aussi, dans un arrêt très
|
237
ancien rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation
libanaise, on distingue ce qui confirme l'adoption des conditions de
validité de l'aveu. L'arrêt de la Cour indiquait qu': «
il a été convenu, du point de vue science et diligence, que
l'aveu émis par l'accusé constitue en soi une preuve suffisante
qu'il a commis l'acte qui lui est attribué, si les conditions suivantes
sont remplies : 1° : que le crime a eu réellement lieu , ·
2° : qu'il soit explicite et vrai, appuyé par quelques
éléments de preuve , · 3° : qu'il soit obtenu devant
une autorité judiciaire dans le cadre d'une enquête qui cherche
à résoudre le crime , · 4° : que le
témoignage de l'accusé soit clair et continu , · 5°
: qu'il soit volontaire, et déclare un crime, avec la conscience de
l'accusé
1006
.
de tout ce qui lui a été attribué
»
1002 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, op. cit., n° 262, p. 267.
1003 CEDH., Jalloh c. Allemagne, Requête n°
54810/00, spec. §105.
1004 C. Ambroise-Castérot, « Aveu
», in Rép. pén. Dalloz., octobre 2006, n° 8,
p. 17.
1005 Arrêt de la Cour de cassation
n° 325 du 02-08-2000, rendu par la Cour de cassation,
référence : 254 /2000, dans le livre de Ph. Nasr, Les
principes des procès pénaux, étude comparative et
d'analyse, Éditions juridiques Sader, Beyrouth, p. 391.
1006 Arrêt rendu par la chambre 4,
n° 141 du 02-07-1968, ouvrage de Samir Alya, Encyclopédie des
décisions de la jurisprudence pénale des décisions et des
résolutions de la Cour de cassation au cours de vingt années de
sa re-création : 1950-1970, l'établissement universitaire
des études, de l'édition et de la distribution, 1990, p. 19.
238
170. Les conditions de validité de l'aveu. La
recevabilité de l'aveu comme preuve en matière pénale doit
être conforme aux conditions générales
élaborées par la doctrine pénale qui est la
synthèse de plusieurs avis doctrinaux libanais, arabes, et
français. Pour être juste et produire ses effets juridiques,
l'aveu doit remplir plusieurs conditions appelées les conditions de
validité de l'aveu, et qui sont en l'occurrence : 1° la
réalité de la commission de l'infraction. 2° : La
capacité juridique de celui qui reconnaît, vu que c'est un acte de
disposition qui requiert cette aptitude ; 3° : la jouissance, par celui
qui reconnaît, d'une liberté de choix et d'une volonté
irréprochable ; 4° : la reconnaissance doit être explicite et
conforme à la réalité ; 5° : l'aveu doit être
basé sur des procédures correctes ou régulières.
1° la réalité de la commission de
l'infraction. C'est une condition préalable sans laquelle il n'est
guère logique de parler d'aveu, car il faut avant tout s'assurer de la
réalité de la
1007
commission de l'infraction
|
1008
. Certains auteurs évoquent l'idée du corps du
délitqui n'est
|
1009
autre chose que l'existence même de l'infraction.
Évidemment, l'aveu comme preuve ne pourra pas produire d'effets
juridiques sans tout d'abord l'existence réelle d'une infraction
. Ce qui
1010
parce qu'on ne peut pas prouver une infraction qui n'est pas
commise en réalité
précède est considéré comme les
règles générales doctrinales qui concernent l'aveu en
droit pénal et qui doivent être respectées en droit
libanais et français.
2-- La capacité juridique de l'accusé.
C'est son aptitude à entreprendre certaines formes de
procédures, c'est par définition avoir des droits et les exercer
1011 . Afin que la procédure soit
1007 V. Intervention de M. A. Molinario,
« L'aveu dans la procédure pénale », in R.I.D.C.,
Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp. 516-541, V. spec.
l'intervention de M. Alfredo Molinario précisément p. 530 :
« l'aveu ne peut être invoqué que si, d'abord, il y a eu
constatation de l'existence du fait délictueux et surtout si l'aveu est
absolument concordant avec les autres constatations faites dans le
procès. C'est seulement dans ces conditions que l'aveu a valeur de
preuve et arrive à constituer ce complexe unitaire que l'on appelle la
preuve finale ».
1008 V. sur le corps du délit : M.
Gilbert, Le Corps du délit, Presses de la Cité, 1977.
1009 V. J.-L.-E. Ortolan,
Éléments de droit pénal: pénalité,
juridictions, procédure, Librairie de Plon frères, Paris,
1855, p. 502 : « Le corps du délit n'est autre chose que
l'ensemble des éléments physiques, des éléments
matérielles et des éléments moraux... ».
