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La légalite des moyens de preuve dans le procès pénal en droit français et libanais


par Ali Ataya
Ecole doctorale 88 Pierre Couvrat (Poitiers) - Droit et Sciences Politique, Université du Maine - Thèse de doctorat en Droit privé 2013
  

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B. L'application stricte de la liberté de preuve opposée à la loyauté.

74. Le triomphe de la liberté dans la recherche de la preuve. Les systèmes répressifs libanais et français sont caractérisés par une liberté dans la recherche et l'administration des

471

.

preuves pénales. Le principe de la liberté de la preuve prédomine en matière répressive

Dans un système reposant sur la liberté de la preuve, l'application stricte de cette liberté contribue effectivement au déclin ou à la faiblesse du principe de la loyauté de preuve. La question qui demeure est celle de savoir : comment le principe de la liberté de preuve contribue-t-il au déclin ou à la faiblesse du principe de la loyauté ? Ce principe de liberté s'oppose-t-il vraiment à la loyauté de preuve ? À vrai dire, nous ne trouvons nulle part une contradiction entre liberté et loyauté de la preuve en matière pénale, mais tout le problème réside dans la notion et l'application du principe de liberté de preuve. La liberté doit coïncider avec la loyauté, contrairement à un certain avis radical qui encourageant l'efficacité dans la recherche de la vérité et affirmant que « la vérité prime sur la loyauté ». La liberté totale de la preuve va être en contradiction avec la loyauté de preuve et va sans doute transformer ce principe de liberté de preuve en un véritable moyen d'abus de pouvoir pour les autorités répressives, ce qui va augmenter l'arbitraire et la violation des libertés individuelles. Malheureusement, la pratique en droit libanais et français nous montre que l'application du principe de liberté de preuve est stricte, ce qui contribue sans doute au déclin du principe de loyauté parce que cette liberté absolue admet la preuve par tout moyen sans prendre en considération que l'admission de la preuve est liée à la façon dont la preuve est recherchée. La liberté de preuve doit être considérée comme une liberté de choix du mode de preuve prévu ou encadré par le Code de procédure pénale libanais et français, et ce n'est pas une liberté absolue de rechercher la preuve par n'importe quel moyen non prévu expressément par la loi ou portant atteinte aux principes généraux du droit. L'application stricte de la liberté de preuve en droit libanais et français défigure le principe de la liberté de preuve et le transforme en un principe sans limites qui pourrait être aussi une menace très dangereuse pour la liberté individuelle.

75. Le triomphe de la liberté dans l'appréciation de la preuve. Dans le système de liberté de la preuve adopté en droit libanais et français, appelé système de la preuve morale, le juge est laissé libre de déterminer d'après son intime conviction le crédit qui doit être accordé aux

471 Ph. Delebecque, J.-D. Bretzner et Th. Vasseur, « Droit de la preuve », in D., 2008, pp. 2820 et s.

113

preuves qui lui sont présentées. Selon M. Édouard Verny « la procédure pénale est dominée, quant aux éléments pouvant être soumis à l'appréciation du juge, par le système des preuves morales, par opposition à celui des preuves légales » 472 . Ce système473 donne au juge pénal une entière liberté d'appréciation du choix et de la valeur des preuves. Le but de cette procédure d'appréciation est d'évaluer la valeur et la force probante de tous les éléments de

474

preuve

475

, le juge doit apprécier les preuves pour prononcer le jugement

. L'appréciation des

476

éléments de preuve soumis au juge

477

constitue une opération intellectuelle. Le juge du fond

apprécie les éléments de preuve qui sont recueillis tout au long du procès pénal, pendant les

différentes phases qui structurent le procès pénal478. L'appréciation de la preuve par le juge signifie que ce dernier doit accorder aux éléments de preuve la valeur et le poids qu'ils méritent afin de rendre son jugement. Le principe de l'intime conviction n'est point synonyme

d'arbitraire 479 , et n'admet pas une condamnation sans preuve comme affirme Mme Haritini

480

Matsopoulou. Mais l'application stricte de l'intime conviction du juge s'oppose à la loyauté.

472 É. Verny, Procédure pénale, 3e éd., Dalloz, 2012, n° 28, p. 22.

