La légalite des moyens de preuve dans le procès pénal en droit français et libanaispar Ali Ataya Ecole doctorale 88 Pierre Couvrat (Poitiers) - Droit et Sciences Politique, Université du Maine - Thèse de doctorat en Droit privé 2013 |
Section IIDuel ou affrontement entre respect de la loyauté
et 79. Équilibre entre efficacité et loyauté. La procédure pénale doit garantir à l'enquête pénale toute son efficacité en assurant un équilibre entre l'efficacité de l'enquête d'une part et, d'autre part, les droits de la défense, les droits des victimes et toutes les qualités du procès équitable en englobant la loyauté et la licéité de la preuve pénale qui sont indispensables pour un procès équitable. La recherche de preuve en matière pénale repose sur le fait de trouver un équilibre entre la protection de la liberté individuelle et la responsabilité de chacun à l'égard de la société d'une part, et, d'autre part la nécessité d'assurer la sécurité et d'améliorer l'efficacité des procédures judiciaires pénales face au développement de l'actualité du phénomène criminel, de la délinquance organisée, surtout en ce qui concerne le terrorisme en général et le blanchiment d'argent terroriste ou de la délinquance économique et financière, de 510 la fraude aux intérêts mêmes de la communauté. Mais certains auteurs pénalistes considèrent que les conditions du succès ou de l'efficacité de l'administration de la preuve pénale sont très incompatibles avec la sauvegarde de la liberté individuelle et la protection de . En effet, la règle générale de la loyauté s'impose en matière la vie privée qui sont en duel511 de preuve pénale. Cette règle trouve son application en matière de preuve parce que la fin judiciaire de la preuve ne pourrait justifier les moyens normalement prohibés par le principe 510 V. K. Constant Katouya, Réflexions sur les instruments de droit pénal international et européen de lutte contre le terrorisme, Thèse de droit, Université Nancy 2, 2010, n° 178, p. 107 : « Afin de rester fidèle aux principes de l'État de droit, il importe que tous les mécanismes conjugués dans le cadre d'une stratégie globale et intégrée de lutte contre le terrorisme respectent sans laisser place au compromis, les droits civils et politiques consacrés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et dans les autres instruments universels relatifs aux droits de l'homme et à la lutte contre le terrorisme ». 511 D. Thomas et al., « Les transformations de l'administration de la preuve pénale », in Arch.pol.crim., 2004/1, n° 26), pp. 113-124, V. spec. p. 120 : « L'amélioration du système d'administration de la preuve pénale repose sur la mise en exergue de la finalité du procès pénal et la place conséquente accordée à la preuve dans ce contexte. En tant qu'élément substantiel, fondement de tout processus pénal, l'amélioration du système de preuve pénale doit veiller à renforcer la protection individuelle mais également l'efficacité de la répression » ; V. encore : L. Kennes, La preuve en matière pénale, op. cit., V. spec. la préface de M. Benoit Dejemeppe : M. Benoit Dejemeppe remarque encore ce duel, dans la préface du livre « La preuve en matière pénale » de Laurent Kennes M. Benoit Dejemeppe écrit : « La justice pénale est tiraillée entre les exigences d'une société démocratique qui place les droits de l'homme, et donc la légitimité, au coeur de son fonctionnement et les nécessités de la répression qui fait la part belle à l'efficacité alors que jamais la fin ne peut justifier les moyens ». 122 général de loyauté dans la recherche de preuve. Cependant, une des vraies raisons du déclin de la loyauté en matière de preuve pénale la nécessité de renforcer l'efficacité de la procédure pénale afin de faciliter la recherche de la preuve par des procédés déloyaux de certaines catégories d'infractions mais sous couverture légale. Ces règles de procédure vont tendre à 512 l'amélioration de l'efficacité de la justice répressive dans la lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue et en général contre la délinquance liée aux bandes organisées. Le premier paragraphe porte sur le principe selon lequel la fin ne justifie pas les moyens. Certains considèrent que le principe de loyauté connaît un déclin remarquable. Le deuxième paragraphe porte sur le principe opposé selon lequel la fin justifiant les moyens. § 1. La fin ne justifiant pas les moyens. 80. La recherche de la vérité n'est pas à tout prix. Selon l'éthique kantienne, la fin ne justifie jamais les moyens. Ainsi, la recherche de la vérité ne doit pas se faire par n'importe 513 quel moyen. Dire que la fin ne justifie pas les moyens signifie que parvenir à une bonne fin 514 ne justifie pas tous les moyens pour apporter la preuve . La recherche de la vérité est toujours le principal objectif du procès pénal d'où la preuve est donc sans doute l'élément essentiel du procès. Malgré l'importance de rechercher la preuve dans le procès pénal, cette fin ne justifie pas et ne doit jamais justifier l'emploi de n'importe quels moyens dans l'administration de la preuve, c'est-à-dire sa recherche et son recueil515. On comprend, d'après ce qui précède, que certains modes de preuve ne seront pas admis en justice, la loyauté dans la 512 V. sur l'origine du terme terrorisme : É. Robert, L'État de droit et la lutte contre le terrorisme dans l'Union européenne. Mesures européennes de lutte contre le terrorisme suite aux attentats du 11 septembre 2001, Thèse de droit, Université Lille 2, 2012, p. 39 : « Le terrorisme est une appellation d'origine française, ainsi que ses dérivés comme le verbe terroriser ou le mot terroriste. Le vocable terrorisme a été repris dans les autres langues sous la forme, par exemple, de «terrorismo» en italien ou bien de «terrorism» en anglais ». 513 V. en ce sens : F. El hajj Chehade, Les actes d'investigation, Thèse de droit, Université du Maine, 2010, p. 162 : « La loyauté impose que la preuve ne soit pas obtenue par n'importe quel moyen, notamment par le biais de manoeuvres ». 514 V. sur loyauté : Y. Capdepon, Essai d'une théorie générale des droits de la défense, Thèse de droit, Université, Université Montesquieu Bordeaux IV, 2011, n° 532, p. 355 : « ce principe exige globalement une attitude honnête, sincère et conforme au droit dans la recherche de la preuve » ; « De manière générale, toute preuve obtenue au moyen d'un procédé déloyal doit être déclarée irrecevable par le juge ». 515 V. H. Matsopoulou, Les enquêtes de police, Thèse de droit, L.G.D.J., Paris, 1996, n° 876, p. 709 : « La lutte contre le crime commande, pense-t-on, que tous moyens soient mis en oeuvre pour le faire apparaître et le punir. A certaines périodes de l'histoire, il a assurément été admis que la fin (légitime) pouvait justifier les moyens (illégitimes). Mais depuis longtemps déjà, il est considéré que les pratiques doivent être conformes aux principes généraux du droit, en vigueur à un moment déterminé ». recherche de la preuve interdit strictement l'utilisation de procédés déloyaux. Il s'agit de moyens de preuve déloyaux comme la tromperie dans l'administration de la preuve pénale. Dans un État de droit comme au Liban et en France, la recherche et le recueil des éléments de preuve du procès pénal doivent être loyaux d'où la prohibition des machinations, artifices et
123 l'ordre public et l'application de la loi n'autorise pas d'apporter la preuve de l'infraction alléguée ou de l'existence de l'infraction par tous moyens en appliquant la règle « la fin justifie les moyens » parce que les règles concernant la preuve pénale et la méthode pour obtenir une preuve sont des règles de nature substantielle protégées par la Charte internationale des droits 517 de l'homme, le droit constitutionnel et le Code de procédure pénale libanais. Le principe de loyauté dans la recherche de preuve pénale impose aux acteurs de la procédure pénale d'agir honnêtement, sans tromperie dans la constitution de la preuve et sans avoir recours à des ruses, à des stratagèmes et à des artifices. A. La tromperie dans la constitution de la preuve.81. Recours au stratagème et ruses. L'absence de moralité dans l'administration de la preuve pénale est illustrée par l'emploi des ruses et stratagèmes mais si la justice doit . L'ancienne 518 rechercher la vérité, elle doit le faire de manière honnête, franche et vraie doctrine pénale autorise la recherche de preuve à tout prix afin d'obtenir l'aveu en considérant que l'aveu est la reine des preuves du monde judiciaire surtout en matière pénale. Cependant, à la différence des anciens auteurs qui autorisaient les ruses et les pièges pour obtenir l'aveu, les 519 auteurs modernes proclament la loyauté comme un devoir du magistrat qui recherche la 516 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 414, p. 359 : « Il se peut d'abord que le policier ou juge d'instruction se fasse passer pour un tiers, ce qui peut conduire le suspect à dire des choses qu'il n'aurait pas dites sans ce subterfuge. On cite toujours l'affaire du juge Vigneau qui, pour renforcer ses soupçons contre l'inculpé Wilson, était entré en contact téléphonique avec un complice, en faisant croire à ce dernier qu'il était Wilson ». 517 E. Abou-Eid, La théorie de la preuve dans la procédure pénale et civile, Librairie juridique Zein, Beyrouth (Liban), 2005, 3em partie, n° 183, p. 292. 518 Ch. De Valkeneer, La tromperie dans l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et international complétée par des éléments des droits français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000, Préface de Henri-D. Bosly, p. 15 : « l'idéal de justice ne pourrait se satisfaire d'une vérité pervertie par la tromperie ». 519 V. en ce sens : B. Bouloc, « Les abus en matière de procédure pénale », in Revue de science criminelle, 1991, p. 221 : « Mais est-il possible de faciliter la constatation d'une infraction en ayant recours à une ruse ou à un artifice ? En ce qui concerne le juge d'instruction, la réponse est précise : les principes généraux de notre procédure pénale prohibent formellement les ruses... ». 520 vérité . Le principe de loyauté dans la recherche de la preuve a pour objet essentiel 124 d'interdire l'utilisation de procédés déloyaux, de ruses ou de stratagèmes qui vise à réunir des 521 éléments de preuve. En matière de preuve pénale, la notion de loyauté joue un rôle essentiel pour prohiber et exclure l'usage de certaines méthodes qui sont qualifiées comme de tromperie 522 dans la recherche de la preuve pénale. La jurisprudence française l'appréhende comme tout moyen destiné à tromper le délinquant potentiel et elle revêt concrètement la forme d'une . En effet, le principe de loyauté dans la recherche des preuves a pour 523 provocation policière objet principal d'interdire à celui qui administre la preuve l'emploi de procédés déloyaux, de 524 ruses ou de stratagèmes. Certains auteurs pénalistes considèrent le stratagème comme une procédure qui vise à la recherche de preuve en utilisant un camouflage ou qui consiste à se 525 dissimuler pour une observation passive de la commission du délit. Certes, la liberté dans la recherche de la preuve ne permet pas aux enquêteurs et juges l'utilisation de stratagèmes 526 . La déloyaux parce qu'en général le principe de loyauté prohibe les artifices et stratagèmes 527 rusen'est pas illicite si elle est seulement destinée à recueillir la preuve d'une infraction sans qu'elle soit une intervention ou un fait positif de provocation à commettre l'infraction. On 520 G. Vidal, Cours de droit criminel et de science pénitentiaire, 2e éd., Libraire nouvelle de droit et de jurisprudence Arthur Rousseau Editeur, Paris, 1902, n° 748, p. 780 ; V. J. Carbonnier, Droit civil, Introduction, 27ème éd., P.U.F., Thémis, 2002, n° 188, p. 375 :« si les coups bas sont interdits, les simples ruses de guerre ne le sont pas ». 521 V. J. Buisson, « Contrôle de l'éventuelle provocation policière : création d'un site pédo-pornographique un policier, même étranger », in R.S.C., 2008 p. 663 : « On sait que ce principe de la loyauté dans la recherche des preuves, qui a pour objet d'interdire, dans l'administration de la preuve, l'utilisation de procédés déloyaux, de ruses ou de stratagèmes... ». 522 Ch. De Valkeneer, La tromperie dans l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et international complétée par des éléments des droits français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000, p. 109 : « La notion de loyauté présente un intérêt direct pour notre matière. C'est à elle que la doctrine et la jurisprudence font généralement appel pour repousser l'usage de certains moyens de preuve, notamment lorsqu'ils sont entachés de tromperie ». 523 G. Danjaume, « Le principe de la liberté de la preuve en procédure pénale », in D., 1996, pp. 153 et s. 524 J. Buisson, « Principe de loyauté dans la recherche des preuves et constat des infractions », note sous Cass. Crim., 6 mai 2002, in R.S.C., 2003, pp. 393 et s. 525 M. Schwendener, « L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté », in AJ Pénal, 2005, pp. 267 et s : « le stratagème consistant à se dissimuler pour une observation passive de la commission du délit est considéré comme loyal, que cette dissimulation résulte d'un jeu de rôle ou du recours à une cache ». 526 M. Trevidic, « La recherche de la preuve en droit français », in La preuve au coeur du débat judiciaire: discovery, cross-examination et expertise contradictoire regards croisés franco-américains, Colloque du 24 mars 2010 organisée par l'association France-Ameriques (a.f.d.d.) : « Cette liberté de la preuve pour le Juge et pour les enquêteurs qu'il a désignés est atténuée par le principe de loyauté qui lui interdit l'utilisation de stratagèmes déloyaux ». 527 V. sur la distinction entre provocation et ruse : J.-L. Poisot, « Enquête préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale, Art. 75 à 78, Fasc. 20, 2001, n° 76 : « Alors que la provocation est antérieure à la perpétration de l'infraction et en est facteur déclenchant, la ruse lui est postérieure et n'est qu'un révélateur du délit ». 528 parle alors de provocation à la preuve. La ruse n'est pas interdite, elle est admise sous certaines conditions afin d'accroître l'efficacité dans la recherche de preuves relatives aux 529 crimes graves. 82. L'usage de la tromperie dans la recherche de preuve. Traditionnellement, la procédure de rassemblement des preuves et la recherche des auteurs d'infraction doivent être exemptes 530 de toute sorte de tromperie. La tromperie531 dans la recherche de preuve532 désigne des comportements non conformes au principe de la loyauté et qui constituent une sorte de déviance judiciaire ou policière qui mérite d'être sanctionnée par l'écartement des débats ou 533 l'inadmissibilité. La recherche de la preuve en matière pénale doit revêtir un certain degré