1010 Intervention de Mlle Lila Prati, (avocat
à Montevideo), « L'aveu dans la procédure pénale
», in R.I.D.C., Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951. pp.
516-541, V. spec. l'intervention de Mlle Lila Prati pp. 537-538 : «
L'aveu seul, quoique fait avec toutes les formalités et les garanties
légales, ne constitue pas une preuve absolue. L'aveu judiciaire doit
être accompagné de ce qu'en instruction criminelle l'on
désigne sous le nom de « corps du délit »,
c'est-à-dire : une série de circonstances, de faits d'une nature
quelconque prouvant que le délit a été commis. La
vérification de l'existence du délit doit être faite par
d'autres moyens que l'aveu et c'est seulement cette existence établie,
que l'aveu pourra servir pour prouver la responsabilité de
l'accusé ».
1011 V. sur ce point: C. Margaine, La
capacité pénale, Thèse de droit, Université
Montesquieu - Bordeaux IV,
2011.
1012
correcte et produise ses effets juridiques, celui qui avoue doit
être un accusé, et jouir de la
239
perception et du discernement, qu'il soit l'auteur principal
de l'infraction ou le complice. Le manque de discernement touche certains
individus pour de multiples raisons, on distingue : leur jeune âge, la
folie, la déficience mentale, le coma provoqué par le
diabète ou par les substances narcotiques. La capacité juridique
est une condition importante devant être requise par la personne qui a
avoué, qui signifie la capacité d'entreprendre certains types de
procédures, de manière à ce que cette procédure
soit correcte et puisse produire ses conséquences juridiques. La
capacité juridique n'est pas liée aux règles de
responsabilité pénale, mais à partir de son contexte on
peut comprendre l'essence de la procédure et la possibilité
d'évaluer ses effets, en l'occurrence la disposition du discernement et
de la perception sans l'exigence de la liberté de choix. Par
conséquent, l'accusé doit avoir la
1013
.
capacité de discernement et de perception au moment
où il fait ses aveux
3-- La jouissance par celui qui avoue, d'une
liberté de choix et d'une volonté irréprochable.
L'aveu constitue une déclaration volontaire et pour qu'un aveu
existe valablement, il est sans doute une condition nécessaire que
l'aveu doit émaner d'un suspect ou
d'un prévenu jouissant pleinement de sa volonté
et de sa liberté 1014 . De surcroît, l'aveu doit être stable
et constant durant les différentes étapes ou phases du
procès 1015 . L'aveu doit être librement donné, librement
consenti1016. L'individu ne doit pas subir des pressions, des
1012 Celui qui avoue : celui qui reconnait ce
dont on lui attribue.
1013 V. Rapport de M. Carlos Fontan Balestra,
« L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C.,
Vol. 4, n° 4, Octobre-décembre 1952, pp. 764-769, V. spec. p.
765 : « L'aveu, comme tout acte susceptible de provoquer des
conséquences juridico-pénales, doit être fait par une
personne intelligente et libre. En disant intelligent nous voulons nous
référer au sujet capable de se conduire de manière
semblable à celle des autres individus du groupe social auquel il
appartient, notion qui, tant au point de vue psychologique que juridique,
coïncide avec celle de l'imputabilité. Il doit se considérer
comme un homme libre quand il n'a pas oeuvré sous la menace, quelle que
soit sa nature, ni en conséquence d'une erreur : celle-ci peut porter
sur les circonstances de l'acte lui-même, comme sur la condition de
l'inculpé ; tel est le cas de celui qui suppose qu'on l'accuse d'un
délit, alors qu'un tiers est poursuivi, le cas de celui qui croit
déposer devant un juge civil alors qu'il s'agit d'un juge d'instruction,
ou, enfin, le cas de celui qui a avoué parce qu'on lui a
conseillé de le faire pour favoriser ou améliorer sa situation
dans le procès. Par ailleurs, en vertu de la première exigence --
l'intelligence -- l'aveu manque de valeur quand il est fait, en état
d'agitation morale ou dans les états d'ébriété, de
sommeil, ou d'hypnose ».
1014 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, op. cit., n° 276, p. 267.
1015 V. Rapport de M. Carlos Fontan Balestra,
« L'aveu dans la procédure pénale » in R.I.D.C.,
Vol. 4, n° 4, octobre-décembre 1952, pp. 764-769, V. spec. p.
766 : « L'aveu doit être constant ou uniforme.
C'est-à-dire, qu'il n'y a pas dû y avoir de rétractation
immédiate ou postérieure. Cependant, ce principe doit être
apprécié avec la plus grande attention vis-à-vis d'autres
circonstances ».
