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La Responsabilité environnementale en droit congolais face aux nouveaux risques: cas de l'exploitation du pétrole


par Fabien MUHAMED ABDOUL
UNIVERSITE LIBRE DES PAYS DES GRANDS LACS  - Graduat  2018
  

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Il serait souhaitable que tu présente ces éléments de manière autonome sans être collé ou sans reprendre les mots des auteurs notamment CANIVET. Tu peux aborder ou présenter le rôle du juge dans un procès de manière classique. Je ne trouve pas une spécificité en droit de l'environnement quant au rôle du juge. Peut - être, juste insiter sur l'aspect d'une expertise particulière en cette matière.

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La protection de l'environnement peut exiger qu'on repense et qu'on change les pratiques économiques et même les modes de vie, mais aussi qu'on assume et qu'on partage de nouvelles responsabilités et de nouveaux frais. Le juge est l'arbitre suprême des tensions qui en résultent et des conflits d'intérêts. Il est appelé à fournir la réponse correcte, d'une façon acceptable pour les parties et les personnes concernées.79(*)

Il en découle que le juge est celui qui va départager les victimes et les entreprises extractives en cause, pour ce faire, la mise en oeuvre de la responsabilité environnementale nécessite aux juges congolais de s'informer beaucoup plus sur les évolutions en matière de responsabilité environnementale afin de combler les lacunes de l'ordre juridique congolais quant à la responsabilité environnementale. Etant donné qu'on note une certaine nonchalance de la part du juge congolais qui semble rester en marge de l'évolution constitutionnelle et législative en la matière80(*).

B. L'action en justice pour la responsabilité environnementale

CUCHE et VINCENT considèrent l'action en justice comme étant le pouvoir de mettre en mouvement la juridiction afin d'obtenir le respect ou la restauration du droit, autrement dit, le pouvoir légal permettant aux agents publics et aux particuliers de s'adresser à la justice pour obtenir le respect de la loi.81(*)

De ce qui précède, la réparation ne sera effective par le fait pour la victime de saisir le juge pour la prononcer. En effet pour permettre au juge de jouer son rôle, les faits doivent lui être présentés par les parties en cause. Leur connaissance des faits repose sur les preuves qu'on leur fournit, et ils les comprennent grâce aux questions et aux arguments présentés.

En effet, même un pouvoir judiciaire bien informé et efficace représente relativement peu de choses si les affaires ne sont pas portées devant les tribunaux82(*). Il est donc nécessaire de savoir les mécanismes à la base de mise en oeuvre de l'action en responsabilité environnementale.

1. les conditions d'exercice

En droit congolais processuel, pour exercer une action en justice il faut exciper d'un droit, avoir un intérêt, avoir une qualité et avoir une capacité. En d'autres termes clairs, il faut remplir 4 conditions : posséder un droit, justifier un intérêt, avoir la qualité et être capable d'ester en justice.83(*) Dans le cadre de notre réflexion, l'attention sera plus focalisée sur la qualité et l'intérêt à agir en matière environnementale. Car, la qualité et intérêt à agir en matière environnementale échappent aux théories classiques de droit civil et appellent ainsi le législateur congolais à adapter son arsenal juridique pour permettre aux victimes des exploitations pétrolières de bien porter leur demande en réparation devant les cours et tribunaux congolais en toute sécurité juridique.

a. L'intérêt d'agir en justice en cas de dommages environnementaux

L'intérêt environnemental s'entend ici au sens de ce qui participe à la protection de l'environnement, qui lui est bénéfique. Partant, l'intérêt à agir pour la protection de l'environnement correspond aux actions intentées à cet effet.84(*). En matière environnementale, cet intérêt est d'abord individuel. Le caractère objectivement individuel de l'intérêt à agir pour la défense de l'environnement se déduit d'une lecture exégétique de l'article 31 du code de

As-tu lu cette disposition? Il faut vérifier

procédure civile français «  l'action est ouverte à tous ceux qui ont un « intérêt légitime » à soumettre leurs prétentions à un juge, et cette légitimité tient au caractère vital de l'environnement pour l'espèce humaine »85(*)

Les dommages environnementaux sont constitutifs d'un préjudice particulier en raison des transmissions intergénérationnelles. Il convient de comprendre par-là que, selon le droit français l'intérêt environnemental est un intérêt à long terme qui induit la responsabilité intergénérationnelle de l'être humain, et non « simplement » un intérêt à court terme, voire ponctuel. Cette dimension s'ajoute aux facteurs et éléments qui légitiment toute l'attention à accorder tant à cet intérêt, qu'au patrimoine qui doit être préservé en vertu de celui-ci.

