La Responsabilité environnementale en droit congolais face aux nouveaux risques: cas de l'exploitation du pétrolepar Fabien MUHAMED ABDOUL UNIVERSITE LIBRE DES PAYS DES GRANDS LACS - Graduat 2018 |
Paragraphe II : Le Droit interne de l'environnementSans pour autant se focaliser plus sur les sources internationales c'est-à-dire les traités et accords internationaux, tel que présentés ci-haut, notre analyse se concentre plus sur les textes juridiques internes de la RDC sur l'environnement. Il s'agit de faire un aperçu sur les notions de responsabilité prévues par le Droit congolais en matière environnementale. 1. Constitution de la RDC En vertu de de l'article 53 de la constitution, « toute personne a droit à un environnement sain et propice à son épanouissement intégral. Elle a le devoir de le défendre. L'Etat veille à la protection de l'environnement et à la santé des populations »25(*). Cette article constitue une brèche pour les personnes victimes des dommages environnementaux de défendre en justice la protection de l'environnement et de demander réparation en cas de sa dégradation, il s'agit d'un droit constitutionnel. Le droit de l'environnement est un droit fondamental de l'homme qui est ainsi constitutionnel garanti, protégé et justiciable. Son caractère procédural sous-entend le droit d'avoir accès à l'information environnementale, le droit de participer au processus de prise de décision en matière d'environnement, le droit de recours en cas de cette violation et le droit de réparation26(*). Dans son devoir constitutionnel de veiller à la protection de l'environnement, il a été adopté par le législateur congolais une loi spéciale portant principes fondamentaux relatifs à l'environnement. 2. La loi n0 11/009 du 9 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l'environnement La protection de l'environnement en RDC est basée sur la loi du 20 juillet de 2011, portant principes fondamentaux relatifs à l'environnement. Il s'avère nécessaire pour une bonne application de la responsabilité environnementale de parcourir cette loi en vue de dégager le fondement de la dite responsabilité. En effet, la loi de 2011 consacre son chapitre 7 à la responsabilité civile, c'est-à-dire une responsabilité pour faute. A son article 68, elle prévoit : Sans préjudice des peines applicables pour infractions à la présente loi et ses mesures d'exécution, est responsable toute personne qui par l'exercice de ses activités, a causé un dommage à l'environnement et à la santé en violation de la présente loi. Ce chapitre 7 de par son article 68 instaure comme fondement de la responsabilité en matière environnementale une responsabilité civile, c'est-à-dire une responsabilité dite subjective. Au-delà de la loi de 2011 sur les principes fondamentaux relatifs à l'environnement, d'autres textes juridiques internes de droit congolais mettent en place une responsabilité pour faute en matière environnementale pour non-respect de la loi. 3. La loi no 15/012 du 1er août 2015 portant régime général des hydrocarbures Le secteur des hydrocarbures en RDC a d'abord été successivement organisé par l'ordonnance-loi no 67/231 du 11 mai 1967 portant législation générale sur les mines et les hydrocarbures et par l'ordonnance-loi no 81-013 du 2 avril 1981 ayant même objet dont la mise en application a été assurée par l'ordonnance no 67-416 du 23 septembre 1967 portant règlement minier. Ces deux textes régissaient en même temps aussi bien le secteur de mine que celui des hydrocarbures. Mais la promulgation de la loi No 007/2002 du 1 juillet 2002 portant code minier a abrogé, en ce qui concerne le secteur minier, l'ordonnance-loi no 81-013 du 2 avril 1981, la vétusté de cette ordonnance-loi et les pratiques contractuelles dans le secteur des hydrocarbures, ont motivé la nécessité d'adoption d'une nouvelle loi devant servir de cadre légal à ce secteur27(*). Ce texte juridique n'organise pas une responsabilité environnementale de manière claire, elle précise, le contractant ou son sous-traitant est tenu de respecter les dispositions légales et réglementaires relatives à la protection de