473 V. sur la liberté de la preuve et l'intime conviction : J. Patarin, « Le particularisme de la théorie des preuves en droit pénal», in G. Stefani (dir), Quelques aspects de l'autonomie du droit pénal : études de droit criminel, Éditions Dalloz, 1956, pp. 7-76, V. spec. pp. 54 : « L'intime conviction et la liberté de la preuve restent plus favorables à la recherche de la vérité que tout système de preuves légales qui ne serait pas fondé sur la recherche d'une attitude scientifique ».

474 V. J. De Codt, « Les nullités de l'instruction préparatoires et le droit de la preuve. Tendances récentes », in R.D.P.C., 2000, n° 1, p. 63 : « Apprécier une preuve, c'est vérifier l'existence d'un lien logique entre un fait et une constatation, et la déduction qu'on prétend en tirer. Il appartient de toute évidence au juge du fond de rechercher si les preuves qui lui sont soumises sont aptes à fonder rationnellement une conviction ».

475 F. Hélie, Traité d'instruction criminelle ou théorie du code d'instruction criminelle, Charles Hingray Libraire-éditeur, Paris, 1853, Vol. 5, p. 421 : M. Faustin Hélie affirme que « L'intime conviction du juge doit être le seul de la justice humaine ».

476 V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 3e éd., Economica, 2013, n° 625, p. 457 : « Le principe de l'intime conviction : corollaire nécessaire du principe de liberté des preuves. ».

477 V. C. Ambroise-Castérot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 261, p. 185 :« Il semble que l'intime conviction soit le seul moyen de parvenir à la vérité matérielle : l'homme n'a pas d'autre instrument que lui-même pour juger ses semblables.... Le juge va, par son intelligence, son raisonnement, acquérir une certitude exempte de doutes ».

478 V. sur ce point : A. Rached, De l'intime conviction du juge vers une théorie scientifique de la preuve en matière criminelle, Thèse de droit, Université de Paris- faculté de droit, Édition A. Pedone, 1942, p. 149 :

« La conviction du juge doit naturellement s'appuyer sur des preuves. Le système de l'intime conviction ne permet pas en effet au juge de se passer, dans sa recherche de la vérité certaine, des moyens de preuve propres à cet effet. Car c'est avant tout un système de preuves, tout comme le système des preuves légales, avec cette différence, il est vrai, qu'il laisse au juge la libre appréciation de la valeur probante des preuves en question »

479 J. Pradel, Procédure pénale, 17e éd., Cujas, 2013, n° 851, p. 781.

480 H. Matsopoulou, « Faudrait-il motiver les arrêts de la cour d`assises ? », in JCP G., 16 Novembre 2009, n°47, pp. 21 et s. : « le principe de l`intime conviction ne signifie pas qu`une condamnation pourrait être prononcée en l`absence de toute preuve et qu`une circonstance aggravante pourrait être retenue d`une façon

114

La preuve est un moyen de convaincre le juge de la véracité d'un fait. Au contraire du système

481 482

de la preuve légale ou hiérarchisée , le système de preuve morale est le système de l'intime conviction où le juge pénal décide d'après son intime conviction 483 . Le système de preuve

morale conférant au juge une totale liberté d'appréciation 484 . Dans un système de preuve morale, dominé par la liberté de la preuve, le problème de la loyauté prend une tout autre

ampleur 485 . Les législateurs libanais et français avaient adopté le principe de l'intime conviction du juge qui implique une liberté d'appréciation des preuves. L'application stricte de l'intime conviction du juge constitue une entrave réelle pour demander l'exclusion d'une preuve déloyalement obtenue. Il est souhaitable que les législateurs libanais et français adoptent un véritable changement qui permette d'appliquer le processus d'exclusion des preuves déloyales en introduisant un nouvel article dans le Code de procédure pénale qui a pour objet d'introduire cette règle d'exclusion d'une preuve comme exception à la liberté d'appréciation des juges du fond et comme une conséquence juridique de la violation du principe général de la loyauté. À notre avis, le déclin ou la faiblesse du principe de loyauté commence dès que le juge commence par évaluer ou apprécier dans le cadre de son intime conviction la valeur probante d'une preuve obtenue d'une façon déloyale mais qui peut convaincre le juge. Il est nécessaire de trouver une procédure permettant d'écarter les preuves déloyales du pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve du juge du fond afin de protéger l'obligation de loyauté de son déclin. Que reste-t-il de la loyauté de la preuve comme principe devant la prédominance de l'intime conviction du juge ? L'application stricte de la

arbitraire ou que l`intention criminelle pourrait être caractérisée indépendamment des circonstances de fait de l`espèce ».