Si le raisonnement du droit des biens est suivi ici, par exemple quant à l'importance accordée au droit de propriété, il ne fait aucun doute que chacun a intérêt, à titre individuel, à la sauvegarde de son patrimoine, et plus encore quand celui-ci lui est vital. Il est donc tout aussi censé de qualifier l'intérêt à agir d'individuel et de tirer les conséquences procédurales de ladite qualification.86(*)

Il découle de ce qui précède, que l'action en droit environnemental peut être fondé sur un intérêt individuel ou personnel direct comme le veut le droit congolais de procédure civile, étant donné que pour agir en justice en droit congolais, il faut avoir été directement et personnellement lésé dans ses intérêts propres87(*).

En matière environnementale, l'intérêt peut être collectif. L'intérêt à agir pour la protection de l'environnement s'avère en réalité pluriel, étant donné ses différentes dimensions, et indépendamment des variations terminologiques retrouvées, la doctrine, pour peu que les signifiés se rejoignent88(*)

L'intérêt à agir est plus complexe et justifie l'intervention d'autres personnes autres que la victime directe. Cela peut se remarquer en droit constitutionnel Costaricain, à ce sujet Edgar Fernandez note la décision No 1700 de 1993 de la Cour Constitutionnel du Costa Rica qui justifie cet intérêt par le fait que, la protection de l'environnement constitue un intérêt de toutes les personnes ou même de la collectivité nationale. Malgré l'inexistence d'un préjudice direct et clair pour le demandeur (........), tous les habitants subissent un préjudice dans la même proportion que s'il s'agissait d'un dommage direct89(*). Ainsi, les associations peuvent fonder leur intérêt à agir en justice sur base de cette logique.

Somme toute, l'intérêt à agir en matière environnementale a un caractère hybride. Il conviendrait de retenir que l'intérêt à agir devrait être considéré tantôt comme individuel, tantôt comme collectif, tantôt comme universel. Il peut être individuel, lorsqu'il est démontré que l'intérêt en cause porte atteinte à une personne déterminée, dans sa personne ou dans ses biens, lésant ses droits patrimoniaux ou extrapatrimoniaux. Il peut être collectif, lorsqu'il est démontré que l'intérêt en cause porte atteinte à un ensemble de personnes déterminées (ou déterminables). Ici, le collectif s'apparente à la collectivité telle qu'entendue classiquement dans la notion de préjudice collectif ou d'intérêt collectif, et peut être une source de confusion. Il peut être universel, lorsqu'il est démontré que l'intérêt en cause porte atteinte à l'humanité tout entière, ou à certains de ses représentants.90(*)

Le droit congolais de procédure doit s'inspirer de ces théories pour faciliter l'accès en justice aux victimes pour réparation. En effet, l'intérêt en matière environnemental n'est pas seulement personnel, il peut être aussi collectif et futur. De ce fait, le droit processuel congolais nécessitant un intérêt personnel né et actuel n'est pas adapté au régime juridique des actions en matière de l'environnement. Il y a lieu ici de s'inspirer de la législation Française pour considérer le caractère collectif et futur de l'intérêt en matière environnementale. Cela est un mécanisme efficace pour mettre en oeuvre la responsabilité de l'exploitant pétrolier en RDC.

b. La qualité d'agir

L'article 46 de la loi de 2011 sur les principes fondamentaux relatifs à la protection de l'environnement ouvre le droit à toute personne d'agir en justice par une action individuelle ou par une action collective. Il s'agit d'un devoir de toute personne de défendre l'environnement.

Cet article ouvre une possibilité d'action collective en matière environnementale comme mécanisme de mise en mouvement de la responsabilité environnementale, donnant la qualité à certains groupes de personnes d'agir en justice pour le dommage causé à l'environnement. Cependant le droit congolais reste non explicite quant à cela, ce qui va nous conduire dans l'analyse d'autres cadres juridiques étrangers.

- La victime directe

Par une action individuelle, tel que prévu par le droit congolais, toute personne qui subit un dommage environnemental a la qualité de demander la réparation devant les tribunaux.