l'environnement et du patrimoine culturel. Il est responsable objectivement de tout dommage causé dans le cadre des activités d'hydrocarbures28(*). Cependant, pour non-respect de réglementation et prescription légale, il s'agit d'une responsabilité pour faute du contractant. D'où la mise en place par cette loi de responsabilité objective en contradiction avec la loi sur l'environnement de 2011, cela de manière imprécise dans la logique du fondement de la responsabilité environnementale. De ce qui précède, ces deux textes juridiques de par ces articles, mettent en place aussi bien une responsabilité civile qu'une responsabilité objective ramassée et sournoise de l'exploitant (pétrolier pour ce qui est du contexte de la réflexion) en matière environnementale. Il s'agit là d'un recul du législateur congolais en matière de responsabilité environnementale. Cependant, les notions de responsabilité pour faute ne s'adaptent pas aujourd'hui aux risques qui connaissent de plus en plus de progrès suite à l'industrialisation (machinisme). Il en est ainsi de l'exploitation pétrolière. Mais aussi il est d'une nécessité d'éclairer suffisamment cette objectivité prévue par la loi des hydrocarbures non pas pour non-respect des mesures légales mais pour le risque pétrolier. En effet, il est d'avis commun que le premier fondement sur lequel l'exploitant peut voir sa responsabilité engagée sur le plan civil se situe sur le terrain de la responsabilité pour faute, en vertu du principe « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige à celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », et « chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ». Il s'agit de la responsabilité pour faute29(*) qui est la Seule logique du législateur congolais, qui reste de ce fait archaïque en matière de l'environnement surtout que les risques liés à l'exploitation pétrolière impliquent des progrès liés à l'évolution ou progrès technique. C'est le cas aussi de non-respect des prescriptions légales environnementales qui constitue une responsabilité pour faute, l'exploitant peut alors voir sa responsabilité engagée pour faute dès lors qu'il ne respecte pas les prescriptions environnementales imposées pour l'exploitation de son installation, qui lui incombe en tant que titulaire du permis d'exploitation30(*). Tel que le veut la loi congolaise sur les hydrocarbures à son article 156. Il s'en suit qu'un titulaire du permis de l'exploitation des hydrocarbures précisément du pétrole, engagera sa responsabilité pour faute du fait qu'il ne respecte pas les prescriptions légales qui lui incombent en vertu de la loi sur les hydrocarbures. Dans ce contexte, on note la mise en place par le législateur congolais d'une responsabilité subjective pour faute pour la réparation des dommages environnementaux. Cependant, cette responsabilité civile n'est pas adaptée aux risques qui s'attachent à l'exploitation pétrolière avec une difficulté de preuve. A vrai dire, loin d'être pollué, le droit de la responsabilité civile est sur certains aspects revérifié par les problématiques environnementales, cela suite à l'incertitude scientifique qui domine les problématiques environnementales.31(*) Le progrès technique caractérisant le domaine industriel appelle le législateur à repenser la responsabilité en matière environnementale. Dans le cadre de l'évolution des risques, l'exploitation pétrolière s'inscrit dans la logique industrielle qui pèse des risques nouveaux nécessitant l'adaptation de la responsabilité civile au droit de l'environnement. Selon STAN Antagera l'industrie extractive appelle lors de sa mise en place, le déploiement d'une technologie lourde et à la pointe. C'est ainsi que, l'exploitation du pétrole dans les forêts exige le défrichage d'importantes zones32(*). C'est ce qui a été observé au Cameroun et au Tchad, lors de la mise en place d'un oléoduc d'une longueur de 1070 kilomètres destiné à transporter le pétrole foré à Doba au Tchad jusqu'aux cotes camerounaises à Kribi. Une grande variété des plantes a donc ainsi été décimée sur une longueur de 1070 kilomètres33(*). Dans l'activité