125 bien remarquable que la doctrine française consacre une place importante au problème de la tromperie en matière de preuve pénale. Au contraire, la doctrine libanaise abandonne ce problème et ne consacre pas d'étude pouvant clarifier les limites de la recherche de preuve 528 V. en même sens : E. Verges, « Provocation policière, loyauté de la preuve et étendue de la nullité procédurale », in AJ Pénal, 2006, pp. 354 et s. 529 V. en ce sens : J.-L. Poisot, « Enquête préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale, Art. 75 à 78, Fasc. 20, 2001, n° 79 : « Elle est actuellement admise (ruse), dans certaines conditions, pour combattre la criminalité organisée, car très souvent les malfaiteurs ne peuvent être découverts et identifiés que si une occasion de commettre une infraction leur est offerte ». 530 V. Ch. De Valkeneer, La tromperie dans l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et international complétée par des éléments des droits français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000, Préface de Henri-D. Bosly, p. 15 : « Entreprendre l'étude de la tromperie dans l'administration de la preuve pénale peut surprendre, à première vue. En effet, selon une vue traditionnelle, la recherche de la vérité doit être dépourvue de toute tromperie ». 531 R. Garraud, Précis de droit criminel, 11e éd., Recueil Sirey, Paris, 1912, n° 236, p. 430 : « Les machinations ou artifices coupables, ce sont ces fraudes et ces ruses, intrigues, tromperies, qui ont pour but et pour résultat d'amener un tiers à commettre un crime ou un délit ». 532 V. A. Chauveau et F. Hélie, Théorie du Code pénal, 3e éd., Imprimerie et Librairie générale de jurisprudence, Paris, 1852, t. 6, p. 5 : MM. Adolphe Chauveau et Faustin Hélie considèrent que « La tromperie est plus qu'un dol, plus qu'un mensonge; elle suppose l'emploi de ruses et d'artifices... ». 533 H.-D. Bosly, préface in Ch. De Valkeneer, La tromperie dans l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et international complétée par des éléments des droits français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000 : « L'étude de la tromperie dans l'administration de la preuve peut apparaître, à première vue, comme incongrue. Vérité et justice ne sont-elles pas intrinsèquement liées. Dans cette perspective, la tromperie ne serait qu'une forme de déviance judiciaire ou policière qu'il conviendrait d'appréhender sous l'angle de l'irrecevabilité des preuves ». 534 V. J. Leblois-Happe, « La recherche des preuves par dissimulation », in La loi « PERBEN II » du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg: « La loyauté qui doit présider au rassemblement des preuves d'une infraction interdit en principe aux autorités de recourir à la ruse et à la dissimulation. La recherche des preuves doit être menée de façon digne et franche, à visage découvert, sans qu'un piège soit tendu au suspect ni qu'un stratagème soit utilisé pour le confondre ». pendant le procès pénal. En général, est jugée déloyale chaque preuve obtenue par ruse,
126 demander à un client de téléphoner à son fournisseur pour une livraison de drogue est considéré selon la chambre criminelle de la Cour de cassation française comme un artifice ou un stratagème qui provoque la commission de l'infraction 536 . Bien entendu, certaines limites s'imposent dans l'administration de la preuve pénale, notamment en cas de preuves apportées 537 grâce à l'emploi de la ruse. M. Jacques Buisson souligne qu' « on sait que le principe de la loyauté dans la recherche des preuves a pour objet d'interdire, dans l'administration de la 538 . preuve, l'utilisation de procédés déloyaux, de ruses ou de stratagèmes » B. La loyauté interdisant la provocation policière. 83. La notion de provocation policière. Les provocations sont l'un des moyens 539 utiliséspour arriver à mettre en état une affaire pénale lorsque les techniques habituelles se 535 M. Herzog-Evans, Procédure pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009, pp. 158 et s. 536 V. Cass. crim., 13 juin 1989, B.C., n° 254, p. 634: « Attendu que, selon l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi ; que si les articles 81 et 151 du Code de procédure pénale permettent au juge d'instruction d'ordonner, sous certaines conditions, des écoutes ou enregistrements d'entretiens téléphoniques, aucune disposition légale n'autorise les officiers de police judiciaire à y procéder dans le cadre d'une enquête préliminaire ;Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'ayant été avisés de ce que Christian Y... se serait livré à un trafic de stupéfiants et aurait eu, notamment, pour client André Z..., les services de police, agissant d'initiative, ont invité Z... à téléphoner à Y... en vue de prendre rendez-vous pour une livraison de drogue et ont enregistré la conversation téléphonique sur radiocassette, dressant ensuite un procès-verbal de cette opération ; qu'à l'heure convenue pour le rendez-vous, les policiers ont pu ainsi pénétrer, à la suite de Z..., dans le domicile de Y..., interpeller les occupants et procéder à perquisition ;Attendu qu'en refusant de prononcer la nullité du procès-verbal relatant l'enregistrement de l'entretien téléphonique, obtenu par artifice ou stratagème, et de tirer les conséquences qui découlaient de cette nullité, la chambre d'accusation a méconnu le principe ci-dessus rappelé ; que son arrêt encourt donc la censure ». 537 V. R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 5e éd., Cujas, Paris, 2001, t. 2 Procédure pénale, n°156, p. 198. « Le caractère impartial que doit revêtir toute procédure judiciaire répressive (art 6-2 CEDH) impose que la recherche des preuves et leur production devant la justice soient menées avec loyauté... ». 538 J. Buisson, « Constitue une provocation le fait, pour un policier, même étranger, de créer un site pédo-pornographique offert à la connexion des internautes », in Procédures, n° 6, Juin 2007, comm. 147. 539 V. J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 415, p. 361 : «on peut dire que la provocation est le fait pour un policier -ou un agent provocateur à sa solde- d'inciter directement quelqu'un à commettre une infraction par l'emploi de moyens fallacieux comme l'offre d'un avantage, le provocateur agissant le plus souvent par tromperie et en secret (sous couverture) » ; V. M-L. Rassat, Procédure pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n° 258, p. 268 : « La provocation consiste à dissimuler sa qualité pour approcher des délinquants potentiels ou suspectés et constater leurs infractions. ». 540541 révèlent insuffisantes. Aucune définition n'apparaît dans la loi ou dans la jurisprudence . Mme Martine Herzog-Evans rappelle que l'utilisation de certaines formes de ruses durant l'activité policière n'est naturellement pas prohibée. De même, ne constitue pas une provocation le fait de surveiller et d'attendre la commission d'une infraction en demeurant
de provocation policière est que les ruses sont admissibles de la part de la police judiciaire, 544 tandis que de la part de magistrats, la ruse doit être bannie. Ce qui précède ouvre le débat sur la loyauté de la provocation policière faite par un officier de police judiciaire sur la base d'une commission rogatoire émise par un juge qui n'a pas lui-même le droit de pratiquer la provocation policière. Une autre notion doit être distinguée, c'est la différence entre la provocation à la commission d'une infraction qui doit être interdite et la provocation à la preuve de l'infraction qui doit au moins être encadrée. 84. Loyauté et provocation policière. Le principe de la loyauté dans la recherche des preuves conduit naturellement à s'interroger sur des pratiques telles que la provocation et la
546 . M. que « ... la provocation policière est aussi un moyen d'enquête qui pose des problèmes considérables du point de vue de l'éthique judiciaire et de la dignité de la justice » Jacques Buisson affirme cette problématique entre loyauté et provocation « ce principe de la loyauté dans la recherche des preuves sous-tend, en quelque sorte, la question de la
127 540 W. Lubin, Libertés individuelles et police en droit Américain et Français, Thèse en droit, Université Montpellier 1, 1996, p. 156. 541 V. sur la nécessite de s'accorder sur la notion de la provocation : F. Fourment, « Atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable », Note sous Cass. crim., 4 juin 2008,in JCP G, n° 3, 14 Janvier 2009, II 10009 : « Prohiber abstraitement la provocation à l'infraction par référence au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable n'est que la première étape du raisonnement. Il faut ensuite s'accorder sur la notion de provocation à l'infraction. La chambre de l'instruction, non plus que la chambre criminelle, ne donnent de définition de la notion de provocation à l'infraction ». 542 Cass. crim., 22 avril 1992, B.C., n° 169, p. 441. 543 M. Herzog-Evans, Procédure pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009, pp. 159 et s. 544 R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 5e éd., Cujas, Paris, 2001, t. 2 Procédure pénale, n° 156, p. 198. 545 J.-L. Poisot, « Enquête préliminaire », in J.-Cl. Procédure pénale, Art. 75 à 78, Fasc. 20, 2001, n° 75. 546 D. Giannoulopoulos, L'exclusion de preuves pénales déloyales : une étude comparée des droits américain, anglais, français et hellénique, Thèse droit, Université Paris I, 2009, p. 275. 547 J. Buisson, « Pour caractériser une provocation policière, il faut démontrer que le policier a déterminé la commission de l'infraction. Le juge peut prescrire tous actes utiles à la manifestation de la vérité », in Procédures, n° 4, Avril 2000, comm. 106. 548 infraction 549 . En principe, la provocationest nommée policière parce qu'elle est exercée 550 largement par les policiers . Il est indispensable de développer des critères stricts pour 128 différencier et distinguer la provocation à la preuve qui est en accord avec le principe de loyauté, de la provocation à la commission d'une infraction qui est strictement prohibée parce qu'elle constitue un procédé non respectueux du principe de loyauté dans la recherche de la 551 preuve . Il est indéniable que certaines investigations ne peuvent être efficaces que si elles sont dissimulées aux personnes qu'elles concernent. Leur réalisation exige le secret, leur 552 réussite suppose la clandestinité, du moins dans un premier temps. 85. Provocations policières ordinaires. MM. Roger Merle et André Vitu évoquent l'idée des provocations policières ordinaires ou habituelles qui ne posent pas la question de loyauté 553 dans la recherche de preuve. Il est évident que certaines provocations policières donnent matière à douter de la régularité et de la loyauté de cette méthode dans la recherche de preuve, notamment son caractère dolosif, le dol étant une manoeuvre frauduleuse destinée à . La provocation est déloyale lorsqu'elle provoque l'infraction en soi, mais elle est 554 tromper 548 V. F. Fourment, « Atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable », Note sous Cass. crim., 4 juin 2008,in JCP G, n° 3, 14 Janvier 2009, II 10009 : « Provoquer à la commission d'une infraction, c'est inciter une personne à commettre une infraction qu'autrement elle n'aurait pas commise ». 549 V. sur la provocation : B. Shamloo, La provocation en droit pénal français et iranien, Thèse de droit, Université Montpellier I, 2000. 550 V. sur la définition de la provocation policière : A. Jacobs, « La loi du 6 janvier 2003 concernant les méthodes particulières de recherche et quelques autres méthodes d'enquête », in Rev. Dr. ULg., 2004/1, Doctrine, pp. 15-69, V. spec. p. 27 : « De manière générale, la provocation policière peut être définie comme étant un moyen de nature soit à faire naître chez l'auteur l'idée et la volonté de commettre le délit, soit à renforcer à cette fin la volonté déjà présente, dans une mesure telle que la personne commette effectivement l'acte, soit à confirmer son intention criminelle alors que l'auteur veut y mettre fin » 551 C. Ambroise-Castérot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 252, pp. 178-179 : « La question qui se pose ici tout particulièrement est celle des provocations policières, notamment lorsque le policier se fait passer pour un délinquant afin d'obtenir la preuve. Si la Cour de cassation tolère la provocation à la preuve, la provocation à l'infraction n'est en principe, sauf exceptions légales strictes, jamais admise. ». 552 J. Leblois-Happe, « La recherche des preuves par dissimulation », in La loi PERBEN II du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg. 553 V. R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 5e éd., Cujas, Paris, 2001, t. 2 Procédure pénale, n°157, p. 198 : « On ne peut parler de procédé déloyal lorsqu'un policier, dissimulé derrière un meuble ou dans une pièce voisine, se borne à constater une infraction de corruption au moment où elle se commet, ou lorsque, se faisant passer pour un client quelconque, il s'adresse à un trafiquant de stupéfiants qu'il soupçonne : aucune pression ne s'exerce sur le coupable pour l'incliner à l'infraction ; le policier se contente de constater le développement psychologique et matériel d'un processus infractionnel dans lequel la décision de commettre l'infraction demeure entièrement libre : le piège tendu n'est pas la cause de l'infraction, qui aurait été commise sans lui ». 554 W. Lubin, Libertés individuelles et police en droit Américain et Français, Thèse en droit, Université Montpellier 1, 1996, p. 160. admise quand elle provoque la preuve d'une infraction préexistante 555 . La provocation policière objective mettant en cause une conduite irrégulière de la police doit être sanctionnée pénalement. La provocation policière caractérise une double violation : du principe de loyauté