481 V. J. Boré, La cassation en matière pénale, L.G.D.J., 1985, n° 1902 : «dans le système de l'intime conviction, le juge apprécie librement la valeur des preuves entre lesquelles la loi n'établit aucune hiérarchie».

482 V. M. Faustin Hélie critique la hiérarchie des preuves : F. Hélie, Traité d'instruction criminelle ou théorie du code d'instruction criminelle, Charles Hingray Libraire-éditeur, Paris, 1853, Vol. 5, p. 438 : « N'est-il pas dangereux de subordonner les preuves d'un certain ordre aux preuves d'un autre ordre ? Ne vaut il pas mieux les livrer toutes, et sans distinction, au juge qui les apprécie dans sa conscience ? ».

483 V. sur le système de la preuve morale : W. J. Habscheid, Droit judiciaire privé suisse, 2e éd., Georg, Genève, 1981, p. 438 : « Les législations modernes,.., se rangent au système de la preuve morale et, sous réserve de certaines exceptions, laissent au juge la liberté d'appréciation des preuves. L'intime conviction permet au juge de baser sa décision sur tous les éléments qui se dégagent des débats, et notamment de prendre en considération l'attitude des parties au cours du procès »

484 V. sur ce point : R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, 5e éd., Cujas, Paris, 2001, t. 2 Procédure pénale, n°213, p. 275. « Le principe de l'intime conviction laisse les magistrats libre d'apprécier la valeur des preuves produites devant eux. Mais cette liberté ne signifie pas qu'ils peuvent, sans aucun contrôle, se laisser guider par leurs impressions ; l'intime conviction ne dispense pas d'une méthode pour la découverte de la vérité. Un travail préliminaire de réflexion et de raisonnement s'impose à tout juge... ».

485 H. Houbron, Loyauté et vérité. Étude de droit processuel, Thèse de droit, Université de Reims Champagne Ardenne, 2004, n° 66, p. 54.

115

liberté d'appréciation de preuve par le juge du fond le conduit à fonder son intime conviction sur des preuves déloyales sans prendre en compte que cette preuve est obtenue d'une manière déloyale. Une notion souple du principe de la liberté d'appréciation des preuves doit signifier que le juge apprécie librement les preuves loyalement et régulièrement produites.

C. Application variable du principe de loyauté.

76. Obligation et exigence partielle de loyauté. La spécificité de la procédure pénale réside dans la très grande liberté laissée aux parties dans l'administration de la preuve, bien que la recherche de preuves soit la tâche principale de l'autorité étatique et judiciaire, et non des parties privées conformément aux dispositions du Code de procédure pénale libanais et français. En droit libanais, l'application du principe de la loyauté de preuve en matière pénale ne fait pas débat à propos de l'utilisation de procédés déloyaux et les preuves obtenues de manière déloyale produites par les parties privées. C'est pourquoi en droit libanais on ne peut pas trouver une solution claire et de nombreux points d'ombre apparaissent lors de

l'application du principe de la loyauté par les parties privées au procès pénal486. La Cour de cassation libanaise est très réticente quant à l'application du principe de loyauté. On relèvera, parmi les rares décisions rendues par les juridictions pénales libanaises, que le principe de loyauté s'applique seulement dans la recherche des preuves menée par la police judiciaire. L'application du principe de loyauté par les magistrats et les parties n'a pas été reconnue par la jurisprudence libanaise. Nous n'avons pas de position définitive sur ce point parce que ni la doctrine libanaise et ni la Cour de cassation libanaise n'ont posé clairement le problème de l'application du principe de loyauté dans toute sa substance. De surcroît, la chambre criminelle de la Cour de cassation française refuse en effet d'écarter les preuves déloyales

487

produites par les parties privées même si elles présentent un caractère déloyal sous prétexte de l'absence d'un texte juridique qui permet au juge du fond d'écarter un élément de preuve

déloyal488 . La chambre criminelle a pu accepter la production en justice de preuves obtenues

486 En droit libanais, le principe de loyauté ne fait pas l'objet d'une parfaite reconnaissance ou même une reconnaissance expresse de la part de la jurisprudence libanaise et il n'existe pas un débat doctrinal sur ce thème.

