Chapitre I
Preuve entachée d'une illégalité
formelle
110. La question de l'illégalité.
Comment déterminer de manière précise et de façon
judicieuse le concept ou la notion de la preuve illégale dans le
procès pénal ? Une question qui demeure ouverte : comment peut-on
définir la notion de l'illégalité d'une procédure
qui vise à la recherche des éléments de preuve dans le
cadre d'une procédure pénale ? Plus précisément,
comment définir la notion d'une preuve illégale ou la notion de
preuve illicite ou irrégulière ? Plusieurs termes sont
utilisés pour signifier qu'une procédure est incorrecte ou qu'un
acte s'est déroulé d'une façon non conforme à la
loi. C'est ce qu'on appelle exactement une procédure illégale ou
irrégulière. On dit aussi qu'un acte de procédure est
entaché d'une illégalité formelle ou matérielle. Au
sens large, durant la recherche de preuve, les actes de procédure
pénale peuvent être entachés d'irrégularités,
lorsqu'un certain nombre d'éléments de preuve
677
ont été recueillis à la suite d'une
action illégale ou irrégulière. Le thème
présente un intérêt certain en ce sens que la sanction des
irrégularités dans la conduite du procès pénal est
apparue comme étant un gage essentiel de garantie du procès
équitable qui est une exigence fondatrice inévitable et
fondamentale participant largement à la consécration de
l'État de droit. Mais il est nécessaire de trouver un
critère qui permet de limiter la notion de preuve illégale parce
qu'on ne peut pas considérer que n'importe quelle preuve entachée
d'un vice sera considérée comme une preuve illégale
même si le vice ne porte pas atteinte aux droits et aux principes
généraux en matière pénale. Quels sont les sources,
les origines et les causes d'une illégalité ?
L'illégalité de la preuve trouve sa source dans la
méconnaissance de la légalité procédurale,
c'est-à-dire la méconnaissance des règles de
procédure pénale et des principes généraux de la
procédure pénale. On parle ici des grands principes gouvernant la
preuve pénale qui sont intimement liés à la recherche et
à l'administration de la preuve pénale. La première
section de ce chapitre porte sur les procédés de preuve portant
atteinte à la légalité procédurale (section 1). La
seconde section de ce chapitre porte sur les procédés de preuves
portant atteinte à l'intimité de la vie privée (section
2).
677V. sur ce point : Jean Du
Jardin, Il s'agit des conclusions que M. J. Du Jardin, avocat
général Belge, avait prononcées dans une affaire fiscale
en cause Vande Vyvere et consorts, soumis à la Cour de cassation Belge
(Cass. 13 mai 1986, Pas., 1987, p. 1107). : « Sous le
régime de l'administration libre de la preuve en matière
pénale, les éléments probants ne peuvent pas être
recueillis d'une manière illégale. ... Il est à
l'évidence, interdit aux organes du pouvoir d'agir, non seulement en
violation d'un texte formel de la loi mais aussi d'une manière
irrégulière, c'est-à-dire en violant les principes
généraux du droit, ... ».
161
Section I.
Les Procédés de preuve portant atteinte
à la légalité procédurale.
111. Les sources de l'illégalité
procédurale. Les différentes sources de
l'illégalité de la preuve qui affectent un moyen de preuve
pénale peut avoir deux origines : la première résulte soit
de la violation d'une règle juridique dont l'objectif est d'interdire ou
de soumettre à des conditions précises la recherche de telle
preuve, soit du manquement à une règle de procédure
678
relative à son administration.
L'illégalité de la preuve peut puiser son origine dans la
violation des principes liés la notion de procès
équitable. Le droit à un procès équitable est une
notion multiple, composée de plusieurs principes. En ce sens, la
légalité de la preuve est étroitement liée au
principe de l'oralité des débats avec le respect du principe du
débat
679
contradictoire et la publicité des débats
à l'audience. L'accusé doit pouvoir débattre et contredire
les arguments et preuves avancés par l'autre. Ce qui impose aujourd'hui
que les
680
.
éléments de preuve soient produits en audience
publique, en vue d'un débat contradictoire
681
.
