Titre II
Notion de preuve illégale
107. La nécessité de recourir à la
notion de preuve illégale. Comment peut-on distinguer la preuve
illégale ? Quels sont les moyens de preuve qui constituent une violation
du principe de légalité de la preuve pénale ? Le principe
de légalité de la preuve évolue-t-il avec
l'évolution des modes de recherche des preuves en matière
pénale ? La recherche de la preuve est indubitablement la base sur
laquelle s'articulent les règles des procédures pénales.
Ces procédures sont multiples et diverses dans les différentes
étapes du procès pénal, soit les étapes de
l'investigation, l'enquête et le jugement, et doivent respecter le
modèle défini dans
663
le Code de procédure pénale.
108. Exemplaires et formes de transgression de
légalité de la preuve. Les transgressions du principe de
légalité de la preuve pénale consistent en des
transgressions afférentes à la forme requise par le
législateur lors de l'application des procédures pénales.
Nous n'évoquons ici que les procédures pénales qui visent
directement ou indirectement la recherche de la preuve pénale. En outre,
pendant la phase de jugement, les preuves réunies durant l'instruction
préparatoire et les preuves qui sont recueillies exclusivement pendant
la phase de jugement doivent respecter les règles et les formes
essentielles du procès équitable, c'est-à-dire les
principes généraux qui régissent les procès dans la
phase de jugement comme le principe de la publicité des audiences,
l'oralité (la preuve fait l'objet d'un débat contradictoire et
public) et le respect du contradictoire (la preuve soumise au débat
contradictoire entre les parties au procès pénal). Les preuves
qui ne respectent pas les principes généraux qui dominent la
phase de jugement (publicité, oralité, contradictoire) sont des
preuves illégales. Le droit à un procès
équitable, inscrit à l'article 6 de la Convention
européenne
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, recouvre de nombreux
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éléments. Parmi eux, se trouvent des droits
procéduraux intéressant spécialement la preuve
663 Dans la présente recherche, nous
nous focalisons sur les transgressions et les violations de la loi qui ont lieu
lors de l'application des procédures pénales relatives à
la recherche de la preuve pénale, car il y a certaines procédures
pénales ordinaires qui ne se rapportent pas à l'identification et
la recherche de la preuve pénale, ici, il s'agit des procédures
appelées par certains les procédures non essentielles qui ne
concernent pas la légalité de la preuve pénale, dites
réglementaires ou directives ou d'orientation, qui ne touchent pas
à la liberté des individus, et n'ont rien à voir avec la
preuve pénale, qui ne se rapportent pas à notre sujet.
664 Le droit à un procès
contradictoire (article 6 § 1 et § 3 de la Convention
européenne).
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pénale comme le principe du débat
contradictoire. Il existe d'autres transgressions du principe de
légalité de la preuve lorsque la méthode ou le moyen qui a
causé l'obtention de la preuve résulte de la violation des
principes généraux, telle que celle qui protège
l'inviolabilité de la vie privée de l'individu ou du suspect.
L'inviolabilité de la vie privée de l'homme requiert son droit de
garder la confidentialité de sa vie. Ainsi, le droit à la
confidentialité est une qualité inhérente au droit
à la vie privée, qui en est inséparable. Par ailleurs, le
moyen d'obtention de la preuve ne doit pas avoir touché, affaibli ou
enfreint la sécurité corporelle et morale de la personne soumise
au procès pénal. D'où l'interdiction de toutes formes de
contrainte matérielle et morale à l'encontre de cette personne.
L'utilisation de certaines méthodes sophistiquées dans la
recherche de la preuve, notamment les méthodes scientifiques, et la
problématique de la violation des droits de l'homme, sont ainsi des
sujets de discussion. De plus, l'obtention de la preuve pénale doit
vraiment garantir le respect de tout ce qui a trait aux droits inhérents
à la personne, c'est-à-dire l'inviolabilité de son
domicile et la confidentialité de ses contacts et le respect des droits
de défense qui sont prévus par le droit positif. Si la personne
qui effectue la recherche de la preuve pénale s'engage à
respecter ces règles, la preuve devient légale et
l'évaluation de sa force probante comme une preuve est soumise à
l'examen minutieux et à l'estimation du juge du procès ainsi
qu'à la liberté de ce dernier. La recherche de la preuve
pénale en respectant ces principes précédemment
énumérés n'est en aucun cas un idéal, mais
plutôt une obligation légale, et ceci est, en fait, la mise en
oeuvre saine et judicieuse du principe de légalité de la preuve
pénale, qui dispose que l'obtention de toute preuve doit se faire
moyennant une méthode légale et non contraire au texte de loi.
109. Notion de l'illégalité de la preuve.
Le terme de preuve illégale, au sens où M.