- Les associations

En principe pour être réparables, les dommages doivent avoir un caractère personnel, ce qui signifie l'atteinte doit avoir directement ou indirectement des conséquences pour l'être humain. De prime abord, on pourrait alors penser que les atteintes environnementales sans répercussions sur les personnes ne sont pas réparables dans la mesure où une telle action ne pourrait être exercée à défaut de victime (demandeur), mais il n'en est pas ainsi, d'abord parce que certaines atteintes au milieu naturel sont réparables sur le fondement de la théorie du préjudice écologique pur sans avoir à prouver matériellement les conséquences immédiates sur les hommes. Ensuite, parce que tout bien ou toute chose qui existe dans la nature est par nature un bien collectif de sorte que son altération a des répercussions sur la communauté humaine. D'où, le préjudice collectif est lui-même admis en justice au travers les groupes de défense d'intérêts collectifs ou des associations de défense de la nature91(*).

Selon M. Prieur, il semble pouvoir s'analyser comme une expression ou une résultante « de la carence des pouvoirs publics et du parquet », faisant de celle-ci une « impérieuse nécessité de donner aux associations de véritables moyens d'y suppléer ».

L'action menée de la sorte par les associations revêt alors un caractère irremplaçable du moins aussi longtemps que le grand public ne se saisira pas davantage des dommages environnementaux et/ou écologiques comme du contentieux qui en découle, et aussi longtemps que les pouvoirs publics ne remédieront pas à leur carence dans ce domaine. Cette action des associations est donc corrélativement indispensable. C'est pourquoi les textes, portant notamment sur la condition de l'intérêt à agir, doivent leur permettre d'acquitter au mieux cette mission dont elles s'investissent92(*).

Certaines raisons sont à la base même de la consécration de la qualité d'agir des associations en matière environnementale au-delà de la carence des pouvoirs publics et des particuliers.

Il s'agit de groupements ainsi entendus, qui agissent pour la défense de l'environnement. Les associations ne sont pas au premier plan de la défense de l'environnement, spécifiquement dans le cas où elles seraient comparées aux particuliers. Néanmoins leur rôle est indéniable.93(*)

Les associations ont beau avoir des profils très variés, on leur retrouve des constantes communes. En effet, elles sont caractérisées par l'engagement, voire le militantisme, de leurs membres au service de causes collectives. Ce trait de caractère n'est pas propre aux associations « environnementales » ou agissant en matière d'environnement, car il caractérise le monde associatif en général, à des degrés variables, quel que soit l'objet social des personnes morales concernées.

De même, les associations sont des acteurs organisés. Il est courant qu'elles se structurent en s'entourant de personnes qualifiées. Elles mènent leurs actions en s'appuyant sur des données généralement collectées par leur travail de terrain

Enfin, ces acteurs sont caractérisés par l'animus ou affectio societatis qui lient leurs membres entre eux, c'est-à-dire la volonté ou l'intention de mettre en commun leurs connaissances et activités dans le but qui est le leur, en l'espèce, la protection de l'environnement.

Ces premiers éléments permettent d'affirmer que les associations, notamment celles qui se rapportent à la défense de l'environnement, se présentent comme des acteurs aux profils éclectiques mais maintenant des constantes qui leurs sont communes. Ces acteurs sont indispensables par leur engagement, et leur rôle incontournable est à considérer dans sa pleine mesure94(*).

L'ouverture régulière d'une action de groupe est soumise à des conditions, et pour agir valablement en justice, les acteurs doivent s'y conformer. En effet en pratique, une association intente une action, puis une fois que les juges tranchent le litige, en cas de succès de tout ou partie des prétentions du demandeur, des mesures de publicité sont mises en oeuvre pour que toute personne répondant aux critères définis par le juge dans les conditions arrêtées par celui-ci pour le cas considéré, et souhaitant se joindre au « groupe » aux fins d'indemnisation se fasse connaître. Un agrément est exigé pour l'association demanderesse, qui doit notamment être déclarée au moins cinq ans avant l'exercice de l'action, et s'assurer que son objet social correspond aux intérêts défendus par ladite action. Enfin, elle doit avoir mis en demeure la personne contre laquelle elle souhaite agir, de cesser ou faire cesser le manquement dont elle se plaint ou de réparer les préjudices causés.95(*) Il s'agit de ce qui précède la réalité du Droit français.

Les causes défendues par les actions dont il est question ici sont celles tendant à protéger l'environnement commun.