487 V. Cass. crim., 6 avril 1994, B.C., n° 136: La chambre criminelle de la Cour de cassation française rappelle toujours pour renforcer cette liberté quasi absolue d'appréciation par le juge même si les éléments de preuve souffrent d'une déloyauté flagrante « qu'aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale ; qu'il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante ».

488 J. Pradel et A. Varinard, Les grands arrêts de la procédure pénale, 5e éd., Dalloz, 2006, p. 197 : « Le principe de loyauté est à géométrie variable, appliqué avec souplesse. C'est pourquoi lors de la discussion

116

de manière déloyale par les parties privées (le testing à l'entrée des discothèques), en imposant toutefois aux juges du fond « d'en apprécier la valeur probante après les avoir

489

soumis à la discussion contradictoire ». Cette position est critiquable parce que la Cour encourage implicitement les parties civiles privées au procès pénal à rapporter les preuves par n'importe quel moyen, sans aucune restriction concernant la déloyauté des moyens de preuve. À notre avis, le principe de loyauté doit être appliqué strictement en droit libanais et français sans prêter attention à la partie qui a présenté ou qui a produit au procès les éléments de preuve. Il faut seulement se concentrer sur les moyens et procédés utilisés, sur le comportement et la façon dont la preuve a été obtenue de manière déloyale, en raison seulement de leur caractère déloyal en application de la règle suivante : « Nul ne peut administrer une preuve obtenue déloyalement ». Donc, le problème est que l'application du principe de loyauté reste relative. C'est un principe d'application variable compte tenu de la partie qui a produit la preuve déloyale parce que la jurisprudence française considère admissibles les éléments de preuves obtenus de manière déloyale qui sont produits par les parties privées. À notre avis, le principe de la loyauté de preuve doit recevoir une application effective non une application différenciée parce qu'un principe important et protecteur comme le principe de la loyauté dans la recherche de preuve doit recevoir une application stable et uniforme.

77. Une application différenciée de la loyauté. L'obligation et l'exigence de loyauté de la preuve n'ont pas un caractère absolu et ne pèsent pas de la même manière sur l'ensemble des

acteurs du procès pénal490. Le principe de loyauté dans l'administration de la preuve souffre sérieusement d'une application différenciée selon la personne concernée. Une certaine souplesse dans le champ d'application du principe de loyauté lors du procès pénal qui n'est pas justifiée se caractérise par le fait de dispenser les parties privées au procès pénal du devoir

parlementaire de la loi du 15 juin 2000, est plus précisément l'occasion du débat sur l'article préliminaire du Code de procédure pénale, l'idée d'introduire le principe de loyauté fut rejetée, principe trop flou, relatif, et qui aurait neutralisé la jurisprudence ».

489 V. en ce sens : Cass. crim., 11 juin 2002, B.C., n° 131, p. 482: « Aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale. Il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante après les avoir soumis à la discussion contradictoire. Méconnaît ce principe la cour d'appel qui, dans une procédure suivie du chef de discrimination, refuse d'examiner les éléments de preuve obtenus par les parties civiles au moyen du procédé dit " testing ", consistant à solliciter la fourniture d'un bien ou d'un service à seule fin de constater d'éventuels comportements discriminatoires, au motif que ce procédé aurait été mis en oeuvre de façon déloyale ».

490 Ch. De Valkeneer, La tromperie dans l'administration de la preuve pénale: Analyse en droits belge et international complétée par des éléments des droits français et néerlandais, Larcier, Bruxelles, 2000, p. 109.

