B. Nécessité d'encadrer la recherche de la
preuve pénale par la loi
42. L'exclusivité de la détermination des
procédures pénales par la législation. La
liberté de la preuve est l'une des caractéristiques de la
théorie de la preuve dans les matières pénales. Il s'agit
du système de la preuve à travers lequel le juge pénal se
libère de la conformité prédéfinie à un
moyen précis dans la démonstration des faits. Mais
l'intérêt public peut exiger la limitation de la liberté
des individus. Selon M. Bernard Bouloc: « si l'on a pu
considérer autrefois que la fin (aveu) justifiait le moyen (torture),
aujourd'hui on estime à
306
.
juste titre que les règles d'administration de la
preuve doivent être définies par la loi »
Quand l'État initie les procédures
nécessaires afin de découvrir la vérité et
décider son droit dans la punition, le danger de l'atteinte à la
liberté de l'individu au cours de l'initiation de ces procédures
semble évident. Par conséquent, il incombe au législateur
d'intervenir dans ce cas afin de déterminer les limites requises par
l'intérêt général pour l'atteinte à la
liberté individuelle par le biais de l'application des procédures
pénales. « Le procès criminel, dans sa recherche de la
vérité, doit donc tendre à concilier deux positions
antagonistes, soit la
307
protection de la société et celle des droits
fondamentaux de tous les citoyens ». En outre, le pouvoir
législatif est le seul ayant droit de décider de la
quantité suffisante et nécessaire pour l'atteinte aux droits
individuels dans le procès pénal, en tenant compte de la
nécessité d'équilibrer entre les considérations de
la justice et sa compétence dans la détection des
infractions et la protection des droits individuels dans le
cadre du procès pénal308. En conséquence, la
loi est le seul déterminant des procédures pénales depuis
la découverte de l'infraction, puis l'actionnement du procès
pénal, jusqu'à la phase de la détermination du jugement.
Le législateur est le seul habilité à
légiférer sur les atteintes à la liberté des
individus dans les limites qu'il spécifie309. L'exigence de
la loi comme un outil pour déterminer les règles des
procédures pénales est basée sur un principe
général, qui est
306 B. Bouloc, « Les abus en matière
de procédure pénale », in R.S.C., 1991, p. 221.
307 P. Arguin, « Les règles
procédurales entourant la recevabilité des déclarations
extrajudiciaires », in Les Cahiers de droit, vol. 32, n° 1,
1991, pp. 103-152, V. spec. p. 105.
308 V. sur le principe de la
légalité formelle : F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer,
Traité de procédure pénale, 3e éd.,
Economica, 2013, n° 567, p. 409 : «Le principe de la
liberté des preuves n'autorise pas les agents de l'autorité
publique à s'émanciper du principe de légalité ...
On se bornera à rappeler que ce principe implique tout d'abord
l'exigence d'une loi préalable (légalité formelle) : les
magistrats ou les membres de la police judiciaire ne peuvent donc accomplir un
acte d'investigation qui ne serait pas prévu par la loi, dès lors
du moins que cet acte est de nature à porter atteinte à un droit
ou une liberté fondamentale ».
309 V. en langue arabe: A. Fathi Srour,
Le code pénal constitutionnel, la légalité
constitutionnelle dans le code pénal, la légalité
constitutionnelle dans le code de procédure pénale,
2e éd., maison Echourouk, Egypte, 2002, n° 28, p. 70.
72
d'ailleurs la confiance dans la loi pour la
réglementation des libertés. Ce principe est basé
310
sur les caractères de la règle de droit. La
règle de droit est obligatoire, générale, permanente et a
une finalité sociale. Le principe de l'exclusivité
législative ou légale de l'organisation des règles des
procédures pénales émane d'un principe essentiel, le fait
que la loi est la seule à réglementer les libertés, en
considérant que les procédures pénales impliquent, en
311
fait, l'atteinte aux libertés.
310 Ce caractère général de
la règle de droit est une garantie contre l'arbitraire.
311 V. en même sens : C. Copain,
L'encadrement de la contrainte probatoire en procédure pénale
française, Thèse de droit, Université Lyon 3, 2011,
n° 83, p. 49 : « En application du principe de
légalité, une mesure de contrainte ne peut qu'être
d'origine législative. Par son intervention le législateur
reconnaît la faculté d'exercice d'un pouvoir de contrainte aux
autorités chargées de la recherche de la vérité et
non un simple fait justificatif ».
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