commission d'une infraction se traduit lorsque l'officier de police judiciaire, par des 557 . sollicitations, amène l'intéressé à commettre l'infraction C. La distinction entre différentes catégories ou différents types de provocations. 86. Les problèmes de la qualification juridique relative à la provocation à l'infraction. Parler de la qualification, c'est poser le problème de la nature de la preuve par provocations
129 simplement la provocation à commettre une infraction est en soi même une infraction. En effet, il y a là une contradiction qui saute immédiatement à l'esprit. On peut remarquer directement qu'il s'agit d'un problème qui concerne le droit pénal en sens strict non pas la procédure pénale, il faut résoudre le problème de la preuve obtenue à la faveur d'une provocation policière au lieu de faire une distinction entre, d'une part, la provocation à la commission d'une infraction qui est considérée comme illégale et en même temps est un comportement strictement interdit par la loi pénale et, d'autre part, la provocation à la preuve. La provocation à la commission d'une infraction ne cesse de poser des difficultés aux 555 M. Schwendener, « L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté », in AJ Pénal, 2005, pp. 267 et s. 556 V. Cass. crim., 9 août 2006, B.C., n° 202, p. 721: « Attendu que porte atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable, la provocation à la commission d'une infraction par un agent de l'autorité publique ou par son intermédiaire ; que la déloyauté d'un tel procédé rend irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus ». 557 G. Roujou de Boubée, T. Garé et S. Mirabail , « Droit pénal juin 2006 - novembre 2006 », in D., 2007, pp. 399 et s. 558 V. Cass. crim., 5 mai 1999, Gaz.Pal., 1999, II Chr.crim. 128 : « La provocation à l'infraction par un agent de l'autorité publique exonère le prévenu de sa responsabilité pénale, lorsqu'elle procède de manoeuvres de nature à déterminer les agissements délictueux, portant ainsi atteinte au principe de la loyauté des preuves ». 559 V. sur la provocation : M. Schwendener, « L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté », in AJ Pénal, 2005, pp. 267 et s : « Il convient de préciser le sens de ce mot, qui, au premier abord, évoque l'outrance. Il s'est déduit d'une jurisprudence constante une distinction tenant à la portée réelle de l'action policière : la provocation est déloyale lorsqu'elle provoque l'infraction en soi, mais admise quand elle provoque la preuve d'une infraction préexistante. Dans ce cadre, deux comportements policiers peuvent être distingués : l'observation passive de la commission d'une infraction (suivie de son signalement) et un rôle plus actif dans la révélation de l'infraction ». magistrats soucieux de concilier les nécessités de la recherche des infractions avec le principe 560 de loyauté dans cette recherche. Ce que n'admet pas la jurisprudence de la Cour de cassation française, c'est la provocation à la commission d'infractions qui, sans l'intervention 561 des policiers, ne se seraient pas produites . Mme Michèle-Laure Rassat résume les solutions 130 retenues en droit positif français en matière des provocations policières par la formule suivante : « il y a provocation illégitime lorsque les policiers font commettre une infraction à quelqu'un qui n'en avait pas l'intention ; il y a procédure régulière pour un policier même à participer à un projet d'infraction (en se déclarant intéressé par elle, par exemple) du moment 562 qu'il n'y a pas de pression sur le délinquant pour qu'il passe à l'acte ». Selon M. Didier Guérin: « Un principe essentiel est celui selon lequel le juge d'instruction doit rassembler les preuves de manière loyale, ce qui exclut notamment toute provocation policière à commettre 563 l'infraction ». Ainsi, selon la chambre criminelle de la Cour de cassation française, « porte atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable, la provocation à la commission d'une infraction par un agent de l'autorité publique, en l'absence d'éléments antérieurs permettant d'en soupçonner l'existence. La déloyauté d'un tel procédé rend irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus, quand bien même ce stratagème aurait permis la découverte d'autres infractions déjà commises ou en cours de 564 commission ». La chambre criminelle de la Cour de cassation française utilise le visa de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, du principe de loyauté des preuves et de l'article préliminaire du CPP français pour prohiber la provocation à . La chambre criminelle a étendu cette solution à l'hypothèse dans laquelle la 565 l'infraction 560 J. Pradel, « Procédure pénale janvier 2006 - décembre 2006 », in D., 2007, pp. 973 et s. 561 M. Herzog-Evans, Procédure pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009, pp. 159 et s. 562 M.-L. Rassat, «Du sort à réserver aux enregistrements et aux provocations réalisés par des policiers », in JCP G., n° 17, 24 Avril 1996, II 22629. 563 D. Guérin, « Un an d'instruction préparatoire. - Octobre 2007 - octobre 2008 », in Droit pénal, n° 1, Janvier 2009, chron. 1. Spec. n° 8. 564 Cass. crim., 4 juin 2008, B.C., n° 141. 565 V. Cass. crim., 9 août 2006, B.C., n° 202, p. 721: « Vu l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article préliminaire du Code de procédure pénale, ensemble le principe de loyauté des preuves ; Attendu que porte atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable, la provocation à la commission d'une infraction par un agent de l'autorité publique ou par son intermédiaire ; que la déloyauté d'un tel procédé rend irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus. N'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations la chambre de l'instruction qui, tout en relevant que deux individus avaient été interpellés en flagrance alors qu'ils perpétraient de concert un vol dans un véhicule que l'un deux avait été provoqué à commettre par un fonctionnaire de police qui lui avait proposé de stationner, à proximité du lieu où des personnes suspectées de commettre ce type de délits se réunissaient, un véhicule dans lequel était disposé en évidence un téléphone portable et une sacoche d'ordinateur et qui lui avait remis une somme d'argent pour lui permettre de leur offrir une consommation afin de les attirer à proximité dudit véhicule, énonce que l'intéressé a provocation est le fait d'un agent d'une autorité étrangère 566 c'est-à-dire même si cette 567 . provocation est commise par la police étrangère 87. Une application souple du principe de la loyauté. La doctrine pénale française recourt toujours à la distinction entre provocation à l'infraction et provocation à la preuve. Une souplesse et une tolérance remarquable paraît quand il s'agit de la provocation à la preuve qui est admise comme souligne M. Édouard Verny « si la provocation à la preuve est tolérée, la
131 « la véritable question consiste à déterminer la portée réelle des provocations. Et d'autres termes, ces provocations ont-elles eu pour résultat la commission de l'infraction ou bien se proposent-elles plus simplement de rassembler les preuves d'une infraction déjà commises ou sur le point de l'être ? C'est à cette conception des choses que se réfère très nettement la 569 Chambre criminelle dans un certain nombre de décisions ». La question qui se pose est de savoir ce qu'il reste du principe de loyauté si la chambre criminelle de la Cour de cassation française restreint le champ d'application du principe de loyauté dans le domaine de la provocation policière. Est-il normal de limiter le champ d'application du principe de loyauté aux cas de provocation à la commission d'infraction par les acteurs de la provocation policière, qui est en soi considérée comme une infraction ? Il faut rappeler que les critères concernant la prohibition de la provocation policière retenus par la jurisprudence de la Cour de cassation française pour qualifier l'acte déloyal en matière de preuve est contraire à l'esprit du principe de loyauté dégagé de l'affaire Wilson en 1888 qui a commis le vol de sa propre initiative et que le but de la mise en scène policière n'était pas de le provoquer à l'infraction mais seulement d'établir la preuve de son implication dans les faits ». 566 Intervention de Mme R. Koering-Joulin, La chambre criminelle garante du droit à un procès équitable, lors du colloque du 3 mai 2010. Disponible en ligne sur le site officiel de la Cour de cassation française : http://www.courdecassation.fr/colloques_activites_formation_4/2010_3159/koering_joulin_16280.html 567 V. Cass. crim., le 7 février 2007, B.C., n° 37, p. 241 : « Porte atteinte, notamment, au principe de la loyauté des preuves, la provocation à la commission d'une infraction par un agent public étranger, en l'espèce un service de police new-yorkais, réalisée par un site pédophile créé et exploité par ce dernier aux fins de découvrir tous internautes pédophiles, dès lors qu'un individu, inconnu des services de police français, a fait l'objet de poursuites en France du chef d'importation, détention et diffusion d'images pornographiques de mineurs après que les autorités américaines eussent informé les autorités françaises de ce que l'intéressé s'était connecté sur le site» ; V. Cass. crim., 11 mai 2006, B. C., n° 132, p. 482 : « que porte atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable la commission à la provocation d'une infraction par un agent de l'autorité publique ou par son intermédiaire; que la déloyauté de pareil procédé rend irrecevable en justice les éléments de preuve ainsi obtenus ». 568 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 31, p. 23. 569 P. Maistre Du Chambon, « la régularité des provocations policières : l'évolution de la jurisprudence », in J.C.P G., 1989 I 3422. permis de construire ce principe sur la base de l'interdiction de la provocation policière dans la recherche de preuve sans aucune condition de pousser le délinquant à la réalisation d'une 570 infraction . Selon le principe de la loyauté dans la recherche de preuve pénale qui s'est 132 dégagé de l'arrêt de principe Wilson, la provocation à la preuve est condamnée directement et sans faire aucune distinction ou comparaison avec la provocation à la commission d'une infraction. D'après la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation 571 française , le procédé (le mensonge policier) doit seulement servir à faire apparaître la 572 preuve d'une infraction qui se serait de toute façon commise sans leur intervention. La chambre criminelle de la Cour de cassation française distingue en effet la «provocation à la 573 preuve» admissibleparce qu'elle se limite à rassembler des preuves d'une infraction déjà commise ou sur le point de l'être, de la «provocation au délit » qui détermine l'individu à la 574 commission même d'une infraction. La position de la Cour de cassation en la matière, qui restreint le champ d'application du principe de loyauté, est critiquable et elle mérite d'être modifiée parce qu'elle contribue au déclin du principe de loyauté dans la recherche de preuve. 88. La position restrictive de la Cour de cassation française en matière de trafic de stupéfiants. La chambre criminelle de la Cour de cassation française adopte une conception 575 restrictive de la provocation en matière du trafic de stupéfiantssous couvert de l'article 706- 570 V. P. Maistre Du Chambon, « la régularité des provocations policières : l'évolution de la jurisprudence », in J.C.P G., 1989, I (3422) : « à l'occasion de poursuite pour trafic de stupéfiants au cours desquelles un policier s'était fait passer lui-même pour un trafiquant, la haute juridiction confirme la condamnation en considérant que l'intervention policière n'a en rien déterminé les agissements délicieux du délinquant mais qu'elle a eu pour seule conséquence de permettre la constatation des infractions déjà commises et d'en arrêter la continuation (Cass. crim., 2 mars 1971, B.C., n° 71). La même motivation est reprise en partie par un arrêt de la chambre criminelle du 2 oct. 1979 (Cass. crim., 2 octobre 1979, B.C., n°266) ». 571 Cass. crim., 17 octobre 1991 et 27 février 1996. 572 C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 253, p. 179. 573 V. sur la provocation : M. Schwendener, « L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté », in AJ Pénal, 2005, pp. 267 et s : « Il convient de préciser le sens de ce mot, qui, au premier abord, évoque l'outrance. Il s'est déduit d'une jurisprudence constante une distinction tenant à la portée réelle de l'action policière : la provocation est déloyale lorsqu'elle provoque l'infraction en soi, mais admise quand elle provoque la preuve d'une infraction préexistante. Dans ce cadre, deux comportements policiers peuvent être distingués : l'observation passive de la commission d'une infraction (suivie de son signalement) et un rôle plus actif dans la révélation de l'infraction ». 574 Ch. Guéry, « Ecoutes téléphoniques et participation policière », Note sous Cass. Crim., 27 février 1996, B.C., 1996, n°93, p. 273, in D., 1996, pp. 346 et s. 575 V. J. Buisson, « Est valide le constat d'une infraction opéré sans ruse ni stratagème ni provocation », in Procédures, n° 4, Avril 2008, comm. 126: « en matière du trafic de stupéfiants, la chambre criminelle a adopté une conception restrictive de la provocation, en admettant que le policier se présente valablement comme acheteur de stupéfiants ; mais elle a pris soin de souligner que l'activité du trafiquant ainsi sollicité devait préexister à la proposition d'achat du policier ». 