1016V. en ce sens: C.
Ambroise-Castérot, « Aveu », in Rép. pén.
Dalloz., octobre 2006, n° 2, p. 3 : « L'aveu doit être
libre et spontané. Il ne doit donc pas avoir été
arraché ou provoqué, notamment par des
procédés
240
violences qui vicieraient la preuve. C'est la raison pour
laquelle plusieurs procédés sont interdits. L'aveu n'a de valeur
probatoire que s'il a été conscient et libre, sans aucune
ingérence de l'enquêteur par le biais de menace ou de pression.
N'importe quelle preuve obtenue sous toute forme de coercition physique et
morale que peut encourir l'accusé, est exclue, du fait que cette
reconnaissance doit être nécessairement volontaire et qu'on ne
peut pas déclarer valable un aveu arraché par la contrainte,
indépendamment de la nature et de l'intensité de cette
contrainte. Afin que l'aveu produise ses effets juridiques inévitables,
il faut qu'il soit émis par l'accusé de son libre arbitre. De ce
point de vue, si le défendeur a subi toutes sortes d'influences qui lui
sont externes, qu'il s'agisse de violence physique ou morale, ou de menace, un
tel impact altère son libre arbitre, et par conséquent
abîme son aveu et affecte sa validité, l'empêchant de
produire ses effets.
Le libre arbitre de l'aveu. Quelle est la notion de
l'aveu par le libre arbitre de l'accusé? On entend par libre arbitre la
capacité de l'être humain de s'orienter librement vers un acte
bien déterminé ou s'abstenir. Cette capacité ne peut
exister que si tous les facteurs externes d'influences sont inhibés, ces
facteurs qui oeuvrent pour affaiblir sa volonté et lui imposent de
suivre une autre direction. Il est exigé par certains que ces moyens
d'influence doivent atteindre un certain niveau d'absence de volonté
pour conclure à l'irrecevabilité de cet aveu, alors qu'il est
plus juste de dire que toute défectuosité qui peut toucher cette
volonté et l'affecter est suffisante pour rendre cet aveu illicite. Il
n'est donc pas nécessaire qu'il y ait absence de volonté pour
conclure à l'illégalité de l'aveu. De simples
déficiences de cette volonté peuvent rendre l'aveu illégal
et irrecevable comme moyen de preuve dans le procès pénal. Par
conséquent, l'aveu doit émaner d'une volonté libre et
consciente. Cela exige que l'accusé dispose d'une connaissance parfaite
de l'objet des poursuites, soit conscient de la signification de ce qu'il
reconnaît et jouisse de la liberté de choix. De ce fait, on
devrait exclure d'évoquer les différents moyens d'influence,
comme contraindre l'accusé à avouer, que ce soit moralement ou
physiquement. L'aveu, pour avoir une valeur probatoire, doit être
conscient et libre. Les normes légales établies pour assurer la
conscience et la liberté de l'aveu sauvegardent à la fois les
droits de la défense sociale et ceux de la défense de
l'inculpé. Il faut, en effet, observer que la défense sociale
doit être une défense juridique et non une simple réaction
instinctive assimilable à la vengeance des premiers temps.
scientifiques modernes contraires au respect de la
dignité de la personne humaine. L'essence de l'aveu est la
liberté : il doit être recueilli dans le respect de celle-ci
».
4-- L'aveu doit être explicite et conforme à
la vérité. L'aveu est explicite : l'aveu doit être
explicite, non ambigu et sans équivoque, et le silence ne peut pas se
traduire par une reconnaissance de l'exactitude des faits attribués
à l'accusé. En d'autres termes on ne peut pas le
considérer comme une présomption de culpabilité, d'autant
plus que la loi libanaise autorise
et consacre le silence 1017 . Cela signifie que le silence est
devenu un droit 1018 parmi les droits
1019
fondamentaux de l'accusé dans la loi libanaise. Le
silence peut être dû à la crainte d'un abus dans le
déroulement de l'enquête, une peur de faire des erreurs en se
défendant, en s'impliquant par des mots ou par des preuves sans avoir
consulté son avocat. Ainsi, le silence peut être le meilleur moyen
de défense en attendant le conseil d'un avocat pour la
préparation des réponses et la défense de l'accusé.