Le but ainsi poursuivi peut se retrouver de façon directe ou indirecte dans ces causes et actions. Par exemple, lorsqu'une association agit contre un industriel en raison des dommages causés à la santé des riverains par les fumées émises par ses usines, l'action ne vise pas « seulement » la protection de la santé des riverains mais elle vise aussi celle de l'environnement, l'une étant le corollaire de l'autre. Ainsi en principe, la législation relative à ces causes et actions devrait leur être favorable, mais il semble que tel n'est pas le cas, et qu'au contraire, elle fait obstacle à la défense de ces causes.96(*)

Il importe de souligner que telles qu'elles sont prévues, les actions de groupe en matière d'environnement constituent bien une catégorie d'actions venant en complément de celles existantes : elles ne se substituent à aucune autre action et corrélativement elles n'excluent pas, ni in se ni a priori, l'exercice d'aucune d'entre ces actions. S. Guinchard écrit qu'elles « n'emporte[nt] pas abdication et laisse[nt] à chacun le libre exercice de son action individuelle.

En ce sens, des auteurs relèvent qu'elles constituent une valeur ajoutée pour l'environnement. Elles présentent entre autres avantages de satisfaire à des préoccupations de justice distributive97(*)

Ces éléments permettent de mieux comprendre le caractère collectif des causes défendues par les associations lorsqu'elles agissent pour la défense de l'environnement. Lesdites

Il faut faire un résumé de ces éléments en insistant sur la différence entre une acton individuelle, une action de groupe et une action collective.

actions peuvent appartenir à la catégorie des actions collectives selon plusieurs approches.98(*)

Le juge judiciaire en droit français a facilité l'accès au prétoire des personnes agissant aux fins de réparation des atteintes à l'environnement. Il a été encouragé en cela par le législateur français et plus spécialement par la loi Barnier de 1995 qui a donné une habilitation générale « aux associations agréées de protection de l'environnement » afin qu'elles puissent exercer « les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre (...). A titre d'illustration, une association de défense du milieu aquatique a été déclarée recevable à agir dans un cas de pollution marine par hydrocarbures. Les juges de la Cour d'appel de Rennes ont considéré que cette pollution lésait « les intérêts défendus par l'association qui a pour obligation statutaire de protéger la qualité de l'eau et notamment les estuaires et rivages marins et les eaux de mer, lieux de séjour ou de passage des espèces migratrices ». Il est remarquable de constater ici que les juges se réfèrent à l'objet statutaire de l'association ce qui montre à quel point la précision des statuts est importante99(*).

Les associations jouent un rôle de veille et d'alerte qui permet aux pouvoirs publics d'engager les actions nécessaires, d'enquête ou de poursuite. En outre, les associations doivent disposer d'un droit propre à engager l'action civile environnementale, soit pour lutter contre l'éventuelle inertie de l'autorité publique à agir soit, et en tout état de cause, intervenant aux côtés des pouvoirs publics, pour soutenir et compléter leur action.100(*)

Il se dégage à cet effet que, les associations jouent un très grand rôle en matière environnementale, souvent ce sont les associations qui dénoncent les pollutions et d'autres dommages à l'environnement dont provoquent les activités pétrolières aux populations périphériques. Elles constituent à cet effet, des acteurs majeurs de mise en oeuvre de la responsabilité environnementale devant le juge congolais, mais pour ce faire, encore faut- il que la qualité d'agir en justice leur soit reconnue en matière environnementale cela de manière expresse par une loi spécifique relative à la responsabilité environnementale.

Ceci interpelle une fois le législateur congolais à l'instar de celui français de doter aux associations d'intérêt environnemental d'une législation adaptée pour se constituer partie civile en vue de la mise en oeuvre effective de la responsabilité environnementale

Lire les articles 134 du Code Forestier de 2002 et 108 de la Loi sur l'eau de 2015.

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- Les acteurs publics

Les acteurs publics s'avèrent atypiques, singulièrement s'ils sont comparés aux autres principaux acteurs de la responsabilité civile environnementale, à savoir les particuliers, qui sont ainsi qualifiés (de principaux) ne serait-ce que par leur nombre. Le constat des caractères inhabituels retrouvés chez ceux-ci s'applique également en cas de comparaison avec les associations dont il s'est agi précédemment. Mais le cadre dans lequel ces acteurs sont observés présente lui aussi des éléments amenant à conclure à l'originalité de l'environnement en tant que domaine, comme de la responsabilité civile environnementale.101(*)

Il sera expliqué que les acteurs publics sont identifiés à la fois en tant que protagonistes de la responsabilité civile environnementale et, plus largement, du droit de l'environnement. Pour ainsi dire, ils « s'invitent » dans la sphère privée de cette responsabilité.

Les protagonistes en responsabilité civile, qu'elle soit ou non environnementale, sont habituellement et majoritairement des personnes privées.