133 81 du CPP français qui donne légalement la possibilité de recourir à l'infiltration pour faciliter l'obtention des preuves du trafic de stupéfiants. Même avant l'adoption de l'article 706-81, un arrêt rendu le 2 mars 1971 a jugé que l'intervention d'un policier se présentant comme 576 acheteur de stupéfiants ne constitue pas une provocation à la commission d'une infraction: « La circonstance qu'un fonctionnaire de police s'est fait passer pour un acheteur éventuel d'opium ne saurait faire obstacle à la condamnation d'un individu appartenant à une organisation internationale de trafiquants de stupéfiants, dès lors qu'il est constaté par les juges du fond que l'intervention de ce fonctionnaire n'a en rien déterminé les agissements délictueux du prévenu, mais a eu seulement pour effet de permettre la constatation 577 d'infractions déjà commises et d'en arrêter la continuation ». L'article 706-81 du CPP , à l'autorisation et au contrôle du 578 français constitue la base légale du recours à l'infiltration 579 procureur de le République ou du juge d'instruction. L'alinéa 2 de l'article 706-81 du CPP français est d'une formulation stricte en précisant que les actes d'infiltration ne peuvent constituer une incitation à commettre des infractions. À notre avis, l'application de cet article et la jurisprudence de la chambre criminelle concernant la provocation en matière de trafic de stupéfiants ne font pas réellement une distinction entre provocation à la preuve et provocation à la commission d'une infraction comme le fait habituellement la juriprudence de cette chambre hors le cas du trafic de stupéfiants. La chambre criminelle qualifie la provocation à la preuve en matière de trafic de stupéfiants en imposant une condition stricte qui nécessite que l'activité des trafiquants de stupéfiants existe avant les propositions d'achat de la part du 576 V. Cass. crim., 2 octobre 1979, B.C., n° 266, p. 722: « La circonstance qu'un fonctionnaire de police étranger et un indicateur se sont présentés comme des acheteurs éventuels de stupéfiants ne saurait faire obstacle à la condamnation d'individus appartenant à une organisation de trafiquants dès lors que les juges du fond constatent que cette circonstance n'a pas été déterminante des infractions retenues et qu'elle a eu pour seul effet de permettre la constatation d'une activité délictueuse qui existait et d'en arrêter la continuation ». 577 Cass. crim., 2 mars 1971, B.C., n° 71, p. 183. 578 L'infiltration consiste selon le texte de l'article 706-81 du CPP français : « L'infiltration consiste, pour un officier ou un agent de police judiciaire spécialement habilité dans des conditions fixées par décret et agissant sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire chargé de coordonner l'opération, à surveiller des personnes suspectées de commettre un crime ou un délit en se faisant passer, auprès de ces personnes, comme un de leurs coauteurs, complices ou receleurs. L'officier ou l'agent de police judiciaire est à cette fin autorisé à faire usage d'une identité d'emprunt et à commettre si nécessaire les actes mentionnés à l'article 706-82. A peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre des infractions ». 579 L'article 706-81 du CPP français dispose : « Lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction concernant l'un des crimes ou délits entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 le justifient, le procureur de la République ou, après avis de ce magistrat, le juge d'instruction saisi peuvent autoriser qu'il soit procédé, sous leur contrôle respectif, à une opération d'infiltration dans les conditions prévues par la présente section ». 134 580 policier. Cette condition imposée par la chambre criminelle constitue une couverture légale permettant d'éviter la qualification de cette procédure de provocation à la commission d'une infraction organisée par les autorités parce qu'en réalité elle constitue à notre avis le standard, du point de vue procédural, d'une provocation flagrante et claire à la commission d'une infraction. 89. La provocation policière à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. La Cour européenne des droits de l'homme opère une distinction entre les infiltrations permises et les provocations qui sont attentatoires au droit à un procès équitable garanti par l'article 6 § 1er de la Convention EDH. Dans l'arrêt Teixeira de Catro c/ Portugal rendu le 9 juin 1998, la Cour européenne des droits de l'homme a reconnu explicitement que l'exigence de loyauté en matière de provocation entre dans le champ d'application de l'article 6, § 1, de la Convention et donc fait partie des garanties du droit au procès équitable « Le respect du principe de loyauté entre dans les garanties du procès équitable. Ainsi, la Cour européenne des droits de l'homme a considéré que viole l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme une condamnation pour trafic de drogue fondée essentiellement sur les déclarations de deux policiers dont l'intervention a provoqué 581 l'infraction ». D'abord, il faut prendre en compte que la Cour européenne des droits de l'homme rappelle à plusieurs reprises sa formule classique : « la recevabilité des preuves relève au premier chef des règles de droit interne, et [qu'] en principe il revient aux 582 juridictions nationales d'apprécier les éléments recueillis par elles ». Elle ajoute que le rôle de la Cour est limité exclusivement au contrôle et à l'appréciation de la procédure dans son ensemble, englobant le mode de présentation des moyens de preuve au regard l'article 6 relatif 580 Cass. crim., 22 juin 1994, B.C., n° 247, p. 592: « Attendu que, pour écarter l'argumentation des prévenus qui invoquaient l'excuse de provocation et contestaient la régularité de la procédure, tant au regard des articles 12 et suivants du Code de procédure pénale que du principe de la loyauté des preuves, l'arrêt confirmatif retient, d'une part, qu'il résulte des débats que l'intervention de la police a eu lieu dans un contexte préexistant de trafic, dont l'un des opérateurs, X..., rouage important de l'organisation, était déjà connu, ce que devait confirmer la rapidité avec laquelle un autre participant, Y..., avait pu recueillir 350 kilos de cocaïne presque pure ; que les faits ne révèlent aucune machination de nature à annihiler la volonté des prévenus, ceux-ci s'étant procuré un avion pour assurer le transport de la drogue, et Y... s'étant assuré le concours à l'atterrissage d'individus armés; Que les juges relèvent encore qu'eu égard à la personnalité des vendeurs et à l'objet du trafic, la forme prise par l'initiative de la police était sans influence sur la validité de l'enquête, dès lors que la recherche et l'établissement de la vérité ne s'en étaient pas trouvés fondamentalement viciés, ni la défense mise dans l'impossibilité d'exercer ses droits devant les juridictions d'instruction et de jugement ; Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; ». 581 J. Buisson, « Pour caractériser une provocation policière, il faut démontrer que le policier a déterminé la commission de l'infraction. Le juge peut prescrire tous actes utiles à la manifestation de la vérité », in Procédures, n° 4, Avril 2000, comm. 106. 582 CEDH, 9 juin 1998, Teixeira De Castro c/ Portugal, Requête n° 44/1997/828/1034, spec. § 34. au droit au procès équitable : « la tâche de la Cour consiste à rechercher si la procédure envisagée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, a
135 générale d'équité des procédures pénales n'est pas compatible avec l'utilisation d'éléments de preuve obtenus à la suite d'une provocation policière comme nous enseigne l'arrêt Edward et Lewis c/ Royaume-Uni rendu le 22 juillet 2003 : « La Cour rappelle que, si la recevabilité des preuves relève au premier chef des règles du droit interne, l'exigence générale d'équité des procédures pénales consacrée par l'article 6 implique que l'intérêt public à lutter contre la criminalité ne peut justifier l'utilisation d'éléments recueillis à la suite d'une provocation 584 policière ». Une différence dans l'utilisation des termes juridiques au sujet de provocation apparaît entre la Cour de cassation française et la Cour de Strasbourg. La première utilise les expressions « provocation à la preuve » et « provocation à l'infraction » pour distinguer entre la première admise et la seconde qui est prohibée. En revanche, la Cour de Strasbourg utilise les termes « agents infiltrés » et « provocations policières » pour distinguer la première situation, qui est admise, de la deuxième, qui est prohibée. La Cour européenne des droits de 585 l'homme condamne la provocation policière à la commission d'une infraction, attentive notamment à ce qu'une procédure claire et prévisible d'autorisation encadre l'action policière pour garantir la bonne foi des autorités et le respect de leur mission de défense de la loi (Arrêt 586 Khudobinc/ Russie, 26 oct. 2006, § 135) . La Cour de Strasbourg tolère la provocation à la preuve et admet le recours à ce moyen « lorsque la nature de l'infraction peut le justifier »587 588 surtout dans la difficulté de recueillir la preuve de certaines catégories d'infractions, mais à 583 CEDH, 9 juin 1998, Teixeira De Castro c/ Portugal, Requête n° 44/1997/828/1034, spec. § 34. 584 CEDH, 22 juillet 2003, Edwards et Lewis c/ Royaume-Uni, Requête n° 39647/98 et 40461/98, spec. § 49 ; V. en ce sens: CEDH, 9 juin 1998, Teixeira De Castro c/ Portugal, Requête n° 44/1997/828/1034, spec. § 36: « L'intérêt public ne saurait justifier l'utilisation d'éléments recueillis à la suite d'une provocation policière ». 585 V. sur la provocation policière au regard de la jurisprudence de la cour européenne: A. Philippart De Foy, « La provocation policière devant la Cour européenne des droits de l'homme », obs/s. Cour eur. dr. h., Bannikova c. Russie, 4 novembre 2010, in RTDH, n°88, octobre 2011, pp. 977-990; Ch. De Valkeneer, Commentaire de l'arrêt Ramanauskas c. Lituanie de la Cour européenne des droits de l'Homme et de quelques décisions récentes, in RTDH, n° 77, 1er janvier 2009, pp. 211-225. 586 R. Filniez, « Loyauté et liberté des preuves », Note sous Cass. crim., 31 janvier 2007, n° 06-82.383 et Cass. crim., 7 février 2007, n° 06-87.753 in R.S.C., 2007, pp. 331 et s. 587 V. en ce sens: CEDH, 9 juin 1998, Teixeira De Castro c/ Portugal, Requête n° 44/1997/828/1034, spec. § 35: « Plus particulièrement, la Convention n'empêche pas de s'appuyer, au stade de l'instruction préparatoire et lorsque la nature de l'infraction peut le justifier, sur des sources telles que des indicateurs occultes, mais leur emploi ultérieur par le juge du fond pour justifier une condamnation soulève un problème différent ». 588 V. en ce sens : CEDH, 5 février 2008, Ramanauskas c/ Lituanie, Requête n° 74420/01, spec. § 49: « La Cour souligne d'emblée qu'elle n'ignore pas les difficultés inhérentes au travail d'enquête et d'investigation de la police, chargée de rechercher et recueillir les éléments de preuve des infractions commises. Pour y parvenir, elle condition qu'elle soit «circonscrite et entourée de garanties» 589 . Le problème c'est que la 136 Cour de Strasbourg utilise une expression vague comme «circonscrite et entourée de garanties» 590 , qui pose un certain nombre de questions concernant l'étendue et la qualité de ces garanties. Donc, selon la juriprudence de la Cour de Strasbourg la simple intervention d'un agent infiltré ne constitue pas une violation du droit à un procès équitable, si cette intervention n'est . Au 591 pas de nature à exercer une influence, à inciter ou provoquer à commettre l'infraction contraire, la Cour de Strasbourg a jugé qu'il y avait provocation à la commission de l'infraction dans le cas où l'intervention a exercé une influence remarquable et que, sans elle, l'infraction n'aurait pas pu être commise : « la Cour conclut que l'activité des deux policiers a outrepassé celle d'un agent infiltré puisqu'ils ont provoqué l'infraction, et que rien n'indique que, sans leur intervention, celle-ci aurait été perpétrée. Cette intervention et son utilisation dans la procédure pénale litigieuse ont privé ab initio et définitivement le requérant d'un 592 procès équitable. Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1. »et qu' « il y a provocation policière lorsque les agents impliqués - membres des forces de l'ordre ou personnes intervenant à leur demande - ne se limitent pas à examiner d'une manière purement passive doit recourir de plus en plus souvent, notamment dans le cadre de la lutte contre le crime organisé et la corruption, aux agents infiltrés, aux informateurs et aux pratiques sous couverture ». 589 V. en ce sens: CEDH, 9 juin 1998, Teixeira De Castro c/ Portugal, Requête n° 44/1997/828/1034, spec. § 36: « L'intervention d'agents infiltrés doit être circonscrite et entourée de garanties même lorsqu'est en cause la répression du trafic de stupéfiants. En effet, si l'expansion de la délinquance organisée commande à n'en pas douter l'adoption de mesures appropriées, il n'en demeure pas moins que, dans une société démocratique, le droit à une bonne administration de la justice occupe une place si éminente (arrêt Delcourt c. Belgique du 17 janvier 1970, série A n° 11, p. 15, § 25) qu'on ne saurait le sacrifier à l'opportunité. Les exigences générales d'équité consacrées à l'article 6 s'appliquent aux procédures concernant tous les types d'infraction criminelle, de la plus simple à la plus complexe ». 590 Par exepmle : CEDH, 5 février 2008, Ramanauskas c/ Lituanie, Requête n° 74420/01, spec. § 53: « Toutefois, l'emploi ultérieur de telles sources par le juge du fond pour fonder une condamnation soulève un problème différent et n'est acceptable que s'il est entouré de garanties adéquates et suffisantes contre les abus et notamment d'une procédure claire et prévisible pour autoriser, exécuter et contrôler les mesures d'investigation dont il s'agit ». 591 V. en ce sens : CEDH, 7 septembre 2004, Eurofinacom c/ France, Requête n° 58753/00 : « Bref, s'il est vrai que les policiers enquêteurs ont provoqué l'offre prostitutionnelle qui leur a été personnellement faite le 30 décembre 1996 sur « 36-15 ALINE », ils n'ont pas à proprement parler incité à la commission des faits de proxénétisme qui ont fondé la condamnation de la société requérante, qui revêtaient un caractère permanent et étaient le fait, non des prostituées, mais, par définition, de la société requérante. Celle-ci ne saurait donc se plaindre à cet égard d'une méconnaissance de l'article 6 § 1 de la Convention ». 592 CEDH, 9 juin 1998, Teixeira De Castro c/ Portugal, Requête n° 44/1997/828/1034, spec. § 39 ; V. encore spec. § 38: « Aucune preuve n'alimente la thèse du Gouvernement selon laquelle le requérant avait une propension à commettre des infractions. De ces circonstances, il faut déduire que les deux policiers ne se sont pas limités à examiner d'une manière purement passive l'activité délictueuse de M. Teixeira de Castro mais ont exercé une influence de nature à l'inciter à commettre l'infraction ». l'activité délictueuse, mais exercent sur la personne qui en fait l'objet une influence de nature à l'inciter à commettre une infraction qu'autrement elle n'aurait pas commise, pour en rendre