pétrolière offshore, le risque industriel et conséquences environnementales se conjuguent immanquablement34(*). · Les risques industriels liés à l'exploitation pétrolière sont grands nécessitant une certaine mise en oeuvre de la responsabilité environnementale précise et rigoureuse pour réparer les dommages environnementaux. En effet on caractérise l'impact du pétrole de deux types des pollutions à savoir: la pollution par exploitation et transfert du pétrole, marée noire, boue polluante et pollution acoustique. · La pollution liée aux dérivées du pétrole, combustion du carburant qui entraine une pollution atmosphérique, dégradation de la faune et de la flore par les plastiques35(*). Avec les risques industriels sur l'environnement, si la prévention est la clef de voute du droit de l'environnement, les règles relatives à la responsabilité ne doivent pas pour autant être négligées même en cas d'un régime préventif solide. La survenance d'un dommage environnemental n'est pas impossible, mais également car la responsabilité peut être envisagée comme un instrument de prévention si les règles mises en place sont suffisamment dissuasives pour inviter les industriels à la plus grande vigilance.36(*) Evaluer les risques liés à l'exploitation pétrolière semble difficile avec le progrès technique, comme l'observe Eve Marengo et Clio Bouillard, dès lors, évaluer avec précision et exhaustivité les risques que l'activité d'exploitation d'hydrocarbures offshore par exemple, fait courir à la biodiversité est chose impossible37(*). Dans l'état des connaissances actuelles, les scientifiques ne peuvent déterminer avec une certitude complète la totalité des dommages susceptibles d'être causés à la faune et à la flore par l'activité industrielle étudiée (pétrolière), puisque l'on ne possède pas une connaissance par faute de ces risques, la réglementions des activités d'exploitation d'hydrocarbures n'est pas nécessairement adaptée38(*). Cette inadaptation de la loi sur les hydrocarbures est la base d'une insécurité juridique pour les victimes en quête de réparation. Il est évident que le développement scientifique et technologique provoque des mutations dans le Droit de la responsabilité civile, et cela parce qu'une partie transcendale de la nature du développement scientifique est composée du caractère incertain des conséquences dommageables39(*). Sur base de ce qui précède on peut alors noter que l'activité d'exploitation pétrolière est sujette à des risques imminents sur l'environnement, nécessitant donc une réorganisation de la responsabilité en matière environnementale par le législateur congolais. Il en est le cas du transport, comme du forage et raffinage du pétrole, le transport du pétrole, que ça soit par bateau ou oléoduc, présente d'importants risques d'accidents, les déversements sont inévitables et leurs impacts sur les communautés touchées et leur environnement sont dévastateurs.40(*) Le pétrole brut nécessite des opérations de forage parfois en haute mer, parfois tout près de nappes phréatiques qui nous alimentent en eau potable. Il y a toujours des risques inhérents à l'extraction du pétrole, le raffinage nécessaire du pétrole brut donne naissance à une industrie pétrochimique qui produit une panoplie de dérivées. Cette industrie pétrochimique est source de pollution atmosphérique, sans compter les produits synthétiques comme les plastiques qui exigent des milliers d'années avant de se dégrader dans l'environnement41(*). Il se dégage que l'exploitation du pétrole est une activité dangereuse impliquant de nombreux risques sur l'environnement, nécessitant une mise en place de la responsabilité adaptée, c'est-à-dire, une responsabilité environnementale objective. En effet, l'émergence de nouveaux risques et l'accroissement du machinisme et l'avènement de la société industrielle suggèrent que les individus doivent être mieux protégés. L'idée de base étant la suivante « toute activité faisant naitre un risque pour autrui, rend son auteur responsable du préjudice qu'elle peut causer, sans qu'il y ait à prouver une faute à son origine » la responsabilité environnementale