Ceci n'empêche pas de reconnaître que les acteurs publics, sous une forme ou sous une autre, s'y invitent fréquemment à l'instar de tiers intervenants à part entière. Cette intervention est principalement due aux missions de contrôle et d'autorisation de l'État, car la « puissance » publique dispose de pouvoirs importants en matière d'environnement. Les choix qui en résultent étant susceptibles d'avoir des conséquences significatives sur la santé comme sur la qualité de vie des personnes vivant sur son territoire102(*) .

L'analyse de la responsabilité civile environnementale s'avère complexe, dans la mesure où cette discipline résulte de la combinaison de la responsabilité civile et du droit de l'environnement, mais aussi lorsqu'elle est abordée par le prisme des acteurs qui y interviennent, et spécifiquement ici, des acteurs publics. Cette discipline réunit des intérêts qui, en pratique, s'opposent volontiers, davantage qu'ils ne se recoupent, même s'ils convergent en théorie, comme le prouve l'identité juridique de certains intervenants dans des rapports privés d'obligation dont il résulte la réunion d'acteurs publics et privés autour de l'intérêt environnemental et de l'intérêt de l'être humain. Cet intérêt apparaît par le truchement des missions des acteurs publics dont celle d'assurer la salubrité aux usagers du service public103(*).

Le pouvoir public, entre autre les collectivités territoriales souvent alertées sur les activités territoriales n'ont pas à rester inactives en matière de responsabilité environnementale. L'Etat avec tous ses moyens peut, à cet effet, se constituer partie civile contre les entreprises pétrolières en vue d'obtenir la réparation des préjudices environnementaux. L'action civile déclenchée par le pouvoir public se démontre efficace pour la mise en oeuvre et l'aboutissement de la responsabilité environnementale des entreprises extractives du pétrole.

Un cas de jurisprudence vient étayer les théories ci haut présentées, accordant la qualité d'agir aussi bien aux associations d'intérêt environnementale qu'aux collectivités publiques. Cette affaire mettait en scène la société Total SA, une des plus grandes entreprises pétrolières et gazières mondiales. L'Erika était un navire battant pavillon maltais, transportant 30 884 tonnes de fuel lourd de Dunkerque (France) à Livourne (Italie). Durant la traversée, le navire a subi un bris dans sa coque entraînant le 12 décembre 1999 son naufrage en zone économique exclusive, à une trentaine de milles nautiques au sud de la pointe de Penmarc'h, en Bretagne. La cargaison de l'Erika se trouvant désormais à la mer a entraîné une marée noire, qui a provoqué des ravages écologiques lourds. Des opérations de pompages ont été faites, mais n'ont pas permis d'intégralement récupérer tout le fuel s'étant propagé dans l'océan et donc il restait 20 000 tonnes de fuel irrécupérables.

Par ailleurs, 400 kilomètres de la côte bretonne ont été souillés et le nombre d'oiseaux décédés a été estimé entre 80 000 et 150 000. Un procès au civil s'en est suivi où diverses communes, qui ont vu leur environnement pollué par le déversement causé par le naufrage de l'Erika, ainsi que des associations environnementales telles que la Ligue de protection des oiseaux, ont poursuivi notamment les sociétés Rina et Total SA afin de réclamer des dommages-intérêts pour divers préjudices. Parmi ces derniers se trouvait le préjudice écologique. En première instance, le Tribunal de Paris a reconnu que les associations environnementales pouvaient réclamer ce chef de préjudice en le distinguant explicitement du préjudice matériel et moral :

« Par voie de conséquence, lorsque des faits constituent une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement, à l'amélioration du cadre de vie, à la protection de l'eau, de l'air, des sols, des sites et paysages ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances, les associations auxquelles la loi confère la faculté d'exercer les droits reconnus à la partie civile, conformément aux premier et second alinéas de l'article L. 142-2 du code de l'environnement, peuvent demander réparation, non seulement du préjudice matériel et du préjudice moral, directs ou indirects, causés aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre, mais aussi de celui résultant de l'atteinte portée à l'environnement, qui lèse de manière directe ou indirecte ces mêmes intérêts qu'elles ont statutairement pour mission de sauvegarder. »104(*)

Réduire en deux ou trois paragraphes ces éléments qui sont du droit français.

De ce qui précède, pour une effective mise en oeuvre de la responsabilité environnementale en droit congolais, la législation congolaise doit s'adapter au contexte de l'évolution du droit de l'environnement en organisant expressément l'action collective des associations en ce qui est de la réparation du préjudice environnemental par l'exploitation des hydrocarbures pétrolières.