90. Provocation à la commission d'une infraction et provocation à la preuve en droit libanais. La provocation à la preuve de l'infraction est un procédé admis en droit libanais En revanche, la provocation à la commission d'une infraction constitue un procédé déloyal. Selon Mme Fawzia Abdel-Sattar, la provocation est une façon de créer l'idée de l'infraction dans l'esprit de l'auteur alors qu'elle n'existait pas avant la provocation dans l'esprit de son auteur 594 . La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise
137 égard que la juriprudence libanaise est rare en matière de provocation policière. La provocation qui crée la commission de l'infraction dans l'esprit de l'auteur de l'infraction pour le faire prendre en flagrant délit est considérée comme une preuve obtenue de manière illégale. C'est très logique de sanctionner la preuve qui a été obtenue à la suite de provocations policières ayant pour but de prendre en flagrant délit la personne. En effet, la notion d'infraction flagrante nécessite naturellement et suppose la présence ou l'existence antérieure des preuves pour qu'elle soit qualifiée d'infraction flagrante. La provocation admise par la jurisprudence libanaise a lieu lorsque la provocation est un moyen pour découvrir et réunir des éléments de preuve de l'infraction à condition que l'idée de commettre 596 . l'infraction par l'auteur soit antérieure à l'acte de provocation 91. Provocation policière de la part des parties privées. La chambre criminelle de la Cour de cassation française fait preuve d'une tolérance ponctuelle face à ce moyen d'apporter la
593 CEDH, 5 février 2008, Ramanauskas c/ Lituanie, Requête n° 74420/01, spec. § 55. 594 F. Abdel-Sattar, Interprétation du code de procédure pénale libanais, Dar Al-Nahda al-Arabia (maison de la renaissance arabe), Beyrouth, 1975, n° 329, pp. 373-374, V. spec. p. 374. 595 Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise a considéré dans son arrêt rendu le 15/06/2006 numéro 185 (affaire Awde/ Moallim que la provocation à la commission d'une infraction est le fait de : « créer l'idée ou la création de la conception de commettre l'infraction dans un esprit vide de cette idée ». 596 V. en ce sens: Arrêt de la 6e Chambre criminelle de la Cour de cassation libanaise, décision n° 219, le 5/8/2003, in Les arrêts de la Chambre criminelle, Éditions juridiques Sader, 2003, pp. 447 et s., V. spec. p. 449. 597 V. Cass. Crim., 16 mars 1972, B.C., n° 108, p. 263: « Ne saurait constituer une provocation au délit, de nature à exonérer un prévenu de toute responsabilité pénale, l'intervention d'un individu, s'étant révélé ultérieurement être un indicateur, dès lors qu'elle n'a pas été déterminante de l'action délictueuse du prévenu et qu'elle n'a d'ailleurs pas annihilé sa liberté de décision ». 138 façon plus générale les preuves obtenues par stratagème. Selon Mme Renée Koering-Joulin, la chambre criminelle de la Cour de cassation française a une position plus nuancée: « elle les 599 admet de la part des parties privéesmais les refuse aux gardiens de l'ordre public, en opérant néanmoins une distinction bien connue entre agent provocateur et agent infiltré, entre provocation à la commission d'une infraction et provocation destinée à prouver une 600 infraction sur le point de se commettre ». La chambre criminelle de la Cour de cassation française, en se basant sur le triple visa de l'article 6 de la Convention, de l'article préliminaire du CPP français et du principe de la loyauté des preuves a jugé que la provocation à la commission d'une infraction par un agent de l'autorité publique est un procédé déloyal qui rend irrecevable en justice les preuves obtenues à l'aide des procédés ainsi 601 . mis en place 92. Provocation par l'indicateur en droit libanais. La cour criminelle du Mont Liban a considéré que le fait que l'indicateur crée l'idée de commettre l'infraction dans l'esprit de l'accusé a constitué la provocation illégale à la commission d'une infraction qui anéantit l'intention criminelle de l'accusé qui suppose sa volonté de commettre l'infraction ayant la volonté consciente et délibérée de commettre l'infraction 602 . L'indicateur a incité, influencé et poussé l'accusé à la commission d'une infraction, ce qui constitue une provocation illégale parce que l'indicateur a joué un rôle actif qui anéantit l'intention criminelle de l'accusé. Dans l'arrêt précédent, la Cour criminelle de Mont-Liban n'a pas évoqué expressément le principe de la loyauté de preuve pour sanctionner la provocation qui est effectuée par l'indicateur, mais sans aucun doute le fait de l'indicateur cité dans l'arrêt précédent qui constitue la provocation à la commission d'une infraction porte atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable. Il faut noter que la jurisprudence libanaise considère que le rôle de 598 V. par ex. Cass. civ. 2/ 7 octobre 2004, B.C., ci. n/247: «L'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué et conservé à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue... » 599 Par ex. Cass crim., 31 janvier 2007, B.C., n° 27 ; V. Sur l'ensemble de la question P. Lemoine, « La loyauté de la preuve à travers quelques arrêts récents de la chambre criminelle », in Rapport annuel 2004 de la Cour de cassation, pp. 165 et s. 600 Intervention de Mme R. Koering-Joulin, La chambre criminelle garante du droit à un procès équitable, lors du colloque du 3 mai 2010. Disponible en ligne sur le site officiel de la Cour de cassation française : http://www.courdecassation.fr/colloques_activites_formation_4/2010_3159/koering_joulin_16280.html 601 Cass. crim. 11 mai 2006, B.C., n° 132; V. Cass. crim., 4 juin 2008, B.C., n°141 : « la déloyauté d'un tel procédé rend irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus, quand bien même ce stratagème aurait permis la découverte d'autres infractions déjà commises ou en cours de commission ». 602 V. en ce sens: Arrêt de la cour criminelle du Mont Liban, décision n° 78, le 24/2/2004, in J. Bsaybess, La jurisprudence de la Cour criminelle 2000-2004, Éditions juridiques Sader, Beyrouth, 2005, n° 4, pp. 23-24. l'indicateur est d'informer l'autorité et la police judiciaire de l'existence d'une infraction, et il n'est pas acceptable que l'indicateur influence et encourage une autre personne à la 603 provocation à la commission d'infraction . Selon M. Fayez Al Iaali, il est interdit également 139 604 à l'officier de police judiciaire de provoquerune personne à commettre une infraction pour 605 ensuite arrêter l'auteur en cas de flagrant délitpendant la commission de l'infraction parce qu'une telle provocation est illégale et dans ce cas le fait de l'officier de police judiciaire est . 606 une complicité par provocation à l'infraction § 2. La fin justifiant les moyens. 93. Les moyens les plus efficaces au service de la justice. Que signifie la fin justifie les moyens dans la recherche de preuve ? L'expression « la fin justifie les moyens »607 implique que la fin occupe une place beaucoup plus importante que les moyens qui sont utilisés. Cependant, il faut une base légale qui détermine les exemptions du devoir de loyauté dans la 608 recherche des preuves. C'est comme une façon de couvrir la déloyauté de la preuve par un texte juridique qui légalise cette déloyauté dans le but de rendre la preuve obtenue de manière déloyale recevable en justice. Cette couverture juridique adoptée par le législateur empêche le juge de faire écarter ce mode de preuve qui devrait être normalement qualifié de preuve déloyale ainsi irrecevable en justice. L'intervention du législateur légalise un procédé ou un moyen de recherche de preuve qui est habituellement et logiquement déloyal. De ce qui précède découlent l'importance et la nécessité d'une base légale pour éviter l'arbitraire qui peut en résulter. Cependant, l'intervention du législateur ne peut pas être générale pour 603 V. en ce sens: Arrêt de la Cour criminelle du Mont Liban, décision n° 78, le 24/2/2004, in J. Bsaybess, La jurisprudence de la Cour criminelle 2000-2004, Éditions juridiques Sader, Beyrouth, 2005, n° 6, p. 26. 604 C'est-à-dire de pousser une personne à commettre une infraction. 605 On utilise l'expression flagrant délit pour designer le cas de flagrance et non la qualité de l'infraction (crime ou délit ...). 606 V. en langue arabe : F. Iaali, Procédure pénale, 1er éd., L'entreprise moderne du livre, Tripoli-Liban, 1994, p. 182. 607 On attribue à Machiavel la fameuse formule : « Qui veut la fin veut les moyens » ou « la fin justifie les moyens ». 608 V. D. Dechenaud, L'égalité en matière pénale, Thèse de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n° 210, p. 144 : « Lorsque la vérité est particulièrement difficile à découvrir, il semble logique de donner aux enquêteurs davantage de pouvoirs. En application du principe de la légalité criminelle, il appartient aux parlementaires de déterminer les hypothèses concernées, ainsi que les procédés d'investigation correspondants ». 140 concerner toutes les infractions parce qu'un texte général qui concernerait tous les types d'infraction désignerait de façon claire la mort ou le déclin total du principe de loyauté. Sans doute, la tendance ou l'orientation législative vers le non-respect total du principe de la loyauté de preuve en matière pénale va conduire la transformation du système pénal d'un État de droit vers le modèle de l'État de police609. Cependant, il n'est pas efficace non plus d'interdire tout type de provocations policières parce qu'on risque pratiquement de les paralyser dans certains contextes fractionnels, comme par exemple dans le cas de la 610 délinquance organisée comme le trafic de stupéfiants, le terrorisme ou le trafic d'armes. En général, dans le but de préserver l'efficacité de la justice pénale, et pour faciliter la recherche des infractions graves, le législateur français et beaucoup trop timidement le législateur libanais ont tenu compte de la nécessité pratique urgente d'adopter des procédures pénales 611 d'exception ou spéciales dans la recherche de la preuve lorsque l'infraction est grave. Dans ce cas, l'intervention du législateur est nécessaire parce qu'il fournit une couverture légitime face aux comportements et procédés qui sont utilisés dans la recherche et l'administration de preuve d'infractions pénales graves, et qui sont considérés normalement comme ayant été obtenus d'une façon déloyale. 94. Une déloyauté admissible. La législation est le fondement légal de l'admissibilité d'un manquement au devoir de loyauté dans la recherche et l'administration de la preuve pénale pour certaines catégories d'infractions qui sont qualifiées d'infractions graves. Il y a beaucoup de vrai si nous considérons que l'objectif principal du procès pénal reste toujours la recherche efficace de la vérité, mais la recherche des preuves qui visent à la manifestation de cette vérité doit toujours obéir aux dispositions d'une loi procédurale établissant un équilibre délicat mais désirable entre efficacité et légitimité 612 . Afin de faciliter l'obtention des preuves pour des infractions précises et en même temps échapper à la sanction d'un manquement au devoir de 609 V. K. Constant Katouya, Réflexions sur les instruments de droit pénal international et européen de lutte contre le terrorisme, Thèse de droit, Université Nancy 2, 2010, n° 873, p. 528 : «La réaffirmation des principes de l'État de droit dans le contexte de la lutte antiterroriste est reflétée dans les efforts, de tous les gouvernements successifs, de parvenir à concilier légalité et efficacité ». 610 M. Herzog-Evans, Procédure pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009, pp. 159 et s. 611 V. D. Thomas et al., « Les transformations de l'administration de la preuve pénale », in Arch.pol.crim., 2004/1, n° 26), pp. 113-124, V. spec. p. 116 : « L'adaptation de l'administration de la preuve pénale est rendue nécessaire en raison de l'apparition et du développement de nouvelles formes de délinquance auxquelles s'associent inévitablement de nouveaux modes de preuves ». 612 B. Renard, « Les analyses génétiques en matière pénale : l'innovation technique porteuse d'innovation pénale ? », in Champ pénal/Penal field, Séminaire Innovations Pénales, septembre 2007, disponible en ligne sur : http://champpenal.revues.org/1241: « pourtant une vérité qui ne peut être produite qu'en vertu des règles de procédure d'administration de la preuve, qui établit un équilibre entre légitimité et efficacité ». 