La preuve ne doit pas être obtenue en atteinte aux
droits de la défense. L'utilisation des preuves ainsi obtenues en
violation des principes précédents rend la preuve
illégale
§ 1. Preuve illégale résultant de
l'inobservation de la loi.
112. Preuve recevable en justice. Dans un
État de droit, la manifestation de la vérité
d'après la recherche de preuve, se déroule conformément
à la procédure prescrite par la loi surtout selon le Code de
procédure pénale qui organise la procédure de la
découverte de la
678 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
19.
679 V. en ce sens : G. Guidicelli-Delage
(dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Les transformations
de l'administration de la preuve pénale. Perspectives comparées.
Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal,
Royaume-Uni », in Mission de recherche Droit et Justice /
Synthèse 107 /, décembre 2003, p. 2: «
Procéduralement, la montée des standards communs du procès
équitable est indéniable. Elle se marque par une
constitutionnalisation et/ou conventionnalisation de plus en plus forte du
droit de la preuve, par un développement des droits de la
défense, du principe du contradictoire et de l'oralité, ...
».
680 G. Guidicelli-Delage (dir.) et H.
Matsopoulou (coord.), « Les transformations de
l'administration de la preuve pénale. Perspectives comparées.
Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal,
Royaume-Uni », in Mission de recherche Droit et Justice /
Synthèse 107 /, décembre 2003, p. 7.
681 V. sur ce point : F. El Hajj Chehade,
Les actes d'investigation, Thèse de droit, Université du
Maine, 2010, p. 200: « Si la recherche des preuves n'est pas toujours
marquée par une obligation de loyauté, le respect des droits de
la défense et le principe du contradictoire imposent la loyauté
lors de la discussion des preuves ».
162
vérité et le rassemblement des preuves d'une
infraction contre un criminel. Donc, l'acte de procédure non conforme
à la loi qui vise à amasser des preuves est contraire au principe
de la légalité de preuve pénale. Pendant la recherche de
la preuve, il existe un formalisme à respecter qui est prévu par
le Code de procédure pénale pour que la preuve soit
légalement admise. L'obtention de preuves peut prendre plusieurs formes,
le problème réside essentiellement dans la légalité
de l'obtention de la preuve et non dans la crédibilité de la
preuve. Il s'agit d'une formalité qui vise notamment à garantir
la légalité et la régularité de la preuve pour
assurer le droit à un procès équitable et les droits de la
défense à toutes les personnes soupçonnées ou
poursuivies dans une affaire pénale. Une question se pose : le
non-respect d'une formalité substantielle entache-t-il la preuve d'une
illégalité ou irrégularité? Quelles sont les
conséquences du non-respect de cette formalité procédurale
sur l'admissibilité de la preuve?
682
113. L'importance du respect des règles de forme.
Les formalités de la procédure pénale assurent une
application exacte de la loi sans risque d'arbitraire ou excès de
pouvoir qui menace les droits de la défense, et les libertés
individuelles pendant l'accomplissent des actes
683
de procédure qui visent la recherche de la preuve de
l'infraction et son auteur. La recherche et l'administration de la preuve
pénale doivent respecter les règles de forme de procédure
car le respect de ces règles garantit au prévenu et accusé
le droit à un procès juste et équitable et en même
temps lui permet d'exercer efficacement et effectivement ses droits de la
défense. C'est-à-dire qu'il offre au prévenu ou
accusé pleinement la possibilité d'exercer les droits
attachés à sa défense. Le non-respect d'une règle
de forme peut entraîner la nullité de l'acte de
684
procédure qui vise au rassemblement des preuves. La
procédure pénale vise à organiser
682 V. E. Vergès, « Rigueur du
formalisme procédural et respect du droit au procès
équitable », observations sous CEDH 26 juillet 2007 Walchi c/
France, in R.P.D.P., 2007-4, p. 893 : « le formalisme
procédural est traditionnellement conçu comme un facteur de
protection des droits fondamentaux dans le procès pénal
».