s'inspire de ce principe42(*). L'efficacité de réparation des dommages environnementaux causés par les exploitations pétrolières est le résultat d'une responsabilité permettant à la victime, sans qu'il y ait nécessité de prouver une faute de l'auteur, de bien pouvoir obtenir réparation, il s'agit de la responsabilité environnementale sans faute. Il faut conclure cette partie en précisant que la responsabilité civile subjective qui repose sur l'idée de la faute, c'est-à-dire, avant qu'elle soit engagée la victime doit prouver le lien de causalité entre la faute et le dommage, n'est pas convenable à la réparation des dommages environnementaux issus surtout des activités pétrolières. En effet, tel que cela a été vu précédemment, l'activité pétrolière met en place des techniques nouvelles qui rendent difficile voire impossible la preuve de la faute de l'exploitant pour des raisons d'incertitude caractérisant ce domaine industriel. Face à cette réalité de fait, les victimes restent sans réparation, d'où il est nécessaire d'alléger l'action des justiciables en mettant en place un régime de responsabilité qui leur épargne de prouver la faute de l'exploitant pétrolier. Au stade actuel de la législation congolaise, surtout dans la loi sur les principes fondamentaux relatifs à la protection de l'environnement, la logique est celle d'une responsabilité pour faute, bien que la loi sur les hydrocarbures ait tenté d'instaurer une responsabilité objective mais de manière imprécise avec une insistance sur le respect des normes environnementale à la base d'une responsabilité pour faute. * 25 Article 52 de la constitution de la RDC, in JORDC, numéro spécial, 47e année, Kinshasa 18 février 2006. * 26 Dr. Kihangi Bindu Kennedy, l'exploitation du pétrole du lac Edouard et la loi environnementale en République Démocratique du Congo, op.cit, p.6. * 27 Nérée kiyoka Biduaya, promulgation du nouveau code des hydrocarbures, in https://juriafrique.com , consulté le 11 avril 2020 à 12h. * 28 Article 156 de La loi n0 11/009 du 9 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à l'environnement in JORDC, numéro spécial, 52e année ,16 juillet 2011 * 29 Marie-Axelle Gautier, la protection de l'environnement sur les plates-formes industrielles : un défi pour le droit de l'environnement, Paris, l'Harmattan, 2010, p.225. * 30 Idem., op.cit., p.226. * 31Mustappha Mekki, « Responsabilité civile et droit de l'environnement : vers un droit de la responsabilité environnementale ? », in https://www.mekki.fr/files/sites/37/2017/05/redaction-responsabilite-civile-et-droit-de-l'environnement.pdf p.2, consulté le 30 novembre 2019, à 22h. * 32 Stan Atangana'' Extraction pétrolière et protection de l'environnement dans le golfe de Guinée, in https://www.memoireonline.com/04/11/4435/m_Extraction-petroliere-et-protection-de-lenvironnement-dans-le-golfe-de-Guinee5.html, consulté le 30 novembre 2019 à 17h. * 33Idem. * 34Jacques Beall et Alain Terretti, De la gestion préventive des risques environnementaux : la sécurité des plateformes pétrolières en mer, Paris, éditions des journaux officiels, mars 2012, p.16. * 35SAFON LIAUTAUD, « les impacts environnementaux du pétrole », in https://www.pehmtpetrole20142015.over-blog.com/2014/12/les-impacts-environnementaux-du-petrole.htm/. * 36Clio Bouillard et Eve Marengo, quel encadrement juridique pour les activités pétrolières offshore en droit européen, Paris, HAL, 2017, p.16. * 37 Idem, p.4 * 38Idem * 39MUNITA MARAMBIO, la responsabilité civile liée aux activités scientifiques et technologiques : approche du droit comparé, paris, HALL, 2018.p.8. * 40 AQLPA, le pétrole : enjeux et réflexions, in www.aqlpa.com/enjeux-et-reflexions/petrole, consulté le 06 avril 2020 à 15h. * 41 AQLPA, le pétrole : enjeux et réflexions, in www.aqlpa.com/enjeux-et-reflexions/petrole, consulté le 06 avril 2020 à 15h. * 42 Valérie Castay, la responsabilité sociale et environnementale des entreprises comme outil de régulation de la demande de transport?, AFT-IFTI, département des études et recherches, paris, 2008, p.34. |
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