491

ou de l'obligation de loyauté . La jurisprudence de la Cour de cassation française est

117

infiniment plus souple lorsque la preuve, bien que déloyale, est apportée par une personne privée. Cette exigence de loyauté ne s'applique pas avec la même vigueur aux magistrats et

492

493

aux policiers, lorsque ces derniers agissent en vertu de leurs pouvoirs propres . Pour les magistrats, l'obligation de loyauté revêt un caractère absolu: il leur est rigoureusement défendu de dissimuler leur qualité, la règle est étendue aux policiers et aux gendarmes

. Le

494

agissant sur commission rogatoire car ils opèrent alors en tant que délégataires du juge

principe s'applique moins strictement à la police judiciaire pendant l'enquête. Le recours à la

. En France, le champ d'application

495

ruse et à la dissimulation est admis durant cette période

du principe de loyauté est restreint, puisque le principe de loyauté ne s'applique qu'aux

496

preuves recueillies par les autorités publiques. En revanche, une souplesse et une tolérance remarquables apparaissent lorsque les preuves sont produites par des parties privées. Une personne privée profite indirectement de l'utilisation de moyens parfaitement déloyaux pour

. La jurisprudence de la chambre

497

obtenir une preuve, puis la présenter valablement au juge

criminelle de la Cour de cassation française adopte la formule selon laquelle « aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale ; qu'il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en

491 V. sur ce point : F. El Hajj Chehade, Les actes d'investigation, Thèse de droit, Université du Maine, 2010, p. 198 : « La jurisprudence profite de l'absence de dispositions textuelles, pour établir que la preuve obtenue par les parties civiles usant des procédés déloyaux est recevable ».

492 M. Herzog-Evans, Procédure pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, collection Dyna'sup droit, 2009, p. 164.

493 J. Leblois-Happe, « La recherche des preuves par dissimulation », in La loi « PERBEN II » du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg

494 J. Leblois-Happe, « La recherche des preuves par dissimulation », in La loi « PERBEN II » du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg

495 J. Leblois-Happe, « La recherche des preuves par dissimulation », in La loi « PERBEN II » du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Samedi 15 mai 2004 table ronde de l'institut d'études judiciaires de la faculté de droit de Strasbourg

496 V. en ce sens : J. Leblois-Happe, « La recherche des preuves par dissimulation », in La loi PERBEN II du 9 MARS 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Colloques organisé par le Centre de Droit Privé Fondamental (Université de Strasbourg) le 15 mai 2004: « Cette exigence de loyauté s'impose aux agents de l'État et à eux seuls. Les parties privées sont, elles, autorisées à produire au procès tous éléments de preuve, fussent-ils obtenus au moyen de la commission d'une infraction, le juge faisant le tri parmi eux, en vertu de son pouvoir souverain d'appréciation ».

497 J. Lelieur, « L'application de la reconnaissance mutuelle à l'obtention transnationale de preuves pénales dans l'Union européenne : une chance pour un droit probatoire français en crise ? », in Zeitschrift für Internationale Strafrechtsdogmatik, 2010, n° 9, p. 593.

apprécier la valeur probante »498 bien que cette même Cour exige expressément que la recherche de la preuve en matière pénale soit loyalement établie. Mais cette règle ne la conduit pas très souvent, en pratique, à écarter les moyens de preuve ainsi obtenus parce que

499

tout dépend pour une bonne part de la personne qui a apporté la preuve en cause. Cette attitude de la chambre criminelle de la Cour de cassation consistant à accepter les preuves produites par les parties privées qui sont obtenues d'une manière déloyale est très

500

critiquable. La chambre criminelle applique un critère erroné. Dans un État de droit, la Cour doit écarter des débats les preuves déloyales et rejeter l'admission de toutes sortes de preuves obtenues de manière déloyale sans aucune hésitation et sans aucune différence entre les

501

preuves produites par des parties privées et celles produites par les autorités publiques. Il

s'agit de sanctionner une façon ou manière d'obtenir des preuves déloyales

502

, la question est

118

de savoir pourquoi la chambre criminelle française a fait une distinction dans l'admission de la preuve déloyale puisque dans les deux cas le comportement est en soi déloyal. Un autre aspect important des critiques concerne l'application du principe de la loyauté en droit français dans le champ de la preuve en matière civile. Cette critique paraît d'autant plus pertinente que la chambre criminelle de la Cour de cassation française applique le principe de loyauté avec une souplesse injustifiée. Par contre, la chambre civile de la Cour de cassation française applique le principe de la loyauté de preuve d'une manière particulièrement stricte

498 Cass. crim., 15 juin 1993, B.C., n° 210, p. 530; V. Précédents jurisprudentiels : Cass. crim., 18 novembre 1986, B.C., n° 345, p. 901.

