I.2.3. Le renouvellement urbain comme action
planifiée et volontariste des pouvoirs publics
Renouvellement planifié ou groupé, car son
action est généralement concentrée sur un espace
circonscrit, ou encore d'initiative publique, car il a lieu dans le cadre
d'opérations planifiées d'aménagement. On observe ici une
forme de renouvellement bien plus récente que le renouvellement diffus.
C'est le préfet Haussmann qui a mis au point la formule du
renouvellement groupé la plus efficace, en le concevant comme
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une opération d'urbanisme complète10,
associant un véritable remembrement urbain à une opération
de démolition et de reconstruction : la réalisation des
percées intégrait en effet la maîtrise foncière d'un
secteur, son dégagement, sa viabilisation, et finalement sa
reconstruction en accord avec un plan d'ensemble. Par la suite, les grands
conflits du XXe siècle ont apporté des modifications,
complétant et étendant les procédures de renouvellement
planifié.
L'innovation a surtout été introduite à
l'issue de la guerre de 1939-1945, qui a dévasté l'Europe et a
nécessité la mise au point de procédures permettant
d'appréhender les chantiers d'ampleur que représentaient toutes
ces cités détruites. La reconstruction de la Seconde Guerre
mondiale s'est inspirée des théories de la Charte
d'Athènes, où l'on a décidé de reconstruire en
rupture avec le passé, profitant ainsi de l'opportunité
présente de « changer la ville » en changeant son plan38. La
reconstruction de la Seconde Guerre mondiale, et donc le « renouvellement
» des cités détruites, porte ainsi le signe d'un double
changement : on change d'échelle dans les opérations tout en
changeant de référentiel.
Les opérations postérieures dites de «
rénovation urbaine » ont été conçues sur le
modèle de la reconstruction : elles reposent en France sur une
procédure définie en 1958 et intégrée au Code de
l'urbanisme.
À l'instar de la reconstruction, l'objectif consiste
à restructurer les centres urbains en les modernisant (remembrement
foncier) tout en apportant aux habitants des conditions modernes d'habitat
(confort) dans des immeubles respectant les principes de la Charte
d'Athènes (air, lumière et espace). La procédure
comprenait des phases opérationnelles successives permettant à la
municipalité d'acquérir les terrains, de démolir les
constructions anciennes, de remettre en état les sols et de céder
les terrains viabilisés aux constructeurs.
Le renouvellement urbain groupé, stratégique et
planifié, apparaît donc lors des grandes mutations urbaines qui
suivent les crises démographiques, politiques, économiques ou
technologiques ou encore lors des catastrophes naturelles, il utilise
l'ensemble des outils législatifs et opérationnels
développés par les pouvoirs publics pour gérer ces crises
et maîtriser cette transformation. Ici, le renouvellement est la
conséquence d'une intervention des pouvoirs publics avec un cadre
réglementaire (expropriation, remembrement) défini et
adapté à ces opérations d'ampleur qui ne concernent pas un
seul immeuble ou une seule parcelle, mais un ensemble (îlot ou
quartier).
D'une certaine manière, l'ampleur des opérations
explique la méthode adoptée, basée sur la planification :
en effet, depuis Haussman, on sait qu'une programmation urbaine reposant sur un
plan permet de structurer avec succès de vastes opérations de
réaménagement. On se trouve donc typiquement dans un urbanisme
où la décision émane du sommet, en général
de l'État, et s'impose aux acteurs de terrain à travers le plan.
Cette situation est caractéristique des débuts de la
structuration de l'urbanisme
10 RAHAL Kaoutar. (2012). Reconstruire la ville sur la
ville, Magister en Architecture, UNIVERSITE BADJI MOKHTAR, Annaba, p8.
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en tant que politique publique11. Elle est aussi
caractéristique d'une forme particulière de régulation,
appliquée à la régénération des tissus
urbains : la régulation organisationnelle de
contrôle12.
Ainsi, avec l'émergence de la société
moderne, l'urbanisme de renouvellement est-il passé de l'implicite
à l'imposé ? On observe donc, sans surprises, l'émergence
d'une régulation de contrôle du développement urbain et de
son renouvellement, qui vient se substituer en partie (mais pas totalement, le
renouvellement diffus continuant à être pratiqué) à
une régulation plus autonome du renouvellement urbain.
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