683 V. R. Garraud et P. Garraud,
Précis de droit criminel, contenant l'explication
élémentaire de la partie générale du Code
pénal, du Code d'instruction criminelle et des lois qui ont
modifié ces deux codes, Société anonyme du Recueil
Sirey, 1926, p. 111 : MM. René Garraud et Pierre Garraud expliquent le
rôle des formalités dans la procédure pénale en
écrivant : « Le but de la procédure pénale est
d'assurer la complète manifestation de la vérité
judiciaire en protégeant, par les formalités dont elle entoure la
poursuite, l'instruction et le jugement, l'intérêt de l'accusation
et l'intérêt de la défense ».
684 V. R. Merle et A. Vitu, Traité
de droit criminel, Cujas, Paris, 1967, n° 125 et s., pp. 138-139 :
« La règle de droit pénal de forme a pour objet
d'assurer la mise en oeuvre concrète de la justice criminelle, c'est
à dire l'application, aux personnes poursuivies des règles de
droit pénal de fond. Elles atteignent leur but d'une double
façon. En premier lieu, elles établissent un certain
ordonnancement judiciaire, en instituant des juridictions répressives
dont elles déterminent les rouages et l'agencement interne. D'autre
part, elles organisent le déroulement des procès. Elle
apparaît sous forme de normes d'organisation, de normes de
compétence et de normes processuelles ou d'activité
».
163
685686
légalement la recherche de la preuve, d'où la
nécessité de respecter les formalités prescrites par loi
sans que le législateur ajoute chaque fois à la fin de chaque
article le terme « sous peine de nullité », parce que
la recherche de preuve doit être effectuée conformément aux
règles de procédure matérielle et formelle qui organisent
les différentes formes d'actes de procédure. « Il ne
saurait être question d'évoquer tous les textes de fond ou de
forme dont la
687
violation peut aboutir à déclarer
illégale la preuve produite ». La formalité dans la
procédure pénale, notamment dans la recherche de preuve,
revêt une importance essentielle lorsque la forme de la procédure
a pour objectif d'assurer le caractère équitable du
procès, les droits de la défense et pour limiter les abus de
pouvoir et l'arbitraire. En droit libanais et français, le régime
de nullité en matière pénale est mixte, la loi qui
prévoit une formalité indique parfois qu'elle est requise
à peine de nullité et parfois ne l'indique pas
expressément. La violation des règles de procédure non
prescrites expressément à peine de nullité pose la
question de la légalité de la preuve obtenue en violation
à ces règles. L'absence des termes « à peine de
nullité » conduit plusieurs auteurs à constater que la
formalité procédurale ne doit pas être respectée
sauf si elle est prévue «à peine de nullité
». Mais cela, à notre avis, est inacceptable parce que la
formalité doit être respectée conformément au
principe de la légalité formelle. Mais il faut distinguer la
formalité substantielle dont la violation ou l'omission peut
entraîner l'illégalité de la preuve.
A. L'absence de base légale.
114. L'absence de règle de preuve.
L'illégalité de la preuve pénale trouve sa source dans
l'absence ou le défaut de base légale parce que l'acte de
procédure qui vise la recherche de preuve doit trouver un fondement
légal qui est un texte de loi. Chaque procédure qui vise à
rechercher la preuve doit être mentionnée dans le Code de
procédure pénale ou doit être indiquée comme base
légale qui prescrit la forme juridique déterminée. Au
contraire, les
685 V. L.-A. Macarel, Eléments de
droit politique, Librairie de jurisprudence de H. Tarlier, Bruxelles,
1834, p. 100 : Selon M. Louis-Antoine Macarel « Les règles et
les formalités de la procédure doivent, en général,
avoir pour effet d'écarter de l'administration de la justice le
désordre, l'arbitraire et la confusion... ».
686 V. F. Hélie, Traité de
l'instruction criminelle ou théorie du code d'instruction criminelle,
Charles Hingray libraire-éditeur, Paris, 1845, 1er
partie, p. 6 : « Les formes de la procédure sont
destinées, comme des phares, à éclairer la marche de
l'action judiciaire; leur but est d'arrêter les entraînements de la
justice, d'attacher une sorte de solennité à chacun de ses pas,
de préparer ses actes ».