En effet, il ne doit pas seulement s'agir de la personne victime ayant subi directement le dommage qui doit avoir la qualité d'agir en justice contre l'exploitant pétrolier mais aussi les associations congolaise de défense de l'environnement ainsi que les collectivités territoriales proches des milieux d'activités d'extraction.

2. Les modes de preuve

Cfr Plan du travail

En droit de l'environnement, pour une réparation du préjudice environnemental, il se pose aussi un problème de preuve dans ce domaine. En effet, l'enjeu est bien de convaincre le juge de la vérité d'une allégation. En raison de la complexité des litiges environnementaux, cela ne va pas de soi suite à des incertitudes qui caractérisent le domaine environnemental, pour ce faire deux propositions s'avèrent importantes entre autre la facilitation et l'allègement de la preuve dans le procès environnemental105(*)

1. Faciliter la preuve en matière environnementale

Dans certains systèmes juridiques

Donnez une illustration d'un de ces systèmes

c'est le droit substantiel lui-même et non le droit processuel qui peut être source de facilitation de la preuve. En effet, il existe certaines règles de droit qui, en décrivant précisément les conditions de qualification d'un élément présent au litige permettent au demandeur d'y trouver un appui en termes de preuve. Les précisions légales concernant la qualification d'un fait ont des implications sur le plan processuel lorsqu'il s'agit de le prouver en ce qu'elles permettent au demandeur de s'y référer pour « bien prouver » et ainsi convaincre le juge.106(*)

Pour signifier que dans le souci de faciliter la preuve en matière environnementale face à l'incertitude scientifique liée au progrès technique, le législateur congolais doit doter les justiciables des règles juridiques substantielles qui déterminent les modalités de preuve en matière environnementale.

L'exemple est éloquent en Droit français, ici en droit de la responsabilité civile, la loi sur la Biodiversité qui a consacré le régime de responsabilité civile pour préjudice écologique lui apporte une définition. Selon l'article 1247 du Code civil, « est réparable, dans les conditions prévues au présent titre, le préjudice écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement ». Pour démontrer ce caractère non négligeable, les demandeurs pourraient trouver appui dans le décret d'application du 26 avril 2009 de la loi du 1er août 2008 relative à la prévention et réparation des dommages environnementaux qui transpose la directive 2004/35 sur la responsabilité environnementale.

S'il s'agit ici d'un régime de police administratif, il n'empêche que les parties et juges pourraient bien y trouver inspiration lorsqu'ils seront appelés à réparer le préjudice écologique. Ce décret manifeste une grande précision quant à la manière dont il convient d'apprécier le degré de l'atteinte à l'environnement en distinguant clairement les atteintes aux sols, à l'eau, aux habitats et aux espèces.107(*)

Pour ce faire, le cadre juridique congolais de l'environnement doit se doter de textes qui rendent facile la preuve en matière de l'environnement, en les organisant de manière claire et expresse par le droit substantiel étant donné que dans le contexte actuel, le droit congolais de l'environnement ne facilite pas la preuve du préjudice environnemental, une loi spécifique sur la responsabilité environnementale pourrait combler les lacunes.

2. Alléger la charge de la preuve

Une autre modalité judiciaire permettant de faciliter la preuve en matière de préjudice environnemental dû aux activités pétrolières est celle de l'allégement de la charge de la preuve pour une effective mise en oeuvre de la responsabilité environnementale.

Dans la grande majorité des procès, comme il en est du droit procédural congolais, la charge de la preuve incombe aux demandeurs. Ce sont eux qui doivent convaincre le juge du bien-fondé de leur action. Il s'agit alors de trouver des solutions permettant d'alléger cette charge en tenant compte notamment du contexte d'incertitude scientifique.

Cela consiste généralement dans le déplacement de l'objet de la preuve avec le recours aux présomptions108(*).

- Le déplacement de l'objet de la preuve

Dans un litige environnemental caractérisé par une incertitude scientifique et donc la difficulté de prouver, le principe de précaution, s'il ne permet pas un véritable renversement de la charge de la preuve, invite à apprécier plus souplement l'exigence de preuve qui incombe au demandeur.