Il faut toutefois noter qu'il y a une différence claire entre le silence
du témoin et le silence de l'accusé. En effet, si le silence de
l'accusé réside dans le fait que réellement ses paroles
constituent pour lui un moyen de défense, par contre, le silence du
témoin est inacceptable et punissable, car il a le devoir de
témoigner et de dire la vérité d'autant plus que le faux
témoignage constitue une infraction, le parjure, punissable de peines
sévères. Par conséquent, et vu ce qui
précède, on ne peut pas considérer le silence de
l'accusé, du défendeur ou du suspect, comme étant un aveu,
car le silence n'est pas une
approbation expresse par l'accusé de l'acte criminel qui
lui est attribué
|
1020
|
. Aussi, le silence
|
, par tout
241
n'est qu'une permission et un droit donnés par la loi
à l'accusé 1021 . Donc, il n'est pas admis, et sous aucun
prétexte, d'obliger l'accusé, qui a décidé
d'utiliser son droit au silence 1022
moyen de coercition morale ou physique à parler. Il
résulte de l'utilisation de ces moyens
1017 L'article 41 du CPP libanais dispose :
« Lorsqu'une infraction flagrante a lieu, l'officier de police
judiciaire se transporte immédiatement sur les lieux ... Il interroge
les témoins sans leur faire prêter serment... Il peut interroger
le suspect à condition que celui-ci fasse sa déclaration
volontairement, en connaissance de cause, et librement, sans être soumis
à quelque forme de contrainte que ce soit. Si la personne
interrogée choisit de garder le silence, il ne peut la contraindre
à parler ».
1018 L'article 77 du CPP libanais dispose :
« Il incombe au juge d'instruction de respecter le principe de libre
volonté du défendeur pendant son interrogatoire. Il s'assure que
celui-ci fait sa déposition en l'absence de toute influence
extérieure, qu'elle soit morale ou physique. Si le défendeur
refuse de répondre et choisit de garder le silence, le juge
d'instruction ne peut le contraindre à parler ».
1019 V. sur le droit au silence : J. Pradel,
Procédure pénale, 17e éd., Cujas,
2013, n° 468, p. 415 : « Actuellement, ce droit n'est plus
discuté encore que la question reste complexe».
1020 V. J. Bentham, Traité des
preuves judiciaires, traduit par Etienne Dumont, Bossange frères
Libraires-Editeurs, Paris, 1823, t. 1, p. 354 : « Le silence est un
acte de désobéissance, l'aveu est un acte de soumission
».
1021 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 468, p. 415
: « Il faut d'abord distinguer dans le droit du silence entre le droit
de ne pas répondre aux questions et l'interdiction pour le juge de tirer
des conséquences du silence du prévenu ».
1022 V. J. Pradel, Procédure
pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 468, p. 415
: « On admet dans notre droit que le suspect ou le mis en examen peut
refuser de répondre aux questions qui lui sont posées.
».
illégaux, la nullité de toute preuve
1023
se basant sur la reconnaissance de l'accusé, car c'est
le
242
résultat d'un interrogatoire invalide. Ce qui fait que
l'ambiguïté de la déclaration de l'accusé pour la
perpétration du crime attribué ne lui confère pas le
statut d'aveu, puisqu'elle suscite plus d'une interprétation. On ne peut
en aucun cas tirer une conclusion, et considérer comme un aveu, le fait
que l'accusé ait pris la fuite après l'accident, et on ne peut
pas non plus considérer le silence de l'accusé comme une preuve
de sa culpabilité, mais il faut que l'aveu
1024
.
spécifie l'acte criminel plutôt que les
circonstances
L'aveu doit être conforme à la
vérité. L'aveu devrait également être en
conformité avec la réalité, car la pratique a
démontré que l'aveu peut être dû à une maladie
mentale ou psychologique et peut aussi être délivré par la
suggestion, ou pour se débarrasser d'un interrogatoire long et
épuisant, ou dans le but de se sacrifier pour sauver le véritable
accusé, en raison de liens de parenté, d'amitié ou
d'amour. A moins que l'aveu ne soit conforme à la vérité,
il ne peut pas être fiable, il doit aussi être explicite et sans
ambiguïté. On ne peut pas le déduire de l'évasion de
l'accusé, de son absence, ou de sa réconciliation avec la
victime, ou
d'une quelconque indemnisation 1025 . Dans tous ces cas de
figure, l'aveu ne correspond pas à la vérité et ne peut
être pris en considération par l'instance judiciaire. L'aveu
valide et recevable doit être sincère et conforme à la
vérité. Une déclaration contraire à la
réalité, qui fait l'objet de doute et de suspicion, ne peut
être admise comme moyen de preuve au procès car elle a
peut-être été faite par l'accusé dans l'intention de
tromper la justice.