141 loyauté dans la recherche des preuves, le législateur a inventé une nouvelle technique pour assurer la recevabilité de la preuve déloyale qui porte atteinte au principe de la loyauté des preuves en encadrant le manquement au devoir de loyauté pour des infractions précises par la loi. Cette loi fournit un encadrement légal qui ne permet pas aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits déloyalement puisque son but premier est de faciliter la constatation des infractions aux lois pénales précisées par la loi, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs. La fin justifie les moyens ne signifie pas que la recherche de preuve sera loyale, du point de vue de la loyauté de la preuve. C'est une façon de rechercher la preuve d'une manière déloyale mais conformément à la procédure puisque le législateur a légalisé et encadré expressément le recours à certains moyens de preuve recueillis de manière illicite. La loyauté de la preuve n'est pas une exigence absolue dans le procès pénal parce qu'un texte législatif peut purger les preuves obtenues déloyalement en s'appuyant sur la volonté du législateur. Chaque fois que la loi légalise et accepte la production de preuves recueillies de manière illicite ou déloyale, la jurisprudence ne peut pas écarter les preuves obtenues déloyalement. La preuve déloyale échappe à toute sanction si le législateur exprime sa volonté expresse de rendre un élément de preuve recevable en justice malgré son origine déloyale. A. L'émergence de la notion de preuve pénale de la dangerosité ou de l'ennemi. 95. La contribution du professeur allemand Günther Jakobs. Le droit pénal de l'ennemi est 613614 théorisé par le juriste allemand M. Günther Jakobs. M. Günther Jakobsa travaillé pour clarifier la distinction entre deux catégories de droit pénal dépendant de la personne visée : un 615 droit pénal de l'ennemi et un droit pénal du citoyen. Selon lui, il faut lutter contre le danger 613 Il faut prendre en compte la contribution de M. Carl Schmitt durant la période nazie et ses livres: Carl Schmitt, Der Begriff des Politischen, Berlin, 1932. Traduction française : La notion de politique, éd Flammarion, Paris, 1963. Dernière édition : éd Calman Levy, Paris, 1994 ; V. en ce sens: S. Aubert, « L'ennemi dans le Livre IV du Code pénal français: approches comparées », in Revue électronique de l'AIDP / Electronic Review of the IAPL / Revista electrónica de la AIDP, (ISSN - 1993-2995), 2012 A-02:1: « Selon Carl Schmitt, l'essence de la politique est de pouvoir choisir un ennemi et de doter l'appareil étatique de moyens illimités pour le détruire. L'ennemi n'est plus, dans cette conception, l'inimicus, mais bien l'hostis qu'il convient de tuer avant de soi-même mourir ». 614 V. sur le droit pénal de l'ennemi: G. JAKOBS, « Aux limites de l'orientation par le droit : le droit pénal de l'ennemi », in R.S.C., 2009, n° 1, pp. 7-18. 615 V. J. Walther, « L'instruction et le droit allemand », in J.-P. Céré (dir), Procédures pénales d'exception et Droits de l'homme, L'harmattan, 2011, p. 136 : « Toujours selon Günther Jakobs, là où le droit pénal du citoyen en utilisant des règles d'exception pour protéger la société contre ses ennemis « La lutte ne fonctionne pas dans le vide, mais selon des règles. L'État prévoit, pour les agents qui exécutent les normes, des règles qui limitent la lutte. Il s'agit, par conséquent, bien de droit pénal de l'ennemi. Les ennemis sont exclus selon des règles de droit et conformes au droit ; plus précisément ils s'excluent eux-mêmes. Il n'empêche que le droit pénal de l'ennemi maintient son caractère dangereux. C'est justement la raison pour laquelle il est important de donner une dénomination au phénomène et de caractériser ses règles comme du droit
l'importance de la pensée de M. Günther Jakobs dans le développement de la doctrine du droit pénal de l'ennemi « Parler, de nos jours, de doctrine du droit pénal de l'ennemi, c'est renvoyer à la pensée de Günther Jakobs et au débat international qu'a suscité son premier
142 contribution fondamentale et indéniable de M. Günther Jakobs qui a fourni une base pour l'élaboration d'une théorie détaillée concernant le droit pénal de la dangerosité et de
de cette contribution qui est sans doute antérieure à l'apparition du terrorisme moderne, c'est-
conforte le respect des normes, le droit pénal de l'ennemi combat des dangers - jusqu'à la destruction physique de l'ennemi ». 616 G. Jakobs, « Aux limites de l'orientation par le droit : le droit pénal de l'ennemi », in R.S.C., 2009, n° 1, pp. 7 et s. 617 G. Giudicelli-Delage, « Droit pénal de la dangerosité, droit pénal de l'ennemi », in R.S.C., 2010, n° 1, pp. 69-80. 618 V. P. Varjão Cruz, Le droit pénal de l'ennemi. Du phénomène au paradigme, Éditions universitaires européennes, 2011, V. spec. la description du livre. : « L'incrimination des risques, le durcissement des peines et la relativisation des garanties bouleversent le droit pénal classique. Pour justifier un tel traitement pénal aux criminels "dangereux", le professeur allemand Günther Jakobs propose la scission du droit pénal en "droit pénal du citoyen" et "droit pénal de l'ennemi", issue de la division des êtres humains entre personnes et non-personnes. Cette dépersonnalisation fait surgir la figure de l'ennemi auquel s'appliqueraient, au nom de la sécurité, un droit pénal de fond et une procédure pénale attentatoires aux libertés fondamentales. Au fond de cette problématique se cache le choix entre un droit pénal de culpabilité - consacré dans les États de droit - et un droit pénal de dangerosité - infiltré dans le droit pénal ordinaire». 619 V. sur ce point : G. Giudicelli-Delage, « Droit pénal de la dangerosité, droit pénal de l'ennemi », in R.S.C., 2010, n°1, pp. 69-80 : « La position de Jakobs est qu'il existe déjà un droit pénal de l'ennemi : son objectif n'est donc pas d'inventer ou de construire un tel droit mais simplement d'en constater l'existence. Etant précisé, que si le droit pénal de l'ennemi est souvent compris comme le droit pénal capable d'affronter les agressions venant des ennemis absolus que sont les terroristes, il faut se rappeler la date du premier essai de Jakobs, c'est-à-dire une date antérieure aux attentats du 11 septembre, et surtout constater que, pour ce dernier, le terroriste n'est que l'exemple extrême de l'ennemi et que c'est notamment sur la détention-sûreté allemande que Jakobs a fondé sa réflexion. La doctrine vise ainsi tous les dangereux et pas seulement les terroristes ». 620 Par exemple en Amérique : V. A. Mégie, « La guerre contre le terrorisme : discours, normes et pratiques au sein d'un ordre politique disloqué», in Ni guerre, ni paix : enquêtes sur les ordres politiques disloqués, Congrès Jakobs a lancé en 1990 l'idée principale de créer des lois spéciales pour éviter le péril qui menace la nation et la société face à de véritables ennemis parfois invisibles comme le 621 terrorisme . Les événements terroristes du 11 septembre 2001 ont accéléré la création de la 143 législation antiterroriste puisque les attentats du 11 septembre 2001 ont beaucoup motivé de nouvelles lois, procédures pénales et réglementations policières dans le monde entier sous forme de la guerre contre le terrorisme, ce qui montre bien à quel point la lutte antiterroriste est devenue importante et ce qui montre encore qu'il joue un rôle d'acteur quant à la procédure 622 pénale. 96. Le Liban n'a pas adapté sa législation. Au Liban, le législateur n'a pas adopté de lois spéciales dans le cadre de la lutte contre le terrorisme sur le plan procédural afin de faciliter l'obtention des preuves. Le législateur libanais n'a pas pris en considération les risques après les attentats du 11 septembre 2001. La position obscure du législateur libanais après ces événements peut être motivée par diverses raisons comme l'absence d'activités terroristes au Liban. Mais l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri à Beyrouth en 2005 et les crimes antérieurs et postérieurs mettent de nouveau en question la négligence du législateur libanais qui n'a jusqu'à maintenant adopté aucune loi concernant le droit pénal de l'ennemi surtout en matière de terrorisme malgré son importance dans la lutte contre le terrorisme et contre la criminalité organisée. Le législateur libanais a incriminé depuis longtemps les actes de terrorisme dans le Code pénal libanais. Cependant, le législateur libanais n'a pas complété la répression des infractions terroristes dans le Code pénal en améliorant le Code de procédure pénale libanais pour offrir des outils spécialisés qui encadrent la recherche des preuves pénales en matière de lutte contre le terrorisme afin que la justice établisse la culpabilité du AFSP (Association Française de Science Politique) Strasbourg 2011, p. 4 : « À la suite du 11 septembre 2001, l'administration Bush décide, de construire un arsenal juridique dont l'objectif est de soustraire les autorités militaires et policières à ces règles afin de pouvoir répondre à l'obsession opérationnelle et politique de la chasse aux renseignements ». 621 V. sur ce point: S. Aubert, « L'ennemi dans le Livre IV du Code pénal français: approches comparées », in Revue électronique de l'AIDP / Electronic Review of the IAPL / Revista electrónica de la AIDP, (ISSN - 19932995), 2012 A-02:1: « Nous serions tentés dans un souci de simplification, de situer historiquement ce bouleversement à l'effondrement des Tours jumelles le 11 septembre 2001. En réalité, il faut remonter aux écrits de Günther Jakobs pour voir naître le concept de Feindstrafrechts et plus particulièrement à un Congrès qui s'est tenu en octobre 1999 ». 622 V. sur ce point: Mireille Delmas-Marty, « Études juridiques comparatives et internationalisation du droit », in L'annuaire du Collège de France, 109 | 2010, pp. 603-627 ; Disponible en ligne : http://annuaire-cdf.revues.org/374: « Au vu de ces évolutions apparemment convergentes, l'hypothèse semble plausible d'un effet indirect des attentats du 11 septembre 2001 qui auraient en quelque sorte libéré les responsables politiques, symboliquement et juridiquement, de l'obligation de respecter les limites propres à l'État de droit ; et ainsi déclenché, par une série d'ondes de choc, des mouvements qui sont d'autant moins contrôlables qu'ils relèvent pour une large part des interdépendances liées aux phénomènes d'internationalisation du droit ». 144 prévenu ou de l'accusé. Le Code pénal libanais du 1er mars 1943, dans son chapitre II, est consacré au terrorisme et vise les crimes portant atteinte à la sécurité de l'État et les articles 6 et 7 de la loi du 11 janvier 1958 relatifs à la répression de la sédition, de la guerre civile et de la lutte confessionnelle incriminent les actes terroristes et complots en vue d'attenter à la vie humaine. L'article 5 de la loi du 11/01/1958 énonce que « subit les travaux forcés à perpétuité quiconque s'aventure, dans le but de commettre ou faciliter l'un des crimes mentionnés dans les articles précédents ou n'importe quel autre crime contre l'État, à fabriquer, posséder, s'approprier des matières explosives ou inflammables, et des produits toxiques ou brûlants ou des éléments qui entrent dans leur composition ou leur fabrication ». L'article 6 de la loi du 11/01/1958 dispose que « tout acte terroriste nécessite les travaux forcés à perpétuité. Et ce même acte nécessite la peine capitale dans le cas où il entraîne la mort d'un être humain ou la destruction entière ou partielle d'un bâtiment dans lequel se trouve un être humain et dans le cas où il ne résulte la destruction, même partielle, d'un bâtiment public, des entreprise industrielle, d'un navire ou d'autres installations ou aussi l'entrave des moyens des services de renseignements, de la communication, et du transport ». La législation relative aux drogues permet aux autorités publiques de rechercher la preuve des infractions qui sont relatives aux drogues et contre le trafic illicite de stupéfiants par un mode procédural simplifié et accéléré. Pour lutter contre l'espionnage et les crimes contre l'État et la nation, en raison de l'absence de texte spécial qui propose des options de recherche facilitant la recherche des preuves, le législateur libanais est appelé à intervenir pour mettre fin à la violation des droits commis par les services de renseignements militaires et les services de renseignement des forces de sécurité intérieure pendant la recherche des preuves et des renseignements dans la lutte contre l'espionnage militaire et les crimes contre l'État623. Le législateur devrait combler ce vide juridique. La lutte contre l'espionnage milliaire souffre du vide juridique qui se comble au nom de la sûreté nationale par des pratiques illégales et des atteintes aux droits de l'homme dans le but de rechercher les preuves. En même temps, le législateur libanais devrait intervenir afin de lutter légalement plus efficacement contre l'espionnage en améliorant de façon significative et légale tous les moyens de rendre plus efficaces la collecte d'information et la recherche de preuves des crimes contre la nation et la sûreté générale de l'État624. 623 Les services de renseignement militaires libanais ont arrêté plusieurs réseaux soupçonnés d'espionnage pour le compte d'Israël. 624 Surtout avec la chute des dizaines de réseaux d'espionnage au Liban en 2009. En fait aucun texte ou loi organise ou dispose une procédure exceptionnelle dans l'administration de preuve concernant les infractions d'espionnage militaire qui nécessitent des dérogations visant à faciliter la recherche de la preuve pour protéger et préserver la sécurité nationale. 97. Les traits caractéristiques du droit de la preuve pénale de la dangerosité ou de l'ennemi. Sans doute une lutte efficace contre la délinquance organisée impose en effet la mise 625 en oeuvre d'une procédure particulière . Les opérations sous couvertures constituent une méthode qui vise à faciliter la recherche de preuve des infractions graves surtout dans la lutte contre la criminalité organisée et dans le cadre de la lutte antiterroriste et antidrogue et parfois pour le renforcement des mesures de lutte des crimes contre la nation et la sûreté générale de l'État. Les liens entre la procédure pénale qui englobe l'ensemble des règles qui gouvernent la recherche de preuve et le droit pénal sont indissociables puisqu'il n'existe pas de droit pénal