687 J. Buisson, « La
légalité dans l'administration de la preuve pénale »,
in Procédures, Décembre 1998, Chr. n° 14, pp. 3-6,
V. spec. p. 4.
164
autorités étatiques ou judiciaires et les
parties dans le procès pénal ne peuvent pas inventer un nouvel
acte de procédure ou mode de preuve en justice sans aucune disposition
ou base légale qui règle, organise et légalise ce moyen de
preuve et qui a pour objet de fixer les conditions et les formes dans
lesquelles elle peut être effectuée. Donc un vice existe dans la
preuve s'il n'existe aucune disposition légale spécifique qui
légalise le moyen de recherche de preuve. Ce défaut ou manque de
base légale permet de dire que cette preuve est entachée
d'illégalité au
688
motif du manque ou défaut et même pour absence de
base légale.
B. La violation d'une formalité
substantielle.
115. But du formalisme. La forme de l'acte de
procédure qui vise la recherche et la constatation d'infractions est
d'une application obligatoire. Tout simplement, l'application de l'article du
Code de procédure pénale doit être strictement conforme
à la forme prescrite par loi, soit prévue textuellement sous
peine de nullité ou non, soit qu'il s'agisse d'une règle de forme
substantielle ou règle de forme non substantielle. L'application stricte
du modèle de l'acte de procédure pénale prévue dans
le texte appliqué revêt une importance toute particulière
dans le domaine de la preuve pénale parce que le législateur
impose certaines formes juridiques pour garantir l'efficacité d'un des
principes fondamentaux qui gouvernent la preuve pénale. Pour assurer une
conciliation entre les valeurs de qualité et d'efficacité et, de
façon plus générale, un équilibre entre les
intérêts des parties au procès pénal, la
procédure va fixer des règles gouvernant les actes utiles
à la manifestation de la vérité. Ces formes
procédurales ne sont pas établies par pur hasard ou de
manière arbitraire. Au contraire elles ont pour objectif essentiel de
garantir le respect d'un certain équilibre dans le cadre d'un
procès pénal surtout durant la recherche de preuve où le
prévenu ou l'accusé jouit d'une présomption d'innocence.
Il en résulte que parfois le formalisme doit être
allégé en vue de garantir la réalisation effective des
droits. Les règles de procédure doivent donc veiller à
688 V. en droit français : P.
Hennion-Jacquet, « L'encadrement relatif de la liberté de la preuve
par la Convention européenne des droits de l'homme », in D.,
2005, p. 2575 et s., V. spec n° 2 : « Deux situations
peuvent en effet se produire. D'une part, la preuve peut être
administrée en violation d'une règle de fond ou de forme. D'autre
part, elle peut être rapportée sans fondement légal relatif
à ses conditions d'obtention. Aucune de ces deux hypothèses ne
devrait conduire à l'admission des éléments probatoires :
en vertu des dispositions supra-législatives, la culpabilité doit
être établie légalement, ce qui s'oppose à toute
violation de la loi avant son prononcé et, aux termes de la
Constitution, nul ne peut être accusé, arrêté, ni
détenu que dans le respect des formes que la loi a prescrites, ce qui
prohibe tout recours à un moyen probatoire non réglementé
» ; V. encore : P. Hennion-Jacquet, « L'encadrement relatif de
la liberté de la preuve par la Convention européenne des droits
de l'homme », in D., 2005, p. 2575 et s., V. spec n° 3 :
« Or, en l'absence de dispositions spéciales, l'article 81 du
Code de procédure pénale est invoqué pour justifier le
recours à des procédés non réglementés,
visant à l'obtention de déclarations auto-incriminantes à
l'insu de l'accusé ».
maintenir le formalisme dans des limites bien précises
afin que celui-ci ne soit pas appliqué de manière aveugle, ce qui
peut lui faire perdre tout ou partie de son efficacité.
116. Le respect de certaines dispositions et conditions
de forme est prescrit à peine de nullité. Certains actes de
procédure pénale qui visent la recherche de la preuve sont
prescrits à peine de nullité. Le législateur rédige
l'article de procédure en mentionnant expressément que le respect
de ces formes ou dispositions est sanctionné sous peine de
nullité de la procédure. Donc, la méconnaissance de cette
disposition est sanctionnée par la nullité sans hésitation
et sans l'appréciation par la jurisprudence. Ici, le législateur
a clairement manifesté son intention de sanctionner
l'illégalité, ce qui implique que la méconnaissance de
tous les actes de procédure qui sont rédigés «
sous peine de nullité » est considérée par le
législateur comme des éléments de preuve illégaux
en cas de méconnaissance de la procédure.