5-- L'aveu doit résulter d'une procédure
légale. L'aveu obtenu à la suite d'une procédure
irrégulière est nul. Par exemple l'aveu émis suite
à un interrogatoire invalide pour serment imposé à
l'accusé, ou encore non-convocation de l'avocat de l'accusé pour
assister à l'interrogatoire, dans le cas des affaires criminelles.
L'invalidité peut aussi frapper l'aveu
1023 Mesures prises par la police judiciaire
en dehors des infractions flagrantes : L'article 47 du CPP libanais dispose
(tel qu'amendé par la loi n° 359/2001) :« En leur
qualité d'auxiliaires de justice, les officiers de police judiciaire ...
Ils enquêtent sur les infractions non flagrantes, ..., ainsi que du
recueil des dépositions des témoins sans les soumettre au serment
et des déclarations de suspects et de personnes visées par des
plaintes. Lorsque ces personnes refusent de faire des déclarations ou
choisissent de garder le silence, mention en est portée sur le
procès-verbal. Les officiers de police judiciaire ne peuvent dans ce cas
les contraindre à parler ou les interroger, sous peine de nullité
des déclarations recueillies ».
1024 V. J. Magnol, « L'aveu dans la
procédure pénale », (Rapport oral) in R.I.D.C.,
Vol. 3, n° 3, juillet-septembre 1951, pp. 516-541, V. spec. p. 518 :
« Les déclarations de l'accusé ont, d'ailleurs, parfois
besoin d'être interprétées. Elles ne contiennent pas
toujours un aveu formel, ni complet ; mais on peut en induire un aveu implicite
résultant des réponses embarrassées aux questions du juge,
parfois contradictoires, niant des faits par ailleurs nettement établis,
etc. ».
1025 V. en langue arabe : D. Becheraoui,
Procédure pénale, op. cit., n° 275, p. 267.
obtenu à la suite d'une arrestation illégale ou
d'une perquisition hors normes, ou si la victime ou le chien policier ont
reconnu l'accusé dans une procédure d'identification
irrégulière. Mais dans ces cas, pour que l'aveu soit nul, il est
nécessaire qu'il y ait un lien de causalité entre la
procédure illégale et l'aveu, peu importe que la procédure
soit antérieure ou concomitante à l'aveu. Cependant, si cette
procédure est postérieure et complètement
indépendante, l'aveu demeure valide. Il est possible que l'aveu
constitue à lui seul un élément de preuve recevable par la
Cour, même si l'arrestation et la perquisition ont été
déclarées nulles, et ce, tant que l'aveu n'a pas
été affecté par l'invalidité de la
procédure, et a conduit à la même conclusion
résultant de la procédure invalide. Puisqu'il tend à la
recherche de la vérité, l'interrogatoire doit être
mené par des procédés loyaux et tels que la
sincérité des déclarations ne puisse être
suspectée. Sont évidemment à proscrire tous moyens
directement coercitifs (c'est le cas de la torture). En pratique, le
problème de la torture et de ses substituts ne se pose qu'au cours de
l'enquête et, le cas échéant, dans le cadre de
l'instruction préparatoire lorsqu'un policier entend un suspect sur
commission rogatoire. Le but de l'interrogatoire policier ne doit pas
être orienté vers l'obtention de l'aveu de la personne
soupçonnée à tout prix et par n'importe quel moyen.
L'interrogatoire doit permettre de recueillir tous les renseignements
nécessaires et utiles concernant les circonstances qui peuvent apporter
les preuves en matière de répression de la commission d'une
infraction. Sans doute l'aveu comme preuve valide doit nécessairement
respecter le principe la légalité de la preuve et les principes
généraux du droit.
§ 2. L'illégalité des aveux issus des
actes illégaux.
171. La corrélation historique entre coercition et
torture, et aveu judiciaire. Depuis l'aube de l'humanité, l'aveu a
une importance particulière dans le système des moyens de
preuve
dans la matière pénale
|
1026
|
. Malgré les différents rituels régissant
son contexte général, ainsi
|
243
que les méthodes adoptées pour l'obtenir, l'aveu
a acquis une force probante absolue et a connu des méthodes de force
à intensité variable pour contraindre l'accusé à
avouer. De là, on peut voir la corrélation historique entre
coercition et torture, et aveu judiciaire, où la violence et la torture
psychologiques et physiques étaient autorisées pour extraire des
aveux. Ces éléments de contraintes ont longtemps
caractérisé l'aveu.
1026 V. sur la notion historique de l'aveu :
V. Antoine, Le consentement en procédure pénale,
Thèse de droit, Université Montpellier 1, 2011, n° 434, p.
293 : « L'histoire du droit pénal
révèle que l'aveu a, de tous temps et en toute procédure,
été le mode de preuve le plus recherché ».
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