145 permet d'exprimer la réalité de plusieurs législations qui légalisent des méthodes et pratiques de recherches de preuve par des procédés déloyaux par nature pour certaines infractions afin 628 de faciliter la recherche des preuves d'une infraction. Certaines pratiques policières non ordinaires qui sont utilisées dans la recherche des preuves permettent de conclure que c'est un indice indirect de l'enracinement d'une doctrine pénale qui est basée sur la dangerosité. Ce qui précède va avoir des conséquences comme la consécration et le renforcement de pratiques efficaces dans la recherche des preuves afin de combattre et d'arrêter les ennemis de l'État qui peuvent mettre en danger et menacer cette société, pour les présenter devant la justice 629 criminelle. En droit libanais, la loi numéro 673 du 16/03/1998 relative aux stupéfiants et 625 V. sur la recherche de preuve en matière de criminalité organisée : W. Mohemed Hagag Ahmed Abdel-Hafez, La preuve en matière de criminalité organisée, Thèse de droit, Université de Nantes, 2004. 626 G. Giudicelli-Delage, « Droit pénal de la dangerosité - Droit pénal de l'ennemi » in R.S.C., 2010, p. 69 : « ce droit pénal matériel de l'ennemi s'accompagne d'un droit procédural de l'ennemi, droit dérogatoire, qui restreint ou annihile les règles du procès équitable (n'y ont plus cours le droit au juge naturel, les droits de la défense, le droit au silence, le droit au recours, etc.) - il raisonne alors principalement sur le terroriste. Le procès équitable est donc un droit du citoyen, il n'est pas celui de l'ennemi ». 627 V. G. Jakobs, « Aux limites de l'orientation par le droit : le droit pénal de l'ennemi », in R.S.C., 2009, n° 1, pp. 7 et s: « Et, également en parallèle avec le droit pénal de fond, on constate des normes « de droit pénal de l'ennemi procédurales » : c'est très flagrant en ce qui concerne la façon dont on traite les dangers terroristes ». 628 J. Leblois-Happe, X. Pin et J. Walther, « Chronique de droit pénal allemand » (Période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009), in R.I.D.P., 2010/1, Vol. 81, pp. 277-310 : Mme Jocelyne Leblois-Happe considère le droit pénal de l'ennemi comme « une construction théorique qui entend expliquer la constance des coups de boutoirs qui ébranlent ces dernières années l'édifice du droit pénal et de la procédure pénale classique née des Lumières ». 629 V. sur ce point : G. Guidicelli-Delage (dir.) et H. Matsopoulou (coord.), « Les transformations de l'administration de la preuve pénale. Perspectives comparées. Allemagne, Belgique, Espagne, États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni », in Mission de recherche Droit et Justice / Synthèse 107 /, décembre 2003, p. 4 : « Pour faire face à la criminalité organisée et au terrorisme, les enquêteurs et magistrats sont dotés, dans la plupart des pays, de pouvoirs dérogatoires au droit commun, justifiés par les difficultés accrues d'établissement des preuves et la dangerosité de ces organisations criminelles. Ainsi, les principes du procès substances psychotropes comporte des dispositions et procédures qui visent à faciliter la recherche des preuves des infractions relatives aux drogues et contre le trafic illicite de stupéfiants et substances psychotropes. Le législateur libanais a promulgué la loi numéro 318 du 20 avril 2001 qui s'applique aux infractions qualifiées de blanchiment d'argent provenant d'infractions. Cette loi vise encore à faciliter la recherche de preuve dans la lutte contre le blanchiment d'argent. Le blanchiment d'argent trouve sa source dans les différentes techniques de la criminalité financière (trafic de drogue, d'armes, extorsion, activités mafieuses, fraudes fiscales...). En France, la loi du 9 mars 2004 dite Perben II portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a pour objectif principal de renforcer l'efficacité des règles de procédure pénale applicables à la délinquance et à la criminalité
de police judiciaire concernant l'infiltration des réseaux, les écoutes téléphoniques, la 631 perquisition et la garde à vue. Selon M. David Dechenaud, « la loi du 9 mars 2004 a institué une procédure ayant vocation à s'appliquer à toutes les infractions de criminalité organisée. Cette réforme a introduit un nouveau titre dans le Code de procédure pénale, relatif à la criminalité et à la délinquance d'entente (V. art. 706-73 à 706-106 CPP français), dont les dispositions concernent les crimes et délits aggravés par la circonstance de bande organisée
146 tour, Mme Julie Alix souligne que la loi du 9 mars « a consacré, en droit français, la notion de criminalité organisée, non définie mais composée d'un certain nombre d'infractions équitable sont souvent aménagés ou écartés en matière de lutte contre le terrorisme et contre la criminalité organisée ». 630 V. D. Dechenaud, L'égalité en matière pénale, Thèse de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n° 220, pp. 150-151 : « De même, la loi n° 2007-1598 du 13 novembre 2007 a ajouté à l'énumération les infractions de corruption et de trafic d'influence, auxquelles certaines règles de procédure applicables à la criminalité organisée peuvent désormais s'appliquer ». (V. art. 706-1-3 CPP français). 631 V. sur la loi du 9 mars 2004 : P. Kramer, « La loi Perben II et les évolutions de la justice pénale », in Etudes, 2005/2, Vol. 402, pp. 175-183, V. spec. pp. 166-177 : « A partir de cet ensemble, est créé un droit pénal d'exception applicable à cette liste d'infractions particulièrement graves (une quinzaine : meurtre, enlèvement, proxénétisme, acte de terrorisme, blanchiment...), quelquefois commises en bande organisée. Face à ce type de crimes et délits, considérés comme signe d'une participation, dans certaines circonstances, à des formes organisées de criminalité, les enquêteurs peuvent utiliser des moyens de procédure encore plus coercitifs que ceux qui étaient déjà disponibles. Ainsi : des perquisitions peuvent intervenir la nuit ; la durée des garde à vue peut dépasser quarante-huit heures ; des écoutes peuvent intervenir plus facilement ; des opérations d'infiltration du milieu par des policiers deviennent possibles ; un statut des repentis qui collaborent avec la police est organisé, avec des réductions de peines en leur faveur ». 632 D. Dechenaud, L'égalité en matière pénale, Thèse de droit, L.G.D.J., 2008, Préface de Patrick Maistre du Chambon, n° 220, p. 150. commises en bande organisée et énumérées à l'article 706-73 du Code de procédure pénale. 633 Par cette loi, le terrorisme intègre la catégorie de la criminalité organisée. ». B. La nécessité de nouveaux outils d'administration de la preuve non ordinaire pour certaines infractions graves. 98. Combattre la criminalité grave et organisée nécessite un renforcement des outils juridiques. Mme Julie Alix, dans sa thèse intitulée « terrorisme et droit pénal. Étude critique des incriminations terroristes » précise que les outils juridiques d'investigation et de recherche des preuves utilisés dans les cas normaux et ordinaires qui concernent la criminalité classique apparaissent inefficaces pour combattre la criminalité grave et organisée et particulièrement le terrorisme « traditionnellement, l'enquête de police judiciaire a vocation à rechercher des indices permettant d'identifier les auteurs d'une infraction déjà commise, ou dont la commission est imminente. Dans le cadre d'une criminalité de type « classique », cette enquête s'inscrit en outre dans une relation entre un auteur et une victime, celle-ci (ou ses proches) étant le plus souvent la dénonciatrice de celui-là, et une précieuse source d'information. Ce cadre classique se révèle totalement inadapté pour lutter contre les 634 . Le criminalités collectives et organisées en général, et contre le terrorisme en particulier » système juridique doit assurer et renforcer de nouveaux instruments et outils efficaces d'investigations et de recherche de preuve pour offrir aux autorités étatiques et judiciaires la capacité de découvrir le crime terroriste et organisé et ses auteurs « l'adaptation de la procédure pénale à cet objet de recherche a conduit le législateur à développer de nouvelles techniques d'investigation destinées à faciliter l'information des enquêteurs ainsi que le
147 la recherche de preuve en matière de terrorisme, le législateur a renforcé les moyens d'investigation, « quelle que soit l'autorité chargée des poursuites et de l'instruction, tous les moyens d'investigation sont renforcés en matière terroriste, afin d'assurer et de faciliter la 633 J. Alix, Terrorisme et droit pénal. Étude critique des incriminations terroristes, Thèse de droit, Dalloz, Paris, Préface de Geneviève Giudicelli-Delage, 2010, n° 527, p. 418. 634 J. Alix, Terrorisme et droit pénal. Étude critique des incriminations terroristes, Thèse de droit, Dalloz, Paris, Préface de Geneviève Giudicelli-Delage, 2010, n° 519, p. 411. 635 J. Alix, Terrorisme et droit pénal. Étude critique des incriminations terroristes, Thèse de droit, Dalloz, Paris, Préface de Geneviève Giudicelli-Delage, 2010, n° 519, p. 411. 148 découverte des preuves et le renvoi consécutif des participants devant une juridiction de jugement »636. 99. La provocation policière dans certains secteurs graves de la criminalité. Le législateur par la loi du 19 637 français est intervenu face aux ravages de certaines formes de la criminalité décembre 1991 qui a légitimé certaines pratiques en matière de trafic de drogue, en application de la convention de Vienne du 19 décembre 1988 contre le trafic illicite de 638 stupéfiants. Selon M. Jean Pradel, ce qui a été admis pour le trafic de drogue en décembre 1991 a été étendu aux infractions de criminalité organisée par la loi du 9 mars 2004. Ensuite, une loi du 5 mars 2007 a étendu la technique de provocation à d'autres infractions qui, quoique ne faisant pas partie de la famille de la criminalité organisée, sont cependant 639 graves . Il y a toutefois une hypothèse où la provocation policière est licite, c'est celle où l'infraction relève de la criminalité organisée, mais à la condition que la manoeuvre serve à révéler l'infraction pour mieux la prouver, non à la commettre (art. 706-81 s. CPP français.). (V. art. 640 Ce système a été étendu par une loi du 5 mars 2007 à certaines autres infractions
636 J. Alix, Terrorisme et droit pénal. Étude critique des incriminations terroristes, Thèse de droit, Dalloz, Paris, Préface de Geneviève Giudicelli-Delage, 2010, n° 465, p. 374. 637 V. sur l'évolution de la criminalité et la recherche des preuves : A. Jacobs, « La loi du 6 janvier 2003 concernant les méthodes particulières de recherche et quelques autres méthodes d'enquête », in Rev. Dr. ULg., 2004/1, Doctrine, pp. 15-69, V. spec. p. 15 : « L'évolution de la criminalité, en particulier de ce qu'il est maintenant convenu d'appeler la criminalité grave et organisée, a amené les services de police à adapter leurs méthodes de recherche des infractions et de leurs auteurs. C'est ainsi que sont apparus les repérages et les écoutes téléphoniques, l'infiltration des milieux criminels par des membres des services de police sous la forme des pseudo-achats, livraisons contrôlées et autres techniques tendant à mettre au jour et à constater les trafics en tous genres, voire à recueillir des informations utiles ». 638 La France a signé la convention de Vienne le 13 février 1989 et qui est entrée en vigueur le 31 mars 1993, suite à sa publication par décret du 8 mars 1991. 639 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 417, p. 362. 640 J. Pradel, « Procédure pénale janvier 2006 - décembre 2006 », in D., 2007, pp. 973 et s. 641 L'article 706-35-1du CPP français dispose : « Dans le but de constater les infractions mentionnées aux articles 225-4-1 à 225-4-9, 225-5 à 225-12 et 225-12-1 à 225-12-4 du Code pénal et, lorsque celles-ci sont commises par un moyen de communication électronique, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, les officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours de l'enquête ou sur commission rogatoire peuvent, s'ils sont affectés dans un service spécialisé et spécialement habilités à cette fin, dans des conditions précisées par arrêté, procéder aux actes suivants sans en être pénalement responsables :1° Participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques ; 2° Etre en contact par ce moyen avec les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ; 3° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret. A peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions ». 642 L'article 706-47-3 du CPP français dispose : « Dans le but de constater les infractions mentionnées aux articles 227-18 à 227-24 du code pénal et, lorsque celles-ci sont commises par un moyen de communication 149 C'est d'abord la préparation à la provocation par le biais de la surveillance. Elle est la généralisation des livraisons surveillées pratiquées en matière de trafic de drogues et consiste pour les enquêteurs à s'immiscer dans des réseaux de criminels pour en surveiller le fonctionnement et déterminer les membres. Les enquêteurs doivent avoir informé au préalable le Procureur de la République, qui ne doit pas s'y opposer, et ils peuvent agir sur l'ensemble du territoire national, mais seulement à l'égard de personnes contre lesquelles il existe des raisons plausibles de les soupçonner d'avoir commis l'une des infractions visées aux articles 706-73 et 706-74 du CPP français. 2° C'est ensuite la réalisation de la provocation par l'infiltration. Plus grave, elle ne peut concerner que les infractions de criminalité organisée 643 de l'article 706-73.» .