499 M. Herzog-Evans, Procédure pénale, 2e éd., Éditions Vuibert, 2009, pp. 158 et s.

500 V. en ce sens: J. Daniel, Les principes généraux du droit en droit pénal interne et international, Thèse de droit, 2006, Université Jean Moulin Lyon 3, n° 427, p. 269 : « Dans un État de droit, le principe de la loyauté procédurale doit s'imposer à tous, quel que soit celui qui entend administrer la preuve pénale. Cette dichotomie dans l'application du principe n'apparaît pas souhaitable. En effet, à quoi sert-il de poser une exigence éthique de loyauté si celle-ci au final est vidée de son contenu par la jurisprudence elle-même? ».

501 V. sur ce point les critiques contre la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation française : J. Buisson, « Principe de loyauté dans la recherche des preuves et constat des infractions », Note sous Cass. crim., 6 mai 2002, in R.SC., 2003 p. 393 : « Ce principe de loyauté dans la recherche des preuves devrait donc s'appliquer quelle que soit la personne qui recherche et recueille la preuve, y compris lorsqu'il s'agit d'un particulier qui, pour se procurer la preuve recherchée aux fins de production en justice, a usé d'une ruse ou d'un stratagème. Une telle preuve ne devrait pas être acceptée par un tribunal devant lequel elle aurait été produite, la circonstance qu'elle provient d'un particulier ne pouvant en légitimer l'origine frauduleuse. Dans un État de droit, le principe de la légalité doit s'imposer à tous, quel que soit celui qui entend administrer la preuve pénale, sauf à donner au principe de liberté de la preuve une portée qu'il n'a pas ».

502 V. Y. Capdepon, Essai d'une théorie générale des droits de la défense, Thèse de droit, Université Montesquieu - Bordeaux, 2011, n° 352, p. 355 : « de manière générale, toute preuve obtenue au moyen d'un procédé déloyal doit être déclarée irrecevable par le juge ».

sans tolérance

503

. En définitive, il serait souhaitable que la chambre criminelle de la Cour de

119

cassation française renforce l'application stricte du principe de loyauté dans la recherche de preuve pénale en abandonnant sa jurisprudence constante qui admet l'application souple ou

504

.

tolérante du principe de loyauté

78. Le renversement jurisprudentiel du principe de loyauté. Cette application différenciée du principe de loyauté n'est que la conséquence d'un renversement jurisprudentiel. Il s'agit

505

d'un véritable renversement de la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation française. Ce retournement de jurisprudence est critiqué parce qu'il autorise les parties privées du procès pénal à justifier par n'importe quel moyen et sans limites contrairement aux autorités judiciaires compétentes essentiellement pour la recherche de preuve des infractions à la loi pénale, à en rassembler les preuves et à en rechercher les auteurs. Mme Coralie Ambroise-Casterot remarque que depuis le début des années 1990, la chambre criminelle de la Cour de cassation française a consacré la possibilité pour les parties privées de s'affranchir du principe de loyauté dans la recherche des preuves par de nombreux d'arrêts qui ont été rendus, dont

506

l'une des décisions fondatrices de cette jurisprudence est l'arrêt Turquin. À cet égard507,

503 V. en ce sens : F. Fourment, « Du principe de loyauté de la preuve et de son application aux matières civile et pénale », Note sous Cass. com., Ass. plén. 7 janv. 2011, in D., 24 février 2011, n°8, p. 562 : « deux acceptions différentes du principe de loyauté de la preuve cohabitent, l'une en matière civile, l'autre en matière pénale ; la première, entendue plus strictement, ne souffrant aucune tolérance, à l'inverse de la seconde, dans le cas d'un élément de preuve produit par une partie, hors toute intercession de l'autorité publique. Croyant en la perfection du système juridique, nous explorerons d'abord la seconde hypothèse ; puissent ces explications suffire... ».

504 V. en même sens : J. Daniel, Les principes généraux du droit en droit pénal interne et international, Thèse de droit, 2006, Université Jean Moulin Lyon 3, n° 428, p. 271 : «... il serait bon que la chambre criminelle française revienne sur sa jurisprudence afin de redonner au principe de loyauté toute sa force en écartant des débats contradictoires les preuves obtenues de manière illégale ».