Jérôme Benedict l'entend, est un raccourci qui recouvre une
réalité plus complexe : 1° : l'illégalité
provient tantôt de l'inobservation d'une disposition légale,
tantôt du non respect d'un
666
« principe général »
applicable à la procédure pénale . Parmi ces
« principes généraux » figurent notamment
selon M. Jérôme Benedict le principe du respect de la
dignité humaine, les principes de la bonne foi et de la
proportionnalité, le droit fondamental à la liberté
667
personnelle ou encore le droit d'être entendu. Ainsi, la
protection de la dignité humaine est un impératif qui l'emporte,
de l'avis de la doctrine et de la jurisprudence. Le principe de la
665 V. sur le principe du contradictoire :
M.-A. Frison-Roche, Généralités sur le principe du
contradictoire, Thèse de droit, Université Paris II,
1988.
666 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
21.
667 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
21.
bonne foi interdit au juge les procédés
fondés sur la ruse. Le droit fondamental à la liberté
personnelle prohibe les actes qui y portent atteinte et qui ne reposent pas sur
une base
668
légale
. Le droit d'être entendu implique la faculté
laissée au prévenu ou à son défenseur de
poser des questions aux témoins, au moins une fois au
cours du procès
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. 2° : la violation
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158
d'une règle de forme légale en matière de
preuve est plus remarquable, mais la disposition légale violée
peut être une règle de fond ou une règle de
procédure. Cette distinction revêt une importance pratique car, en
effet les critères d'admission ou d'exclusion des preuves
illégales
. 3° : la
670
varient suivant la nature de la règle juridique comme
affirme M. Jérôme Bénédict
preuve illégale peut être le résultat
d'une violation d'une obligation positive ou d'une obligation négative
durant la mise en oeuvre de la procédure qui vise à faciliter la
recherche de la preuve. « L'illégalité résulte
soit de la violation d'une interdiction, c'est-à-dire d'une règle
négative, soit de la transgression d'une règle positive fixant
les conditions de la recherche et
de l'administration des preuves ». 4° :
l'illégalité a trait soit à la preuve elle-même,
soit aux
671
conditions dans lesquelles elle a été obtenue ou
administrée. Ainsi, la narco-analyse est
672
prohibée en elle-même . 5° : la violation de
la loi peut être commise de plusieurs façons différentes.
« La loi peut être violée tantôt lors de la
recherche des preuves, tantôt lors de leur administration aux
débats » (c'est-à-dire au moment où elles sont
soumises à l'appréciation
du tribunal)673. 6° : les acteurs qui
produisent des preuves illégales sont encore multiples : les parties au
procès pénal (on pense à la partie publique et aux parties
privées) peuvent produire des preuves illégales pendant le
déroulement du procès pénal. «
L'illégalité peut aussi bien
674
être le fait de particuliers que des organes de
l'état ». Le Code de procédure pénale est
considéré comme un fondement essentiel pour la protection des
droits de l'homme et ses libertés. L'illégalité de la
preuve pénale est répartie en deux parties : la première
concerne la transgression des règles procédurales définies
dans le Code de procédure pénale qui vise la collecte de preuves
et sa quête. Ici, il sera procédé à la
définition des procédures prévues dans le Code de
procédure pénale libanais et français, qui visent
exclusivement à la recherche de la preuve et à la
présentation des aspects de son illégalité. Il sera
question ici dans ces lignes de
668 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
22.
669 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
22.
670 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
22.
671 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
22.
672 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
22.
673 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p.
22.
674 J. Benedict, Le sort des preuves
illégales dans le procès pénal, op. cit., p. 23.
159
la preuve obtenue en violation du droit au respect de la vie
privée675 (écoute d'appels téléphoniques
et l'enregistrement de conversations). C'est ce qui sera étudié
dans le premier chapitre portant sur la preuve entachée d'une
illégalité formelle (Chapitre I). Quant au deuxième type
d'illégalité de la preuve pénale, il s'agit de ses
applications par l'usage de moyens de quête de la preuve non conforme au
respect des droits essentiels de l'homme. Ici, il s'agit de l'obtention de la
preuve pénale par la violation du droit du suspect ou l'accusé
à sa sécurité corporelle (par la torture par exemple) ou
de son corps (analyses et utilisation du
sérum de vérité, du détecteur de
mensonges ou de l'ADN)676. L'illégalité de la preuve
pénale trouve sa source dans les éléments de preuve
obtenus illégalement en violation des droits fondamentaux, notamment la
dignité humaine. Le deuxième chapitre porte sur la preuve
entachée d'une illégalité matérielle. (Chapitre
II).
675 V. M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, pp. 99-100 : «
Il ne doit pas non plus y avoir d'atteindre à l'intimité de la
personne poursuivie par des procédés modernes de surveillance...
».
676 V. M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, pp. 99-100 : «
Il ne doit pas être porté atteinte à
l'intégrité physique de la personne poursuivie, que ce soit par
la torture ou par des procédés plus modernes qualifiés de
scientifiques qui représentent eux-aussi une violence infligée
à la personne ».
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