117. L'incidence directe du respect des règles de
forme sur la légalité des éléments de preuve.
Sans doute, s'agissant de la procédure pénale libanaise et
française, il y a certaines règles de forme qui n'ont aucun effet
ni aucune incidence sur la légalité de la preuve et qui ne
s'attachent pas aux garanties et formalités substantielles. Mais cela ne
justifie pas de négliger l'importance et les garanties qui se trouvent
dans nombre de règles de forme qui sont liées à
l'efficacité et au bon déroulement de l'exercice du droit
à un procès pénal équitable et les droits de la
défense. Il faut noter qu'en général, le problème
de la légalité de forme dans la procédure pénale
est souvent négligé par la doctrine libanaise. La doctrine
libanaise ne consacre pas l'importance du principe de la légalité
formelle de la preuve, mais analyse ce problème d'une manière
trop timide et implicite dans la théorie des nullités.
Contrairement à la doctrine libanaise timide, la doctrine
française pose explicitement la nécessité de respecter les
règles formelles de procédure pénale dans la recherche des
preuves comme l'affirme M.
689
Jacques Buissonqui rappelle également que ces
règles de forme de procédure pénale doivent être
respectées en toutes circonstances durant l'intervention des
autorités étatiques et
même par les particuliers dans la recherche des
preuves
|
690
|
. La chambre criminelle de la Cour
|
165
de cassation française, à son tour, confirme la
force du principe de légalité formelle de
689 V. J. Buisson, « Preuve », in
Rép. pén. Dalloz, février 2003, n° 94, p. 20
: « Il ne saurait être question d'évoquer tous les textes
de fond ou de forme dont la violation peut aboutir à déclarer
illégale la preuve produite ».
690 V. J. Buisson, « Preuve », in
Rép. pén. Dalloz, février 2003, n° 94, p. 20
: « Ces normes doivent être respectées par tous, par les
agents de l'autorité chargés du recueil de la preuve comme par
les particuliers qui souhaitent apporter des preuves aux juges
répressifs ».
l'administration de la preuve
691
. Nous pouvons dire que l'absence de la forme nécessaire
pour
166
la validité de la procédure signifie le
non-établissement de la procédure selon la forme prévue
dans la loi, ce que l'on peut traduire par l'expression la « preuve
illégale ». Cependant, les formes selon lesquelles la
procédure doit être exécutée n'ont pas toutes la
même importance. En effet, certaines de ces formes sont fondamentales.
Leur négligence a pour conséquence de vicier la procédure.
Par contre, d'autres formes ne sont pas indispensables (formes d'organisation)
et donc ne touchent pas la validité de la procédure prise en
692
l'absence de conformité.
118. La violation de la forme rend la preuve
illégale. Généralement, le rôle des
règles formelles dans le domaine de la preuve est tout aussi important
et vital que celui des règles de fond. En effet, ces règles
jouent un rôle important dans l'aspect organisationnel du processus de la
preuve devant les tribunaux, en sachant que cet aspect organisationnel est le
pilier de la réalisation de la justice dans ses différents
domaines. Les règles formelles dans le Code de procédure
pénale imposent une forme, un modèle et des conditions
spécifiques aux actions à exercer lors de l'exécution
d'une procédure pénale.
119. Les formes déterminées par le
législateur en vue de l'organisation et de l'orientation. Il
convient de dire que les formes requises par le législateur ne sont pas
toutes essentielles. La violation de certaines (formes) ne risque pas de
détruire le but de l'acte de procédure, car elles certaines sont
mentionnées par le législateur pour un rôle d'organisation
et d'orientation. Le principe général est que le
législateur veille toujours à la conformité de toutes les
parties aux règles établies de procédure qu'elles soient
objectives ou formelles. Si l'absence de ces formalités n'est pas une
violation de la loi ou des garanties fondamentales, la procédure ne perd
pas son efficacité, et donc n'a pas d'impact sur le but auquel aspire le
législateur. En effet, ces règles ne sont pas
considérées comme indispensables de sorte que si elles ont
été touchées par un vice à cause d'une violation,
cela n'entraîne pas la nullité. En effet, la violation de ces
règles ne fait pas obstacle à la découverte de la
vérité dans le crime reproché à l'accusé,
et
691 V. Cass. crim., 19 juin 1989, B.C.,
n° 261, p. 648 : « selon les dispositions combinées
des articles 342 et 451 du Code des douanes, tous délits en
matière douanière ou cambiaire peuvent être prouvés
par toutes les voies de droit, c'est à la condition que les moyens de
preuve produits devant le juge pénal ne procèdent pas d'une
méconnaissance des règles de procédure et n'aient pas eu
pour effet de porter atteinte aux droits de la défense, ni au principe
énoncé à l'article 8 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales».