505 V. C. Ambroise-Castérot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 255, p. 180 : « Autrefois, le principe de la loyauté des preuves s'appliquait de manière générale à toute procédure. Désormais, depuis une série d'arrêts rendus depuis le milieu des années 1990, ce principe ne contraint que les seules autorités judiciaires, non les personnes privées. Pour ces dernières, c'est le principe de liberté absolue qui prévaut. ».

506 V. C. Ambroise-Castérot, La procédure pénale, 2e éd., Gualino éditeur, Paris, 2009, n° 257, p. 182 : « par lequel la cour de cassation a reconnu qu'une preuve pouvait être valablement produite en justice alors qu'elle n'avait pu être obtenue qu'au prix de la commission du délit d'atteinte à la vie privée. ».

507 V. sur la loyauté dans l'administration de la preuve par un particulier : S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, 9e édition, LEXIS NEXIS/LITEC, 2013, n° 592, pp. 594-595 : « Dans l'application de ce principe aussi, la question a été posée de savoir si les preuves rapportées par les particuliers devaient y être soumises. La jurisprudence a eu l'occasion de répondre, comme elle l'a fait s'agissant du respect de l'intimité de la vie privée, que « les juges répressifs ne peuvent écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale. Il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante (Cass. crim., 26 avril 1987, B.C., n° 173 et v. 11 février et 23 juillet 1992, et V. 6 avril 1993). Une telle position pourrait être comprise si elle devait être interprétée comme interdisant au juge, en application du principe de liberté de la preuve, de déclarer

nous soutenons entièrement l'avis de Mme Michèle-Laure Rassat parce que tous les arguments présentés par la chambre criminelle de la Cour de cassation française sont en réalité

508

illogiques, exagérés, ou contradictoires

. La chambre criminelle de la Cour de cassation

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française se réfère toujours à l'argument basé sur l'absence d'une disposition législative permettant au juge expressément d'écarter des débats un élément de preuve obtenu à l'aide de procédés déloyaux produits par les parties privées au procès pénal. Compte tenu de ce qui précède, la question se pose de savoir pourquoi réglementer la perquisition et la recherche de preuve dans le Code de procédure pénale et sanctionner la preuve déloyale obtenue par les autorités publiques, si les parties privées peuvent exercer en toute liberté la même tâche (selon la logique de la Cour de cassation) afin de produire et rechercher les preuves dans le procès

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pénal sans aucune base légale et juridique ?Il est indéniable que la souplesse dans l'application du principe de loyauté de la preuve envers les parties privées contribue sérieusement au déclin du principe de loyauté face à l'émergence progressive du rôle des parties privées dans la recherche de la preuve en matière pénale.

irrecevable une preuve produite par le particulier, dont la juridiction ne doit qu'ultérieurement, sur le fondement du principe de la légalité, apprécier le bien-fondé et la légalité. Une autre interprétation, que l'arrêt paraît permettre, reviendrait à admettre qu'un particulier puisse, dans un État de droit, se constituer illégalement une preuve et la produire valablement en justice, sans que la juridiction saisie ne doive relever l'illégalité commise ».

508V. sur ce point : L. Collet-Askri, « La Chambre criminelle valide le testing comme mode de preuve, serait-il déloyal... à propos de l'arrêt du 11 juin 2002 », in D., 2003. pp. 1309 et s., V. spec. n°17 : Selon Mme Laurence Collet-Askri «Le principe du contradictoire et celui de l'intime conviction des juges sont souvent invoqués pour justifier cette jurisprudence... Ces arguments n'emportent pas la conviction d'une partie de la doctrine qui considère que les principes du contradictoire et de l'intime conviction des juges viennent s'ajouter au principe de loyauté et n'ont pas pour objet de le suppléer ».

509 V. M-L. Rassat, Procédure pénale, 2e édition, Éditeur : Ellipses, 2013, n° 257, p. 267 : « Quant à l'argument tiré de l'absence de réglementation des pouvoirs de recherche des particuliers, il constitue toute la négation de la procédure pénale car on ne voit pas pourquoi on se donnerait le mal de réglementer les droits et obligations des agents publics si d'autres qu'eux peuvent obtenir les mêmes éléments de preuve sans respecter aucune des règles ou restrictions qui leur sont imposées, à eux : quel est l'intérêt de réglementer les perquisitions publiques si les particuliers sont autorisés à voler les éléments qui devraient être saisis ? ».

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