C'est en ce sens que la Convention de Lugano sur la responsabilité civile résultant d'activités dangereuses pour l'environnement, sans mentionner le principe ni donner plus de précision sur les techniques à mettre en oeuvre, s'intéressait à la difficulté de prouver en lien avec les activités

Que doit on retenir de ces éléments de manière concise?

dangereuses et prévoyait que les États signataires devraient inviter le juge « à tenir dûment compte du risque accru de provoquer le dommage inhérent à l'activité dangereuse »109(*). Si, plusieurs raisonnements juridiques peuvent permettre un tel assouplissement, l'étude réalisée montre que finalement, au regard d'un échantillon de juridictions étudiées, beaucoup reviennent à admettre la preuve par présomption qui suppose un déplacement du fait à prouver, l'objet de la preuve glissant du fait qu'il s'agit en définitive d'établir à un autre fait qu'il suffira de démontrer à sa place. C'est le cas, à titre d'exemple, dans l'ordre international (1) et dans l'ordre interne (2)110(*)

- Dans l'ordre international

Le niveau international nous paraît être un niveau d'analyse pertinent, en raison du fait que les contentieux les plus emblématiques de l'incertitude scientifique finissent par être

Est ce vraiment important de discuter de déplacement de l'objet de la preuve dans les deux ordres juridiqes : international et interne. Si oui, il faudra alors insister sur les aspects essentiels.

tranchés à ce niveau. Dans les contentieux emblématiques de l'incertitude scientifique, biotechnologies, résistance aux antibiotiques, effets des hormones et des médicaments sur la santé humaine, les juridictions internationales allègent généralement le fardeau de la preuve en admettant que l'on puisse se contenter de présomptions de preuve. Pour autant, il va de soi que des intuitions purement spéculatives sans aucun fondement scientifique sont exclus du champ d'application du principe de précaution111(*).

C'est le cas dans l'affaire NICARAGUA, La Cour internationale de Justice, quant à elle, dans son arrêt rendu le 2 février 2018 en l'affaire Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa-Rica c. Nicaragua) reconnaît que, s'agissant des dommages à l'environnement, la preuve du lien de causalité peut être problématique.

Parce qu'ils sont possiblement attribuables à plusieurs causes concomitantes ou que le lien de causalité ne peut pas toujours être démontré avec certitude, compte tenu de l'état des connaissances scientifiques, la Cour appréciera au cas par cas les difficultés de preuve « à la lumière des faits propres à l'affaire et des éléments de preuve présentés à la Cour ». La preuve probabiliste est donc largement admise au niveau international, même si, dans tous les cas, elle demeure inadaptée au contexte de grande incertitude scientifique112(*).

Il se démontre que la preuve par présomption d'activité dangereuse est adaptée aux activités d'hydrocarbure, le juge présumera à cet effet, que le risque de l'extraction du pétrole sur l'environnement est imminent et allègera ainsi la preuve.

- En droit interne comparé

Du côté de l'ordre interne, en particulier en droit privé français, la preuve par présomption est plus strictement encadrée. Elle consiste « pour le législateur ou la jurisprudence à ordonner au juge de tenir pour avéré jusqu'à preuve du contraire un fait inconnu que la preuve d'un autre fait voisin ou connexe permet d'induire ».

Comme Loïs Raschel l'a démontré dans sa thèse sur « Le droit processuel de la responsabilité civile », les présomptions sont largement utilisées. Or, dans notre domaine d'étude, la responsabilité civile environnementale n'y échappe pas avec une forte utilisation des présomptions de fait en particulier pour démontrer l'un des éléments les plus difficiles à démontrer dans un contexte d'incertitude : le lien de causalité.113(*)

Ainsi dans le domaine environnemental, le juge judiciaire a développé le système de preuve par la négative consistant à retenir le fait invoqué à défaut de toutes autres causes possibles. À titre d'exemple, le tribunal de grande instance d'Albertville a ainsi admis la réparation du dommage constitué par une mortalité anormalement élevée des abeilles au motif qu'« à défaut de toute autre cause, la mortalité des abeilles qui, au printemps, descendaient chercher le nectar dans des zones proches mais plus ou moins polluées et dangereuses, ne peut donc s'expliquer que par l'intoxication par le fluor », pendant que la cour d'appel de Caen admettait que les demandeurs ont bien démontré la cause de pollution invoquée doit être retenue dès lors « qu'une corrélation entre la mortalité des bovins et la pollution n'est pas exclue », le lien de causalité est établi.114(*)

Ce mécanisme de preuve par présomption en Droit français est adapté au souci de faire face à l'incertitude scientifique à la base des activités dangereuses liées à l'exploitation du pétrole. Pour ce faire, les actions contre les exploitants pétroliers aboutiront à la réparation par cette facilitation des preuves entre autre la mise en place dans le cadre congolais d'une loi sur la responsabilité environnementale précisant les preuves des dommages environnementaux, mais aussi la consécration légale du principe de preuve par présomption en matière environnementale, pour alléger les victimes de la charge de la preuve souvent difficile dans le domaine environnemental.