692 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière la
justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la
nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, n° 157, p. 255.
167
donc n'a pas d'impact négatif sur la bonne conduite des
procédures et ne contrarie pas la justice.
120. L'importance pour les procédures de recherche
de la preuve d'inclure les formes fondamentales prévues par la loi.
Les procédures de l'enquête préliminaire sont
nombreuses et diverses : se déplacer au lieu du crime, l'étudier,
écouter les témoins, rechercher et saisir les choses, les
correspondances, la perquisition, la confrontation et l'interrogatoire. Elles
peuvent également prendre la forme de procédures provisoires afin
de sécuriser les preuves et d'éviter leur perte, comme
l'arrestation du suspect et la mise en détention provisoire.
Généralement, le législateur a entouré les
différents actes pendant l'étape d'enquête de formes
procédurales précises à respecter. Etant donné que
certaines formes sont organisationnelles et qu'elles ont pour objectif unique
l'orientation, la plupart des autres formes sont fondamentales,
c'est-à-dire que le législateur vise en vertu de l'application de
son rapport à garantir un droit
693
spécifique du suspect ou bien à assurer une
nécessité publique. Dans ce dernier cas réside
l'importance de la forme procédurale qui protège les droits
fondamentaux dans le procès pénal. Dans ce sens, on distingue du
champ des formes prévues par la loi toutes formes dites purement
organisationnelles ou d'orientation ou en d'autres termes non fondamentales
pour les distinguer des autres formes fondamentales. Parmi les principales
formes d'orientation, il convient de citer l'ordre des procédures en
audience en vue de succession et d'alternance.
C. L'illégalité résultant de la
violation des conditions fixant les actes de recherche des preuves strictement
réglementée.
121. Restreindre la mise en oeuvre de l'enquête
d'une manière particulière. Bien que l'objectif de toute
procédure de l'enquête soit la découverte de la
vérité dans l'infraction produite, les législateurs
libanais et français ont entouré les moyens d'atteinte de cet
objectif de contrôles et de garanties assurant le respect des droits et
libertés individuelles. En effet, le législateur tente de trouver
un équilibre entre l'efficacité des enquêtes d'une part et
le non respect des droits et libertés individuelles, d'autre part, y
compris la reconnaissance de la dignité humaine de l'accusé.
À la lumière de cet équilibre, il existe des
procédures dont le
693 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière la
justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la
nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, n° 158, p. 256.
168
législateur limite l'application d'une façon
particulière. Par conséquent l'arrestation et la perquisition
menées par l'officier de police judiciaire pourraient être valides
indépendamment de la méthode de sa procédure tant qu'elle
est légale. Cependant, le législateur et la justice veillent
à affirmer certaines conditions et formes associées aux
procédures d'enquête, par exemple, en matière de
perquisition694. Quelles sont donc les formes fondamentales de la
procédure qui rendent la preuve illégale en cas de violation? Les
formes fondamentales de la procédure pénale relatives ou
associées à la preuve pénale dont la violation affecte la
légalité, et qui doivent être respectées et
appliquées de la façon prescrite par la loi sont variables.
Cependant, elles sont toutes liées à des formes fixées par
les législateurs libanais et français, en matière de
perquisition, et s'agissant des formes relatives à l'interrogatoire et
de l'audition des témoins. L'illégalité de la preuve
pénale résulte de l'application d'une procédure
pénale spécifique contraire à certaines conditions
requises par la loi. A ce propos, il convient de citer la perquisition. En
effet, il est possible de dire que la forme et les conditions prévues
par les législateurs libanais et français relatives à la
perquisition sont considérées parmi les formes fondamentales,
étant donné que cette forme est nécessaire dans la
procédure pénale afin de protéger les droits et les
libertés individuelles et de fournir également la confiance dans
la preuve résultant de cette procédure pénale. En
résumé, il est constaté que l'application de ces
procédures, contrairement à ce qui est exigé par la loi
rend illégale la preuve issue de cette procédure.
§ 2. Preuve portant atteinte au droit à un
procès équitable.
122. Les formes nécessaires pour la
légalité des procédures de la phase du jugement.
Les
procédures de la phase du jugement sont nombreuses et
variées 695 . Après l'instruction préparatoire de
l'affaire vient le temps du jugement. Devant la juridiction de jugement, la
procédure est publique, orale et contradictoire, ce qui diminue la
probabilité d'abus contre
l'accusé 696 . La phase décisoire, qui
intéresse les juridictions de jugement, est le point
694 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière de
la jurisprudence de la cour de cassation en Egypte, au Liban et en France,
maison de la nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, n°
160, pp. 259-260.
695 V. Ph. Conte et P. Maistre Du Chambon,
Procédure pénale, 4e éd., Armand
Colin, Paris, 2002, n° 66, p. 40 : « Notre système
procédural prohibe l'administration de preuves incompatibles avec le
respect des droits de la défense. ».
696 V. en ce sens : B. Bouloc, « Les
abus en matière de procédure pénale », in R.S.C.,
1991, p. 221 : « Quant à la phase de jugement, à
première vue, elle semble moins donner prise à des abus, en
raison des caractères qui
d'aboutissement du processus pénal. Le
législateur se soucie du déroulement des procédures de la
phase du jugement à travers un ensemble de principes, de contrôles
et de garanties qui assurent l'efficacité de la divulgation de la
vérité, d'une part, et le respect des droits et des
libertés de l'accusé, d'autre part, en particulier son droit
inhérent d'être présumé innocent jusqu'à
l'émission du verdict. Il existe des formes organisationnelles, et
d'autres fondamentales. Le but des formes organisationnelles est uniquement
indicatif. Toutefois, ces procédures sont valides dans le respect ou non
de ces formes. En dehors de ces formes organisationnelles dont l'omission ne
conduit pas à qualifier de vicieuses les procédures de la phase
du jugement, il existe d'autres formes qui sont fondamentales, qui
représentent d'une manière donnée une condition formelle
pour la validité de cette phase du jugement. Par conséquent, en
comptant le fondamentalisme de ces formes ou de ces conditions, leur
négligence marque les procédures de la phase du jugement de la
nullité, y compris le verdict dont l'émission est prévue
à la base de ces procédures ou à leur suite697.
En conclusion, il est possible de constater que les principes
procéduraux qui dominent la phase de jugement sont en relation directe
avec la légalité de la preuve pénale. Le non-respect de
ces principes fondamentaux peut valablement rendre la preuve illégale.
Généralement, les formes
698
dominantes des procédures de la phase du jugementse
représentent dans la trilogie de la publicité, de
l'oralité et du débat contradictoire, grands principes
généraux dont la violation entraîne
l'illégalité de preuve.
123. Les formes dominant l'ensemble du système des
procédures de la phase du jugement. Ce sont sans doute les
caractères fondamentaux de la procédure de jugement. Pendant la
phase de jugement, on peut constater clairement que la procédure suit un
modèle dit accusatoire qui a pour conséquence des audiences
publiques, des débats oraux, contradictoires comme le souligne M.
Édouard Verny : « l'audience de jugement s'inspire du
modèle accusatoire qui
suppose, outre l'oralité et le contradictoire, la
publicité des débats »
|
699
|
. La procédure
|
169
accusatoire présente les caractères suivants :
c'est une procédure orale, publique et
sont les siens : oralité, contradiction et
publicité».
697 V. en langue arabe : S. Abdelmoniim,
Nullité de la procédure pénale : tentative de
réadaptation des causes de nullité à la lumière la
justice de cassation en Egypte, au Liban et en France, maison de la
nouvelle université, Alexandrie (Egypte), 1999, n° 163, p. 265.
698 V. D. Coujard, « instruction
à l'audience », in Rép. pén. Dalloz, avril
1997, n° 5, p .4 : « La juridiction de jugement, saisie d'une
prévention, l'examine publiquement, contradictoirement, au cours d'un
débat oral et public : cette instruction à l'audience, en une
forme de procédure à dominante accusatoire, donne des garanties
à la société et aux parties privées ; elle ne
présente pas les inconvénients de la procédure
inquisitoire, qui domine l'information préparatoire, laquelle ne donne
pas la même place au principe du contradictoire »
699 É. Verny, Procédure
pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 16, p.
14.
contradictoire. La phase de jugement en droit libanais et
français apparaît plutôt accusatoire, la procédure de
la phase de jugement prendra un caractère oral, public et respectant le
contradictoire. Il est impératif que le juge pénal tire sa
conviction des preuves présentées à l'audience lorsqu'elle
a été soumise à la libre discussion des parties. Cette
condition se base sur le principe de l'oralité et la confrontation dans
la phase du jugement pénal. En effet, il s'agit d'un principe
fondamental dans les procédures pénales, selon lequel le juge
devrait étaler chaque preuve présentée au jugement pour la
discussion devant les adversaires de façon à ce qu'ils soient au
courant de ce qui est fourni contre eux comme preuves afin de pouvoir faire
face à ces preuves et y répondre. Par conséquent, il en
résulte qu'il est interdit au juge pénal de baser sa conviction
sur une preuve présentée par l'une des parties du jugement sans
présenter cette preuve lors de l'audience du jugement et la
débattre pour mettre au courant les autres parties. Sans doute
l'exigence d'une procédure orale, publique et contradictoire qui
imposée lors de la discussion des preuves est un aspect de la
loyauté de preuve comme le souligne M. Édouard Verny «
si la recherche de la preuve n'est donc pas toujours marquée par une
obligation complète de loyauté, le respect des droits de la
défense et le principe du contradictoire imposent la loyauté lors
de la discussion des
700
preuves ».
124. L'étendue de la notion de la phase de
jugement. La phase jugement, a pour objet de clôturer
définitivement le procès en statuant sur l'existence de
l'infraction et la culpabilité du
prévenu ou accusé
|
701
|
. La procédure de jugement, encore appelée
procédure d'audience ou
|
procédure d'instruction définitive, a pour but
la production des preuves devant les juridictions de jugement et leur
discussion publique et contradictoire ; elle permet aux juges de
délibérer sur la culpabilité du délinquant et la
mesure à prendre à son égard. La décision à
laquelle tend
702
cette procédure porte le nom général de
jugement. L'audience de jugement constitue l'étape décisive vers
laquelle tend toute procédure pénale : il s'agit en cette
occasion de permettre à un juge impartial de porter une
appréciation objective et respectueuse des droits de la
défense
sur l'exactitude des accusations formées à
l'encontre du mis en cause
|
703
|
. Au Liban et en
|
170
France, lors de la phase de jugement, l'inculpé peut
exercer pleinement ses droits de la
700 É. Verny, Procédure
pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 32, p.
23.
701 G. Vidal, Cours de droit criminel et
de science pénitentiaire, 2e éd., Librairie
nouvelle de droit et de jurisprudence Arthur Rousseau, Paris, 1901, n°
771, p. 789.
702 R. Merle et A. Vitu, Traité de
droit criminel, 5e éd., Éditions Cujas, Paris,
2001, tome 2 Procédure pénale, n° 726, p. 839.
703 F. Debove et F. Falleti, Précis
de droit pénal et de procédure pénale, 2e
éd., P.U.F., Paris, 2006, p. 643.
171
défense au cours de l'audience qui constitue le point
central de la procédure pénale. Le juge doit former son opinion
en appréciant librement la preuve. Le jugement doit se fonder sur les
éléments de preuve recueillis pendant l'audience. C'est pourquoi
la phase de jugement est en principe longue et complexe. L'accusé ou le
défendeur doit pouvoir discuter les charges
découvertes contre lui704, c'est pourquoi la
phase de jugement est de caractère oral, public et contradictoire.
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