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portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a profondément marqué la électronique, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, les officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours de l'enquête ou sur commission rogatoire peuvent, s'ils sont affectés dans un service spécialisé et spécialement habilités à cette fin, dans des conditions précisées par arrêté, procéder aux actes suivants sans en être pénalement responsables : 1° Participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques ; 2° Etre en contact par ce moyen avec les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ; 3° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret. A peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions ». 643 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 418, p. 362. 644 J. Leblois-Happe, « La recherche des preuves par dissimulation », in La loi PERBEN II du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg. 645 V. sur l'effet de la loi du 9 mars 2004 sur la recherche de preuve en droit français : C. Marie, « La montée en puissance de l'enquête », in AJ Pénal, 2004, p. 221 : « Dans un premier temps, c'est pour les infractions de terrorisme, de proxénétisme, de trafic de stupéfiants, « bêtes noires » du droit pénal, qu'un régime procédural, fortement dérogatoire, notamment quant à la recherche des preuves, a été mis en place par le législateur. La loi procédure pénale française en introduisant nombre de nouvelles techniques de preuve utilisables dans le cadre d'une procédure spécifique en matière de criminalité organisée, de
150 mars 2004, par les articles 706-81 et suivants de cette loi. Cette procédure d'infiltration est donc applicable aux seules criminalité et délinquance organisées. Dix-huit infractions, dont le trafic de stupéfiants, sont visées à l'article 706-73 du CPP français qui établit le champ d'application des textes spéciaux. A peine de nullité, en application de l'article 706-81 du CPP français, l'autorisation d'infiltration donnée par le Procureur de la République ou par le juge d'instruction doit être écrite et spécialement motivée. « La procédure d'infiltration doit être autorisée soit par le Procureur de la République (par décision motivée et écrite) en cas d'enquête préliminaire ou de flagrance, soit par le juge d'instruction (en cas d'instruction déjà ouverte) et après avis du procureur. Dans ce type d'enquête, les policiers pourront transporter de la drogue, en acquérir afin de faire tomber des délinquants, sans que leurs 648 . actes puissent faire l'objet de poursuites » 102. Les livraisons surveillées de stupéfiants en droit libanais. Le recours à cette technique 649 participe de la nécessité du démantèlement du réseau de trafiquants. Sans hésitation les livraisons surveillées constituent des provocations à la preuve en matière de stupéfiants. En , l'article 220 de la loi n° 673 du 16/03/1998 relative aux stupéfiants et 650 droit libanais substances psychotropes autorise le recours à des livraisons surveillées avec la permission du procureur général près la Cour de cassation et le directeur général des douanes afin d'identifier les individus impliqués dans ces crimes et d'engager des poursuites à leur encontre. Il existe n° 2004-204 du 9 mars 2004portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité renforce cette tendance». 646 V. M. Schwendener, « L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté », in AJ Pénal, 2005, pp. 267 et s : « Pour garantir une mise en oeuvre sécurisée des opérations d'infiltrations, qui soit à la fois conforme aux textes et au principe de loyauté, le décret n° 2004-1026 du 29 septembre 2004 a porté création, au sein de la Direction centrale de la police judiciaire, du Service interministériel d'assistance technique (SIAT). Ce service est le seul habilité à recruter, former et habiliter les fonctionnaires de la police nationale ou de la douane ou les militaires de la gendarmerie pouvant participer aux opérations d'infiltration. Il centralise par ailleurs les informations relatives à ces opérations demandant un grand professionnalisme en raison des risques encourus par ceux qui y participent ». 647 V. D. Thomas et al., « Les transformations de l'administration de la preuve pénale », in Arch.pol.crim., 2004/1, n° 26), pp. 113-124, V. spec. pp. 118-119 : « En encadrant strictement certaines pratiques policières - telle l'infiltration -, le législateur français a enfin pris conscience de la nécessité de protéger le principe de loyauté qui constitue incontestablement la règle fondamentale devant régir l'administration de la preuve ». 648 C. Ambroise-Casterot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 254, p. 180. 649 J. Ngoba, Le droit de la drogue au Cameroun: Analyse d'une réforme législative, L'Harmattan, 2010, p. 43. 650 La technique des livraisons surveillées est communément considérée comme une invention américaine. 151 encore des opérations de surveillance passive connues sous le nom de livraisons accompagnées de stupéfiants. Le droit libanais ne connaît pas les livraisons accompagnées de stupéfiants par les policiers.
commanditaires et les destinataires du trafic (et pas seulement des convoyeurs)653. Elles sont subordonnées à l'information préalable du procureur de la République (enquête) ou du juge d'instruction (information). Les livraisons accompagnées sont, elles, des opérations actives 651 L'article 706-80 du CPP français dispose : « Les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire, après en avoir informé le Procureur de la République et sauf opposition de ce magistrat, peuvent étendre à l'ensemble du territoire national la surveillance de personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d'avoir commis l'un des crimes et délits entrant dans le champ d'application des articles 706-73 ou 706-74 ou la surveillance de l'acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission de ces infractions ou servant à les commettre. L'information préalable à l'extension de compétence prévue par le premier alinéa doit être donnée, par tout moyen, au Procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter ou, le cas échéant, au Procureur de la République saisi en application des dispositions de l'article 706-76 ». 652 M. Schwendener, « L'action de la police judiciaire confrontée à l'exigence de loyauté », in AJ Pénal, 2005, pp. 267 et s. 653 V. B. Bouloc, « Les abus en matière de procédure pénale », in R.S.C., 1991, p. 221 : « Ainsi le fait de se présenter comme un acheteur potentiel de drogue et de constater une infraction à la législation sur les stupéfiants est-il pleinement admis, dans la mesure où le policier n'as pas été l'élément déterminant ou moteur de l'opération. Sans doute, en ce cas, la volonté du délinquant n'a pas été infléchie par telle pression, de sorte qu'on ne saurait parler de « contrainte », mais il reste que le procédé de constatation est un peu en marge de la méthode officielle : un agent de l'État doit opérer de manière visible et loyale, les insignes de sa fonction devant être apparents... ». 152 d'infiltration destinées à procéder à l'arrestation de l'ensemble des responsables du trafic. Elles nécessitent l'autorisation préalable du Procureur de la République (ou du juge d'instruction). La loi du 9 mars 2004 étend, à compter du 1er octobre 2004, le recours aux techniques d'infiltration à la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées (art. 706- 80 et s. CPP)654. L'infiltration est, elle, réglementée par l'article 706-81 à 706-87 CPP français. Elle est subordonnée à l'autorisation écrite préalable et motivée du Procureur de la République (enquête) ou du juge d'instruction (instruction), autorisation donnée pour 655 une durée de quatre mois maximum mais renouvelable indéfiniment. L'autorisation de procéder à une livraison contrôlée ne crée pas de présomption de régularité de la procédure. La provocation à l'infraction par un agent de l'autorité publique exonère le prévenu de sa responsabilité pénale lorsqu'elle procède de manoeuvres de nature à déterminer les 656 agissements délictueux portant ainsi atteinte au principe de la loyauté des preuves. La 657 frontière entre qualités manoeuvrières et déloyauté caractérisée est délicate à déterminer. Sans doute, la provocation policière peut exercer quelque influence sur la volonté criminelle 658 du délinquant. Au plan procédural, il s'agit de savoir si l'attitude policière (provocation) n'est pas de nature à vicier la procédure en raison de l'atteinte qu'elle porterait au principe de 659 . la loyauté de preuves 105. Le Conseil constitutionnel français sanctionne l'inconstitutionnalité partielle de la loi du 9 mars 2004. Sans doute, le Conseil constitutionnel reste le garant essentiel du respect des droits fondamentaux de l'homme et d'un procès équitable dans le procès pénal d'un État de droit : « Le juge constitutionnel est, d'un côté, le garant du respect des principes essentiels qui constituent l'essence de l'État, et il est, d'un autre côté, le garant des droits de l'Homme, qui appartiennent aussi à ces principes et constituent l'un des piliers des démocraties 654 J. Leblois-Happe, « La recherche des preuves par dissimulation », in La loi PERBEN II du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg. 655 J. Leblois-Happe, « La recherche des preuves par dissimulation », in La loi PERBEN II du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg. 656 Cass. crim., 5 mai 1999, « La provocation à l'infraction par un douanier peut-elle exonérer le prévenu de sa responsabilité pénale ? », in D., 1999, p. 325. 657 P. Gagnoud, L'enquête préliminaire et les droits de la défense, Thèse de droit, Université Nice Sophia-Antipolis, 1997, n° 206, p. 295. 658 F. Démanya Akouete, L'enquête préliminaire dans la procédure pénale Togolaise, Thèse de droit, Université de Toulouse, 2002, p. 112. 659 F. Démanya Akouete, L'enquête préliminaire dans la procédure pénale Togolaise, Thèse de droit, Université de Toulouse, 2002, p. 114. modernes » 660 . Selon une formule classique, le Conseil constitutionnel dans une décision 153 n° 86-213 DC du 3 septembre 1986 sur la loi relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'État, rappelle dans (§12) qu': « il est loisible au législateur, compétent pour fixer les règles de la procédure pénale en vertu de l'article 34 de la Constitution, de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, pourvu que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense ». Dans sa décision du 2 mars 2004, le Conseil constitutionnel sanctionne l'inconstitutionnalité partielle de ce texte en invalidant deux 661 dispositions et en faisant sept réserves d'interprétation quant à son application. Le Conseil constitutionnel réaffirme que « si le législateur peut prévoir des mesures d'investigation spéciales en vue de constater des crimes et délits d'une gravité et d'une complexité particulières, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, c'est sous réserve que ces mesures soient conduites dans le respect des prérogatives de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle et que les restrictions qu'elles apportent aux droits constitutionnellement garantis soient nécessaires à la manifestation de la vérité, proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n'introduisent pas 662 . de discriminations injustifiées » |
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