* 79Idem, p.18.

* 80 Dr.kihangi bindu Kennedy, justiciabilité du droit de l'environnement consacré par la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, in revista catalana de dref ambieta, vol.IV, main 2023,p.30.

* 81 CUCHE et VINCENT, Procédure civile et commerciale, paris, 1960, P.13.

* 82 Guy Canivet, Luc Lavrysen & Dominique Guihal, op.cit., p.18

* 83 Claude ilunga watuil, procédure civile : manuel d'enseignement, ULPGL/faculté de droit, 2017, p.18

* 84 Flore JEAN-FRANÇOIS, Responsabilité civile et dommage à l'environnement, thèse pour l'obtention du doctorat en droit, Université des Antilles, octobre 2018, 228

* 85 Idem. P.230

* 86 Flore JEAN-FRANÇOIS, op.cit. p.243

* 87 Pr. ILUNGA WATUIL, op.cit., p.24

* 88 Flore JEAN-FRANÇOIS, op.cit., p.270

* 89 E. Fernandez, les controverses autour de l'intérêt à agir pour l'accès au juge constitutionnel : de la défense du droit a l'environnement (Costa Rica) et la défense des droits de la nature (équateur), in https://journals.openeditio,.org/vertigo/16214. Consulté le 28noctobre 2020 à 14h.

* 90 Flore JEAN-FRANÇOIS, op.cit., p.268

* 91 Soumaala AOUBA, la réparation du dommage environnemental causé par la pollution par des déchets en droit international de l'environnement, mémoire de master2, université de limoge, Faculté de Droit et de science économique, 2010, p.85.

* 92 Flore JEAN-FRANÇOIS, op.cit., p.262

* 93 Idem, P.117

* 94 Idem, P.169

* 95 Flore JEAN-FRANÇOIS, op.cit., P.174

* 96 Idem

* 97 L. CADIET, préf. in M. J. AZAR-BAUD, Les actions collectives en droit de la consommation. Étude de droit français et argentin à la lumière du droit comparé, thèse, Université Paris 1Panthéon-Sorbonne et Université de Buenos Aires, « Nouvelle bibliothèque de thèses », Dalloz, 2003, p. 11

* 98 Flore JEAN-FRANÇOIS, op.cit., p.117

* 99 Laurent NEYRET, La réparation des atteintes à l'environnement par le juge judiciaire, Cour de cassation, actes de Séminaire « Risques, assurances, responsabilités » 24 mai 2006, p.6

* 100 Yann Aguila, Dix propositions pour mieux réparer le dommage environnemental, environnement, n° 7, Juillet 2012, p.6

* 101 Flore JEAN-FRANÇOIS, op.cit. p.182

* 102 Idem, p.183

* 103 Flore JEAN-FRANÇOIS, op.cit. p.2185

* 104 Christine Pham, L'introduction d'un régime de responsabilité civile pour le préjudice écologique dans le corpus juridique Québécois, Mémoire présenté en vue de l'obtention du grade de maîtrise en droit, LL.M, Université de Montréal, faculté de droit, 2018, p.36

* 105 Eve Truilhé-Marengo et Mathilde Hautereau-Boutonnet, Le procès environnemental, paris Hall, 2019, P.121

* 106 v. M. Hautereau-Boutonnet, « Le risque de la preuve en droit de l'environnement », in La preuve, regards croisés, dir. L. Cadiet, C. Grimaldi, M. Mekki, Dalloz, Thèmes et commentaires, 2015, p. 85

* 107 Eve Truilhé-Marengo et Mathilde Hautereau-Boutonnet, op.cit., p.122.

* 108 : E. Vergès, G. Vial et O. Leclerc, Droit de la preuve, PUF/Thémis, 2015, p. 240

* 109 Article 10 de la convention européenne sur la responsabilité civile des dommages résultant d'activités dangereuses pour l'environnement, in https://rm.coe.int/168007c084 20 septembre 2020 à 20Heures.

* 110 Eve Truilhé-Marengo et Mathilde Hautereau-Boutonnet, op.cit., p.126

* 111 Sadeleer (N.), Les principes du pollueur-payeur, de prévention et de précaution : essai sur la genèse et la portée juridique de quelques principes du droit de l'environnement, Bruylant, Bruxelles, 1999, p. 176

* 112 Eve Truilhé-Marengo et Mathilde Hautereau-Boutonnet, op.cit., p.127

* 113 Eve Truilhé-Marengo et Mathilde Hautereau-Boutonnet, op.cit., p.128

* 114 Idem, p.130

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard